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Indiastra et les associés d’Alliance Patrimoine

Aujourd’hui a eu lieu à Berne l’assemblée générale du Groupe de travail pour les recherches préhistoriques en Suisse (GPS). En marge de la partie scientifique qui expose les dernières découvertes et recherches en pré- et protohistoire du pays, deux communications de nature politique furent présentées. Ce fut d’abord Alexander von Burg,  responsable du service de l’Office fédéral des routes (OFROU) spécialisé en  archéologie /paléontologie, qui profita de la tribune pour commenter la nouvelle « Procédure applicable en cas de découvertes archéologiques ou paléontologiques lors de la construction des routes nationales». La réforme de la péréquation financière entre la Confédération et les cantons (RPT) décidée le 28 novembre 2004, et entrée en vigueur le 1 janvier 2008, a comme première conséquence que tous les frais des travaux liés à la construction des routes nationales sont payés intégralement par le maître d’œuvre, c’est-à-dire la Confédération, alors qu’auparavant une partie des frais, entre 3 et 35% devait être prise en charge par les cantons.  Dorénavant, tous les nouveaux projets d’autoroutes seront développés par l’une des cinq filiales régionales de l’OFROU et seront assortis d’un rapport relatif à l’impact sur l’environnement (REI) et d’une étude d’impact sur l’environnement (EIE) pour lesquels le service spécialisé de l’OFROU (ASTRA en allemand) sera responsable de l’application de l’article 3 de la Loi sur la Protection de la Nature et du paysage (LPN). Une bonne raison pour accepter l‘augmentation de la vignette autoroutière à 100 francs.

Indiastra
Indiastra est prêt à imposer sa procédure

Lors de l’assemblée générale, le président d’Archéologie suisse (AS), Peter- Andrew Schwarz prit la parole pour annoncer le lancement officiel le 28 mai 2013 de l’association « Alliance Patrimoine » résultat de l’action concertée de quatre sociétés (Patrimoine suisse, la Société d’histoire de l’art en Suisse (SHAS), le Centre national d’information pour la conservation des biens culturels (NIKE) et Archéologie suisse ) qui se sont associées pour former un groupe de lobbying chargé de rencontrer, de deux à quatre fois par année, les administrations et des parlementaires fédéraux. Pour cela ils partageront les coûts d’un cabinet d’avocat, Furrer.Hugi & Partner AG, qui sera chargé de défendre leurs intérêts lorsqu’ils seront concernés par de nouvelles dispositions administratives. Si on ajoute à toute ces bonnes nouvelles la publication par un groupe de travail dirigé par Gilles Bourgarel des « lignes directrices pour l’archéologie de terrain » mis en place dans le sillage du projet Horizon 2015, on peut dire que l’archéologie helvétique semble vouloir se définir dans un cadre opérationnel et politique de mieux en mieux établi. Car malgré une reconnaissance du public, les archéologues ont du mal à être pris en considération par les autorités.

OUI à la modification de la LAT

Pour la première fois de son histoire l’association Archéologie suisse (AS) a donné une consigne de vote à ses membres : ils sont incités à voter OUI le 3 mars 2013 à la modification de la Loi sur l’aménagement du territoire (LAT) dans l’intérêt de la protection du patrimoine, de la nature et des paysages. Cette prise de position (oubliée de publication sur le site Internet des partisans) est la conséquence concrète des nouveaux statuts de la société adoptés le 13 juin 2009 à Genève et qui entérinait de manière officielle la création en son sein de la commission « Archéologie et aménagement du territoire ». La commission, qui compte actuellement  16 membres, se compose de spécialistes et de non spécialistes de l’archéologie. Ses activités, qui concernent la Suisse tout entière, vise à sensibiliser les administrations et les politiques sur les lois, règlements et plans directeurs cantonaux qui peuvent avoir une incidence directe ou indirecte avec l’archéologie, afin de les harmoniser dans les 26 cantons et demi-cantons de la Confédération et les rendre conforme à tous les aspects développés dans la Convention de Malte. Le rapport d’évaluation des plans directeurs cantonaux qu’elle a dressé, représente de manière concrète l’un de ses objectifs.
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Logo pour le OUI

