Category Archives: Cinéma

Bruno Manser l’inaugurateur

J’ai profité de cette période de fêtes pour aller voir le film de Niklaus Hilber consacré à l’aventure et au combat de Bruno Manser parmi les Pénans du Sarawak sur l’île de Bornéo. Le film, produit à 100% par des fonds suisses, s’intitule tout simplement « Bruno Manser – La Voix de la forêt tropicale » qui fait directement écho au titre du livre écrit en 1992 par Bruno Manser « Stimmen aus dem Regenwald. Zeugnisse eines bedrohten Volkes » traduit en français par « Voix de la forêt pluviale. Témoignage d’un peuple menacé ». Ce film commence par une image qui n’occupe que 7% de l’écran, ce qui correspond à la surface restante de la forêt tropicale au Sarawak, et quand l’image passe au plein écran, on assiste à l’arrivée dans la jungle en pirogue à moteur de Bruno Manser, en 1984. La première partie du film se concentre sur sa vie parmi le peuple nomade des Penans dont l’existence consiste à subvenir à des besoins simples, comme manger et dormir, ce que permet facilement d’assouvir la chasse et la cueillette, ainsi que la construction d’abris constitués d’une plateforme et d’une toiture, montée en quelques heures. Mais la déforestation entreprise par des compagnies privées avec l’autorisation du gouvernement malaysien menace ce paradis, ce qui oblige les nomades Penans à entrer en résistance avec la complicité de Bruno, qui se verra pour cela expulsé de Malaisie en 1990, après six ans passés parmi eux.
BrunoManser.jpg
Image tirée du film (Photo: Tomas Wütrich)

La seconde partie du film raconte son rôle d’activiste écologiste, mené depuis la Suisse, pour lutter contre le commerce des bois exotiques afin de sauver l’espace vital des Penans. On le voit ainsi s’approcher du Commissaire européen ou du Secrétaire général des Nations-Unies sous la bannière de l’Association pour les peuples de la forêt pluviale, connue également sous le nom du « Bruno-Manser-Fonds ». C’est dans cette activité que j’ai eu le plaisir d’assister à une de ses présentations à l’Aula de l’Université de Neuchâtel sous le titre « La vie quotidienne d’une tribu de nomades à Bornéo ». Il avait amené avec lui des enregistrements de la forêt pour nous plonger dans l’ambiance de la nature sauvage, ainsi qu’une sarbacane, dont il fit une démonstration de tir en visant le lourd rideau qui pendait devant les fenêtres de la salle. Je me souviens de sa grande force de conviction et de son aura face au public qui avait fait salle comble. Par un heureux hasard de circonstance, cette présentation annoncée dans le cadre du Cercle neuchâtelois d’archéologie fut la première conférence présentée sous la nouvelle appellation d’ArchéoNE, puisque l’Assemblée générale de l’association venait à peine quelques minutes plus tôt d’entériner de nouveaux statuts et son nouveau nom, en ce mercredi 13 janvier 1993. Bruno Manser l’inaugurateur, quant à lui, n’a plus donné signe de vie depuis le 23 mai 2000 et est depuis le 10 mars 2005 officiellement déclaré mort. Aujourd’hui, son combat contre la déforestation n’a pas perdu de son actualité et apparait précurseur des mouvements écologistes qui visent à sauver la planète.

Age of Pop into Classics !

