Category Archives: Préhistoire

La femme un Homo sapiens comme un autre

Existe-t-il une différence de perception de l’environnement spatial entre homme et femme ? C’est à cette question que la conférence d’Ariane Burke, professeure titulaire en archéozoologie à l’Université de Montréal, donnée dans le cadre de l’association ArchéoNE donnait mercredi dernier des éléments de réponse sous le titre « Frayer son chemin dans le monde. Le rôle du sexe, de la cognition et de la perception visuelle dans les dispersions paléolithiques ». Des différences moléculaires et physiques sont indéniables entre les sexes. Depuis 1959 on sait que sur les 46 chromosomes contenus dans nos cellules, deux sont propres au sexe, les célèbres chromosomes X et Y, et physiquement les différences anatomiques sont indéniables. Mais qu’en est-il du cerveau ? Selon certaines hypothèses, il existerait une différence entre homme et femme remontant au Paléolithique, époque où les seuls modes de subsistance de l’humanité étaient la chasse et la cueillette. En réponse à ces hypothèses qu’est-ce que l’archéologie peut montrer?
orientation
Les femmes savent suivre une direction (Image : Cap Fémina)

La chasse, ou du moins le dépeçage de carcasse avec l’aide d’un outil lithique est démontré chez nos ancêtres depuis au moins deux millions d’années. A côté de cela ils se livraient certainement à la cueillette, sans que cela puisse être démontré vu l’absence de traces matérielles due à la nature des vestiges. Des moulages endocrâniens ou endocastes d’hominidés fossiles montrent comment l’évolution du cerveau s’est développées dans l’arbre phylogénétique de l’espèce humaine. Ainsi, selon des chercheurs, au vu de la forme et de l’irrigation de leur encéphale, les Néanderthaliens n’auraient pas eu les mêmes capacités exploratrices que les Cro-Magnon ou l’homme actuel, ce qui aurait limité leur dispersion et permis à Homo sapiens sapiens de s’imposer afin de conquérir le globe. Au court de cette longue période de temps des différences d’aptitudes cognitives innées auraient été obtenues par chacun des deux sexes, avec en filigrane l’idée que les hommes se consacraient à la chasse et les femmes à la cueillette. Partant de là, les hommes seraient plus aptes à lire une carte et les femmes à retrouver le beurre dans le réfrigérateur. Les plus récentes études IRM (imagerie cérébrale par résonance magnétique) démontrent cependant qu’il n’y a rien qui puisse distinguer l’activité cérébrale d’un homme de celle d’une femme et valider cette hypothèse. Pour preuve, il apparait que si l’on retire la différence physique qui permet aux hommes de parcourir plus vite les distances, les femmes entrainées à la course d’orientation ont des capacités aussi bonnes que les hommes à s’orienter sur des terrains inconnus. En conclusion, s’il y a une différence entre les sexes elle est due à des différences socioculturelles, qui font que les apprentissages et les activités des filles sont différents de ceux des garçons. C’est l’expérience vécue par les unes et par les autres qui influence le fonctionnement cérébral et détermine des aptitudes cognitives différentes entre les individus et non pas leur sexe. En d’autres termes, l’acquis est nettement plus important que l’inné.

La parenté révélée de l’homme du Bichon

La grotte du Bichon près de La Chaux-de-Fonds est célèbre pour avoir livré en 1956 le squelette presque complet d’un Homo Sapiens et d’un ours brun qui ont vécu ensemble il y a 13’700 ans. A la suite de la découverte, en 1991, par le regretté Philippe Morel, d’un fragment de silex fiché dans une des vertèbres de l’ours provenant d’une pointe de flèche pouvant appartenir à la panoplie du chasseur retrouvée dans la grotte, l’association de l’homme et de l’ours dans la même cavité a pu être interprétée comme le résultat probable d’un accident de chasse. Pour les archéologues, l’importance de la découverte est encore augmentée par l’excellent état de conservation des ossements de l’homme du Bichon : pour son époque, qui correspond à l’Azilien, ce squelette préhistorique est, en Europe, l’un des mieux préservés dans son ensemble. Cette excellente conservation due à l’enfouissement dans la grotte à l’abri des intempéries a permis l’analyse de son ADN à partir d’un échantillon prélevé dans son crâne.
HommeBichon
Le crâne de l’homme du Bichon

