Monthly Archives: September 2007

Chez Toutankhamon, on mange!

Près de 85 ans après son ouverture par l’archéologue britannique Howard Carter, le tombeau de Toutankhamon (KV 62) révèle encore quelques nouveaux objets. Ainsi, lundi dernier, le secrétaire général du Conseil suprême des Antiquités égyptiennes, Zahi Hawass, a annoncé aux agences de presse la mise au jour de huit paniers de 50 cm de hauteur, contenant encore plein de fruits. Il s’agit de fruits du palmier doum qui se trouvent être dans un bon état de conservation compte tenu de leurs 3000 ans d’âge et qui sont actuellement consommés surtout en Nubie, dans le sud de la vallée du Nil.

Zahi Hawass vs Toutankhamon

Zahi Hawass face à Toutankhamon (photo : AFP)

A cela, l’équipe égyptienne oeuvrant dans la Vallée des Rois, à l’ouest de Louxor, ajoute la découverte de vingt récipients piriformes de un mètre de hauteur portant également le sceau du jeune souverain. Selon Zahi Hawass, ils sont probablement remplis de victuailles destinées au voyage du pharaon vers l’au-delà, annonce à confirmer lors de leur ouverture ces prochaines semaines. On se demande bien ce qu’il y a d’autre à manger ou à boire chez Toutankhamon? C’est dans une pièce contiguë à la chambre funéraire du pharaon, inconnue jusqu’alors, que ces offrandes ont été retrouvées.

Rencontres à Mbanza Kongo

Une rencontre, organisée par le ministère de la Culture de l’Angola dans la ville historique de Mbanza Kongo, dans la province Zaïre, au nord du pays, analyse jusqu’au 28 septembre des questions liées à l’historiographie du pays, le peuplement, les migrations, les formations politiques et leur évolution, l’impact des relations avec le nouveau monde et le trafic des esclaves. Cette rencontre survient peu de jours après l’organisation d’une table ronde internationale sur Mbanza Kongo, qui a réuni 30 spécialistes angolais et internationaux pour recueillir des contributions visant à la reconnaissance par l’organisation des Nations Unies pour l’Education, la science et la culture (UNESCO) de cette ancienne capitale du Royaume de Kongo parmi les sites inscrits au Patrimoine culturel de l’humanité. Au cours de cette table ronde des thèmes tels que «L’archéologie préventive et le rôle de l’archéologie dans la société » ou « Culture Kongo » ont été abordés. Il en résulte, si tout va bien, que Mbanza Kongo devrait faire l’objet de fouilles intensives pour révéler son riche passé, partagé non seulement par l’Angola, mais également par la République Démocratique du Congo, le Congo-Brazzaville et le Gabon.

Mbanza Kongo

Ruines de l’église de Mbanza Kongo (photo: Flickr)

Il est encourageant de constater que même dans un pays récemment en proie à la guerre civile et à la famine la conservation et la gestion du patrimoine historique et culturel peuvent être reconnues comme des tâches suffisamment importantes par les gouvernants pour qu’ils s’en préoccupent et qu’ils cherchent à les développer. Mais il reste encore beaucoup à faire en Afique sub-saharienne pour que la population soit également partie prenante dans ce genre de préoccupation. Seule l’éducation et l’accès à l’information pourront permettre un tel développement. Quant à nous, grâce à internet, nous pouvons rechercher des informations sur ce patrimoine méconnu grâce à des sites comme african-archaeology.net ou la Society of Africanist Archaeologists. Dommage cependant, que ces sites ne soient pas plus régulièrement mis à jour.

Machu Picchu vs Yale

L’année 2007 semble être une année faste pour les conservateurs de la citadelle inca du Machu Picchu au Pérou. Leur site a été élu le 07.07.07 parmi les sept nouvelles merveilles du monde et ils ont appris qu’à la suite de nombreuses années de tractations un accord de restitutions vient d’être conclu avec les Etats-Unis concernant près de 4000 pièces archéologiques que le découvreur du site Hiram Bingham et son équipe avaient mis au jour entre 1911 et 1916 et qui furent déposées dans l’université étasunienne de Yale.