En passant par Toulouse, j’ai eu la chance de visiter au musée Saint-Raymond, juste avant sa fermeture, une exposition particulièrement ludique et intéressante : « Age of Classics ! L’antiquité dans la culture pop » dont le titre résonne en lui-même comme un jeu vidéo (Age of Empire, Age of Mythology). Le texte d’introduction de l’exposition résume bien ce que ses concepteurs souhaitaient apporter, à savoir que « les périodes médiévales et modernes n’ont pas fait disparaître l’héritage antique. Elles l’ont absorbé, préservé, assimilé et transformé. Le monde contemporain et la culture populaire (« pop »), se sont à leur tour emparés des modèles classiques pour donner naissance à de nouveaux héros et à de nouvelles formes d’art dans un contexte mondialisé. « Age of Classics » fait ainsi dialoguer des objets antiques avec des productions réalisées après l’année 2000, pour interroger notre rapport au monde gréco-romain dans ce qui fait notre quotidien : littérature, bande dessinée, cinéma et séries, arts plastiques…Comment l’Europe réinterprète-t-elle son héritage ? Quel est le lien entre Grèce. Rome et Etats-Unis d’Amérique ? Pourquoi l’Asie explore-t-elle l’histoire occidentale dans ses productions ? Pourquoi l’Antiquité n’a-t-elle jamais cessé de circuler, d’être confrontée aux différents temps présents ?
AgeOfClassics512
« Pollice Verso » de Gérôme, derrière Alexios, le héros d’Ubisoft

Dans l’espace d’exposition une cinquantaine d’œuvres très variées associaient art contemporain et figures antiques. Ainsi, le héros du jeu vidéo « Assassin’s Creed Odyssey » est confronté à la fameuse scène du pouce inversé du tableau de Jean-Léon Gérôme, qui a inspiré le geste de la mise à mort dans les péplums. La commissaire scientifique de l’exposition, Tiphaine Annabelle Besnard, dont le projet de thèse de doctorat « (Re)présenter l’Antiquité grecque et romaine dans l’art actuel. Ou les vicissitudes des références antiques à l’heure de la mondialisation » a servi de base à ce dialogue entre anciens et modernes. Pour ce faire, elle a étudié plus d’un millier d’œuvres actuelles produites par des artistes européens, américains et asiatiques qui font de manière explicite référence à l’Antiquité gréco-latine dans leur art. Cette réception de l’Antiquité dans les différents supports de la culture populaire est également le point de convergence d’un groupe de chercheurs réunis dans l’association « Antiquipop » publiés sous l’enseigne du carnet scientifique édité par Fabien Bièvre-Perrin : « l’Antiquité dans la culture populaire contemporaine ». Sans doute, comme le démontre les publicités intégrées dans la vidéo de présentation de l’association que l’on peut associer à cette réflexion la démarche entreprise en son temps par le musée archéologique de Strasbourg dans son exposition « Archéopub ».

Recherche Apollon désespérement

Comme beaucoup de passionné(e)s d’archéologie, j’ai été attiré par un film qui promettait beaucoup : « l’Apollon de Gaza ». Le synopsis en lui-même était de nature à susciter l’intérêt et la curiosité de tout un chacun : « En 2013, une statue d’Apollon, vieille de plus de 2000 ans, est trouvée au large de Gaza avant de disparaitre subitement. Dieu des Arts, de la Beauté et des Divinations, l’Apollon suscite toutes les rumeurs, même les plus folles. A la fois film-enquête et réflexion sur l’Histoire, l’Apollon de Gaza nous immerge dans la réalité méconnue d’un territoire qui paie encore le prix des guerres et d’un blocus impitoyable, mais où la vie subsiste, insoumise. Apportant un peu de lumière dans le ciel de Gaza, la statue et son histoire stupéfiante pourrait redonner une part de dignité et d’espoir à tout un peuple ». Le teaser que l’on trouve sur le site Internet de la société de production ou celle de distribution m’a donné également l’irrésistible envie d’aller le voir.