Le Laboratoire d’archéozoologie de l’Université de Neuchâtel, dirigé par Werner Müller, a été associé à une vaste étude internationale d’environ 700 squelettes humains portant sur l’évolution des populations qui ont donné naissance aux Européens actuels. Outre l’homme de la Grotte du Bichon, les scientifiques ont pu analyser deux génomes humains provenant de Géorgie et datant de 13’300 et 9’700 ans. Les résultats ont été publiés récemment dans la revue Nature Communications. Il en ressort que ce ne sont pas trois populations humaines mais quatre populations qui sont à l’origine des Européens d’aujourd’hui. L’étude indique que les chasseurs-cueilleurs du Caucase se sont séparés des chasseurs-cueilleurs de l’Ouest du continent il y a près de 45’000 ans, puis des ancêtres des agriculteurs néolithiques il y a environ 25’000 ans. Selon les archéozoologues, les deux chasseurs-cueilleurs du Caucase présentaient un teint de peau plus clair que l’homme de la grotte du Bichon. Tous trois avaient en revanche les cheveux noirs ou foncés, et les yeux bruns, comme l’ont révélé des gènes responsables de la pigmentation. Les gènes de l’homme du Bichon sont encore bien représentés dans les populations du nord de l’Europe mais plus du tout au sud. Les gènes des deux individus du Caucase sont en revanche présents dans toute l’Europe occidentale et seraient arrivés chez nous à la fin du Néolithique par le biais de la migration des Yamnas une population dont l’ère d’origine se trouve au nord de la mer Noire et qui serait à l’origine de la Civilisation de la Céramique Cordée il y a 5000 ans.

Des astres gravés dans la pierre à Clava Cairns

Depuis la nuit de temps sans aucun doute, les hommes ont été attiré par les astres illuminant le ciel, à commencer par le Soleil et la Lune. Aucune preuve d’observation méthodique ne semble réellement attestée pour les âges Paléolithiques, même si on peut légitimement supposer que les humains de cette époque n’étaient pas ignorant des changements saisonniers du firmament. En revanche, il est certain que dès le Néolithique, une véritable recherche méthodique du mouvement des astres s’est mise en place pour les besoins des cycles agricole et d’élevage, puis, plus tard, de la navigation. Cette recherche se matérialise dans l’édification d’ensembles mégalithiques comme celui de Stonehenge, visant à fixer dans la pierre la position des couchers et des levers du Soleil et de la Lune aux points extrêmes de leur apparition sur l’horizon, soit au début de l’été et au début de l’hiver, autrement dit aux solstices. A partir de là furent établis des calendriers permettant à la fois de donner à chaque jour une identité propre, la constitution d’éphémérides des planètes et des étoiles et la fondation des bases de l’histoire. Le disque de Nebra ou les «Travaux et les Jours» d’Hésiode, représentent la synthèse de ces premières connaissances astronomiques. De l’étude des monuments, des objets et des textes du passé en relation avec les astres est issue au cours du 20ème siècle une nouvelle discipline, l’archéoastronomie. L’Ecosse, dans ce domaine, constitue une région particulièrement riche, comme le démontre le site Stones of Wonder.
ClavaCairns
Cupules et astres

