Monthly Archives: December 2007

L’éternel féminin

Une collection unique d’idoles féminines de l’Orient Ancien, s’étendant sur une période de 10?000 ans, sont rassemblées au Musée d’Art et d’Histoire de Fribourg (MAHF) le temps d’une exposition, qui se tient jusqu’au 6 avril 2008, intitulée « L’Eternel féminin ». La plupart des 300 œuvres présentées sont des originaux provenant des collections Bible + Orient de l’Université de Fribourg. Des idoles néolithiques à la Vierge Marie, en passant par Isis, Artémis et Ashéra, on réalise l’importance de la femme dans l’histoire des religions, mêmes monothéistes.

L'éternel féminin
Des représentations de l’éternel féminin (photos : MHAF)

L’exposition apporte sur cette dernière, Ashéra, un éclairage intéressant puisque le commissaire de l’exposition, Othmar Keel, n’hésite pas à la présenter comme la compagne de Yahvé. Il se fonde d’une part sur des découvertes archéologiques qui montrent la présence dans les habitations de Judée entre le 8e et le 7e siècle avant notre ère, de nombreuses statuettes d’une divinité féminine à la poitrine protubérante (image ci-dessus à gauche), et, d’autre part, sur un examen minutieux des écrits bibliques où son nom apparaît cité à trente-neuf reprises, montrant l’importance de son culte à cette époque. L’hypothèse d’un couple divin Yahvé-Ashéra a été lancée par la mise au jour, lors des fouilles de 1975-76 du site de Kuntillet’Ajrud dans le nord du Sinaï, d’une inscription sur une poterie portant la dédicace à «Yahvé de Samarie et son Ashéra ». Pour en savoir plus sur l’Eternel et son pendant féminin lire le livre d’Othmar Keel paru aux éditions Labor et Fides «L’Eternel féminin, une face cachée du Dieu biblique» qui sert de catalogue à l’exposition.

Rouge pompéien

Ouverture, aujourd’hui à Rome, de l’exposition « Rosso pompeiano » qui comme son nom l’indique fait référence à la fameuse couleur « rouge pompéien ». Plus de 100 fresques qui ornaient des bâtiments privés et publics des villes de Pompéi et d’Herculanum et de grandes demeures de Campanie ont été réunies au Musée national romain situé dans le Palazzo Massimo. De nombreuses pièces, restaurées pour l’occasion, proviennent des dépôts du musée archéologique de Naples et n’ont pas été présentée au public depuis des années. D’autres fresques proviennent de la fouille d’une villa de Pompéi, mise au jour en 2000 lors de la construction d’une route près du site. En regard de ces œuvres pourront être comparées les fresques de l’exposition permanente du Musée national romain provenant de Rome, en particulier de la maison de Livie, épouse d’Auguste. L’exposition, qui se tient jusqu’au 30 mars 2008, présente ainsi un survol complet de la peinture romaine du 1er siècle avant J.-C. à la date de l’éruption du Vésuve en l’an 79 de notre ère.

Rosso pompeiano

La mythologie s’expose (photo :Corriere del mezzogiorno)

Les premiers archéologues qui ont entrepris des fouilles à Pompéi dès 1748 pour le compte du roi Charles de Bourbon, ont été frappés d’étonnement par la décoration des pièces des maisons romaines. Très rapidement, les fresques furent retirées des sites archéologiques pour les préserver du climat et des pillages. La couleur rouge dominait dans les habitations mises au jour et était si éclatante dans les ruines de Pompéi que cette teinte particulière a été baptisée « rouge pompéien ». Ce rouge provient du cinabre (sulfure de mercure), exploité dans la mine d’Almadén en Espagne, comme l’ont montré des analyses, et que Pline l’Ancien appelle dans son Histoire naturelle : « minium ».

Le trésor osisme de Laniscat

Les archéologues de l’Institut national de recherches archéologiques préventives (Inrap) chargés des fouilles liées au chantier de mise à quatre voie de la route nationale RN164 ont eu la main heureuse puisqu’ils ont mis au jour, près de Laniscat (Côtes-d’Armor) dans le centre de la Bretagne, un dépôt monétaire exceptionnel composé de 58 statères et 487 quarts de statère, en tout 545 pièces en électrum, alliage d’or et d’argent. L’ensemble des monnaies a été frappé par le sénat des Osismes et est daté entre 75 et 50 avant notre ère, soit un abandon qui coïncide avec la conquête de la Gaule par Jules César. La découverte a été faite le printemps dernier au détecteur de métaux (voir vidéo), mais n’a été révélée que lundi 17 décembre lors d’une conférence de presse donnée par les responsables locaux de l’archéologie.