ApollonGaza2

Image extraite de l’affiche du film

A l’issue de la projection du film, je me suis confronté à des questions auxquelles je désirais avoir des réponses. Statue vraie ou fausse ? Datée de 332 av. J-C, comme l’affirme un des protagonistes du film ? Après avoir lu l’article du Monde du 12 avril 2014 de Laurent Zecchini, qui fut, pour Nicolas Wadimoff  le réalisateur du film, l’élément déclencheur  de cette enquête et examiné les rares images publiées de cette découverte, ma conviction personnelle, confortée par les avis de la plupart des acteurs de ce documentaire, est que cette statue est bien originale. Reste à savoir où elle a vraiment été mise au jour et de quand elle date? Dans son état actuel je doute, comme certains protagonistes du film, qu’elle ait séjourné très longtemps dans la mer. Une hypothèse intéressante est qu’elle a été mise au jour lors de la construction d’un des nombreux tunnels sous Gaza. Ceux qui l’ont découvert, désirant rester discrets et cachés, compte tenu de la nature de leur ouvrage, auraient décidé de l’extraire et de la balancer en mer, dans un espace qui n’appartient à personne. Quant à sa datation, d’un point de vue stylistique et historique, je la vois comme une copie d’époque romaine (entre les 1er siècle avant et après J.-C) d’une statue grecque du Ve siècle avant J.-C, comme l’Apollon de Piombino qui se trouve exposé au musée du Louvre. Seule, bien sûr, une étude complète de la statue permettrait d’en savoir plus. Il ne nous reste plus qu’à attendre, pour boucler l’enquête, que ceux qui tiennent l’Apollon de Gaza en otage le relâche . Dans ce cas cette statue pourrait être l’élément emblématique d’un futur musée de Gaza qui attend depuis un certain temps d’être inauguré.

 

Hötzywood à Bolzano

Vingt-sept ans après sa découverte, effectuée le 19 septembre 1991, Ötzi, «l’homme des glaces » continue à fasciner le monde. La ville de Bolzano l’a très bien compris. Pour célébrer les vingt ans de l’arrivée de la momie dans le Musée archéologique de la Haute-Adige ou du Tyrol du Sud, selon le point de vue linguistique où l’on se place, la localité a organisé une série de manifestations étalées sur une semaine sous la désignation : « Hötzywood ». Parmi les événements programmés pour cette commémoration il y avait la projection d’un film : « Der Mann aus dem Eis». Cette fiction germano-italo-autrichienne, réalisée par Felix Randau, fut présentée pour la première fois le 8 août 2017 dans le cadre du Festival international du film de Locarno. L’histoire du film se déroule bien sûr à la fin de la période néolithique et met en scène le possible contexte de la mort d’Ötzi.  Il y a de cela 5300 , selon ce scénario, il s’appelait Kelab, et vivait tranquillement dans son village avant que les siens ne soient agressés et tués par trois hommes, alors qu’il est lui-même à la chasse. Après avoir enseveli ses proches dans une grotte, il se lance à la poursuite des meurtriers et parvient à venger sa famille. Mais c’était sans compter avec la rencontre d’autres ennemis dont l’un parvient à décocher une flèche dans son dos. A l’agonie, Kelab descend une pente et se retrouve dans la position tordue où il sera retrouvé des milliers d’années plus tard.
Hötzywood1024a

Hötzywood au musée archéologique de la Haute-Adige

Ce film, dont les paroles s’expriment dans une langue « rhétique » imaginaire, est bien sûr une pure fiction. Mais il n’est pas sans emprunter des éléments au grand nombre de films documentaires, qui pour décrire la vie et les derniers instants d’Ötzi, font également usage de reconstitutions filmées le mettant en scène. Comme par exemple celui dans la série « Digging for the Truth » ou  également « Ice Man: Hunt for a Killer ». Le dernier documentaire en date, à ma connaissance, sorti en 2011 est « Iceman Murder Mystery » qui montre comment les scientifiques appelés au chevet d’Ötzi 20 ans après sa découverte, essayent d’extirper de sa momie tous les indices sur son mode de vie et sur les circonstances mystérieuses de sa mort. Qui était-il ? un berger, un chasseur, un guerrier ou un chamane ? Que faisait-il, là haut sur la montagne, armé d’un arc inachevé et de flèches inutiles ? S’il fuyait pour sauver sa vie, pourquoi avait-il mangé un gros repas moins d’une heure avant d’être tué ? Outre les indices de ce “cold case” comme l’appelle les milieux judiciaires, les restes glacés d’Ötzi révèlent des détails intrigants sur sa vie et son époque à l’âge du cuivre et permettront encore longtemps d’échafauder de nombreux scénarios, dignes d’Hollywood.