En Ecosse, j’ai eu l’occasion de visiter cet été un lieu particulièrement évocateur de la transcription, dans la pierre, de faits astronomiques, près d’Inverness, non loin du champ de bataille de Culloden qui opposa en 1746 les troupes royalistes écossaises des Jacobites aux forces loyalistes britanniques. C’est sur le site de Balnuaran of Clava, que se trouvent plusieurs cairns de l’âge du Bronze, dont deux sont pourvus d’une chambre intérieure accessible par un couloir d’entrée alignés très exactement au sud-ouest dans la direction du Soleil couchant au moment du solstice d’hiver, soit autour du 21 décembre. Ils sont également entourés d’un cercle de menhirs, dont les hauteurs sont ordonnées du plus grand au plus petit. Le plus haut marque la direction du sud-ouest et le plus court est à l’opposé sur le cercle. De plus, les pierres utilisées paraissent avoir été choisies également en fonction de leur couleur, des pierres aux tonalités rougeâtres en direction du Soleil couchant et claires du côté du Levant. L’ensemble, en soit, est tout à fait remarquable. Mais ce qui m’a le plus surpris c’est la présence d’une pierre à cupules dressée près de l’entrée à l’intérieur de la chambre d’un des cairns. Même si leur disposition n’est pas strictement exacte avec la cosmographie, les cupules semblent représenter une partie de la constellation de la Grande Ourse, que tout le monde connait bien sous le nom du «Chariot » et que les anglophones appellent « The Big Deeper » soit la grande casserole, du fait de sa forme suggestive. S’il a été souvent supposé que les pierres à cupules ont pu être des cartes du ciel étoilé, il est vraiment exceptionnel de pouvoir établir une concordance entre le tracé des cupules et celui de nos constellations. Dans ce cas, il est possible d’en rêver.

Balades archéologiques en Romandie

La couverture du numéro 30 de l’Illustré, publié le 22 juillet, vu à la devanture d’un kiosque ne pouvait que m’interpeller. En gros titre sur une image de blocs erratiques de la forêt de Gals on peut lire : « La magie des balades préhistoriques romandes », en sous-titre « Grottes, sentiers, forêts, menhirs : voyage aux sources de notre civilisation » et encore en exergue dans une pastille rouge bien visible « 20 destinations étonnantes ». Je n’achète généralement pas cet hebdomadaire, mais exception à la règle, je ne pouvais pas résister à la tentation d’en savoir plus, d’autant plus que c’est l’Archeoweek sur Twitter. Je me demandais bien quels pouvaient être les vingt sites préhistoriques romands ayant pu retenir l’attention du magazine. En ouvrant la publication on découvre dans le sommaire que la préhistoire s’étend à l’époque romaine : « Des menhirs celtes aux ruines romaines, ce guide vous propose 20 balades en Romandie à travers le temps et l’espace». Cela se présente mal : des menhirs celtes ? Le coup du menhir du livreur Obélix a encore frappé de folie un éditorialiste. Mais trêve de raillerie, je me porte à la page 43 pour découvrir « Le guide balades » dont la page d’ouverture s’ouvre sur une image du menhir de Vauroux vu comme un «Mystérieux géant » auquel s’adresse une question «Quelle signification donner à ces pierres que dressaient les anciens ? ».
Illustre30
Extrait de la couverture de L’Illustré

Ce n’est en tout cas pas dans ce guide que l’on en trouvera la réponse. Pour cela, il faudrait pouvoir visiter une exposition dans l’esprit de « Pierres de mémoire, pierres de pouvoir ». De plus ce ne sont pas 20 balades préhistoriques qui sont proposées, mais juste quinze, car les autres appartiennent déjà à l’histoire, comme le tour de ville d’Avenches, la voie antique du Pierre-Pertuis, ou les mosaïques des villas d’Orbe-Boscéaz et de Vallon. De même, les sites présentés ne se limitent pas à la Suisse romande, puisque l’on y trouve trois sites en territoire alémanique, dont une grotte dans le canton de Lucerne et la cité romaine d’Augst dans le canton de Bâle-Campagne, site qui a lui seul résume que l’annonce de la une de couverture de l’Illustré est tout à fait trompeuse. Mais je ne peux tout de même pas bouder mon plaisir de découvrir, au creux de l’été, une partie du tourisme archéologique helvétique mis en vedette dans une publication à très large diffusion. J’y ai retrouvé quelques sites que j’aurais  pu moi-même recommander si on m’avait demander d’en faire une sélection, comme le village lacustre de Gletterens, le Laténium à Hauterive, les menhirs de la baie de Clendy près d’Yverdon-les-Bains, le Préhisto-Parc de Réclère ou les fouilles du Banné à Porrentruy qui était du reste le site archéologique du mois de juin. En définitive, la meilleure partie de ce guide se trouve dans l’encarté « En savoir plus » puisqu’il propose aux lecteurs de se procurer les guides édités par Archéologie suisse, qui présentent chacun au moins une centaine de sites archéologiques à visiter.

