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Machu Picchu vs Yale

L’année 2007 semble être une année faste pour les conservateurs de la citadelle inca du Machu Picchu au Pérou. Leur site a été élu le 07.07.07 parmi les sept nouvelles merveilles du monde et ils ont appris qu’à la suite de nombreuses années de tractations un accord de restitutions vient d’être conclu avec les Etats-Unis concernant près de 4000 pièces archéologiques que le découvreur du site Hiram Bingham et son équipe avaient mis au jour entre 1911 et 1916 et qui furent déposées dans l’université étasunienne de Yale.

Machu Picchu

En visite au Machu Picchu (photo: Flickr)

Surnommée la cité perdue des incas, le Machu Picchu avec ses 400?000 visiteurs annuels est le site touristique le plus visité du Pérou. Le retour dans leur pays des pièces enlevées par Hiram Bingham va induire la construction d’un nouveau musée qui pourrait ouvrir ses portes en 2010 et amener un nouveau flux de visiteurs. En attendant, et sans se déplacer il est possible de s’offrir une petite visite virtuelle du lieu avec un guide parlant français, anglais ou espagnol par l’entremise du site MachuPicchu360.com. Bonne visite !

Tu me fends le coeur

L’armée étasunienne a été vertement critiquée par la communauté archéologique pour son attitude peu respectueuse du patrimoine culturel lors de son engagement en Afghanistan et en Irak. Il est certain, qu’une partie des dégâts occasionnés aux monuments par les soldats étaient dû à une simple méconnaissance de leur devoir face à ces vestiges. Pour faire amende honorable et pour donner un minimum de connaissances à leurs troupes sur la Convention de La Haye pour la protection des biens culturels en cas de conflit armé, le département de la défense des Etas-Unis, par l’entremise du Centre environnemental de l’armée, vient d’éditer un jeu de cartes qui apporte des informations sur la conduite à tenir face à des monuments culturels ou religieux sensibles et sur les types d’artéfacts susceptibles de faire partie des biens culturels protégés. Rappelons cependant que le gouvernement des Etats-Unis, contrairement à celui de l’Irak, n’a toujours pas ratifié la susdite Convention.

jeu de cartes

Jeu de cartes culturel (photo: US Army)

A l’exemple de la série de cartes sur les dirigeants irakiens les plus recherchés pour crimes de guerre, la nouvelle série de cartes présente sur chaque valeur un monument, un type d’artéfacts, un message ou une conduite à tenir envers le patrimoine protégé du Proche-Orient. Par exemple, le deux de cœur, qui présente l’image des ruines de la ville de Samarra en Irak, enseigne aux soldats que 99% de l’histoire de l’humanité ne peut être comprise qu’à travers l’archéologie. Ce jeu de cartes, dont 40000 exemplaires seront distribués aux troupes stationnées en Irak et en Afghanistan, fait partie d’un vaste programme de sensibilisation engagé par l’armée étasunienne pour s’entraîner à la protection des biens culturels lors de conflits armés. Ainsi, à l’usage de l’infanterie, deux sites archéologiques et deux cimetières musulmans ont été recréé dans une zone d’entraînement aux Etats-Unis, de même que les pilotes de l’armée de l’air apprennent à reconnaître et à identifier des ruines archéologiques et autres sites protégés vus du ciel pour éviter de les bombarder par inadvertance. Enfin, un aide mémoire, sous forme de cartes de poche fera partie de la tenue d’assauts des G.I. Espérons qu’à la suite de cette instruction, aucun archéologue n’aura plus à dire à un militaire : « tu me fends le cœur ! ».

Scipion n’est pas arabe

Autrefois situé dans un cadre campagnard le mausolée romain de Sétif connu sous le nom de Tombeau de Scipion, est aujourd’hui complètement cerné par l’extension de la ville algérienne. L’association « Mémoire de Sétif », créée en 1995 pour « établir un espace de réflexion, d’harmonie entre la société civile et sa richesse archéologique » ne parvient pas, si l’on se rapporte à un article paru dans la Tribune d’Alger, à faire passer dans la population l’idée d’une plus grande protection du patrimoine historique et archéologique de la cité. Un promoteur songe même sérieusement à détruire le mausolée pour permettre de nouvelles constructions, prétextant que Scipion « n’est même pas arabe ».

Tombeau de Scipion à Sétif

Le Tombeau de Scipion dans son cadre actuel

L’exemple de Sétif montre que la protection du patrimoine pour être efficace doit être le fait de toute la société civile et non d’une poignée d’amoureux de vieilles ruines. Sans ce soutien, et ce consensus on ne peut éviter la dégradation des monuments, voire leur destruction, quand bien même des lois les protèges. Ainsi, la loi algérienne relative au patrimoine culturel du 15 Juin 1998 définit comme patrimoine culturel de la nation, tous les biens immobiliers sur et dans le sol légués par les civilisations qui se sont succédées de la préhistoire à nos jours. Comment insuffler le respect des vieilles pierres dans une population? Il faut avant tout qu’elle puisse se reconnaître dans ce passé, qu’il soit le sien propre ou qu’elle se le soit approprié. Les lois à elles seules, ne suffisent pas.

