Musées virtuels accessibles en ligne

En ces temps de pandémie de Covid-19, toutes les manifestations publiques sont devenues impossibles. Ainsi Le Laténium est fermé et le vernissage de sa dernière exposition temporaire « Celtes, un millénaire d’images » est ajourné jusqu’à nouvel avis. Il en va de même pour l’ensemble des musées privés de leurs visiteurs en raison du confinement sanitaire imposé par les autorités. Dans ce domaine muséal perturbé, le congrès « Museum and the Web », abrégé « MuseWeb », devait tenir sa 24ème session annuelle du 31 mars au 4 avril à Los Angeles. Depuis 1997, cette manifestation rassemble des centaines de professionnels du monde entier sur le thème de la technologie dans le monde des musées. Cette année ils auraient pu être 800 en provenance de plus de 40 pays. Au vu de la situation et à défaut de pouvoir se réunir physiquement, les intervenants et les participants ont acceptés, après un sondage en ligne, de se retrouver sur différentes plateformes Internet pour assister aux conférences, démonstrations et débats initialement prévus. Parmi ceux-ci se trouvent les musées, galeries, bibliothèques ou services d’archives qui soumettent leurs projets innovants en matière de patrimoine culturel, naturel ou scientifique pour être récompensé d’un GLAMi Awards. Par exemple, l’année dernière à Boston, l’application GEED fut récompensée avec le projet conçu pour le Musée des Beaux-Arts et d’Archéologie de Besançon.
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L’auditorium de MuseWeb dans SL prêt à recevoir les participants

En marge des conférences, pour permettre aux participants d’interagir entre eux malgré l’absence de contacts physiques, les réunions sociales prévues dans le cadre de MuseWeb 2020 (MW20), auront lieu dans la plateforme Second Life (SL). Cet univers virtuel ou métavers, développé par la société Linden Lab, offre depuis 2003 la possibilité de réunir des personnes sous la forme d’avatars dans un espace virtuel. De nombreux musées réels s’y trouvent présents à côté de musées et de galeries purement virtuels et profiteront de l’occasion pour se présenter. Comme partenaire, MW20 a requis les services de l’association Virtual Ability. Depuis plus d’une décennie, cette organisation américaine, à but non lucratif, facilite la participation dans les mondes virtuels des individus souffrant de handicaps physiques, mentaux, émotionnels ou de maladies chroniques. Elle gère dans l’univers de SL un musée d’art virtuel et une bibliothèque accessibles à tous présentant des œuvres de personnes handicapées. C’est dans ce cadre inclusif et sous la forme d’un avatar que les participants et les intervenants à MW20 seront invités à dialoguer et interagir ensemble. De la même manière ils pourront aussi assister à la conférence plénière de clôture intitulée : «le potentiel de la Réalité Virtuelle sociale afin de transcender les frontières pour une plus grande inclusion et accessibilité ». Ainsi, tout en restant confiné chez soi, il est possible de s’inviter dans les musées qui ont une existence virtuelle.

Y en avait point comme lui

C’est en faisant les courses du week-end que j’ai appris que Gilbert Kaenel, ancien directeur du Musée cantonal d’archéologie et d’histoire de Lausanne, a subitement quitté ce monde. Il laisse derrière lui une communauté archéologique en deuil, entre autres celles des chercheurs qui après 2007, date des 150 ans de la découverte du site de La Tène, ont repris l’étude du site éponyme du Second Age du Fer. Du début de la pêche aux antiquités lacustres en 1857, jusqu’à la fin des fouilles en 1917, ce site a livré pas moins de 4500 objets aujourd’hui répartis dans une trentaine d’institutions de Suisse, d’Europe et des Etats-Unis. C’est sous sa direction, qu’un vaste projet de recherche du Fonds national suisse de la recherche scientifique a été mis en œuvre, et s’est concrétisé par la publication d’ouvrages réunis sous le titre : « La Tène, un site, un mythe », dont le 7ème tome, consacré à la collection du site conservée au musée d’Archéologie Nationale de Saint-Germain-en-Laye, en France, vient de paraitre.
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Avis mortuaire dans ArcInfo du 25.02.2020