Trésor de Laniscat

Une main heureuse (photo : Hervé Paitier/Inrap)

L’intérêt du trésor de Laniscat n’est pas tant dans le nombre de pièces mises au jour, mais dans son contexte archéologique. C’est en effet dans l’enceinte de 7500 m2 de ce qui paraissait n’être qu’une grande ferme gauloise que la découverte a été faite. Dès lors, par cette association, l’établissement agricole acquière par la présence de ce trésor le titre de manoir, propriété d’un aristocrate du peuple des Osismes, une des tribus gauloises qui occupait alors le Finistère, la pointe occidentale de la Bretagne. Comme le monnayage des Osismes ne se trouve que sur leur territoire, cette découverte permet de préciser les frontières orientales de ce peuple, dont l’agglomération majeure est l’oppidum du camp d’Artus à Huelgoat.

Vente bloquée sur eBay

L’Office fédéral de la Culture (OFC) et l’Office fédéral de la police (Fedpol) ont annoncé dans un communiqué de ce matin qu’ils ont fait bloquer, le 12 décembre dernier, la vente sur eBay d’une tablette d’argile portant des signes d’écriture cunéiforme, avant de la faire séquestrer par la police cantonale de Zurich. Il y a en effet de bonnes raisons de croire que cet objet, que l’on peut dater d’environ 2000 ans avant notre ère, a été exporté illégalement d’Irak. Cependant, c’est le bureau allemand des affaires criminelles qui a averti les autorités suisses de la transaction en cours, preuve que la surveillance active du commerce en ligne d’antiquités n’est pas encore mise en place par la Confédération. Cette affaire devrait, par la suite, servir la jurisprudence fédérale, car c’est la première fois que les autorités se saisissent d’un objet archéologique mis en vente sur Internet. Une action pénale est ouverte contre le vendeur qui, s’il est reconnu coupable, encourt une amende jusqu’à 500’000 francs ou une peine d’emprisonnement, tout cela pour un objet qu’il aurait pu vendre moins de 500 francs.

Tablette d'argile
Tablette à écriture cunéiforme (photo: Musée du Vatican)

Le vendeur et les acheteurs potentiels doivent savoir que les tablettes d’argile mésopotamiennes font partie de la liste rouge irakienne dressée par le Conseil international des musées (ICOM). De plus, la détention de biens culturels irakiens exportés après août 1990 est interdite en Suisse, sans déclaration impérative. Depuis deux ans et demi, grâce à la mise en œuvre en Suisse de la Loi sur le transfert des biens culturels (LTBC) il est devenu plus dangereux d’utiliser notre pays pour vendre des objets dit sensibles, c’est-à-dire figurant sur l’une ou l’autre des différentes listes rouges établies par l’ICOM, dont la dernière en date est celle des antiquités péruviennes. Pour finir, il est heureux d’apprendre que des négociations sont en cours avec eBay et ricardo.ch pour obtenir de leur part plus de précaution lorsque des biens culturels sur liste rouge sont mis en vente sur leur plateforme.

S.O.S. Praileaitz

Si le gouvernement du pays basque espagnol ne prend pas rapidement une décision concernant la grotte de Praileaitz, dans la vallée du Deba, il est à craindre qu’elle ne soit irrémédiablement détruite avec les peintures rupestres dont elle est ornée depuis 18?000 ans. En effet une entreprise exploite depuis des années une carrière dont l’extension actuelle se trouve tout au plus à 40 m des galeries de la grotte. Pour sauver le monument, 361 experts ont signé un manifeste pour la préservation du site de Praileaitz à l’initiative de deux professeurs et chercheurs de l’Université du Pays Basque, Javier Fernandez Eraso et José Antonio Mujika Alustiza. Parmi les signataires se trouvent Jean Clottes, en tant que commissaire pour l’Unesco pour l’art rupestre, Ramón Montes, du Musée national et du Centre d’investigation d’Altamira, Pascal Foucher, conservateur du Service régional d’archéologie des Pyrénées centrales, Robert Bednarik, de la fédération internationale des organisations d’art rupestre, Lawrence G. Strauss de l’Université du Nouveau-Mexique et Luis Raposo, directeur du musée archéologique national de Lisbonne. Ces amis de Praileaitz demande une suspension immédiate des travaux dans la carrière, de même qu’un classement au Patrimoine culturel de la grotte.

