Category Archives: Préhistoire

La Dame de Vix et sa demeure

Sur le plateau supérieur du Mont Lassois, en Côte-d’Or, en Bourgogne, des prospections géophysiques, menées par des étudiants et professeurs de la Hochschule für Technik de Stuttgart, avaient révélé, entre 2004 et 2006, les contours d’une ville à plan orthonormé au centre duquel se trouve un grand bâtiment. Depuis lors, une équipe d’archéologues français, allemands et autrichiens s’est attelée au dégagement de cette agglomération datée de la fin du Premier âge du fer, soit des 6e et 5e siècles avant notre ère. Rappelons que c’est au pied de cette colline que fut découverte, en 1953, une tombe recouverte d’un grand tumulus de 42 m de diamètre dans laquelle fut trouvée, entre autres, un grand cratère en bronze de 1,63 m de hauteur et la dépouille funéraire, richement parée, d’une femme trentenaire, dite la Dame de Vix, du nom du village voisin du site.

Fouilles au Mont Lassois
Fouilles au Mont Lassois (Photo: Jeff Pachoud, AFP)

Lors de la campagne de fouille de cette année, qui s’est terminée le 10 août, une grande demeure de 35 mètres de long sur 21,5 mètres de large a été mise au jour. Cette construction s’appuie sur des poteaux en bois, aux murs faits de clayonnage enduits d’ocre, dont le plan général rappelle celui d’un mégaron grec, avec des murs en avancée soutenant un porche et une abside en demi-cercle. Ce modèle de bâtiment, constitué par une grande salle quadrangulaire précédée d’un vestibule, atteste de l’influence des cultures méditerranéennes, grecque et étrusque, sur la civilisation celte. Il pourrait constituer, selon l’équipe dirigée par Bruno Chaume, chercheur au CNRS, de la résidence principale de la Dame de Vix. A moins qu’il ne s’agisse, plus prosaïquement, d’un édifice à caractère religieux.

Parure de mollusques

Une équipe de recherche archéologique internationale, composée de chercheurs marocains de l’Institut National des Sciences et du Patrimoine (INSAP), anglais de l’Université d’Oxford, français du Centre National de la Recherche Scientifique (CNRS), allemands du Römisch-Germanisches Zentralmuseum (RGZM) et australiens de l’Australian National University (ANU) vient d’annoncer la découverte dans la grotte des Pigeons, près de Taforalt dans la région de Berkane au Maroc, des plus anciens éléments de parure connus à ce jour, puisqu’ils dateraient d’au moins 82’000 ans avant notre ère. Ces éléments de parure consistent en des coquilles de mollusque perforées en leur centre, de l’espèce Nassarius gibbosulus, dont une douzaine d’exemplaires a été mise au jour depuis trois ans. De plus, les coquilles retrouvées ont une couleur rougeâtre, due à l’application volontaire d’ocre, et, elles présentent une légère usure au même endroit, preuves, selon les chercheurs, de leur utilisation comme pendentif.
La grotte des pigeons
Vue intérieure de la grotte des Pigeons

La grotte des Pigeons s’était déjà fait connaître, il y a quelques années, par la découverte de restes humains en contexte funéraire datés entre 12’000 et 11’000 avant notre ère. Si la datation bien plus ancienne des mollusques est confirmée, il ne restera plus à l’équipe d’archéologues, co-dirigée par le marocain Abdeljalil Bouzouggar et l’anglais Nick Barton, que de trouver les vestiges des porteurs de ces parures. La découverte de ces individus nous permettrait, le cas échéant, de compléter nos connaissances sur le groupe humain qui peuplait l’Afrique du Nord au début de l’émergence d’Homo sapiens. Nul doute alors que l’on entendrait à nouveau parler de la grotte des Pigeons.

Un gnomon de l’âge du Bronze ancien au Mont Bégo

Le site archéologique du Mont Bégo dans les Alpes Maritimes en France est depuis longtemps connu du monde archéologique pour conserver sur les surfaces rocheuses de la Vallée des Merveilles plus de 40’000 pétroglyphes. Parmi ceux-ci, un chercheur du Musée d’Anthropologie préhistorique de Monaco, Jérôme Magail, a isolé une série de 36 gravures qui, associée à l’ombre d’une arrête artificiellement taillée dans le roc, tel le style d’un cadran solaire, forment ensemble une sorte de gnomon. En effet, du 21 juin, date du solstice d’été, au 14 septembre, date de la désalpes des troupeaux, le sommet de l’ombre portée par l’arrête vient se poser en fin d’après-midi devant l’une ou l’autre des figures gravées, suivant la marche des jours, et selon un cycle immuable chaque année. Ce phénomène est présenté en animation sur le site dédié à cette recherche.