Parmi les autres chercheurs pour qui la disparition de celui que l’on appelait aussi Auguste crée un vide, sont celles et ceux attachés à l’étude du site du Mormont. Sur ce site, daté de La Tène finale, soit vers 100 av. J.-C., près de deux cents fosses, refermant un abondant mobilier ont été fouillées entre 2006 et 2011. Deux volumes des Cahiers d’archéologie romande, sous la direction de Caroline Brunetti, viennent de même de sortir. Pour tous ces ouvrages, qui sont en souscription jusqu’au 31 mars, Gilbert Kaenel fut directement impliqué d’une manière ou d’une autre et eu le plaisir de les voir achevés. Mais au-delà du professeur, du scientifique ou de l’éditeur, il fut également « un observateur avisé, amusé, fasciné et attendri du langage et surtout de l’esprit vaudois », comme le décrivait l’exposition du Musée romain de Lausanne Vidy : « Y en a point comme nous. Un portrait des Vaudois aujourd’hui » que lui avait dédiée Séverine André et son copain Laurent Flütsch à l’occasion de sa retraite officielle en 2015. C’est cette image d’épicurien, de bon vivant, que tous ceux qui l’ont connu conserveront de lui.

Alix chez les Helvètes

Vient de sortir dans le domaine de la bande dessinée « Les Helvètes », 38ème tome des aventures d’Alix. C’est à un périple en territoire helvétique que nous convie le scénario de Mathieu Breda et les dessins de Marc Jailloux, d’après un synopsis original de Jacques Martin, créateur de la série, qu’il avait imaginé avant son décès en 2010. En plus de son jeune compagnon grec Enak, Alix sera accompagné par Audania, une jeune femme, fille du druide et chef éduen, Diviciacos, gardée jusque-là en otage dans la maison de César, et de Lucius , fils de Munatius Plancus, un des lieutenant de César lors de la Guerre des Gaules, et futur fondateur des villes de Lugdunum (Lyon) et d’Augusta Raurica (Augst). L’histoire se situe vers l’an 46 av. J-C, soit une douzaine d’année après que les Helvètes eurent brûler leurs 12 villes et leurs 400 villages. Quelque 370’000 Helvètes s’étaient mis en mouvement dans l’envie d’émigrer en Saintonge, avant d’être arrêté par Jules César à Genève, puis vaincu à la bataille de Bibracte. Les 110‘000 survivants furent renvoyés sur les terres qu’ils avaient abandonnées, pour ne pas laisser un territoire vide entre les Germains et la Province romaine de Narbonnaise. C’est ainsi un pays en pleine phase de reconstruction que vont découvrir Alix et ses compagnons.
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Couvertures des deux derniers Alix

Le début de l’ère romaine sur l’actuel Plateau suisse, doit commencer par l’établissement d’une colonie de vétérans, conduit par l’ancien centurion Volentus. La mission d’Alix est de servir d’émissaire auprès des tribus helvètes pour s’assurer de leur loyauté en sacrifiant, au nom de Rome, un trésor à leurs divinités, sur le site sacré de Divoglanna, un nom imaginé par les auteurs pour évoquer le site de La Tène. Il aura comme allié un certain Camilos, dont le nom suggère celui d’un ancêtre de l’influente famille des Camilli dans la future colonie d’Avenches. En plus, au fil des planches, différents aspects de la vie de l’époque sont représentés, comme celui des divers moyens de transports terrestres et fluviaux, des trophées et sacrifices animaux ou humains, des cérémonies romaines ou celtes, des constructions dans les villes et les oppidums. Parallèlement à cette sortie, Christophe Goumand, directeur du Festival international du film d’archéologie de Nyon, en collaboration avec les dessinateurs Marco Venanzi, Frédéric Toublanc et Exem, a conçu un album «L’Helvétie » dans la série des Voyages d’Alix. Sous la forme d’une vulgarisation scientifique, sont présentés, par le texte et l’image, un résumé de la préhistoire de la Suisse avant la conquête romaine, puis plus en détails, différents sites témoins de la présence romaine, comme Martigny, Lausanne, Avenches, Augst ou Windish, constituant un complément documentaire utile à l’aventure. Enfin, signalons qu’à l’occasion de la sortie de deux ouvrages, les Site et Musée romains d’Avenches exposent, jusqu’au 15 mars, une série de planches originales issues des deux volumes.