Machu Picchu

En visite au Machu Picchu (photo: Flickr)

Surnommée la cité perdue des incas, le Machu Picchu avec ses 400?000 visiteurs annuels est le site touristique le plus visité du Pérou. Le retour dans leur pays des pièces enlevées par Hiram Bingham va induire la construction d’un nouveau musée qui pourrait ouvrir ses portes en 2010 et amener un nouveau flux de visiteurs. En attendant, et sans se déplacer il est possible de s’offrir une petite visite virtuelle du lieu avec un guide parlant français, anglais ou espagnol par l’entremise du site MachuPicchu360.com. Bonne visite !

La tribu d’Homo Helveticus

Sous le titre « La Tribu », la Télévision suisse romande nous propose une série comique qui se veut le reflet des problèmes de la société helvétique actuelle. Le synopsis des producteurs est le suivant : « Nous sommes en moins 10.000 avant notre ère. La fin de la période glaciaire marque la naissance du géranium et d’une nouvelle civilisation que les chercheurs du Centre Archéologique Patrick Juvet de Delémont ont appelé Homo Helveticus. La découverte de cette peuplade aux traditions et moeurs spécifiques permit à la science de mettre à nu – ou plus exactement à poil ! – tout ce que la Suisse d’aujourd’hui a de plus primitif ! Grâce à la Tribu, nous comprenons enfin que de nombreuses problématiques actuelles de la Suisse sont en réalité vieilles comme la pierre ! »

Homo Helveticus

Un couple d’Homo Helveticus (photo: TSR)

Dans cette série paléolithique, dont la première saison est prévue en 10 épisodes de 8 minutes, on fera la connaissance, entre autres protagonistes, des familles Lapierre et Cassepierre, du Chef Steiner et de Lancepierre. Rien que par les noms de familles on réalise que l’inspiration de base est celle du film français RRRrrrr !!!. La tribu, vêtue de peaux de bêtes (comme il se doit pour des hommes de l’âge de la pierre) ressemble également à celle mise en scène par Alain Chabat. Le premier épisode qui passe ce soir sur TSR1 à 20.05 est intitulé:”L’égalité des sexes” et verra Mme Lapierre se révolter contre les tâches qui lui incombent en tant que femme des cavernes. Elle décide de partir à la chasse aux mammouths à la place de son mari. Au même moment, sur TSR2, le roi Arthur, entouré de ses preux chevaliers, règne sur le royaume de Kaamelott. Qui a dit que l’histoire (ou la préhistoire) permet de comprendre le présent ?

Vikings remis au jour

Le musée des navires vikings d’Oslo est avec environ 450000 visiteurs par année l’institution muséale la plus visitée de Norvège. Il abrite en particulier deux navires, ayant servit de dernière sépulture à des vikings de haut rang. Le premier découvert en 1880 à Gokstad renfermait la dépouille d’un homme dont l’âge estimé est compris entre 50 et 60 ans et qui aurait été un petit roi ou un chef viking vers l’an 900. Le second, mis au jour en 1904, abritait le squelette de deux femmes inhumées en 834 dans un tertre, situé près de la ferme de Lille Oseberg à Slagen, Vestfold dans le sud-est de la Norvège. Les restes de l’homme furent ensevelis à nouveau en 1928 et ceux de deux femmes en 1948 à l’endroit de leurs découvertes respectives dans un cercueil en aluminium protégé par un sarcophage en pierre.