Le patrimoine marocain revalorisé

Le patrimoine archéologique du royaume du Maroc est riche, mais de l’aveu même de ses responsables il manque de soutien et d’intérêt de la part de la population. Le site de Volubilis, le plus fréquenté du pays, est à 97% visité par des touristes étrangers. De plus par manque d’entretien les 26 sites classés que compte le royaume, se dégradent d’année en année. C’est pour rendre plus attirant le site phare de Volubilis dont les infrastructures sont particulièrement délabrées, que le ministère marocains de la Culture a signé le 10 avril un protocole d’accord avec la fondation ONA, spécialisée dans l’action socio-culturelle. Le projet prévoit la construction d’espaces d’accueil, de bâtiments administratifs, d’un laboratoire de recherches et de réserves, ainsi que l’édification d’un musée. Ce réaménagement devrait constituer le prélude à la remise en valeur d’autres vestiges comme ceux du site de Sala.

Volubilis

Volubilis, péristyle de la maison aux colonnes

Une autre façon de rendre sensible ce patrimoine, c’est de le faire mieux connaître à l’intérieur et à l’extérieur. C’est la mission que l’Association des Lauréats de l’Institut National des Sciences de l’Archéologie et du Patrimoine (ALINSAP), s’est donnée en lançant le 8 avril un site Internet dédié aux monuments historiques et sites archéologiques du Maroc. La présentation de ce patrimoine sur le site interactif de l’association est divisé en trois périodes: préhistorique, antique et islamique. Outre des informations et des données historiques sur ce patrimoine, le portail présente des photos et maquettes des différents sites et monuments. Le site propose également une compilation des textes et lois marocaines et internationales sur la protection du patrimoine historique, documents qu’il est toujours bon de rappeler et d’avoir à portée de quelques clics.

Un nouveau barrage sur le Nil

Dans le nord du Soudan la construction du grand barrage de Méroé, en aval de la quatrième cataracte va engloutir des vestiges encore enfouis des royaumes de Kerma, de Kouch et de Méroé. Une fois le barrage en eau, le lac de retenue s’étirera sur 175 km de longueur pour 4km de largeur. De plus 60?000 habitants de la vallée devront quitter leurs maisons pour aller s’établir ailleurs ce qui ne va pas se faire sans heurts. De fait, les premières manifestations violentes ont eu lieu il y a une semaine. En butte à des problèmes au Darfour, dans le sud et à l’est du pays, voici que le gouvernement de Khartoum s’apprête à devoir affronter d’autres difficultés dans le nord. Entre temps, des équipes d’archéologues venues du monde entier ont engagés depuis quelques années une course contre la montre pour sauvegarder quelque chose de ce qui est menacé à terme de disparaître dans les environs des pyramides de Nuri, celles des Pharaons noirs. Parmi ces équipes, la Section Française de la Direction des Antiquités du Soudan (SFDAS) a mené de 2001 à 2005 quatre campagnes de prospections ayant conduit à la découverte de plusieurs centaines de nouveaux gisements, majoritairement néolithiques.

Pyramides de Nuri

Les pyramides de Nuri découpent l’horizon près du barrage

Ce raout archéologique est comparable, dans une certaine mesure, à celui engagé dans les années 1960 pour mettre à l’abri des eaux du barrage d’Assouan une partie des vestiges de la Haute vallée du Nil. Mais cette fois, les moyens à disposition sont moindres, et aucuns monuments à déplacer tels les temples d’Abou Simbel et de Philea ne sont au programme pour aviver l’intérêt du grand public et des médias pour cette entreprise de sauvetage. Et pourtant dans le fond de cette vallée du Nil soudanais se cache quelques questions qui cherchent encore des réponses comme le déchiffrement de la langue méroïtique, dont l’écriture est empruntée aux hiéroglyphes égyptiens et dont les linguistes attendent toujours la découverte d’une pierre de Rosette.

