Les Aigles de Rome et les Barbares

J’ai profité de mon confinement entre Noël et Nouvel An pour me plonger dans une page sombre de l’histoire romaine, celle de la bataille de Teutoburg, qui vit l’anéantissement de trois légions, de six cohortes et de trois corps de cavalerie, au mois de septembre de l’an 9, comme Velleius Paterculus nous le rapporte dans son Histoire de Rome. Une bande dessinée (Les Aigles de Rome) et une série sur Netflix (Barbares), en ont fait leur sujet. Ce que j’ai trouvé remarquable, c’est que ces deux sources ont su tirer parti de toutes les informations historiques et archéologiques à disposition pour les intégrés dans la trame de leur scénario. Chacun de ces récits place naturellement Arminius, le chef de la coalition germanique, au centre de l’intrigue. Ce que l’on sait, c’est qu’Arminius était le fils de Segimer, chef de la tribu des Cherusques, qui fut élevé à la romaine, jusqu’à obtenir un rang d’officier dans les armées. Mise en ligne le 23 octobre 2020, la série de Netflix, nous le montre arraché à son père et à ses amis Folkwin et Thusnelda, pour en faire un quasi-fils adoptif de Publius Quinctilius Varus, légat consulaire commandant l’armée de Germanie, alors que, dans la BD, dessinée et scénarisée par Enrico Marini, un italien né et élevé en Suisse, l’éducation du jeune Germain Ermanamer est confiée par Auguste à Titus Valerius Falco, un centurion émérite, auprès duquel il reçoit le nom romain d’Arminius et devient l’ami de son fils Marcus. Les deux scénarios parviennent à tisser autour d’Arminius un faisceau d’amitié, de rivalité et d’amour entre les protagonistes. Il est à relever que dans les Barbares, les Romains parlent latin et en VO les Germains parlent allemand. Pour l’heure, les deux récits se terminent à l’issue de la bataille menée dans la forêt de Teutoburg. Mais une seconde série est déjà programmée sur Netflix, et un sixième tome des Aigles de Rome en préparation, pour nous offrir une suite.

Masque facial de cavalerie romaine (Photo : Museum und Park Kalkriese)

Dans l’environnement visuel de ces deux narrations, il est à relever qu’un soin tout particulier a été apporté aux accessoires et aux décors, ainsi qu’à l’équipement des combattants, basés sur des données archéologiques, comme le montre le masque d’apparat porté par Lépide dans les Aigles ou par Varus dans les Barbares. Ce masque résulte des recherches effectuées en vue de retrouver le site exact de la bataille de Teutoburg, car si de nombreuses sources antiques décrivent les circonstances dans lesquelles Varus a perdu la vie et les aigles des légions XVII, XVIII et XIX, ces textes manquent de précision quant à la localisation du désastre. En 1627, un pasteur et chroniqueur renomma une zone forestière, près de Detmold, en forêt de Teutoburg et à partir de là tout le monde était sûr que la bataille devait avoir eu lieu là ou dans les environs. Au cours des siècles, 700 théories différentes furent proposées, « mais aucune ne mène au champ de bataille », résumait en 1983 l’archéologue Wilhelm Winkelmann évoquant l’état des recherches. Cependant, à partir de 1987, le major Tony Clunn, membre de l’armée britannique sur le Rhin, à l’aide d’un détecteur de métaux, commence à faire de nombreuses découvertes de pièces et d’armes romaines dans la région de Kalkriese, soit à 70 km de l’ancien lieu présumé, où depuis 1875 se dresse une statue haute de 26m à la gloire d’Arminius. Depuis 1989, des fouilles archéologiques annuelles semblent confirmer la localisation de la fameuse bataille en mettant au jour des milliers de vestiges d’objets romains et d’éléments d’équipements militaires comme des épées, des poignards, des pointes de javelots, des balles de fronde, des flèches, des fragments d’armure, des casques, dont le magnifique masque facial, sans oublier tout l’équipement d’une armée en campagne : chaudrons, haches, clous, marteaux, amphores, etc. En 2000 un parc, puis en 2001 un musée archéologique conçu par les architectes suisses Anette Gigon et Mike Guyer, mettent en valeur le lieu et ces trouvailles archéologiques. Cependant, aujourd’hui encore, de nombreux historiens et archéologues doutent que Kalkriese soit le lieu exact du désastre de Varus.


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