Une autre des taches de la commission doit être  la rédaction de prises de position lors de révisions ou d’introduction de lois susceptibles de concerner le patrimoine archéologique. D’où cette prise de position du comité d’AS sur la modification de la LAT. Le principal argument c’est que comme l’archéologie est une activité à incidence spatiale, toute nouvelle construction sur un terrain non bâti représente une menace potentielle sur les vestiges enfouis, d’autant plus si elle s’établit dans une zone archéologique protégée. La révision de la LAT prévoit que les cantons et les communes perçoivent une taxe s’élevant au moins à 20% de la plus-value foncière touchée par les propriétaires d’un terrain reclassé.  Le produit de cette taxe doit être utilisé à indemniser les propriétaires de terrain déclassé, soit des terrains sortis de la zone à bâtir. Il pourra aussi servir pour financer l’aménagement de places publiques, de parcs et de routes. Dans l’état actuel des lois et règlements cantonaux, si une fouille se révèle nécessaire en zone protégée, c’est généralement les finances cantonales qui doivent en assumer les frais. Dans la perspective d’un nouveau règlement d’application de la LAT, il serait bon de prendre en compte cet aspect des choses et faire en sorte que dans la révision, selon le principe du casseur-payeur, celui qui oblige l’ouverture d’une fouille par sa construction, doivent en assumer les frais. Cela pourrait se faire de manière tout à fait mutualisée en attribuant une part de la taxe sur la plus-value foncière au profit également de l’archéologie lors du classement de nouveaux terrains en zone à bâtir.

Bilan intermédiaire d’Horizons 2015

Vendredi 18 janvier 2013, les archéologues actifs en Suisse dans tous les domaines et époques, se sont donnés rendez-vous à Bâle, dans l’un des auditoires de l’université, pour dresser le bilan intermédiaire du projet Horizons 2015. Rappelons que ce projet – que nous avons présenté ailleurs dans ce blog – a pour but d’améliorer la collaboration entre les diverses institutions et organisations de l’archéologie suisse, soit en premier lieu les services cantonaux, les universités et les musées. La première partie de la rencontre d’hier était consacrée aux diverses activités liées au projet, en particulier celles des groupes de travail formés à l’issue du concours d’idée de 2010. C’est dans cette partie que je suis intervenu en compagnie de Nathalie Duplain pour présenter le rapport établi par le groupe de travail « Nouvelles technologies et médias », créé a l’issue de sa réunion constitutive du 31 août 2011. Dans la seconde partie, furent présentés une dizaine de projets montrant qu’il est possible de mettre en place des collaborations suprarégionales et institutionnelles  allant au-delà de l’esprit de clocher, qui dans sa version suisse alémanique se dit  « Kantönligeist». Mais malgré ces présentations il semble que l’on est encore loin d’une véritable coordination de l’archéologie dans notre pays, car chacun préfère être le maître dans son canton ou son institution plutôt que de se voir imposer des règles venues d’ailleurs.
Horizons2015
Un millefeuille dans un colloque

Dans le cadre du groupe de travail « Nouvelles technologies et médias », nous avons constitué une liste des ressources disponibles en ligne concernant l’archéologie en Suisse, que l’on trouve sur les sites internet des archéologies cantonales, des musées d’archéologie, des universités et des recherches sur Google et Wikipédia. En faisant cela on ne peut que constater que cette présence en ligne poursuit essentiellement un rôle de communication institutionnelle permettant de savoir qui est responsable de quoi, où et quand. Mais si l’on cherche à connaître la richesse des sites suisses, leur localisation et les découvertes qui en sont issues, la tâche se révèle ardue si on ne maîtrise pas la structure dispersée de ces informations, voire tout simplement impossible, dû à l’absence même d’information en ligne dans certains cantons. Il apparaît paradoxal de constater que si un amateur d’archéologie cherche des données synthétiques sur l’archéologie en Suisse, il trouvera ces renseignements plus facilement sur un site étranger que sur l’un ou l’autre des sites des organisations faîtières de l’archéologie suisse, comme celui de la Conférence Suisse des Archéologues Cantonaux ou d’Archéologie suisse. Nathalie Duplain dans son blog résume bien l’ensemble de nos observations. Ce bilan plutôt désolant doit donc encourager le groupe de travail  à poursuivre sur cette lancée pour amener à terme à la création d’un véritable portail Internet de l’archéologie en Suisse, et disposer ensemble toutes les couches d’informations pour en faire un millefeuille digeste.