Les Grecs et les Romains au MET

Il y a une semaine le Metropolitan Museum of Art de New-York, ou MET, rouvrait son département consacré aux antiquités grecques et romaines, après une transformation en trois étapes, de plus de dix ans. Cette importante section du musée conserve plus de 35000 œuvres, couvrant une longue période allant du Néolithique chypriote au règne de l’empereur Constantin. Le nouvel espace d’exposition est plus de deux fois plus vaste que celui avant transformation, soit près de 6000 m2. Le New-York Times, a consacré à l’événement un article, complété en ligne par une vidéo et une visite virtuelle des salles auxquels on peut accéder après un enregistrement gratuit. Parmi les pièces marquantes à découvrir ainsi, signalons le sarcophage Badminton, un char d’apparat étrusque et les fresques murales provenant de deux villas romaines de Campanie, l’une de Boscoreale et l’autre de Boscotrecase.

Fresques de Boscoreale

Une chambre à coucher de Boscoreale (photo: NY Times)

Mais vingt œuvres ne figurent plus à l’inventaire de la collection. Ce sont celles que le MET a dû restituer à l’Italie, il y a un peu plus d’une année, car elles provenaient de fouilles clandestines opérées sur le sol italien. Parmi elles, le célèbre cratère du peintre Euphronios, acquise par le musée en 1972 pour 1 million de dollars. Dans cette affaire de restitution tout le talent diplomatique du directeur, Philippe de Montebello, un français, naturalisé américain, s’était révélé, car, en acceptant de négocier avec les Italiens, cela lui a sans doute épargné les ennuis de sa collègue du Paul Getty Museum, Marion True, dont nous avions évoqué dans ce blog les déboires. Pour sa “contribution incommensurable aux relations culturelles franco-américaines” selon les termes du ministre français de la Culture Renaud Donnedieu de Vabres, Philippe de Montebello a été promu, dimanche 4 mars 2007, officier de la Légion d’honneur.

Néfertiti reste à Berlin

Le buste polychrome de Néfertiti n’est pas prêt de rentrer en Egypte. Pour des raisons officielles de conservation, le ministre allemand de la culture, Bernd Neumann, refuse d’accéder à la demande du grand patron des antiquités égyptiennes, Zahi Hawass, de prêter pour trois mois, le temps d’une exposition, le célèbre buste en plâtre de l’épouse du non moins célèbre pharaon de la XVIIIe dynastie, Akhenaton. Cette oeuvre en plâtre de 48 cm de hauteur, a été découverte à Tell el-Amarna en 1912 par l’archéologue allemand Ludwig Borchardt dans les fouilles de l’atelier de l’artiste Thoutmès. Acquise légalement, semble-t-il, par l’Allemagne en 1913, elle constitue l’une des pièces maîtresses de la Museumsinsel de Berlin.

Néfertiti à Berlin

Le buste de Néfertiti exposé dans son nouvel écrin

On peut penser que Berlin craint, en cas d’acceptation, de ne pas pouvoir récupérer le portrait de la reine une fois l’exposition terminée, car Le Caire a maintes fois exprimé le désir du retour définitif du buste de la souveraine dans son pays, ainsi que celle de la pierre de Rosette, actuellement au British Museum, ou celui du plafond zodiacal du temple de Dendérah, au Louvre. En guise de rétorsion, l’Egypte menace, toujours par la voix de Zahi Hawass, de ne plus permettre dorénavant le prêt de pièces archéologiques égyptiennes à l’Allemagne, si la présente demande n’est pas satisfaite. Mais la menace n’effraye pas les milieux culturels allemands qui peuvent se passer des emprunts au patrimoine égyptien pour présenter des expositions intéressantes.

L’appel de Nouakchott

Au début du mois de février s’est tenu à Nouakchott, en Mauritanie, un colloque sur les perspectives de l’Archéologie préventive en Afrique de l’Ouest. Organisé par l’Institut mauritanien de recherches scientifiques (IMRS), et l’Institut national de recherches archéologiques préventives (INRAP) en présence d’un représentant de l’Unesco, cette réunion ayant rassemblé plusieurs dizaines de chercheurs européens et africains s’est attachée à définir les moyens de mettre en place une véritable politique de protection du patrimoine archéologique africain. A l’issue de cette réunion, les participants ont lancé « l’appel de Nouakchott » pour que le patrimoine africain enfoui puisse bénéficier d’une charte de protection internationale, à l’instar de la convention de Malte qui règle en Europe les rapports entre l’archéologie préventive et l’aménagement du territoire.