Bruno Manser l’inaugurateur

J’ai profité de cette période de fêtes pour aller voir le film de Niklaus Hilber consacré à l’aventure et au combat de Bruno Manser parmi les Pénans du Sarawak sur l’île de Bornéo. Le film, produit à 100% par des fonds suisses, s’intitule tout simplement « Bruno Manser – La Voix de la forêt tropicale » qui fait directement écho au titre du livre écrit en 1992 par Bruno Manser « Stimmen aus dem Regenwald. Zeugnisse eines bedrohten Volkes » traduit en français par « Voix de la forêt pluviale. Témoignage d’un peuple menacé ». Ce film commence par une image qui n’occupe que 7% de l’écran, ce qui correspond à la surface restante de la forêt tropicale au Sarawak, et quand l’image passe au plein écran, on assiste à l’arrivée dans la jungle en pirogue à moteur de Bruno Manser, en 1984. La première partie du film se concentre sur sa vie parmi le peuple nomade des Penans dont l’existence consiste à subvenir à des besoins simples, comme manger et dormir, ce que permet facilement d’assouvir la chasse et la cueillette, ainsi que la construction d’abris constitués d’une plateforme et d’une toiture, montée en quelques heures. Mais la déforestation entreprise par des compagnies privées avec l’autorisation du gouvernement malaysien menace ce paradis, ce qui oblige les nomades Penans à entrer en résistance avec la complicité de Bruno, qui se verra pour cela expulsé de Malaisie en 1990, après six ans passés parmi eux.
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Image tirée du film (Photo: Tomas Wütrich)

La seconde partie du film raconte son rôle d’activiste écologiste, mené depuis la Suisse, pour lutter contre le commerce des bois exotiques afin de sauver l’espace vital des Penans. On le voit ainsi s’approcher du Commissaire européen ou du Secrétaire général des Nations-Unies sous la bannière de l’Association pour les peuples de la forêt pluviale, connue également sous le nom du « Bruno-Manser-Fonds ». C’est dans cette activité que j’ai eu le plaisir d’assister à une de ses présentations à l’Aula de l’Université de Neuchâtel sous le titre « La vie quotidienne d’une tribu de nomades à Bornéo ». Il avait amené avec lui des enregistrements de la forêt pour nous plonger dans l’ambiance de la nature sauvage, ainsi qu’une sarbacane, dont il fit une démonstration de tir en visant le lourd rideau qui pendait devant les fenêtres de la salle. Je me souviens de sa grande force de conviction et de son aura face au public qui avait fait salle comble. Par un heureux hasard de circonstance, cette présentation annoncée dans le cadre du Cercle neuchâtelois d’archéologie fut la première conférence présentée sous la nouvelle appellation d’ArchéoNE, puisque l’Assemblée générale de l’association venait à peine quelques minutes plus tôt d’entériner de nouveaux statuts et son nouveau nom, en ce mercredi 13 janvier 1993. Bruno Manser l’inaugurateur, quant à lui, n’a plus donné signe de vie depuis le 23 mai 2000 et est depuis le 10 mars 2005 officiellement déclaré mort. Aujourd’hui, son combat contre la déforestation n’a pas perdu de son actualité et apparait précurseur des mouvements écologistes qui visent à sauver la planète.