L’archéologie en blog et en péplum

Il y a exactement dix ans aujourd’hui, je commençais ce blog. Le but de ce blog était de présenter ma vision de l’archéologie et de me faire l’écho des découvertes et des interrogations que l’archéologie peut susciter dans le grand public. Dans ma première note je me réjouissais de la fermeture du Mystery Park à Interlaken en m’étonnant des moyens publics et privés importants mis en œuvre pour sa création, malgré sa thématique plus que critiquable. Depuis, ce parc d’attractions a trouvé les moyens financiers de rouvrir ses portes une partie de l’année sous une nouvelle appellation « Jungfrau Park » cherchant à attirer par des dispositifs ludiques les enfants jusqu’à l’âge de 10 ans. Mais les animations d’origine, relevant de la para-archéologie basée sur les écrits d’Erich von Däniken et regroupées dans l’espace « Mystery World », demeurent accessibles pour les enfants et leurs parents, et tant pis si le contenu reste le même et toujours aussi peu scientifique. Cependant, j’ai pu mesurer, grâce aux statistiques de consultation de mon blog et aux mots clés utilisés pour aboutir sur mes notes, qu’un intérêt pour les civilisations disparues est bien présent, même si ce ne sont pas toujours les informations les plus pertinentes qui semblent être recherchées. Selon les données de l’Office fédéral de la statistique (OFS), de tous les domaines de la culture, les contenus et les services audiovisuels sont très nettement les plus prisés et c’est le plus souvent sous forme de documentaires, de films et de téléfilms, vus à la télévision, au cinéma ou en DVDs que le public peut se faire une image du passé.
Cleopatra
Scène de tournage du Cléopâtre de Mankiewicz

Ayant assisté jeudi dernier à une conférence de Claude Aubert, ancien professeur de latin, réalisateur et éditeur de la revue “12e heure” consacrée au péplum, j’ai pu constater, en raison de la forte affluence du public, la vaste portée de ce thème et l’intérêt qu’il peut susciter. Ce que nous autres archéologues et historiens essayons de transmettre plus ou moins bien à l’aide nos écrits, le cinéaste essaye lui aussi, plus ou moins bien à travers ses images, de décrire le passé. Sa tâche se révèle bien souvent difficile, car voyager dans le temps a un prix. Comme l’a écrit Michel Eloy, spécialiste des films péplum et de l’antiquité, en parlant des décors du Forum romain dans Cléopâtre « il doit tenir compte des nécessités de la production qu’il s’apprête à mettre en scène, du budget et des moyens matériels dont il dispose, de l’environnement du plateau (buildings, antennes TV, etc) et aussi – sans doute – de ce que s’attend à voir le public (arcs de triomphe, colonnes votives, temples de marbre), dans l’imaginaire duquel s’est imposée l’image des maquettes célèbres de P. Bigot (1911) et d’I. Gismondi (1937) : la Rome du IVe siècle de notre ère ». En ouverture de l’introduction à son ouvrage « L’Antiquité au cinéma. Vérités, légendes et manipulations » (2009), Hervé Dumont, historien du cinéma et ancien directeur de la cinémathèque suisse à Lausanne, citait Stanley Kubrick qui affirmait qu’« une des choses que le cinéma sait le mieux faire que tout autre art, c’est de mettre en scène des sujets historiques », c’est-à-dire représenter le passé. Pour notre plus grand plaisir de découverte, il a mis en ligne gratuitement une « Encyclopédie du film historique » qui répertorie plus de 15 000 films et téléfilms, avec illustrations et commentaires. Dans ce flot d’images, quelque 2200 films concernent l’Antiquité et peuvent être qualifiés de « péplum ». Le site Internet d’Herve Dumont représente le fruit de 40 ans de recherches. Ce blog, juste 10 ans de réflexions. Merci de me lire et de parcourir tous les liens que je vous donne au fil de mes notes.