Les géants réels et virtuels de Mont’e Prama

Une des plus intéressantes nécropoles de la Sardaigne préhistorique est celle découverte à Mont’e Prama, dans la péninsule de Sinis au nord-ouest d’Oristano. Là, 33 tombes à fosse circulaire recouvertes d’une dalle y furent misent au jour entre 1974 et 1979. A l’intérieur, des adultes de sexe différent y étaient inhumés en position verticale sans mobilier funéraire. En surface, en relation avec ces sépultures, plus de 5000 fragments de grès provenant d’un groupement de statues ont été découverts et ont fait l’objet d’un long travail de restauration entre 2007 et 2011. L’ensemble final est constitué  d’une trentaine de statues masculines monumentales qui représente des pugilistes, archers et guerriers, que l’on surnomme les géants de Mont’e Prama, ainsi que de nombreux modèles réduits de nuraghes et des bétyles. Datées entre le VIIIe et le Xe siècle avant notre ère, la plus grande partie de ces statues fait actuellement l’objet d’une exposition “NOI SIAMO MONT’E PRAMA 1974-2014 !” au Musée archéologique national de Cagliari, alors que le reste, en particulier les dernières découvertes réalisée lors d’une reprise des fouilles en 2014, est exposé dans le petit musée de Cabras près d’Oristano, dans l’attente d’une extension du bâtiment, qui permettra de réunir en un même lieu la totalité de l’ensemble statuaire.
MontePrama
Du réel au virtuel

L’intérêt de cette exposition ne vient pas seulement des statues remontées telles quelles, mais également de la possibilité de les découvrir de manière virtuelle. Pour se faire, l’entreprise CRS4 Visual Computing a réalisé une couverture photographique intégrale de 27 statues montées sur leur support métallique, soit 3817 photographies. De plus toutes ces pièces ont été analysées avec un scanner 3D ayant produit 6200 scans. La combinaison des photographies et des scans a permis de produire des modèles virtuels de chacune des statues, ce qui permet aux visiteurs de les observer sous tous les angles et de découvrir des détails qu’ils ne peuvent voir que difficilement par eux-mêmes sur les pièces exposées. Grâce à la haute résolution des images de 16 points par mm, ainsi qu’à un ombrage des reliefs à l’aide d’un éclairage de synthèse, on peut mettre en évidence et en forme toutes les pièces exposées. Le résultat est vraiment fantastique et en définitive certains visiteurs, en particulier le jeune public,  peuvent être surpris à passer plus de temps à admirer les statues sous leur aspect virtuel plutôt que réel.

Aux origines des pharaons noirs

« Aux origines des pharaons noirs », c’est le titre de la nouvelle exposition présentée dès aujourd’hui au Laténium d’Hauterive, près de Neuchâtel.  Située au sud de l’Egypte, la Nubie a connu un passé qui n’est pas sans rivaliser avec sa fabuleuse voisine. Les premiers éléments de civilisation mis au jour dans cette région remontent à 10’000 ans, au moment où le Nil devient un fleuve au débit important et régulier qui transforme d’immenses étendues désertiques en une vaste plaine fertile. C’est dans ce contexte fluvial, à la hauteur de la troisième cataracte que se met en place, dès 2500 av. J.-C. un important royaume centré autour de la ville de Kerma. Il tire sa richesse de ses mines d’or  et du commerce entre l’Afrique noire et l’Empire d’Egypte. La puissance de ce royaume nubien atteignit son point culminant vers 730 av. J.-C. lorsque son souverain, Piankhy, s’empara de l’Empire égyptien et inaugura la succession des dirigeants de la XXVe dynastie, celles des Pharaons noirs.