Koutchicou, ex hapax d’Internet

Mercredi dernier, j’ai eu le plaisir de participer à une visite guidée de l’exposition « Jean-Marie Borgeaud, Terra Incognita… », dans l’Espace Nicolas Schilling et Galerie, à Neuchâtel, en présence de l’artiste. Répartie dans différents endroits longeant le Faubourg de l’Hôpital, l’exposition construite sous forme de promenade artistique, permet également de découvrir au passage divers lieux du patrimoine neuchâtelois: le jardin de l’Hôtel Jacques-Louis de Pourtalès, qui fut le séjour neuchâtelois de l’impératrice Joséphine de Beauharnais, après son divorce avec Napoléon Bonaparte ; le jardin de l’Hôtel Pourtalès-Castellane, demeure néo-classique construite en 1814 par le baron Frédéric de Pourtalès, lieu de réception en 1842, de Frédéric-Guillaume III, roi de Prusse et Prince de Neuchâtel ; l’Hôtel DuPeyrou, construit dès 1765 par Pierre-Alexandre DuPeyrou, qui a rendu possible la première édition des écrits de son ami Jean-Jacques Rousseau.
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« Koutchicou » et « Faune dansant de Pompéi »

Sculpteur et peintre genevois né en 1954, Jean-Marie Borgeaud empoigne la céramique à bras le corps, en parfait autodidacte, à partir des années 1990. Depuis lors, il modèle des hommes, des femmes, des animaux et des créatures fantastiques, transcendés par le passage au feu. Dans une récente interview accordée au journaliste Etienne Dumont, l’artiste avoue ceci : « Ce qui me frappe le plus au final, c’est cependant leur allure commune de pièces archéologiques ». Et il est vrai qu’en parcourant les lieux d’exposition et en découvrant les œuvres exposées, le visiteur peut avoir l’impression de se retrouver, hors du temps et de l’espace, dans la salle de conservation des statues antiques ou dans les jardins d’un musée à ciel ouvert. Les corps et les bustes modelés en terre cuite, parfois assombrie par l’adjonction de manganèse dans l’argile, forment un contraste saisissant vis-à-vis des murs éblouissants de blancheur de la galerie. Les œuvres ainsi exposées prennent l’apparence de fragments de statues en bronze, telles qu’un archéologue serait heureux de découvrir dans la cargaison d’une épave antique, ou dans les ruines d’une villa romaine. Ainsi, la sculpture intitulée « Koutchicou », en équilibre sur un pied saisie en plein mouvement de danse, évoque irrésistiblement l’attitude du Faune dansant découvert dans la villa de Pompéi qui porte son nom. Le catalogue publié par la Galerie Schilling, donne un très bon aperçu des œuvres actuelles de l’artiste, qui a l’exemple de ses prédécesseurs antiques, réussit à faire surgir la vie de la matière inanimée. L’exposition est à voir dans quatre lieux des Faubourgs de Neuchâtel, jusqu’au 21 décembre.

Les archéologues européens en congrès à Berne

Du 4 au 7 septembre 2019 s’est tenu dans les locaux de l’Université de Berne le 25ème congrès annuel de l’Association européenne des archéologues (EAA). Cette année, c’est sous la devise : « Au-delà des paradigmes » que plus de 1800 archéologues du monde entier se sont retrouvés pour débattre des dernières découvertes dans leur domaine. Le programme scientifique de la manifestation était divisé selon six thèmes de l’archéologie et de la recherche en préservation du patrimoine, à savoir : « Théorie et méthodes archéologiques au-delà des paradigmes »; « Interprétation des documents archéologiques »; « Archéologie des paysages de montagne » ; « Archéologie numérique, science et multidisciplinarité »; « Patrimoine archéologique et gestion des musées »; ainsi que « Changement climatique et Archéologie ».
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Porte d’enregistrement pour l’EAA 2019