La grande histoire d’Aventicum en 3D

Les Site et Musée romains d’Avenches auront été à l’honneur en ce mois de juillet qui se termine. D’une part ils ont été choisi comme « site du mois » par ArchaeConcept. D’autre part, dans le sillage des manifestations organisées l’année dernière lors du bimillénaire de la cité, un spectacle de sons et lumières désigné sous l’appellation « La Grande Histoire d’Aventicum » a été créé tout spécialement pour mettre en valeur la Capitale des Helvètes. L’idée du projet a germé dans l’esprit de Martial Meystre, directeur d’Avenches Tourisme, séduit par le documentaire de Philippe Nicolet « Aventicum D-Couverte. La capitale des Helvètes dévoile ses joyaux après 2000 ans », film en 3D sur la vie quotidienne dans la cité romaine. Le professionnel du tourisme a proposé au cinéaste de monter un spectacle biannuel sur cette base, en lui donnant carte blanche pour établir le scénario et en faire la réalisation. Le budget devisé à 950 000 francs ne peut que laisser songeur les archéologues qui chaque année peinent à obtenir ceux de leurs interventions. Au final, le premier volet de cette grande histoire, intitulé « L’esclave et le Hibou », se présente sous la forme d’un film d’une durée de 70 minutes projeté en plein air sur trois écrans géants, dont le principal en image 3D haute définition, nécessite comme il se doit actuellement au cinéma le port de lunettes spéciales.
Aventicum3D
Le dispositif multi-écrans en place devant les gradins

L’action principale du film « L’Esclave et le Hibou » se situe en l’an 179 de notre ère, à la fin du règne de l’empereur-philosophe Marc-Aurèle et s’inspire d’un récit, l’Âne d’Or, composé par un de ses contemporains, Lucius Apuleius dit Apulée, dans la seconde moitié du IIe siècle. L’intrigue met en scène divers protagonistes, dont l’esclave Fotis, la magicienne Anna, le noble Quintus, le menuisier Lucius et le prêtre Caïus. Le teaser du film est suffisamment explicite pour prendre connaissance ou se rappeler des moments clés de l’histoire qui, in fine, offre une hypothèse à la découverte du buste en or massif de l’empereur Marc-Aurèle, le 19 avril 1939 dans une canalisation située sous le Sanctuaire du Cigognier, trésor archéologique le plus célèbre et emblématique d’Aventicum. L’ensemble du spectacle permet de découvrir en 3D, au fil du récit, quelques éléments majeurs des collections du musée romain, dont un mystérieux objet de bronze appelé dodécaèdre, et, dans la mise en scène en plein air, de porter un éclairage sur certains monuments antiques moins connus que les arènes ou la colonne du Cigognier, comme la porte de l’Est, la Tour de la Tornallaz – seule survivante des 73 tours qui renforçaient l’enceinte de la ville – ainsi que les thermes du Forum. De plus, sont intégrés dans le film, quelques vues aériennes de la ville antique reconstituée en images de synthèse par Neng Xu, et dans la bande son quelques belles pensées de Marc-Aurèle qui nous invitent à le relire.  Si tout va bien, rendez-vous nous est donné dans deux ans pour un nouvel épisode de « La Grande histoire d’Aventicum ».