Kerma

Grande maquette de la ville de Kerma dans l’exposition

Cette exposition constitue également une excellente occasion de présenter le remarquable travail de terrain effectué depuis près de 40 ans par la mission d’archéologie suisse au Soudan.  Conduite dès 1977 par l’archéologue Charles Bonnet, sous l’égide de l’Université de Genève, cette mission a été reprise dès 2002 par Matthieu Honegger, professeur d’archéologie préhistorique à l’Université de Neuchâtel et commissaire de l’exposition mise en place au Laténium. Le projet a permis la fouille de nombreux sites, dont la présentation des résultats constitue la base même de l’exposition disposée en deux parties : le monde des morts  dans l’espace inférieur et le monde des vivants au niveau supérieur. La découverte majeure fut effectuée en janvier 2003, à Doukki Gel, par la mise au jour d’une cachette contenant les vestiges de sept statues monumentales en granite représentant les deux derniers  pharaons de la XXVe dynastie, Taharqa et Tanoutamon, ainsi que les trois premiers rois d’un nouveau royaume nubien qui leur succédèrent. Cette fabuleuse découverte permis la concrétisation d’un autre grand projet, celui de la construction d’un musée sur le site même de Kerma, inauguré en janvier 2008. A voir jusqu’au 17 mai 2015, la visite de l’exposition peut-être activement préparée par la consultation du site Internet du Laténium ainsi que celui de la mission archéologique suisse au Soudan.

Terrasubmersa à la recherche du premier village d’Europe

Hier, ont été communiqué les résultats préliminaires de l’expédition TerraSubmersa. Cette mission archéologique de l’Université de Genève et de Planet Solar s’est achevée la semaine passée. Menée par des archéologues de l’Université de Genève  en collaboration avec le Service grec des Antiquités sous-marines, le Centre hellénique de recherche maritime, l’Ecole suisse d’archéologie en Grèce et le Laténium de Neuchâtel, cette expédition avait pour objectif d’explorer les paysages préhistoriques engloutis par les eaux dans le golfe de Nauplie, dans la presqu’île du Péloponnèse en Grèce dans la perspective d’y relever  les vestiges d’anciennes occupations humaines. C’est à l’aide du  catamaran solaire Planet Solar et du bateau de recherche grec, Alkyon,  que les scientifiques ont pris des mesures géophysiques et ont réalisé des fouilles subaquatiques dans la baie de Kiladha, à une dizaine de kilomètres au sud-est  de Nauplie pendant près de deux semaines. Un petit film réalisé par un drone de la société La Souris verte permet de visualiser le cadre paysagé de cette mission.
FranchthiPlanetSolar
PalnetSolar en vue de la grotte de Franchthi

Cette campagne archéologique sous-marine a été placée sous la direction de Julien Beck, chargé de cours au Département des sciences de l’antiquité de l’Université de Genève. La zone qui a été choisie pour cette prospection est  située dans les abords de la grotte de Franchthi, sur la rive nord de la baie de Kiladha. Cette grotte est connue pour avoir été occupée durant près de 35 000 ans, du Paléolithique moyen au Néolithique. Au cours de ces millénaires, le niveau de la mer a considérablement varié. Il était environ 120 mètres plus bas à la fin de la dernière glaciation, il y a environ 20 000 ans. C’est pourquoi il y a de bonnes raisons de croire que des vestiges correspondant aux premières occupations humaines sédentaires se trouvent actuellement sous les eaux limpides de la baie en contrebas de l’ouverture de la grotte de Franchthi. Les mesures géophysiques réalisées entre autres à l’aide d’échosondeur à multifaisceaux, d’un sonar à balayage latéral et des données GPS ont permis de dresser une topographie détaillée des anciennes zones côtières et à mettre en évidence des surfaces qui pourraient correspondre à des paléo-plages. A l’aide de ces données, il sera possible de réaliser des fouilles subaquatiques telles que celles menées depuis plus d’une cinquantaine d’année dans le cadre des recherches palaffitiques.  «Peut-être y trouverons-nous l’un des premiers villages d’Europe», a annoncé avec optimisme Julien Beck.