Les voies de l’archéologie croisent celles du tourisme

Le premier colloque « Archéologie et Tourisme en Suisse » s’est achevé aujourd’hui par une excursion touristique des plus traditionnelles dans les environs de Thoune. Pendant deux jours, une cinquantaine de professionnels des milieux concernés auront pu confronter leurs idées sur la place que doit occuper l’archéologie dans l’offre touristique suisse. Le premier constat qu’ils ont pu dresser c’est que bien que l’archéologie bénéficie de l’intérêt du grand public, la richesse archéologique de la Suisse souffre d’un déficit d’image auprès des offices du tourisme. Face à la pléthore d’offres d’activités soumise aux visiteurs, les quelque 800 sites archéologiques à visiter que compte notre pays ou les Via Storia, ont du mal à se faire une place. Pour les milieux du tourisme, l’archéologie doit commencer par se rendre intéressante.  Mais pour quel type de public ? Charge aux acteurs du tourisme de nous dessiner un touriste.  A défaut de répondre à toutes les questions qui auront été soumises, les discussions auront permis aux uns et aux autres de poser  les bases de la problématique et d’établir des liens pour le futur .
Legionärs Pfad
Extraits de la brochure Legionärspfad

Après la discussion il faut passer aux actes. Parmi les exemples innovants d’intégration de l’archéologie et du tourisme en Suisse, la mise en place du  « Sentier des légionnaires » (en allemand, Legionärspfad)  par le musée du canton d’Argovie (Museum Aargau) est exemplaire de ce que l’on peut faire de mieux dans le domaine de la médiation culturelle pour valoriser l’archéologie auprès des milieux du tourisme. Reprenant l’idée des parcs à thème, mais avec le sérieux scientifique et les connaissances acquises par les archéologues, cette attraction propose d’éprouver l’expérience de vie d’un légionnaire de l’armée romaine le temps d’une journée. A Windisch, groupes, classes d’école, familles et  particuliers sont invités à revêtir l’équipement des recrues et à découvrir  de façon ludique neuf ambiances illustrant la vie de garnison, dans les ruines de ce qui était il y a 2000 ans le camp légionnaire de Vindonissa, l’un des 28 camps des Légions réparties dans l’Empire romain, mais le seul situé sur le territoire suisse.  Parmi les scènes à découvrir signalons celles de la cuisine des officiers, des thermes et de l’aqueduc romain toujours en usage. Certains des lieux à découvrir ne sont accessible aux visiteurs que dans le cadre de cette expérience. Pour les recrues les plus motivées il est même possible de passer une nuit dans un Contubernia, le logement de la troupe parfaitement reconstitué selon les connaissances archéologiques. Là elles peuvent faire du feu, se préparer une bouillie et dormir sur un lit rembourré avec du foin. Des médiateurs particulièrement bien formé, qui ont parfois fait leurs classes au sein de la Legio XI Claudia Pia Fidelis, sont prêts à répondre aux questions des participants. Ouvert du 1er avril au 31 octobre, le Legionärspfad a accueilli en 2011, 33’000 visiteurs et comptabilisé 3600 nuitées.  Ce n’est donc pas un hasard si la réalisation de ce projet à gagné en 2011 le troisième prix du concours « Milestone de Tourisme Suisse » dans la catégorie « Projet remarquable ».

Archéologie et tourisme en Suisse

Les liens entre tourisme et archéologie sont évidents, comme le démontre chaque année à Paestum, en Italie, la Bourse méditerranéenne du tourisme archéologique, dont la 15ème édition aura lieu du 15 au 18 novembre. Pourtant, ce qui semble aller de soit d’une manière générale dans le bassin méditerranéen et dans d’autres régions, n’est pas perçu de la même façon en Suisse, où le tourisme repose avant tout sur la visite de nos villes et de nos montagnes et la pratique des sports d’hiver. En complément du grand concours d’idées engagé en Suisse par le projet Horizont 2015, un petit groupe d’archéologues s’était réuni à Berne,  le 1er septembre 2011, sur le thème «Evènements et communication ». Il s’en était dégagé trois propositions, dont l’une était d’organiser un « Colloque sur l’Archéologie et le Tourisme en Suisse ». Partant de ce projet, deux groupes d’archéologues réunis au sein de deux sociétés privées, ArchaeoConcept et Nomads of Time, ont fondé l’association ArchaeoTourism 2012 chargée d’organiser ce premier colloque, au château de Thoune, du 8 au 10 novembre 2012.