Aventicum MMXV

Comme le rapporte l’Agence télégraphique suisse, « l’ancienne capitale de l’Helvétie romaine va festoyer durant quatre jours ce week-end, à l’occasion de l’anniversaire de son bimillénaire. Les autorités communales ont souhaité commémorer ce bimillénaire pour mettre en évidence le passé historique d’Avenches. Carillons de cloches, concerts, école de gladiateurs pour enfants, démonstrations, «show» sur les Jeux olympiques antiques, atelier de mosaïque, pas moins de 85 événements gratuits sont au programme. Plus de 250 personnes en costumes animeront un village médiéval placé entre le temple du cigognier et le théâtre romain. Des ateliers de frappe de monnaie, du tir à l’arc, du jonglage, des troubadours feront vivre cet espace, de samedi à lundi».  Signe de l’importance donnée à cette manifestation, Aventicum MMXV recevra vendredi le conseiller fédéral Alain Berset, ministre en charge de la culture, qui inaugurera  « la Promenade des 2000 ans » un circuit reliant les localités d’Avenches, Donatyre et Oleyres. Autre élément marquant en relation avec cet événement,  la réalisation du film «Aventicum, D-couverte» de Philippe Nicolet, que l’on a pu découvrir le lundi 18 mai dans «les docs» de la TSR et que l’on pourra voir en avant-première en 3D, le 27 mai 2015 à 20h, à la salle du théâtre du Château à Avenches. C’est ainsi sous le slogan «Avenches, fier de son passé, ville d’avenir» que l’année 2015 a été placée par la Municipalité.
640px-Tour_de_l'évèque_et_amphithéatre_-_5
Sous l’ombre de la tour du Site et Musée romain d’Avenches (Photo : Wikimedia)

Si comme archéologue je peux me réjouir d’une telle célébration, car il n’est jamais inutile de rappeler le passé, je m’inquiète cependant de sa réelle motivation. D’une part, l’an 15 après J.-C n’est certainement pas la vraie date de la fondation de la ville. Les plus anciennes structures attestées reposent en effet sur des pieux datés par la dendrochronologie de l’an 5/6 après J.-C, et l’on peut raisonnablement penser que la première installation sur le site peut remonter aussi loin que le retour des Helvètes sur le territoire après leur migration stoppée à Bibracte par les légions de Jules César  en 58 avant notre ère. De ce fait, Avenches a déjà plus de 2000 ans. D’autre part, depuis l’ouverture de l’autoroute A1, Avenches s’est très rapidement développé et les chantiers se multiplient dans les zones à bâtir. Ainsi, en l’espace des six dernières années, la population de la localité est passée de 3000 à 4000 habitants, et on en prévoit déjà un millier de plus d’ici peu. Même si Avenches  est encore loin des 20’000 habitants que comptait la capitale des Helvètes à la fin du 1er siècle après J.-C, lorsqu’elle acquit le rang de colonie sous le nom de Colonia Pia Flavia Constans Emerita Helvetiorum Foederata, la localité connaît une croissance exponentielle qui ne peut que menacer à terme le patrimoine encore enfouis aux abords de la ville, d’autant plus si les moyens nécessaires aux fouilles et à l’extension du musée romain ne sont pas accordés aux archéologues. A noter, par exemple, que la conférence “Mourir à Aventicum” donnée par Daniel Castella, archéologue responsable de la recherche et des publications au Site et Musée romains d’Avenches, qui aura lieu samedi 23 mai, à 11h, ne figure pas dans le programme officiel d’Aventicum MMXV. Espérons donc que pour les autorités communales le riche passé romain d’Aventicum a encore un avenir à Avenches, même si pour l’occasion, elles ont préféré organiser une fête essentiellement médiévale.