Mont Bégo

La roche au gnomon

Les pétroglyphes gravés au pied d’une roche lisse inclinée selon l’axe est-ouest représentent des poignards et des têtes de bovidés. La forme triangulaire des lames de poignards gravés attribuée à un type connu à l’âge du Bronze ancien suggère une datation aux alentours de l’an 2000 av. J.-C. Ce gnomon pourrait ainsi constituer l’un des plus anciens calendriers estivaux du monde. Après les dernières recherches autour de Stonehenge et des autres sites mégalithiques, et surtout après la découverte du disque de Nebra en Allemagne, une telle observation ne surprend guère, mais apporte aux spécialistes, une nouvelle grille d’interprétation pour donner un sens aux figures représentées.

Le vase de Mathay

Le village de Mathay, situé dans le département du Doubs en France, était connu jusqu’à présent, archéologiquement parlant, comme un faubourg de la ville romaine de Mandeure près de Montbéliard. Dorénavant elle sera également célèbre pour le trésor remarquable contenu dans un vase mis au jour lors d’une campagne de recherche effectuée sur le territoire de cette commune par trois prospecteurs affiliés à la Fédération nationale des utilisateurs de détecteurs de métaux (FNUDEM). Mais avant le trésor, ce qu’il y a surtout de remarquable dans cette découverte c’est qu’elle a été faite par des utilisateurs de détecteur à métaux qui ont immédiatement fait part de leur importante découverte aux autorités communales et archéologiques compétentes comme l’exige le nouveau code du patrimoine français. Le trésor, proprement dit, est constitué par un ensemble de plus de 1400 pièces de parures féminines de l’âge du Bronze final. La découverte telle que relatée dans Le Monde du 10 avril annonce la mise au jour de « plusieurs colliers faits de perles de verre, d’ambre et de feuilles d’or enroulées ; une série de bracelets différents en bronze ; une ceinture articulée constituée de maillons de bronze dotés de pendeloques ; des anneaux de cheville en bronze; des plaques de 10 cm de long recouvertes d’une feuille d’or, qui devaient être cousues sur un costume, et enfin une quantité étonnante de petits anneaux de bronze enfilés en série. Le dépôt contient aussi plusieurs sphères en tôle de bronze de quatre centimètres de diamètre revêtues d’une feuille d’or ». Grâce à cette découverte en ensemble clos et à l’assemblage des différents types représentés, on peut dater l’enfouissement des vestiges aux alentours de l’an 1000 avant J.-C.

Trésor de Mathay

Une partie du contenu du vase de Mathay (photo J.-F. Piningre)

Les conversations sur le forum des prospecteurs, nous apprennent qu’ils se félicitent d’avoir déclaré le trésor et de ce que, dans cette affaire, tout se soit bien passé avec la direction du Service régional d’archéologie de Franche-Comté. En outre on y découvre des photos du trésor lors de sa découverte et après l’extraction du vase dans un plâtre. La FNUDEM se targue d’avoir déjà déclaré une dizaine de trésor, plus de 2500 sites archéologiques inédits et des milliers d’artéfacts et de monnaies, dont certaines inédites. Grâce à l’exemple d’amateurs honnêtes comme Eric Rovert, l’inventeur du vase de Mathay, la collaboration entre les archéologues et les prospecteurs ne peut que s’en trouver renforcée.

Flamme éternelle

A une semaine de la Saint-Valentin, l’archéologue italienne Elena Menotti, directrice de la cellule d’intervention archéologique de Mantoue, ne pouvait faire de découverte moins emblématique que celle d’un couple de squelettes apparemment tendrement enlacé. La tombe, qui fait partie d’une nécropole, a été mise au jour lundi sur le chantier de construction d’une usine à San-Giorgio dans la banlieue de Mantoue. D’après l’outillage en silex récolté sur place, le site serait daté du Néolithique, entre 4000 et 3000 avant J.-C. Comme Mantoue se trouve assez près de Vérone, il n’en faut pas plus pour que la presse internationale n’évoque la mémoire des amours contrariées de Roméo et Juliette, et de leur dernier baiser.