Extrait de la page d’accueil d’ArchaeoTourism 2012

Ce colloque sur l’Archéologie et le Tourisme en Suisse est avant tout destiné aux spécialistes suisses de ces domaines. Comme prolégomènes au programme de ces journées se trouve deux visions: celle de l’archéologie en Suisse expliquée aux professionnels du tourisme, suivie par  celle du tourisme en Suisse expliqué aux archéologues. Pour les premiers, l’idée commune est sans doute qu’il n’y a rien à montrer en Suisse de très intéressant du point de vue archéologique, alors que pour les seconds le tourisme  peut être perçu comme une menace sur les sites qu’ils doivent protéger. Sur cette base de réflexions croisées, quatre ateliers sont prévus. Un premier atelier essayera de définir les bénéfices de l’archéologie pour le tourisme et les avantages du tourisme sur l’archéologie tandis qu’un second s’efforcera de créer un produit touristique en rapport avec l’archéologie. Un troisième groupe sera consacré aux relations publiques et au marketing de sites archéologiques, et le dernier enfin se concentrera sur le thème de l’authenticité et des traditions culturelles, thème phare de Suisse Tourisme en 2013. Les résultats de ces réflexions feront par la suite l’objet d’une publication qui devrait pouvoir éclairer les uns et les autres sur les possibilités d’interactions et de synergies entre ces deux domaines et donner des réponses aux questions suivantes: « Où se situent les chances et les défis pour la coopération entre l’archéologie et le tourisme ? Quelle est la position actuelle concernant le tourisme pour les monuments archéologiques et les sites en Suisse? Une meilleure connexion entre archéologie et tourisme est elle activement souhaitée ? Et le cas échéant, comment y parvenir ? ». Trouver des réponses satisfaisantes à ces questions est un des objectifs fixé par les organisateurs de cette manifestation.  Cet événement devrait aussi permettre aux professionnels de l’archéologie et du tourisme en Suisse de tisser des liens solides entre eux pour la réalisation dans un avenir proche de projets ambitieux. C’est en tout cas tout le bien que nous pouvons leur souhaiter. Si ce colloque vous intéresse pour y participer, les inscriptions sont encore ouvertes jusqu’au 1er novembre.

Vente de doublets en archéologie

Les doublets, objets en double, sont des éléments que tout collectionneur de timbres-poste ou de cartes Panini cherche à négocier de la manière la plus favorable possible, soit par échange, soit par vente.  Dans le cadre de l’archéologie, cet esprit de collection est plutôt mal perçu, comme doivent l’apprendre les amateurs de détecteur de métaux. Les lois et les règlements en vigueur dans tous les pays conscients de la valeur de leur patrimoine culturel, tendent à soustraire l’objet archéologique de sa valeur marchande, et rendent sa propriété inaliénable de celle de l’état dans lequel il a été découvert.  Pourtant, au cours de deux conférences présentées hier au Laténium dans le cadre des  journées organisées par le Projet collectif de recherche (PCR) « Archives et correspondances de Joseph Déchelette » sur « Le financement et la réglementation étatique de l’archéologie (fin XIXe- XXe)», certains participants furent surpris d’apprendre que la pratique  du doublet avait bien eu cours de manière tout à fait officielle avec les collections réunies par Paul Vouga, au nom du musée de Neuchâtel. En particulier, lors des fouilles scientifiques, méthodiques et exhaustives conduites entre 1907 et 1917 du célèbre site de La Tène, éponyme du Second âge du Fer, une partie du financement des fouilles put être obtenue grâce à la vente de doublets (ou doublons) provenant des sites palafittiques situés au bord des lacs. Pour Vouga, il ne s’agissait pas de s’enrichir personnellement, juste de couvrir une partie des frais des recherches de la “Commission La Tène”,  par ailleurs très mal subventionnée.

