Monthly Archives: September 2011

Dans le sillage des Arkéonautes

Venant de terminer le premier module d’un cours de formation sur les médias sociaux et les communautés en ligne, je me demande ce que peut être un réseau social pour archéologues et fans d’archéologie? Il semble que notre domaine relié au passé part sur de bonnes bases car la Bible, le Nouveau Testament et le Coran, constituent pour certains spécialistes les premiers récits rédigés comme des hypertextes dans la mesure où ils contiennent des liens entre les différentes parties du texte et que la structure du récit est non-linéaire. De même, une découverte archéologique n’a de valeur qu’à l’intérieur de son contexte, et ce sont les liens entre les artefacts entre eux et leur environnement qui leur donne leur importance. De ce fait, toute antiquité sans contexte archéologique, car issue du pillage de site, ou, ce qui est aussi grave, non publiée, est une découverte perdue pour la connaissance humaine. Encore faut-il faire passer les informations et c’est pour cela que le développement d’une véritable communauté en ligne serait nécessaire.

Un réseau à tisser.

L’archéologie pour se développer à besoin de se constituer en réseaux de connaissances, à la fois humaines et matérielles. C’est dans cet esprit de mise en réseau qu’a été conçu l’Atelier des Arkéonautes (ADA). Ce portail, comme il l’indique dans sa page d’accueil, veut donner la parole « aux chercheurs, enseignants, artistes, professionnels, journalistes, hommes et femmes politiques, représentants de la société civile, ainsi qu’à l’ensemble des acteurs concernés par le patrimoine archéologique » dans le but de le promouvoir et de le valoriser. Ce sont les vidéos qui forment l’essentiel du fonds documentaire de l’association. Pour être en contact avec son public et les internautes, l’ADA s’est enregistré dans de nombreux médias sociaux, tels Facebook, Twitter, Scoop.it, YouTube ou Tumblr. La partie la plus collaborative du site se trouve actuellement sur la plateforme Dailymotion, qui propose, sous la forme de concours, de visionner et de voter d’ici au 6 octobre, pour l’un ou l’autre des films archéologiques en compétition. Le film gagnant sera promu sur la page d’accueil de l’ADA et prendra part à la prochaine Fête de la Science qui aura lieu du 12 au 16 octobre 2011. L’Atelier des Arkéonautes, un exemple à suivre.

Vicques – Vicus – Vici !

Le village de Vicques, près de Delémont, dans le canton du Jura, possède un nom dont la toponymie suggère immédiatement un passé romain de Vicus. De fait, dès le XIX siècle, on a découvert l’existence d’une villa gallo-romaine. Des fouilles importantes, entreprises entre 1935 et 1938 par André Rais et Alban Gerster, mirent en évidence une grande propriété s’étendant sur au moins cinq hectares comprenant une pars urbana avec thermes, jardin, salles à hypocaustes et une pars rustica pourvue de nombreux ateliers. Une monographie consacrée à ces fouilles fut publiée en 1982. Depuis quelques années un groupe de revalorisation de la villa gallo-romaine de Vicques s’est constitué, essentiellement formé de bénévoles du village et de la région qui s’activent pour faire reconnaître ce patrimoine sur les lieux mêmes où il se trouve. Dans ce but un pavillon d’information vient d’y être construit, qui abrite des objets (ou leurs copies) trouvés dans la villa, des informations pédagogiques, ainsi qu’une maquette de la pars urbana. C’est par une fête romaine, organisée entre aujourd’hui et demain, que l’inauguration officielle de cet espace se fait. Pour l’occasion, tous les panneaux d’entrées du village ont été modifiés pour faire apparaître le nom de Vicus en lieu et place de Vicques.

Restitution virtuelle en 3D de la Villa de Vicques

Cette fête romaine à « Vicus » est la première du genre dans le canton du Jura. Pour animer ces journées, la population de Vicques a fait appel à quelques groupes organisés et à des artisans. Ainsi en parcourant les stands peut-on apprendre comment se faisait les peintures murales et les mosaïques (Olim), de quelle manière les souliers à clous des légionnaires s’usaient (Gentle-Craft), appréhender les différentes formes de poteries gallo-romaine restituées par Mayou Nia la potière du village, quelle force doit on exercer pour frapper une monnaie (Ciel et Terre), la technique de la fabrication des cordes, ou se faire une idée de l’équipement du légionnaire en campagne (Genva). Une partie de ces artisans et animateurs en archéologie font partie de l’association AnimArc, toujours prête à s’entendre avec les organisateurs de manifestations pour étoffer leur programme. Enfin, dans un proche avenir, à l’occasion de la prochaine réouverture du Musée jurassien d’art et d’histoire de Delémont, il sera possible à tout un chacun, depuis chez soi, à l’aide d’un ordinateur, de faire une visite virtuelle en 3D de la villa gallo-romaine de Vicques et à travers son avatar de s’écrier : Veni, Vidi, Vici !, comme autrefois le fit un célèbre romain.