Oseberg

Remise au jour du cercueil d’Oseberg (photo: Peder Gjersoe)

Cette semaine, les archéologues norvégiens procèdent à leur ré-exhumation à des fins scientifiques. Lundi, le sarcophage qui renferme les deux dames a été extrait du sol, et, mardi matin, il a été ouvert pour constater que les deux squelettes sont dans un bon état de conservation bien que le sarcophage ait pris l’eau. Demain, jeudi, ce sera au tour du sarcophage de l’homme d’être retiré du sol, et, vendredi, les experts ouvriront le second cercueil dans l’enceinte du musée des navires vikings d’Oslo. Il sera procédé ensuite à des analyses d’ADN. Les archéologues cherchent en particulier à déterminer s’il existe un lien de parenté entre les deux femmes ensevelies, l’une étant bien plus âgée que l’autre. Certains experts pensent qu’il pourrait s’agir de la reine Åsa et de sa fille, d’autres penchent plutôt pour l’épouse d’un chef viking et sa servante. Dans tous les cas, la communauté archéologique ne peut que remercier ceux qui, il y a bientôt 60 et 80 ans, ont penser à protéger des vestiges de manière à permettre aujourd’hui des analyses qui n’avaient pu être envisagées à l’époque de leur ensevelissement.

Les premiers Lacustres de Suisse, où sont-ils?

Le service archéologique du canton de Berne a mis a profit la préparation des journées internationales du patrimoine pour tenir une conférence de presse le 7 septembre et annoncé la découverte dans les eaux de Sutz-Lattrigen du « plan d’habitation le plus ancien de Suisse entièrement documenté et daté de façon certaine». Il s’agit d’une construction lacustre d’assez grande dimension (13,6 x 4,3 m) située à 200 m de la rive et datée à l’année près par la dendrochronologie à l’an 3863 av. J.-C. En relation avec cette construction isolée, se trouve trois étranges structures circulaires de 4 à 8 mètres de diamètre qui ont été interprétées comme des nasses à poisson à l’instar de celles utilisés autrefois en mer Baltique. L’ensemble constitue sans doute une pêcherie.

Sutz-Lattrigen Solermatt

Restitution de la pêcherie (montage: Max Stöckli)
En écho à cette intéressante découverte réalisée par l’équipe de plongeurs du service archéologique du canton de Berne, dirigée par Albert Hafner, me reviennent d’autres annonces de mises au jour se voulant à chaque fois les plus anciennes dans cette catégorie que toutes les autres. Ainsi nos collègues du canton de Fribourg ont présenté il y a quelques années l’habitat de Montilier-Fischergässli comme le plus ancien habitat lacustre de Suisse puisque leur série de dates dendrochronologiques commençait en 3895 av. J.-C, soit quelques décennies avant les premières dates de Sutz-Lattrigen. Mais à ce petit jeu là, ce sont encore les archéologues du canton de Vaud qui sont les actuels vainqueurs car le plus ancien village construit à Concise-sous-Colachoz serait daté de 4350 av. J.-C. Alors, qui dit mieux pour recevoir le titre de premier Lacustre suisse?

Le bois, dans tous ses états!

En 2007, comme chaque année depuis 1984 en France, 1994 en Suisse, durant un week-end du mois de septembre, ont lieu les journées européennes du patrimoine. Bien qu’européennes sous l’initiative du Conseil de l’Europe, ces journées ne se déroulent pas forcément à la même date partout. Ainsi, pour la Suisse et la Belgique, cela se passera le samedi 8 et le dimanche 9 septembre. Les français, en revanche, attendront les 15 et 16 septembre. De même, les sujets varient d’un pays à l’autre. Pour la France le thème sera celui des métiers du patrimoine, thème que la Suisse a déjà utilisé en 2002. En Belgique, ces journées seront dévolues au patrimoine militaire. Quant à la Suisse, c’est le bois, dans tous ses états, qui sera à l’honneur cette année.

Enigma La Tène

Extrait de l’affiche « Enigma La Tène »

En ce qui concerne les manifestations organisées par des archéologues lors de ces journées, ils mettront en premier lieu en avant la technique de datation basées sur la mesure des cernes de croissances du bois, autrement dit la dendrochronologie. En divers lieux de la Confédération, comme au laboratoire romand de dendrochronologie à Moudon, au Laténium à Hauterive, à Delémont ou encore à Sutz-Lattrigen et à Zürich des dendrochronologues ou des archéologues expliqueront les bases de la méthode. Au milieu du riche programme rassemblé sur le site internet de l’organisation NIKE à l’attention du grand public, à relever une performance «landart» de l’artiste Ulrich Studer, intitulée « Enigma La Tène », prévue samedi soir, 8 septembre, sur le site éponyme du second Âge du Fer, situé près de Marin dans le canton de Neuchâtel. Mais sans aller jusque là , où que vous soyez, il se passera surement quelque chose près de chez vous. Bon week-end à tous.