Fouilles interdites sous peine d’amende

Il faut cependant se demander, à l’heure des réductions des subventions étatiques dans les musées, si la pratique du doublet ne pourrait pas avoir quelque intérêt dans la gestion et la sauvegarde de certaines collections d’objets. Au demeurant, même si  tout objet est unique en soi, il ressort des typologies que l’on s’ingénie à construire que l’on peut très bien rassembler certains objets semblables, voire identiques, dans des types bien définis, comme on le fait avec des pièces de monnaies, des amphores romaines ou des haches en bronze. Ne serait-il dès lors pas possible, afin de palier aux réductions de crédits, de vendre une partie des collections des musées ou des objets de fouilles après étude, au lieu de les mettre en dépôts non visitables?  Dans le texte de l’Ordonnance sur le fonds des musées de l’Office fédéral de la culture (OFC), qui règle le cas des collections de la Fondation Musées Suisses directement gérées par la Confédération, la possibilité de vendre des objets des collections pour alimenter les comptes est bien évoquée. Cependant il est précisé que « La vente d’objets de collections n’est possible qu’en vue du financement de l’achat de nouveaux objets de collections et est soumise à l’approbation de la direction de l’OFC », ce qui est en accord avec le code de déontologie prôné par l’ICOM. Est-ce que les pays au patrimoine archéologique riche, comme l’Italie, la Grèce ou l’Egypte, mais pauvres en financement ne pourraient pas penser à la cession de leur doublets pour assurer la conservation de leurs collections ou de leur patrimoine en place de l’acquisition de nouveaux objets? Cela permettrait peut-être, par la vente d’artéfacts de fouilles légales, de casser le marché des antiquités résultant des fouilles clandestines.

Empreintes et archéologie lunaire

Il y a des événements qui marquent une vie et dont on ne peut que se souvenir, tels les premiers pas de l’homme sur la Lune pour ceux qui étaient déjà nés et assez grands pour le vivre. Ce premier homme, que sa famille à présenté comme un héros malgré lui, s’appelait Neil Armstrong et réalisait par procuration le rêve que des milliards d’humains ayant vécu sur la Terre depuis des milliers d’années croyaient impossible. Il a quitté ce monde samedi dernier à l’âge de 82 ans. Un groupe de scientifiques et d’anthropologues, dans le cadre du Lunar Legacy Projet, cherchent depuis plusieurs années à inscrire au Patrimoine Mondial de l’Humanité le site d’alunissage de la mission Apollo 11 sur la Mer de Tranquillité. Outre les fragiles empreintes laissées par Neil Armstrong et Buzz Aldrin, ils ont fait l’inventaire de 106 artefacts abandonnés par les astronautes.  Selon le « Traité sur les principes régissant les activités des États en matière d’exploration et d’utilisation de l’espace extra-atmosphérique, y compris la lune et les autres corps célestes » du 27 janvier 1967, tous ces objets demeurent la propriété des Etats-Unis d’Amérique.  Le classement du site a pour but de préserver l’information archéologique in situ, par crainte que de futures missions, voire même touristes spatiaux ne viennent le perturber d’ici cinquante ans. Car tels qu’ils sont, les vestiges et les empreintes de la mer de la Tranquillité peuvent rester intacts pendant des milliers d’années et constitueront sûrement un lieu important de mémoire dans l’avenir comme le suggère la plaque commémorative fixée sur l’un des pieds du module lunaire : «Ici, les hommes de la planète Terre, ont pour la première fois posé le pied sur la Lune en Juillet 1969 ap. J-C.  Nous sommes venus en paix pour l’ensemble de l’humanité. »

3,7 millions d’années entre ces deux empreintes

«Un petit pas pour l’homme mais un bond de géant de l’humanité» est la phrase prononcée par Neil Armstrong qui aura marqué l’événement. Il dira ensuite : «La surface est fine et poudreuse. Je peux la disloquer avec mon orteil. Elle adhère en couches fines comme du charbon en poudre à la semelle et les côtés de mes bottes. Je ne pénètre que d’une petite fraction d’un pouce, peut-être un huitième d’un pouce, mais je peux voir les empreintes de mes bottes et les aspérités dans les fines particules de sable. » En quelques milliers d’années nous sommes passés de l’âge de la Pierre (Stone Age) à l’âge de l’Espace (Space Age). D’autres empreintes apparaissent alors en mémoire pour l’archéologue, celles laissées sans le savoir à Laetoli en Tanzanie, il y a 3,7 millions d’année, par les pieds nus de deux de nos lointains ancêtres bipèdes. Que de pas évolutifs parcourus et de bonds accomplis depuis lors. Et soudain, la transition proposée dans « 2001, l’Odyssée de l’Espace »par Stanley Kubrick entre ces deux âges devient visionnaire et apparaît dans mon esprit comme un clin d’œil à la Lune et à Neil Armstrong.