La sexualité à Rome

Jeudi 19 décembre, l’auditoire du Laténium accueillait pour une conférence publique Jean Dufaux et Philippe Delaby, les auteurs de la série BD Murena, sur le thème de « La sexualité à Rome ».  Cette manifestation était modérée par Olivier Christin, professeur en histoire moderne à l’Université de Neuchâtel et directeur d’une « master class » transfrontalière franco-suisse sur la bande dessinée, et animée par Laurent Flutsch, directeur du Musée romain de Lausanne-Vidy, qui prépare en ce moment une exposition sur le sujet.  Il ressort de cette discussion que  l’image que l’on se fait généralement de la sexualité dans l’Empire romain est trompeuse. Certes, si à cette époque on exhibe volontiers un phallus sur  le mur des maisons, ce n’est pas pour servir d’enseigne à quelque sordide lupanar, mais comme figure apotropaïque servant à éloigner le mauvais œil de la domus d’honnêtes citoyens, afin de leur apporter chance et prospérité.  Ainsi, bien qu’ils acceptent la nudité dans les vitrines du Musée romain de certaines statuettes, d’amulettes en forme de pénis  ou de scènes amoureuses décorant des lampes à huile, certains visiteurs s’offusquent de l’image d’un baiser lesbien dans l’exposition permanente. Cela me rappelle que dans son exposition AMOR, le Musée romain d’Avenches avait dû mettre des mises en garde avant la visite. Dans la série Murena, les gladiateurs combattants nus ont dû être affublés de caleçons dans l’adaptation étatsunienne. Aussi, on doit avant tout penser que l’exposition des corps sous le dessin de Philippe Delaby interroge plus notre approche de la sexualité  que sur celle de nos prédécesseurs. Une édition spéciale du tome 9 de Murena, paru dernièrement,  présente deux planches supplémentaires à l’érotisme sans complexe, intelligemment complétées par un dossier de Claude Aziza, professeur à l’Université de Paris III, sur l’art d’aimer à Rome, de A à Z.
Couverture Murena Tome 9
Extrait de la couverture spéciale du tome 9 de Murena

S’il est relativement facile de se représenter la Rome impériale, par la visite de ses monuments, la réalisation de dessins comme ceux de Gilles Chaillet, ou les restitutions élaborées dans le cadre du projet « Rome Reborn », il est malaisé de percevoir ce monde comme les Romains le vivaient. C’est pourtant ce défi que la série Murena , prévue en 16 volumes, parvient à nous narrer. Le récit s’attache au parcours de vie de Lucius Murena, un jeune patricien, qui évolue dans l’ombre du règne de Néron.  Difficile de se défaire de l’image de Peter Ustinov, interprétant le rôle de l’empereur dans le film « Quo Vadis ? ». Toutefois, c’est l’un des mérites du scénario de nous dépeindre une vision plus nuancée et moins manichéenne de ce règne. Les auteurs ne jugent pas, ils essayent de comprendre. Comme le souligne à juste titre Jean Dufaux : « l’Antiquité,  est une autre planète peuplée d’humains comme nous ». L’histoire du règne de Néron est abordé par un regard humain, celui de Murena, parti pris réussi qui est aussi celui de la série « Rome » pour la fin de la République, vue à travers les regards de Lucius Vorenus et Titus Pullo. La BD est le lieu de rendez-vous privilégié entre l’écriture et l’image. Le dessin enrichi le scénario. Ces deux éléments fixés sur les planches des albums nous interpellent souvent plus que les images et les mots fuyants des péplums.  De plus, tout en étant souvent plus réaliste, cela coute nettement moins cher à produire. De toutes ces réflexions, il ressort pour moi que l’archéologue et l’historien plongeant dans l’espace-temps se font parfois une image des Romains  pas plus juste que celle des membres d’équipage de l’Enterprise de la série Star Trek se trouvant face à des Romuliens vêtus des oripeaux et des accessoires confectionnés pour les péplums des années 50 et 60.