L’Association européenne des archéologues (EAA) a été fondée en 1994 lors d’une première rencontre qui s’est tenue à Ljubljana en Slovénie. Cette première avait réuni 150 membres. L’année dernière, lors du rendez-vous annuel qui s’est tenu à Barcelone, ce furent 2992 membres qui se sont retrouvés, soit un pourcentage significatif des 3547 membres enregistrés. L’EAA représente les intérêts des archéologues des universités, des services de protection du patrimoine, des musées et du secteur privé au niveau européen et constitue de ce fait la plus grande association professionnelle européenne des diverses disciplines de l’archéologie. D’après son acte de fondation, elle a pour objectif de promouvoir le développement de la recherche archéologique et l’échange d’informations archéologiques ; la gestion et l’interprétation du patrimoine archéologique européen ; les normes éthiques et scientifiques appropriées pour le travail archéologique ; les intérêts des archéologues professionnels en Europe ; la coopération avec d’autres organisations ayant des objectifs similaires. La 25e édition de ces rencontres marque le premier grand anniversaire de l’histoire de l’association et se déroule pour la première fois en Suisse. A cette occasion, la revue AS-Archéologie Suisse, dans sa dernière édition, a édité un dossier qui expose en détails le passé, le présent et l’avenir de l’organisation que l’on peut télécharger sur le site de l’EAA.

Age of Pop into Classics !

En passant par Toulouse, j’ai eu la chance de visiter au musée Saint-Raymond, juste avant sa fermeture, une exposition particulièrement ludique et intéressante : « Age of Classics ! L’antiquité dans la culture pop » dont le titre résonne en lui-même comme un jeu vidéo (Age of Empire, Age of Mythology). Le texte d’introduction de l’exposition résume bien ce que ses concepteurs souhaitaient apporter, à savoir que « les périodes médiévales et modernes n’ont pas fait disparaître l’héritage antique. Elles l’ont absorbé, préservé, assimilé et transformé. Le monde contemporain et la culture populaire (« pop »), se sont à leur tour emparés des modèles classiques pour donner naissance à de nouveaux héros et à de nouvelles formes d’art dans un contexte mondialisé. « Age of Classics » fait ainsi dialoguer des objets antiques avec des productions réalisées après l’année 2000, pour interroger notre rapport au monde gréco-romain dans ce qui fait notre quotidien : littérature, bande dessinée, cinéma et séries, arts plastiques…Comment l’Europe réinterprète-t-elle son héritage ? Quel est le lien entre Grèce. Rome et Etats-Unis d’Amérique ? Pourquoi l’Asie explore-t-elle l’histoire occidentale dans ses productions ? Pourquoi l’Antiquité n’a-t-elle jamais cessé de circuler, d’être confrontée aux différents temps présents ?
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« Pollice Verso » de Gérôme, derrière Alexios, le héros d’Ubisoft

Dans l’espace d’exposition une cinquantaine d’œuvres très variées associaient art contemporain et figures antiques. Ainsi, le héros du jeu vidéo « Assassin’s Creed Odyssey » est confronté à la fameuse scène du pouce inversé du tableau de Jean-Léon Gérôme, qui a inspiré le geste de la mise à mort dans les péplums. La commissaire scientifique de l’exposition, Tiphaine Annabelle Besnard, dont le projet de thèse de doctorat « (Re)présenter l’Antiquité grecque et romaine dans l’art actuel. Ou les vicissitudes des références antiques à l’heure de la mondialisation » a servi de base à ce dialogue entre anciens et modernes. Pour ce faire, elle a étudié plus d’un millier d’œuvres actuelles produites par des artistes européens, américains et asiatiques qui font de manière explicite référence à l’Antiquité gréco-latine dans leur art. Cette réception de l’Antiquité dans les différents supports de la culture populaire est également le point de convergence d’un groupe de chercheurs réunis dans l’association « Antiquipop » publiés sous l’enseigne du carnet scientifique édité par Fabien Bièvre-Perrin : « l’Antiquité dans la culture populaire contemporaine ». Sans doute, comme le démontre les publicités intégrées dans la vidéo de présentation de l’association que l’on peut associer à cette réflexion la démarche entreprise en son temps par le musée archéologique de Strasbourg dans son exposition « Archéopub ».

Pourquoi Rome s’est effondré ?