Je ne suis pas archéologue

Vendredi 27 juillet 2012, le Chef de la police valaisanne Christian Varone, devait embarquer dans un avion pour regagner la Suisse après des vacances passées en famille en Turquie, lorsqu’il a été arrêté par les douaniers turcs à Antalya en raison d’une «pierre» retrouvée dans ses bagages lors des contrôles de sécurité. Relâché mardi dernier, il pu regagner la Suisse. Vendredi passé, dans une conférence de presse très médiatisée qu’il avait convoquée, l’un des arguments avancé pour se disculper de la gravité des charges qui pèsent sur lui en Turquie m’avait fait sourire. Il avait déclaré: «Je ne suis pas archéologue et ne pouvais pas savoir si cette pierre était antique ou pas». Selon son avocate turque commise d’office l’objet en question serait en fait un morceau de marbre appartenant à une colonne de l’époque romaine. Lui-même avait déclaré qu’il avait pris cette pierre au bord d’une route, à 200 mètres  du site archéologique de Side. Elle tenait dans une main, était jolie selon lui, bien que sale et sans inscription.

Exemple de colonnes corinthiennes du site de Side (Flickr)

Aujourd’hui les autorités turques nous ont donnés plus de détail sur cette découverte fortuite. Il s’agit bien d’un fragment de colonne romaine en marbre, qui plus est, d’un fragment de chapiteau corinthien.  Or cela, aux yeux de n’importe qui, même s’il n’est pas archéologue, est différent d’un simple caillou sale.  Dès lors il faudrait être bien naïf pour croire que ce commandant de police, par ailleurs candidat à la candidature au Conseil d’Etat du canton du Valais, ignorait la vraie nature de l’objet qu’il avait ramassé. Plus grave encore, s’il s’agit d’un élément architectonique, je doute fort qu’il ait pu être ramassé au bord de la route. Il pourrait tout aussi bien provenir du site archéologique lui-même. C’est un point qui ne sera sans doute pas difficile à établir par les spécialistes locaux, car les fragments de cette nature sont rarement sans comparaisons possibles. Il y a encore beaucoup d’éléments contradictoires dans cette affaire. Il serait bon de mettre tous ces éléments sur la table, à commencer par une photographie de ladite pierre. Cela m’a fait penser qu’il y a quelques années, moi qui suis archéologue-céramologue, j’ai eu la tentation d’emporter avec moi du Mexique quelques souvenirs de voyages. Il s’agissait de quelques tessons de céramiques trouvés en surface sur le site maya de Tulum au Yucatan. Je me disais qu’ils étaient menacés de destruction par le piétinement répété des visiteurs du site et que c’était une manière de les sauver d’une destruction certaine que de les emporter avec moi. Voyant cela dans mes bagages à l’heure du départ, mon épouse m’a enjoint de ne pas emporter ces quelques tessons, pour ne pas risquer d’être fouiller et arrêté à l’embarquement. Je les ai donc relâchés sur une plage de Cancun. Compte tenu de la mésaventure de Christian Varone, je dois être en ce jour reconnaissant de la lucidité mon épouse.

L’archéologie à la une au Liban

L’archéologie fait cette semaine la une de l’actualité libanaise. En cause, la destruction d’installations portuaires phéniciennes opérée mardi dernier sur le site de  Minet el-Hosn à Beyrouth par  les promoteurs d’un complexe immobilier en construction malgré l’opposition manifestée par un mouvement citoyen trois jours auparavant. Le ministre libanais de la Culture, Gaby Layoun, a été mis directement en cause par les membres de l’Association pour la protection du patrimoine libanais (APPL), car il a émis la décision écrite de déclasser la zone de Minet el-Hosn du patrimoine historique à protéger, permettant à l’entreprise de construction d’opérer la destruction du site. Cette décision résulte d’une controverse entre diverses commissions d’experts. La première nommée par l’ancien ministre de la Culture atteste l’existence des vestiges de cales de bateaux datant de l’époque phénicienne alors que la deuxième, chargée par l’actuel ministre de procéder à une nouvelle étude, rejette catégoriquement ce rapport. Les organisations et les experts internationaux consultés se prononcent plutôt pour la première hypothèse. Mais comme le souligne Pascale Ingea, présidente de l’APPL, « que le site soit ou pas un site de cales, ou qu’il soit une simple carrière, comme d’aucuns le prétendent, rien ne justifie la destruction de vestiges historiques ! ». L’APPL est une jeune ONG  fondée en 2010, apolitique, et qui s’est fixé pour objectif la protection du patrimoine libanais. Elle a commencé son combat pour la protection du port phénicien lorsque l’actuel ministre de la Culture a refusé de publier dans le Journal officiel la décision de son prédécesseur, qui classait le port « patrimoine culturel ».