Des prix pour les archéologues britanniques

Alors que Londres, la Grande-Bretagne et le monde vivent à l’heure des XXX ème jeux olympiques de l’ère moderne, les archéologues britanniques ont aussi eu l’occasion, en ce mois de juillet, de concourir pour des distinctions attribuées par leur pairs, lors des XX ème British Archaeological Awards (BAA). Les prix archéologiques britanniques constituent une véritable vitrine de l’archéologie du Royaume-Uni et représentent un événement central dans le calendrier archéologique. Fondés en 1976 et attribués tous les deux ans, ils englobent maintenant six prix, couvrant tous les aspects de l’archéologie du pays : meilleur projet, meilleur projet communautaire, meilleur livre, meilleure représentation dans les médias, meilleure découverte, meilleure innovation. L’annonce des résultats a été faite le 9 juillet lors d’une cérémonie organisée à Londres au British Museum. Le site Internet des BAA présente des informations sur tous les nominés et les vainqueurs de cette année et des cérémonies précédentes.


Aperçu de quelques découvertes du site de la Must Farm

Sans entrer dans les détails des nominations et des prix distribués, que je vous invite à découvrir par vous-même, relevons malgré tout quelques éléments. Ainsi, le meilleur projet archéologique a consacré l’étude faite autour  du site de la « Must Farm » travail réalisé dans le district du Fenland par l’unité archéologique de l’Université de Cambridge pour mieux connaître les paysages archéologiques de l’âge du Bronze sur une large échelle à l’aide de l’observation des dépôts sédimentaires particulièrement bien préservé dans cette région plate et sans relief. Associés a cette véritable étude du paysage de nombreux objets comme des épées, des pointes de lance et des pirogues monoxyles ont été mis au jour dans un état de conservation qui n’a rien a envié à ce que nous trouvons pour la même période dans les Palafittes situés autours des lacs alpins. C’est du reste la découverte de 6 pirogues monoxyles dans ce cadre qui valent à l’équipe de la « Must Farm » de remporter également le prix de la meilleure découverte. Quand au prix du meilleur ouvrage archéologique britannique  il est revenu à Alasdair Whittle, Frances Healy et Alex Bayliss pour leur ouvrage « Gathering Time : Dating the Early Neolithic Enclosures of Southern Britain and Ireland ». Cet ouvrage présente les résultats d’un important programme de datation des enceintes préhistoriques qui permet de réécrire les débuts du Néolithique en Grande-Bretagne et en Irlande. L’ouvrage  a combiné des centaines de nouvelles datations au radiocarbone avec des centaines de dates existantes, en utilisant la puissance discriminante et robuste de la statistique bayésienne pour accroitre la précision des dates proposées.

Des Palafittes bien encadrés

C’est au Laténium à Hauterive que l’Office fédéral de la culture et l’association Palafittes ont conviés les autorités et le public averti à une cérémonie officielle de remise des certificats d’inscription des sites palafittiques préhistoriques autour des Alpes au Patrimoine mondial de l’UNESCO. C’est Claude Frey, président de l’Association Palafittes qui officiait en tant que maître de cérémonie pour donner la parole tour à tour au conseiller d’Etat neuchâtelois Philippe Gnaegi, à un Herr Professor Doktor autrichien, responsable du groupe de coordination international, à Didier Burkhalter, conseiller fédéral, chef du Département de l’intérieur, de l’éducation et de la culture, et, enfin, à Kishore Rao, directeur du Centre du Patrimoine mondial de l’UNESCO. Entre les deux derniers orateurs, furent remis des certificats bien encadrés du Patrimoine mondial au conseiller fédéral et aux ambassadeurs des cinq autres états ayant contribués à cette candidature réussie à savoir l’Allemagne, l’Autriche, la France, l’Italie et la Slovénie.
Remise des certificats
Remise des certificats sous cadre

