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Archéologie et tourisme en Suisse

Les liens entre tourisme et archéologie sont évidents, comme le démontre chaque année à Paestum, en Italie, la Bourse méditerranéenne du tourisme archéologique, dont la 15ème édition aura lieu du 15 au 18 novembre. Pourtant, ce qui semble aller de soit d’une manière générale dans le bassin méditerranéen et dans d’autres régions, n’est pas perçu de la même façon en Suisse, où le tourisme repose avant tout sur la visite de nos villes et de nos montagnes et la pratique des sports d’hiver. En complément du grand concours d’idées engagé en Suisse par le projet Horizont 2015, un petit groupe d’archéologues s’était réuni à Berne,  le 1er septembre 2011, sur le thème «Evènements et communication ». Il s’en était dégagé trois propositions, dont l’une était d’organiser un « Colloque sur l’Archéologie et le Tourisme en Suisse ». Partant de ce projet, deux groupes d’archéologues réunis au sein de deux sociétés privées, ArchaeoConcept et Nomads of Time, ont fondé l’association ArchaeoTourism 2012 chargée d’organiser ce premier colloque, au château de Thoune, du 8 au 10 novembre 2012.

Extrait de la page d’accueil d’ArchaeoTourism 2012

Ce colloque sur l’Archéologie et le Tourisme en Suisse est avant tout destiné aux spécialistes suisses de ces domaines. Comme prolégomènes au programme de ces journées se trouve deux visions: celle de l’archéologie en Suisse expliquée aux professionnels du tourisme, suivie par  celle du tourisme en Suisse expliqué aux archéologues. Pour les premiers, l’idée commune est sans doute qu’il n’y a rien à montrer en Suisse de très intéressant du point de vue archéologique, alors que pour les seconds le tourisme  peut être perçu comme une menace sur les sites qu’ils doivent protéger. Sur cette base de réflexions croisées, quatre ateliers sont prévus. Un premier atelier essayera de définir les bénéfices de l’archéologie pour le tourisme et les avantages du tourisme sur l’archéologie tandis qu’un second s’efforcera de créer un produit touristique en rapport avec l’archéologie. Un troisième groupe sera consacré aux relations publiques et au marketing de sites archéologiques, et le dernier enfin se concentrera sur le thème de l’authenticité et des traditions culturelles, thème phare de Suisse Tourisme en 2013. Les résultats de ces réflexions feront par la suite l’objet d’une publication qui devrait pouvoir éclairer les uns et les autres sur les possibilités d’interactions et de synergies entre ces deux domaines et donner des réponses aux questions suivantes: « Où se situent les chances et les défis pour la coopération entre l’archéologie et le tourisme ? Quelle est la position actuelle concernant le tourisme pour les monuments archéologiques et les sites en Suisse? Une meilleure connexion entre archéologie et tourisme est elle activement souhaitée ? Et le cas échéant, comment y parvenir ? ». Trouver des réponses satisfaisantes à ces questions est un des objectifs fixé par les organisateurs de cette manifestation.  Cet événement devrait aussi permettre aux professionnels de l’archéologie et du tourisme en Suisse de tisser des liens solides entre eux pour la réalisation dans un avenir proche de projets ambitieux. C’est en tout cas tout le bien que nous pouvons leur souhaiter. Si ce colloque vous intéresse pour y participer, les inscriptions sont encore ouvertes jusqu’au 1er novembre.

Vente de doublets en archéologie

Les doublets, objets en double, sont des éléments que tout collectionneur de timbres-poste ou de cartes Panini cherche à négocier de la manière la plus favorable possible, soit par échange, soit par vente.  Dans le cadre de l’archéologie, cet esprit de collection est plutôt mal perçu, comme doivent l’apprendre les amateurs de détecteur de métaux. Les lois et les règlements en vigueur dans tous les pays conscients de la valeur de leur patrimoine culturel, tendent à soustraire l’objet archéologique de sa valeur marchande, et rendent sa propriété inaliénable de celle de l’état dans lequel il a été découvert.  Pourtant, au cours de deux conférences présentées hier au Laténium dans le cadre des  journées organisées par le Projet collectif de recherche (PCR) « Archives et correspondances de Joseph Déchelette » sur « Le financement et la réglementation étatique de l’archéologie (fin XIXe- XXe)», certains participants furent surpris d’apprendre que la pratique  du doublet avait bien eu cours de manière tout à fait officielle avec les collections réunies par Paul Vouga, au nom du musée de Neuchâtel. En particulier, lors des fouilles scientifiques, méthodiques et exhaustives conduites entre 1907 et 1917 du célèbre site de La Tène, éponyme du Second âge du Fer, une partie du financement des fouilles put être obtenue grâce à la vente de doublets (ou doublons) provenant des sites palafittiques situés au bord des lacs. Pour Vouga, il ne s’agissait pas de s’enrichir personnellement, juste de couvrir une partie des frais des recherches de la “Commission La Tène”,  par ailleurs très mal subventionnée.

Fouilles interdites sous peine d’amende

Il faut cependant se demander, à l’heure des réductions des subventions étatiques dans les musées, si la pratique du doublet ne pourrait pas avoir quelque intérêt dans la gestion et la sauvegarde de certaines collections d’objets. Au demeurant, même si  tout objet est unique en soi, il ressort des typologies que l’on s’ingénie à construire que l’on peut très bien rassembler certains objets semblables, voire identiques, dans des types bien définis, comme on le fait avec des pièces de monnaies, des amphores romaines ou des haches en bronze. Ne serait-il dès lors pas possible, afin de palier aux réductions de crédits, de vendre une partie des collections des musées ou des objets de fouilles après étude, au lieu de les mettre en dépôts non visitables?  Dans le texte de l’Ordonnance sur le fonds des musées de l’Office fédéral de la culture (OFC), qui règle le cas des collections de la Fondation Musées Suisses directement gérées par la Confédération, la possibilité de vendre des objets des collections pour alimenter les comptes est bien évoquée. Cependant il est précisé que « La vente d’objets de collections n’est possible qu’en vue du financement de l’achat de nouveaux objets de collections et est soumise à l’approbation de la direction de l’OFC », ce qui est en accord avec le code de déontologie prôné par l’ICOM. Est-ce que les pays au patrimoine archéologique riche, comme l’Italie, la Grèce ou l’Egypte, mais pauvres en financement ne pourraient pas penser à la cession de leur doublets pour assurer la conservation de leurs collections ou de leur patrimoine en place de l’acquisition de nouveaux objets? Cela permettrait peut-être, par la vente d’artéfacts de fouilles légales, de casser le marché des antiquités résultant des fouilles clandestines.