Praileaitz

Une carrière menace la grotte de Praileaitz I (montage : Xabi Otero)

Dans la grotte de Praileaitz ont été découverts à côté des foyers, posés sur des pierres plates, des morceaux d’ocre ayant servi à peindre les parois. Mais la découverte mobilière majeure est celle de vingt-neuf pendeloques magdaléniennes, dont la plupart sont façonnée à partir de galets lisses de couleur noire. Certaines de ces pièces sont pourvues de lignes gravées selon des longueurs et des espaces variables. La forme générale de l’une des pièces n’est pas sans rappeler la silhouette des Vénus magdaléniennes. Une datation de 13?500 ans avant notre ère est proposée pour ce remarquable ensemble d’éléments de parure.

Accord de paix à Karnak

Le Centre franco-égyptien d’étude des temples de Karnak (CFEETK) a fêté le 1er décembre son 40ème anniversaire. A cette occasion un nouvel accord a été signé à Louxor entre le Conseil Supérieur des Antiquités (CSA) pour la partie égyptienne et le Centre National de la Recherche Scientifique (CNRS) côté français. En paraphant cet accord Marie-Françoise Courel, la directrice des sciences humaines du CNRS, et Zahi Hawass, secrétaire général du CSA ont donné un nouveau cadre d’action au CFEETK. Une direction bicéphale, française et égyptienne, est mise en place qui prévoit que les partenaires seront dorénavant traités d’égal à égal ce qui n’était pas le cas antérieurement puisqu’un archéologue égyptien avait comparé la présence de la mission française à Karnak à “l’Etat du Vatican au sein de Rome”.

Temple de Karnak

Vue du temple de Karnak (photo : CFEETK)

C’est à Karnak, sur la rive droite du Nil, au nord de Louxor que fut érigé le plus vaste complexe religieux de l’ancienne Egypte, dont le temple principal est celui d’Amon. Comme le précise le site Internet du CFEETK, «Karnak est un champ de ruines réparties sur plus de 25 hectares, un site dégagé sur son axe principal mais dont les deux-tiers restent encore à fouiller, un ensemble de monuments, dont les relevés architecturaux et épigraphiques sont à faire et à interpréter». La renouvellement du protocole de coopération entre égyptiens et français était nécessaire pour que le CFEETK puisse se remettre sereinement au travail après une année de crise, pendant laquelle les derniers ont frôlé l’expulsion. Mais dorénavant tout nouveau projet de recherche à Karnak devra être soumis au préalable à l’acceptation par le CSA, autrement dit Zahi Hawass qui entend bien que les missions archéologiques étrangères respectent les règles qu’il a édictées.

Quand London s’appelait encore Londinium

Dans le foyer du musée de la ville de Londres (Museum of London) est présenté, à partir d’aujourd’hui et jusqu’au 27 janvier 2008, une exceptionnelle batterie de cuisine découverte récemment en plein cœur de la City. C’est au fond d’un puits de section carrée et au coffrage de bois que 19 ustensiles, faits d’alliages de cuivre ou de plomb, ont été mis au jour. Cet ensemble domestique, qui se trouve dans un état de conservation remarquable, comporte, entre autres, des plats, des casseroles, des bols, de grands seaux à vin, un chaudron, un trépied et une louche en fer. L’abandon de ces objets remonterait au 4e siècle de notre ère. En effet, deux pièces de monnaie qui se trouvaient au-dessus du dépôt ont été frappées après 383, soit à une époque ou Londres, alors Londinium, était en passe d’être abandonnée par sa population romaine.

Batterie de cuisine romaine

Une exceptionnelle batterie de cuisine (photo : Museum of London)

Cependant le puits ne constituait qu’une partie du vaste chantier de fouilles, réalisé entre février et novembre 2007 par l’entreprise privée d’archéologie Pre-Construct Archaeology (PCA) à l’emplacement d’un projet de construction à Drapers Garden dans la vallée du Walbrook. Le sol gorgé d’eau et l’environnement anaérobique explique la quasi absence de corrosion des objets métalliques mais aussi la découverte d’artéfacts en matières organiques comme un plancher et une porte d’habitation en bois, ainsi qu’une grande quantité de pièces de cuir et d’ossements, dont un crâne d’ours que l’on imagine provenir de l’amphithéâtre voisin. Ainsi, en plus des 19 ustensiles de cuisines, l’inventaire de cette fouille mémorable recense plus de 1100 objets également bien préservés. Ce sont, au dire des archéologues locaux, les plus importantes fouilles et les plus belles découvertes effectuées dans la ville de Londres depuis trente ans.

Sauvons La Recherche

Le système universitaire français est en crise et se bat pour que l’Université ne devienne pas une entreprise commerciale soumise à la concurrence, où le but à atteindre n’est plus le savoir mais le profit. Depuis le 28 novembre circule en ligne une pétition intitulée « Appel pour une autre réforme du service public d’enseignement supérieur et de recherche ». Cette récolte de signatures lancée par l’association Sauvons la Recherche (SLR) a, à l’heure actuelle, déjà recueilli plus de 13000 signatures.