10 ans, ça se fête ou se commémore!

10 ans, ça se fête ou se commémore!

Il y a des événements qui frappent tant l’imagination que des années plus tard on peut dire exactement ce que l’on faisait ce jour là. Il y a dix ans, mardi 11 septembre 2001, au moment des attentats, je me trouvais à Genève pour une soutenance de thèse sur le Campaniforme, celle de Marie Besse, actuelle professeure de la chaire de préhistoire au Département d’anthropologie de l’Université de Genève. Les Etats-Unis commémorent aujourd’hui le dixième anniversaire des attentats. Au Japon aussi, on se souvient du tremblement de terre et du tsunami qui ont eu lieu il y a six mois dans la région de Fukushima. A Hauterive, près de Neuchâtel, c’est à une autre manifestation, moins dramatique, à laquelle la population a été conviée et auquel j’ai participé, celle des «10 ans, ça se fête» du Laténium, avec un slogan digne des meilleures campagnes de marketing: «Une fête attendue depuis 50’000 ans!». Cependant, la coïncidence des événements n’est dû qu’à un hasard du calendrier, car en fait, la cérémonie d’inauguration du musée eu lieu le vendredi 7 septembre 2001, et la première ouverture au public le 8 septembre, donc quelques jours avant le fatidique 11 septembre. Cette ouverture concrétisait le rêve fait 22 ans auparavant par Michel Egloff, de construire dans le canton de Neuchâtel un musée archéologique digne de son passé.

Les maisons néolithiques de Champréveyres
Trois maisons néolithiques en cadeaux d’anniversaire

A l’époque plus de 20’000 personnes avaient profité des journées portes-ouvertes pour visiter durant le week-end la nouvelle institution muséale. Aujourd’hui, pour cet anniversaire, une foule importante était également présente. Une riche palette d’activités était au programme de l’institution, à la fois à l’intérieur du Musée, mais surtout dans le Parc d’archéologie, avec entre autres des démonstrations de tissage néolithique, de taille du silex, de datation dendrochronologique et de fonte du Bronze. Des sangliers à la broche étaient au menu du jour de la cantine, accompagné de musique et de danse celtique, comme lors des banquets d’un fameux village d’irréductibles Gaulois. Enfin chacun pu admirer les reconstitutions de trois des six maisons de la première phase de construction du village néolithique d’Hauterive-Champréveyres de la civilisation de Cortaillod. Lors de l’inauguration du Laténium il y a dix ans, René Felber, en tant que président de la Fondation La Tène avait dit ces paroles : «Quel que soit l’endroit où nous vivons, il y a toujours eu quelqu’un avant nous». Cela est vrai à Hauterive Champréveyres, où avant le Laténium des chasseurs du Paléolithique, et des agriculteurs lacustres s’étaient autrefois établis. Cela est vrai également à New-York, où à Ground Zero, dans le chantier de construction du parking du futur World Trade Center et du Musée-Mémorial du 11 septembre, les archéologues ont mis au jour l’épave d’une embarcation du 18ème siècle, dans un lieu qui devait être à l’époque un ancien ancrage de l’Hudson. Une découverte qui n’aurait sans doute jamais pu avoir lieu, sans la destruction des tours jumelles il y a dix ans.

Des Palafittes bien encadrés

C’est au Laténium à Hauterive que l’Office fédéral de la culture et l’association Palafittes ont conviés les autorités et le public averti à une cérémonie officielle de remise des certificats d’inscription des sites palafittiques préhistoriques autour des Alpes au Patrimoine mondial de l’UNESCO. C’est Claude Frey, président de l’Association Palafittes qui officiait en tant que maître de cérémonie pour donner la parole tour à tour au conseiller d’Etat neuchâtelois Philippe Gnaegi, à un Herr Professor Doktor autrichien, responsable du groupe de coordination international, à Didier Burkhalter, conseiller fédéral, chef du Département de l’intérieur, de l’éducation et de la culture, et, enfin, à Kishore Rao, directeur du Centre du Patrimoine mondial de l’UNESCO. Entre les deux derniers orateurs, furent remis des certificats bien encadrés du Patrimoine mondial au conseiller fédéral et aux ambassadeurs des cinq autres états ayant contribués à cette candidature réussie à savoir l’Allemagne, l’Autriche, la France, l’Italie et la Slovénie.
Remise des certificats
Remise des certificats sous cadre