Ce n’est pas par hasard si le Laténium a été choisi comme cadre de cette célébration. D’une part, la salle des Lacustres est un bon exemple de ce que le public doit découvrir concernant des Palafittes qui, par ailleurs, sont très discrets, sinon engloutis et en très grande partie invisibles. D’autre part, ce magnifique écrin, comme ont aimé à le décrire les orateurs, fêtera ce week-end un important anniversaire. Dimanche, 11 septembre, « une fête attendue depuis 50’000 ans » célébrera sa première décennie. Mais c’est demain à 17h, qu’aura lieu la cérémonie officielle des dix ans du Musée et Parc archéologique de Neuchâtel, à Hauterive. A cette occasion, le Laténium inaugurera la reconstitution grandeur nature de trois maisons du village néolithique du site de Hauterive/Champréveyres, offertes, en guise de cadeau d’anniversaire, par la Fondation La Tène. De plus, le musée célébrera son jumelage avec les musées de Bibracte en Bourgogne et de Manching en Allemagne. Ce lien entre les trois musées se manifestera concrètement par l’exposition dans les trois lieux d’Artéfact 2, une œuvre créée par les artistes conceptuels Charles-François Duplain et Yves Tauvel, créateurs, il y a dix ans, d’Artéfact, œuvre consistant au semis dans les allées du parc archéologique de 75’000 répliques en bronze d’un caillou, tous identiques, hormis leur numéro. Même s’il n’y a pas le feu au lac, comme on dit chez nous et comme l’a rappelé Didier Burkhalter dans son discours, ce week-end sera sans doute la dernière occasion de découvrir l’un ou l’autre de ces artéfacts dans les allées du parc, car la réserve est prête d’en être épuisée.

Palafittes, la sélection finale

Hier, l’association Palafittes a enfin donné de ses nouvelles pour faire part, dans sa deuxième Newsletter, des dernières informations concernant le classement au patrimoine mondial de l’UNESCO des sites lacustres établis autour des lacs de Suisse, de France, d’Italie, d’Allemagne, d’Autriche et de Slovénie. Elle reprend un communiqué de l’Office fédéral de la culture qui signalait qu’entre le 29 septembre et le 17 octobre 2010, une experte de l’ICOMOS s’est rendue dans ces différents pays pour une mission d’évaluation. Elle était accompagnée de membres des autorités nationales et régionales ainsi que de spécialistes. A cette occasion, elle a également pu rencontrer des représentants des autorités politiques des différents pays, régions et villes. A la suite de cette tournée on y apprend que l’ICOMOS a demandé aux pays associés de fournir des informations complémentaires. Ainsi, certains sites, pour lesquels aucune conservation in situ à long terme ne pouvait être garantie, devaient être exclus du classement. Ces informations complémentaires ont été envoyées à Paris à la fin février 2011. De ce fait, la liste définitive passe de 152 à 111 sites, dont 56 en Suisse (sur 82 présélectionnés). Les recommandations finales de l’ICOMOS seront publiées en mai 2011, et c’est sur cette base que le Comité du patrimoine mondial se prononcera quant à l’inscription des palafittes de l’arc alpin sur la liste du patrimoine mondial, lors de sa 35ème  session qui se déroulera à Bahreïn à la fin juin 2011.
Pfahlbauten Palafittes Lake Dwellings

Image de couverture de la brochure « Palafittes… »

Pour finir, la Newsletter de l’association Palafittes nous invite à aller jeter un coup d’œil à son site internet qui s’est quelque peu étoffé depuis sa création en 2008. Parmi les nouveautés on trouve une brève description de chacun des 111 sites nominés, classés par pays. Des cartes, établies pour chaque lac, permettent de voir en gros où se situent les différents gisements retenus, et permet aussi de se faire une idée de la densité générale des sites connus à ce jour. On peut également télécharger (au lieu de l’acheter 15 CHF / 10 €) la brochure d’information «Pfahlbauten – Palafittes – Palafitte – Pile dwellings – Kolisca » sortie l’été dernier, et qui fut envoyée gratuitement aux quelques membres enregistrés de l’association. Elle présente sur 104 pages et avec 340 images en couleur la vie quotidienne des habitants des sites lacustres entre 5000 et 800 av. J-C. La valeur scientifique du contenu a été assurée par Peter Suter (Service archéologique du canton de Berne) et Helmut Schlichtherle (Landesamt für Denkmalpflege, Baden-Württemberg), deux spécialistes reconnus en la matière, et la collaboration de nombreux archéologues travaillant dans les services archéologiques concernés. Mais les plus intéressants des documents téléchargeables sont sans aucun doute le dossier de nomination déposé à Paris en janvier 2010, ainsi la version révisée du plan de gestion des sites palafittiques déposée en février 2011.