Sauvons la recherche

Mobilisation générale pour la recherche (photo : SLR)

Pour soutenir cette pétition et faire entendre leur voix l’association SLR et des organisations syndicales organisent aujourd’hui, en ce jour de la Saint-Nicolas, une série d’actions et de manifestations dans plusieurs villes de France dont les plus importantes se dérouleront à Paris, Toulouse et Marseille. Les manifestants défileront avec des slogans comme cette citation de Nicolas Sarkozy : « Vous avez le droit de faire littérature ancienne, mais le contribuable n’a pas forcément à payer vos études » ; ou celui-ci : « La littérature ancienne ne sert à rien ? Et le marketing, c’est vital ? ». Pour comprendre les enjeux de ce mouvement vous pouvez voir le film « L’Universités, le grand soir » sur Daylimotion ou télécharger en avant-première le diaporama Powerpoint de SLR qui explique la situation actuelle de la recherche et de l’enseignement supérieur en France.

La Maison René Ginouvès fête ses dix ans

Demain 5 décembre, la Maison René Ginouvès fêtera ses dix ans par une journée Portes Ouvertes entre 10h et 16h. Au programme: des films et des photos pour révéler les coulisses du travail de recherche et la manière de poser les questions scientifiques au cours des fouilles archéologiques en fonction des différents terrains d’enquête en France, en Europe ou dans le reste du monde. Les conférences débats qui les accompagneront aborderont aussi des techniques particulières (la musique de l’âge du bronze, la taille de l’os ou de la pierre, l’invention de l’écriture), des points de méthode scientifique (le cinéma des ethnologues, l’ethnomusicologie), de nouvelles perspectives de métiers (l’ethnologie en entreprise).

Maison René-Ginouvès

La maison René Ginouvès (Photo : MRG)

Si comme moi vous n’avez pas l’occasion de vous rendre à Nanterre pour l’occasion, vous pouvez cependant passer quelques instants sur le site internet de la Maison René-Ginouvès pour y découvrir quelques aspects de cette institution qui réuni sous le même toit différentes disciplines des sciences humaines, à savoir : archéologie, préhistoire, protohistoire, ethnologie, sociologie comparative, histoire ancienne et médiévale. L’interdisciplinarité de la Maison est à la base même de ce que voulait son fondateur René Ginouvès dont on pourra lire avec profit les Mélanges qui lui sont dédiés sur le site.

La pétition de l’AVA déposée

Ce matin, l’association valaisanne d’archéologie AVA-WAG a déposé à Sion sa pétition «pour une présentation des collections archéologiques valaisannes en accord avec leur valeur patrimoniale » munie de 7000 signatures. C’est le conseiller d’Etat Claude Roch qui a reçu les représentants de l’association. Rappelons, puisque ce blog en a déjà fait part, que cette démarche vise à maintenir un cadre d’exposition digne de l’importance des découvertes archéologiques effectuées au Valais, en particulier celles des stèles anthropomorphes du site du Petit-Chasseur, qui pourraient, à terme, ne plus être visibles. Et merci à toutes celles et à tous ceux qui l’ont signée en téléchargeant le fichier pdf ou en ligne.

Illustration A. Houot
Le Valais à l’âge des métaux (Illustration : A. Houot)

En attendant que le conseil d’Etat du canton du Valais se prononce sur le sort des collections archéologiques valaisannes, il est bien sûr encore possible de visiter le Musée d’archéologie de Sion et sa collection «permanente» dans sa présentation actuelle de la Grange-à -l’évêque. De plus, dans le même temps on peut voir ou revoir, jusqu’au 31 décembre 2007, l’exposition temporaire « Des Alpes au Léman, images de la préhistoire » avant qu’elle ne se déplace aux Musées d’art et d’histoire de Genève pour sept mois, du 14 mars au 26 octobre 2008. Fruits de la collaboration entre le musée d’archéologie de Sion, le musée cantonal d’archéologie de Lausanne et le musée d’art et d’histoire de Genève, l’exposition présente des dessins grand format de l’illustrateur André Houot, qui reconstituent le paysage et la vie des hommes préhistoriques dans la vallée du Rhône et sur les rives du Léman du Paléolithique à la conquête romaine. Ces reconstitutions visuelles sur la préhistoire régionale sont mises en regard avec des objets retrouvés dans les fouilles archéologiques. Un ouvrage collectifs, portant le même titre que l’exposition, complète et prolonge la visite.