L’interconnexion des populations occidentales dans le monde globalisé d’aujourd’hui n’est pas sans rappeler celle qui a lié toutes les populations comprissent dans l’espace culturel que l’histoire a retenu comme étant l’Empire romain. Cet empire pu conserver pendant au moins deux siècles l’intégrité de ses frontières grâce à la supériorité logistique et technologique de ses légions bien retranchées derrière le limes. Mais si la puissance de Rome fut aussi grande, elle le doit aussi a une période particulièrement favorable appelée « optimum climatique romain », qui a permis de nourrir et de faire croitre sans difficulté sa population, jusqu’à atteindre 75 millions d’individus. Pour expliquer la fin de cet Empire, on évoque le plus souvent les invasions des peuples dit barbares (car ne parlant ni le grec ni le latin). En fait, loin d’être une cause, cette invasion ne semble avoir été qu’une conséquence de déséquilibres hors du contrôle des empereurs ou du Sénat et du peuple de Rome, suffisamment discrets pour qu’ils aient échappé jusqu’à peu à la réflexion des historiens.
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Destruction par Thomas Cole

Dans « Comment l’Empire romain s’est effondré », Kyle Harper, professeur d’histoire à l’Université d’Oklahoma démontre que plusieurs vagues de grandes pandémies conjuguées avec l’arrivée d’un changement climatique, le petit âge glaciaire de l’Antiquité tardive, furent des causes bien plus importantes que les grandes invasions. Etonnamment, c’est là où l’on pensait que l’Empire romain avait été le plus efficace, c’est-à-dire dans la construction de routes sur l’ensemble de son territoire, le développement des villes et leur réseau d’adduction d’eau et d’égouts qui serait la cause de son effondrement. Sans connaissances approfondies en médecine la promiscuité des populations à l’intérieur des villes ainsi que le réseau dense des échanges par voies terrestres et maritimes, favorisèrent la propagation d’au moins trois épidémies de pestes particulièrement mortelles. D’abord les pestes dites antonines en l’an 165 et de Cyprien en 251 voient la population de l’Empire stagner, avant de diminuer considérablement lorsque survint la peste bubonique de Justinien à partir de 541. La détérioration du climat, amenant une succession de mauvaises récoltes et des famines, la démographie ne put compenser les pertes dues aux épidémies. En l’espace de deux siècles, la population de la ville de Rome passa ainsi de près d’un million d’habitants à seulement 20’000. Ce qui est arrivé à Rome pourrait bien aussi nous arriver. Nous ne sommes pas définitivement à l’abri d’un effondrement dû au réchauffement climatique associé à de nouvelles maladies décimant les populations.

Ce n’est pas le radeau de la Méduse

C’est demain, jeudi 1 er août à 9h00, que le radeau de l’association Pierre-à-feu doit l’arguer ses amarres devant le Parc et musée du Laténium, pour tenter de rallier, d’ici dimanche prochain, le village préhistorique de Gletterens. En plus de son équipage humain de cinq personnes, le radeau transportera comme cargaison un bloc erratique de près d’une tonne. L’embarcation propulsée à l’aide de perches et de rames, longera les rives du lac de Neuchâtel pour arriver à son but, soit un parcours d’environ 26 km. Le trajet du radeau pourra être suivi en temps réel sur le site de l’association grâce à une balise GPS et une carte présente sur leur site Internet. Une fois arrivé à bon port, le bloc de granit devra être hissé et déplacé selon des techniques anciennes grâce à des rails et des rondins de bois, jusqu’au village lacustre de Gletterens, où il sera dressé comme un menhir. Cette mise en terre deviendra un des événements marquant le 1er rassemblement préhistorique organisé sur le site de Gletterens, qui aura lieu du samedi 3 août au dimanche 11 août 2019. Ces neufs jours réuniront des spécialistes de l’archéologie expérimentale et des curieux de la préhistoire dans l’échanges de pratiques de différents artisanats comme la taille de silex, le façonnage de vannerie et de poterie, la fabrication de pirogues, le travail de l’os, de la corne et du cuir ou la confection d’arcs et de flèches, de sagaies, d’outils en cuivre et en bronze.
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Le radeau en cours de construction devant le Laténium