Love story

Une histoire d’amour préhistorique?

Ce double enterrement d’un homme et d’une femme n’est cependant pas unique. Une des tombes de la Grotte des Enfants de Grimaldi, en Italie, actuellement exposée au Musée d’anthropologie préhistorique de Monaco et datant du Paléolithique supérieur présente dans une attitude assez proche un jeune garçon, d’environ quinze ans avec une femme plus âgée. Hyppolite et Phèdre ?

Révélations sur les bâtisseurs de Stonehenge

Il y a de cela quelques années, on a retrouvé le village des ouvriers œuvrant à l’édification des pyramides du plateau de Gizeh. En septembre 2006, à l’emplacement de Durrington Walls, a été mis au jour un site d’habitat contemporain de la phase initiale de construction de Stonehenge, soit vers 2600 av. J.-C. Cette découverte résulte des fouilles menées dans le cadre du Stonehenge Riverside Project, une vaste étude de l’ensemble de la zone entourant le célèbre cercle de pierres mégalithiques, dans laquelle sont impliquées six universités britanniques. A l’instar de ce qui s’est passé pour la connaissance de la civilisation égyptienne et des pyramides de Gizeh, cette découverte effectuée aux alentours de Stonehenge devrait nous faire connaître davantage la population et la société à l’origine de ce haut lieu de la préhistoire européenne.

Durrington Walls

Champ de fouille d’une habitation de Durrington Walls

Le gisement découvert est situé à 2,8 km de Stonehenge, et se trouve lui-même enclos dans une vaste enceinte circulaire. Les fouilles ont permis de dégager huit habitations, d’une surface au sol de 23m2. Si l’ensemble de la surface enclose est bâti, cela pourrait constituer le plus grand village néolithique de Grande-Bretagne, selon Mike Parker Pearson, responsable principal du Stonehenge Riverside Project. D’autres découvertes importantes ont été réalisées ces derniers mois dans les environs. Pour en savoir plus, des photos et des vidéos sont accessibles sur le site Internet de la National Geographic Society, qui finance une partie des travaux.

L’énigme de Kéros

Tous les amateurs d’art connaissent l’esthétique dépouillée des idoles provenant de l’archipel des Cyclades en mer Egée, témoins d’une culture originale qui s’est épanouie à l’âge du Bronze Ancien entre 3200 et 2000 av. J-C. Cette notoriété a un prix, et pas seulement dans les ventes aux enchères, mais également d’un point de vue archéologique. En effet, sur quelques 1400 pièces répertoriées, seuls pour 40% d’entre elles le contexte de découverte est connu. Or, la moitié de celles dont on connaît l’origine exacte provient énigmatiquement de la petite île de Kéros, actuellement quasi déserte. C’est pour en savoir plus sur ces statuettes de marbre au visage plat dont les plus célèbres, Le joueur de flûte et Le harpiste furent justement trouvés sur cette île, qu’une équipe gréco-britannique conduite par Colin Renfrew a investi les lieux le printemps dernier et a entrepris des fouilles en divers endroits.

Les fouilles du site de Kavos sur l’île de Kéros

Sur le site de Kavos, une cache ayant échappé aux fouilleurs clandestins a été découverte. Elle a livré de nombreux fragments d’idoles, délibérément brisées, dont le marbre provient de Naxos, Amorgos ou Syros. Le nombre peu élevé de remontages entre les morceaux constitue la preuve de cette fragmentation volontaire et suggère également que les statuettes furent détruites ailleurs avant leur enfouissement final. Colin Renfrew avance l’idée que Kéros a pu servir de centre cérémonial des Cyclades, quelques 1500 ans avant que l’île de Délos ne la remplace dans ce rôle. Une nouvelle campagne de fouilles durant les mois de mai et de juin de cette année est d’ores et déjà programmée et amènera, peut-être, de nouvelles connaissances sur la fonction exacte de ces figurines et sur l’énigme de Kéros.