Lucy dans West Side Story

Après avoir été l’égérie d’Yves Coppens pour la théorie de l’ East Side Story de l’aventure humaine, Lucy, ou plutôt les 52 fragments de squelette, qui résument les vestiges fossilisés d’un hominidé de l’espèce Australopithecus afarensis se sont envolés à la mi-août à bord d’un avion des Ethiopian Airlines pour se rendre à Houston, Texas, où ils constituent depuis vendredi 31 août 2007 l’élément central de l’exposition «Lucy’s Legacy : The Hidden Treasures of Ethiopia ». Jusqu’au 20 avril 2008 ses ossements demeureront exposés à Houston, puis, comme une grande vedette en tournée, Lucy partira pour faire son show durant 6 ans dans différents musées du Nouveau Monde pour y accomplir sa West Side Story.

Exposition Lucy

Lucy exposée à Houston, Texas (Photo: Houston Museum of natural science)

Mais est-ce bien raisonnable de déplacer ainsi des vestiges vieux de 3,2 millions d’années ? N’aurait-il pas été moins risqué d’exposer des copies des ossements plutôt que les originaux. C’est en tout cas ce que pense un grand nombre de paléoanthropologues consultés sur la question. Car depuis sa découverte en 1974 par l’International Afar Research Expedition, Lucy a été soigneusement conservée dans une chambre forte climatisée au Musée national d’Ethiopie et n’en a été sortie que pour des recherches scientifiques et seulement pour deux expositions publiques. Gageons que la présence des originaux au lieu des copies n’ajoute aucun intérêt à la valeur scientifique de cette exposition. Seule la valeur symbolique et sans doute également mercantile s’en trouvent notablement renforcées. Prénommée d’après la chanson des Beatles Lucy in the sky with diamonds, notre jeune Australopithèque s’est juste envolée d’Ethiopie pour faire recette.

Archéologie forensique au Pérou

Dans le cimetière inca de Puruchuco, au nord-est de Lima, des milliers de momies y ont été découvertes depuis 1999. Mais à partir de 2004, les archéologue péruvien Guillermo Cock et Elena Goycochea ont annoncé avoir mis au jour 72 squelettes, enterrés en hâte à faible profondeur sans les usages traditionnels qui faisaient reposer la tête vers l’est, dont 35 montrent des signes de mort violente. Parmi ces ossements, un crâne de jeune homme présente un trou circulaire qui, analysé à l’institut de forensique de l’université de New-Haven dans le Connecticut aux Etats-Unis, a montré des traces évidentes de fer. L’impact pourrait avoir été causé par une balle de mousquet, une arme à feu utilisée par les Espagnols lors de la Conquête de l’Empire Inca. Des céramiques issues du même site permettent de dater l’origine des ossements aux alentours des années 1530. La victime serait ainsi parmi les plus anciennes personnes tuées par balle du continent américain.

Puruchuco

Une victime inca tuée par balle (photo:E. Goycochea)

Tous ces autochtones, semblent avoir été les victimes d’une confrontation avec les conquistadors, peut-être lors du siège de Lima par les troupes de Francisco Pizarre durant l’été 1536. Mais si certains corps présentent également des marques de coups donnés par des armes à feu ou tranchantes européennes, d’autres montrent des traces de blessures d’armes indigènes comme des haches de pierre et des flèches. « Cela confirme le soutien de troupes indigènes aux conquistadors », un élément qui était souvent passé sous silence par les chroniques de l’époque, relève Guillermo Cock. Pour plus de détails et des images un petit documentaire sur le sujet est accessible sur YouTube.