Artefacts du Mali

Une partie des artéfacts maliens saisis par les douaniers français

S’il existe bien des lois nationales qui protègent le patrimoine des pays de l’ouest africain, il est souvent difficile de les faire appliquer, surtout dans des états en mal de développement lorsque des intérêts économiques prépondérants sont en jeu. Ainsi, c’est d’abord à la sensibilisation des grandes sociétés multinationales, du pétrole et des produits miniers, actives dans la région que l’appel est avant tout destiné, afin qu’elles n’oublient pas dans leurs entreprises régionales leur responsabilité vis-à-vis du patrimoine culturel. Mais il faut également que cet appel à l’aide soit entendu par les populations locales qui pour quelques devises sont prêtes à brader leurs vestiges archéologiques en pratiquant des fouilles clandestines de grande ampleur pour alimenter un trafic des antiquités en pleine expansion. Ainsi récemment, la douane française a appréhendé sur l’aéroport de Roissy un véritable trésor d’artéfacts préhistoriques provenant du Mali et destiné au marché étasunien. Il reste donc beaucoup à faire dans le domaine de la protection du patrimoine africain et souhaitons que le message de nos collègues soit entendu par toutes les parties en cause. Le 11 avril, l’émission de radio « le salon noir » de France Culture tâchera de donner un écho supplémentaire à cet appel.

Merveilleuses pyramides

Un concours lancé par le suisse Bernard Weber invite la population mondiale à choisir les monuments méritant le statut de Merveille du Monde. Par l’entremise du téléphone ou d’un bulletin accessible sur Internet, chacun peu voter pour ses monuments préférés. Cependant, Il en coûtera 2 dollars étasuniens. Cette votation permettra d’établir la liste des 7 nouvelles merveilles du Monde. Parmi 77 sites nominés lors d’une précédente étape de sélection, seuls 21 ont été retenus pour l’élection finale. Dans ce choix on trouve, entre autres, la grande muraille de Chine, les statues de l’île de Pâques, le Kukulkan de Chichen Itza au Mexique, le Machu Picchu au Pérou, le Taj Mahal en Inde, la tour Eiffel en France et la statue de la Liberté aux Etats-Unis. Le résultat de cette votation sera promulgué cet été à Lisbonne, le 7 juillet, autrement dit le 07.07.07.

Merveille du Monde

Resterons-t-elles parmi les sept plus grandes réalisations de l’humanité?

L’Egypte craint cependant, que les grandes pyramides du plateau de Gizeh, qui font partie de la sélection finale, ne disparaissent de la nouvelle liste des merveilles du Monde à l’issue de ce processus d’élection. Ce qui, pour les autorités de ce pays et sa population, constituerait un scandale, un scandale d’autant plus grand que c’est la seule des merveilles de la liste d’Antipater de Sidon dressée vers 140 av. J.-C, qui soient encore en état de concourir. Pour rappel, il y avait les jardins suspendus de Sémiramis à Babylone, le temple d’Artémis à Ephèse, la statue de Zeus à Olympie, la tombe du roi Mausole ou Mausolée d’Halicarnasse, le colosse de Rhodes, le grand phare d’Alexandrie et la grande pyramide à Gizeh.

La vérité selon True

Selon une nouvelle de l’AFP relayant des journaux grecs, l’ex conservatrice du musée Paul Getty de Malibu, Marion True, a été inculpée à Athènes le 10 janvier pour son implication présumée dans l’acquisition frauduleuse d’une couronne hellénistique en or volée en Grèce. Cette couronne proviendrait de fouilles sauvages en Macédoine, dans le nord de la Grèce, et aurait été vendue en 1993 au musée Getty par des trafiquants d’antiquités pour 1,15 million de dollars.

Getty Museum

Le musée Paul Getty a Malibu, réplique de la Villa des Papyrus d’Herculanum

Cette dernière affaire n’est malheureusement qu’une peccadille parmi l’ensemble des faits qui lui sont reprochés. Pendant près de vingt ans, de 1986 au 1er octobre 2005, Marion True a été à la tête de ce musée, qui a poursuivi pendant ses années de direction une politique d’acquisition peu scrupuleuse. Pour en juger, il suffit de savoir que des chercheurs de l’Université de Cambridge ont montré que 92 % des pièces mentionnées au catalogue de la collection n’avaient pas de source archéologique connue, et que 70 % des objets montrés lors de l’exposition l’étaient pour la première fois. Ainsi, il apparaît que sur les 104 pièces principales du département antiquités du Getty Museum, appelées « les chefs-d’œuvre de la collection», 54 ont été achetées à des trafiquants. Le Musée a d’ores et déjà restitué au gouvernement grec la couronne en or, pillée en Macédoine, ainsi que trois autres objets: une stèle funéraire gravée du IVe siècle avant J.-C., un bas-relief votif archaïque du VIe siècle avant notre ère, ainsi qu’un torse en marbre archaïque. Mais les problèmes de Marion True ne s’arrêteront pas là. Elle fait aussi l’objet d’une autre enquête en Grèce après la découverte en avril 2006 dans une villa lui appartenant sur l’île de Paros, dans les Cyclades, de 29 oeuvres antiques non déclarées et, enfin, elle est par ailleurs actuellement jugée en Italie pour avoir sciemment acheté des antiquités volées, ce qu’elle dément. Acceptez vous de dire rien que la vérité, toute la vérité, Mme True?