Il a fallu quelques jours, à l’association Pierre-à-feu pour construire ce radeau avec des moyens modernes. L’embarcation est constituée par 18 troncs d’épicéas maintenus ensemble par quatre traverses en hêtre et liées par des cordages.  Le tout forme un radier d’une taille de huit mètres sur quatre. Même si aucune construction navale de ce type n’a été attestée en fouilles, l’hypothèse que de telles embarcations ont pu être utilisées aux fins de transport de lourdes charges sur de longues distances est une hypothèse intéressante qui demande au moins d’être vérifiée par l’expérimentation. Des sites mégalithiques situés sur des îles, comme celle de Gavrinis en Bretagne, ou certaines des pierres amenées à Stonehenge, semblent indiquer que de tels transports ont pu avoir lieu en Europe dès le Néolithique. De ce fait, l’absence de tels vestiges n’est pas une preuve de leur absence. En effet, un radeau, contrairement à un bateau, ne coule pas, mais continue à flotter, jusqu’à se désagréger, pourrir et disparaître. Ainsi, l’espoir de retrouver une telle construction est bien moindre que pour tous autres types d’embarcation.  Par ailleurs, nous savons que de grands radeaux faits de rondins de balsa et utilisant des voiles pour la navigation ont joué un rôle important dans le commerce maritime sur les côtes de l’océan Pacifique, en Amérique du Sud, de la période précolombienne jusqu’au 19ème siècle. Je souhaite, dès demain, une bonne navigation aux membres de l’association Pierre-à-feu, loin de l’image du radeau de la Méduse.

Premières journées d’archéologie en Europe

Du 14 au 16 juin, la Suisse ainsi que 16 autres pays européens, ont connu leur première édition des Journées d’Archéologie en Europe, basées sur le modèle des Journées nationales de l’archéologie mis en place en France depuis 2010. Ces journées qui ont lieu traditionnellement la deuxième semaine de juin sont organisées par le ministère français de la Culture et coordonnées par l’Institut national de recherches archéologiques préventives (Inrap). Elles ont pour ambition de sensibiliser les publics les plus variés à l’archéologie, à ses enjeux, à ses métiers, à ses méthodes et à ses lieux. Ce blog se permettait déjà de rêver à ce que de telles journées soient instituées en Suisse il y a huit ans.  Il aura fallu une table ronde à Lausanne en 2013, avec Pascal Ratier, coordinateur des Journées nationales de l’archéologie en France, ainsi que du temps, pour en arriver là.

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Résultats de la recherche pour l’Espace Mittelland

L’ensemble de la Suisse a été découpée en sept régions. Tout naturellement, compte tenu de la proximité linguistique avec la France, c’est en Suisse romande que la majorité des événements liés à ces journées eurent lieu, soit dans 13 lieux sur les 22 annoncés. Le reste se déroula en Suisse alémanique, mais rien en Suisse italienne. Pour ce qui concerne l’Espace Mittelland, l’entier des activités furent déployées dans le canton de Neuchâtel et dans aucun des autres cantons compris dans cette région. Pour cela, tous les acteurs de l’archéologie cantonale se sont mis ensemble pour définir un programme susceptible de satisfaire les personnes intéressées par le sujet. La visite du laboratoire de restauration du Laténium de même que les visites de la grotte de Cotencher ainsi que des ruines du château de Rochefort connurent un grand intérêt public le samedi, alors que le dimanche une cinquantaine de personnes prirent part à une balade entre lieux archéologiques et historiques dans la campagne bucolique du centre du Val-de-Ruz. Cette déambulation de trois heures entre Fontaine et Valangin, via Engollon et Fenin, fut un vrai succès, car en tant qu’organisateur, j’en espérais deux fois moins.  Vu l’intérêt et l’enthousiasme manifesté par les participants à ces journées, nul doute que nous répondrons présents à l’appel de la deuxième édition des Journées d’archéologie en Europe qui aura lieu les 19, 20 et 21 juin 2020.