Vente de doublets en archéologie

Les doublets, objets en double, sont des éléments que tout collectionneur de timbres-poste ou de cartes Panini cherche à négocier de la manière la plus favorable possible, soit par échange, soit par vente.  Dans le cadre de l’archéologie, cet esprit de collection est plutôt mal perçu, comme doivent l’apprendre les amateurs de détecteur de métaux. Les lois et les règlements en vigueur dans tous les pays conscients de la valeur de leur patrimoine culturel, tendent à soustraire l’objet archéologique de sa valeur marchande, et rendent sa propriété inaliénable de celle de l’état dans lequel il a été découvert.  Pourtant, au cours de deux conférences présentées hier au Laténium dans le cadre des  journées organisées par le Projet collectif de recherche (PCR) « Archives et correspondances de Joseph Déchelette » sur « Le financement et la réglementation étatique de l’archéologie (fin XIXe- XXe)», certains participants furent surpris d’apprendre que la pratique  du doublet avait bien eu cours de manière tout à fait officielle avec les collections réunies par Paul Vouga, au nom du musée de Neuchâtel. En particulier, lors des fouilles scientifiques, méthodiques et exhaustives conduites entre 1907 et 1917 du célèbre site de La Tène, éponyme du Second âge du Fer, une partie du financement des fouilles put être obtenue grâce à la vente de doublets (ou doublons) provenant des sites palafittiques situés au bord des lacs. Pour Vouga, il ne s’agissait pas de s’enrichir personnellement, juste de couvrir une partie des frais des recherches de la “Commission La Tène”,  par ailleurs très mal subventionnée.

Fouilles interdites sous peine d’amende

Il faut cependant se demander, à l’heure des réductions des subventions étatiques dans les musées, si la pratique du doublet ne pourrait pas avoir quelque intérêt dans la gestion et la sauvegarde de certaines collections d’objets. Au demeurant, même si  tout objet est unique en soi, il ressort des typologies que l’on s’ingénie à construire que l’on peut très bien rassembler certains objets semblables, voire identiques, dans des types bien définis, comme on le fait avec des pièces de monnaies, des amphores romaines ou des haches en bronze. Ne serait-il dès lors pas possible, afin de palier aux réductions de crédits, de vendre une partie des collections des musées ou des objets de fouilles après étude, au lieu de les mettre en dépôts non visitables?  Dans le texte de l’Ordonnance sur le fonds des musées de l’Office fédéral de la culture (OFC), qui règle le cas des collections de la Fondation Musées Suisses directement gérées par la Confédération, la possibilité de vendre des objets des collections pour alimenter les comptes est bien évoquée. Cependant il est précisé que « La vente d’objets de collections n’est possible qu’en vue du financement de l’achat de nouveaux objets de collections et est soumise à l’approbation de la direction de l’OFC », ce qui est en accord avec le code de déontologie prôné par l’ICOM. Est-ce que les pays au patrimoine archéologique riche, comme l’Italie, la Grèce ou l’Egypte, mais pauvres en financement ne pourraient pas penser à la cession de leur doublets pour assurer la conservation de leurs collections ou de leur patrimoine en place de l’acquisition de nouveaux objets? Cela permettrait peut-être, par la vente d’artéfacts de fouilles légales, de casser le marché des antiquités résultant des fouilles clandestines.


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