Le port avant sa destruction  (photo:  APPL)

Autre sujet à la une et de crainte pour le passé libanais, le sort qui sera réservé aux vestiges de l’hippodrome romain de Beyrouth à Wadi Abou Jmil. Mis au jour en février 2008, cet hippodrome présente trois rangées de gradins, de 15 mètres chacune, et les restes de la spina. Selon un projet de construction en cours d’élaboration, un centre commercial doit être édifié sur ces ruines. Toutefois, selon le ministre de la Culture, le site devrait être maintenu en l’état et mis en valeur dans le cadre d’un musée. « Loin de détruire l’hippodrome, a-t-il ajouté, le projet rendra tout à la fois le site accessible, compréhensible et attrayant pour le plus large public possible et permettra le développement du bien-fonds. Ce n’est pas une solution médiane que nous proposons mais une opération sérieuse. Le plan d’aménagement, insiste M. Layoun, protégera l’hippodrome romain de l’érosion des éléments naturels et des herbes folles, et permettra qu’il soit visité par tous les temps».  La décision finale concernant ce projet sera prise par le Conseil d’Etat libanais. Pour suivre ces diverses affaires,  je vous invite à suivre le blog de Marie-José Rizkallah, auteure de plusieurs articles relatifs au dossier, sur le site Libnanews.com.

Course contre la montre à Chevenez

Un site archéologique inconnu a été découvert le 1er mai par un passant, à l’emplacement prévu pour la nouvelle usine TAG Heuer à Chevenez dans le canton du Jura. Les travaux de construction, officiellement lancés par la pose de la première pierre le 3 mai ont dû être arrêté rapidement. Après des discussions que l’on peut qualifiée de serrées avec les autorités jurassiennes et l’entreprise neuchâteloise, les archéologues ont obtenu un délai de six semaines, à partir du 7 mai, pour libérer l’emprise de l’usine établie sur une surface d’environ 70 x 35 m. La zone prévue pour le parking de l’usine sera éventuellement traitée dans un deuxième temps, si besoin. Les couches  archéologiques sont disposées sur une épaisseur de plus ou moins 50 cm sur l’ensemble de la surface. Elles contiennent des vestiges de l’époque romaine, de l’âge du Fer et du Néolithique. Les délais sont très courts, mais TAG Heuer a déjà commandé ses machines de production et il s’agit de 100 à 150 emplois qui sont en jeu. Une course contre la montre est engagée, que l’on espère gagnante pour l’archéologie jurassienne.

Vue du chantier de fouille (Image RTS)

Au-delà d’une découverte anecdotique, c’est la place de l’archéologie dans l’aménagement du territoire et dans les décisions prisent par la promotion économique qu’il nous faut considérer. Une fois encore, des terrains sont offerts à la construction, avant même qu’une campagne de sondage archéologique n’ait pu être mise en route préalablement au chantier. Celle-ci aurait mis rapidement en évidence la présence de vestiges archéologiques sur la parcelle proposée à l’industrie horlogère et aurait permis de donner les moyens en temps de fouiller le terrain, et de livrer à la construction une parcelle libérée de tous vestiges archéologiques. La révision de la loi sur l’aménagement du territoire en discussion actuellement au Parlement prévoit que les propriétaires dont le terrain prend de la valeur suite à un changement d’affectation devront verser à la collectivité 20% de leur gain. Cet argent doit permettre aux cantons de financer les changements d’affectation des zones à bâtir surdimensionnées qui pourraient redevenir  zones agricoles. Tant qu’à faire, pourquoi ne pas prévoir aussi qu’une partie de cette nouvelle taxe puisse servir aussi à financer  les sondages archéologiques dans les zones à bâtir définies pour les quinze prochaines années.  Cela éviterait dans le futur,  qu’à la veille des travaux de construction, un passant découvre fortuitement un site archéologique, une situation dans laquelle personne n’est gagnant,  en définitive.