Ce n’est pas par hasard si le Laténium a été choisi comme cadre de cette célébration. D’une part, la salle des Lacustres est un bon exemple de ce que le public doit découvrir concernant des Palafittes qui, par ailleurs, sont très discrets, sinon engloutis et en très grande partie invisibles. D’autre part, ce magnifique écrin, comme ont aimé à le décrire les orateurs, fêtera ce week-end un important anniversaire. Dimanche, 11 septembre, « une fête attendue depuis 50’000 ans » célébrera sa première décennie. Mais c’est demain à 17h, qu’aura lieu la cérémonie officielle des dix ans du Musée et Parc archéologique de Neuchâtel, à Hauterive. A cette occasion, le Laténium inaugurera la reconstitution grandeur nature de trois maisons du village néolithique du site de Hauterive/Champréveyres, offertes, en guise de cadeau d’anniversaire, par la Fondation La Tène. De plus, le musée célébrera son jumelage avec les musées de Bibracte en Bourgogne et de Manching en Allemagne. Ce lien entre les trois musées se manifestera concrètement par l’exposition dans les trois lieux d’Artéfact 2, une œuvre créée par les artistes conceptuels Charles-François Duplain et Yves Tauvel, créateurs, il y a dix ans, d’Artéfact, œuvre consistant au semis dans les allées du parc archéologique de 75’000 répliques en bronze d’un caillou, tous identiques, hormis leur numéro. Même s’il n’y a pas le feu au lac, comme on dit chez nous et comme l’a rappelé Didier Burkhalter dans son discours, ce week-end sera sans doute la dernière occasion de découvrir l’un ou l’autre de ces artéfacts dans les allées du parc, car la réserve est prête d’en être épuisée.

Horizons 2015 et médias sociaux

Le concours d’idées lancés par le projet Horizons 2015 l’année dernière a récolté une trentaine de contributions. L’assemblée des délégués a réparti ce printemps ces contributions en quatre thématiques dont on trouve les particularités dans la page « actualité » du site internet de l’association. Entre le 31 août et le 7 septembre, trois groupes de travail se sont formés pour aborder l’une ou l’autre de ces thématiques. Pour ma part je me suis retrouvé dans le groupe de travail dénommé « Nouvelles technologies – médias » qui s’est réuni le 31 août à Fribourg dans la salle de conférence du Service archéologique cantonal. Cinq des participants au concours d’idées étaient présents à cette séance conduite par Georg Matter, membre de l’association faîtière d’Horizons 2015, et l’un des directeurs de l’entreprise ProSpect, l’une des rares entreprises privées active dans le domaine de l’archéologie. Après un rapide tour de table des différentes idées proposées, il fut convenu que la prochaine étape de ce groupe de travail serait de faire une évaluation de tout ce qui existe déjà en matière de communication archéologique en Suisse et, dans une seconde temps, de se demander ce que l’on pourrait faire de mieux pour améliorer la situation.

Exemple d’un réseau archéologique organisé

En première analyse, ce qu’il semble manquer à l’archéologie suisse, c’est une véritable communauté d’intérêt. Qu’il s’agisse des services cantonaux ou des universités on constate que chacun reste cloisonné dans son cadre institutionnel et ses frontières cantonales. Il manque aux archéologues une réelle plateforme commune qui permettrait aux professionnels de communiquer entre eux et de s’adresser en même temps au grand public. Le site internet actuel d’Horizon 2015 ne va pas à l’encontre de cette impression, au vu de l’absence de discussion dans son forum. Il nous manque en somme une véritable utilisation des médias sociaux pour former une solide communauté en ligne, soit d’avoir un ou des «community manager» pour organiser et gérer un vrai réseau social avec toutes les parties concernées. Est-ce que notre attachement au passé nous empêche d’utiliser les moyens du présent pour nous projeter dans l’avenir ? Ou n’est-ce qu’un simple problème de génération ? Je laisse à chacun le soin de répondre à cette question: Que pouvons-nous faire ? et de faire état, ici ou ailleurs, de sa ou de ses solution(s). Pour ma part, en tant que responsable nouvellement désigné du groupe de travail « Nouvelles technologies et médias sociaux», je vais poursuivre ce blog, point de départ de mes réflexions. De plus, à titre personnel, je m’apprête à suivre une formation de spécialiste en médias sociaux et communautés en ligne qui me donnera les moyens, je l’espère, de sortir mon horizon 2015 de l’ornière.