Empreintes et archéologie lunaire

Il y a des événements qui marquent une vie et dont on ne peut que se souvenir, tels les premiers pas de l’homme sur la Lune pour ceux qui étaient déjà nés et assez grands pour le vivre. Ce premier homme, que sa famille à présenté comme un héros malgré lui, s’appelait Neil Armstrong et réalisait par procuration le rêve que des milliards d’humains ayant vécu sur la Terre depuis des milliers d’années croyaient impossible. Il a quitté ce monde samedi dernier à l’âge de 82 ans. Un groupe de scientifiques et d’anthropologues, dans le cadre du Lunar Legacy Projet, cherchent depuis plusieurs années à inscrire au Patrimoine Mondial de l’Humanité le site d’alunissage de la mission Apollo 11 sur la Mer de Tranquillité. Outre les fragiles empreintes laissées par Neil Armstrong et Buzz Aldrin, ils ont fait l’inventaire de 106 artefacts abandonnés par les astronautes.  Selon le « Traité sur les principes régissant les activités des États en matière d’exploration et d’utilisation de l’espace extra-atmosphérique, y compris la lune et les autres corps célestes » du 27 janvier 1967, tous ces objets demeurent la propriété des Etats-Unis d’Amérique.  Le classement du site a pour but de préserver l’information archéologique in situ, par crainte que de futures missions, voire même touristes spatiaux ne viennent le perturber d’ici cinquante ans. Car tels qu’ils sont, les vestiges et les empreintes de la mer de la Tranquillité peuvent rester intacts pendant des milliers d’années et constitueront sûrement un lieu important de mémoire dans l’avenir comme le suggère la plaque commémorative fixée sur l’un des pieds du module lunaire : «Ici, les hommes de la planète Terre, ont pour la première fois posé le pied sur la Lune en Juillet 1969 ap. J-C.  Nous sommes venus en paix pour l’ensemble de l’humanité. »

3,7 millions d’années entre ces deux empreintes

«Un petit pas pour l’homme mais un bond de géant de l’humanité» est la phrase prononcée par Neil Armstrong qui aura marqué l’événement. Il dira ensuite : «La surface est fine et poudreuse. Je peux la disloquer avec mon orteil. Elle adhère en couches fines comme du charbon en poudre à la semelle et les côtés de mes bottes. Je ne pénètre que d’une petite fraction d’un pouce, peut-être un huitième d’un pouce, mais je peux voir les empreintes de mes bottes et les aspérités dans les fines particules de sable. » En quelques milliers d’années nous sommes passés de l’âge de la Pierre (Stone Age) à l’âge de l’Espace (Space Age). D’autres empreintes apparaissent alors en mémoire pour l’archéologue, celles laissées sans le savoir à Laetoli en Tanzanie, il y a 3,7 millions d’année, par les pieds nus de deux de nos lointains ancêtres bipèdes. Que de pas évolutifs parcourus et de bonds accomplis depuis lors. Et soudain, la transition proposée dans « 2001, l’Odyssée de l’Espace »par Stanley Kubrick entre ces deux âges devient visionnaire et apparaît dans mon esprit comme un clin d’œil à la Lune et à Neil Armstrong.

Indiana Jones au musée

Le Centre des sciences de Montréal profite du 30e anniversaire de la sortie du premier film de la série  pour présenter en primeur mondiale, à partir d’aujourd’hui 28 avril, l’exposition intitulée « Indiana Jones et l’aventure archéologique ». En se basant sur les quatre films de la série Indiana Jones l’exposition fait le lien entre la fiction et la réalité de 14 sites archéologiques que le célèbre archéologue a parcourus lors de ses aventures. Les visiteurs sont guidés en alternance sur la «Piste d’Indy» et dans des «Zones archéologiques». Pour le parcours de la «Piste d’Indy», Lucasfilm a prêté plus de 200 costumes et accessoires provenant des quatre tournages. Il est ainsi possible de voir, entre autres, la fameuse Arche d’alliance des Aventuriers de l’arche perdue, le squelette en cristal d’Akator sur son trône, la motocyclette de Matt, de même que le chapeau et le fouet du héros. L’expérience de visite est enrichie par une tablette numérique, un compagnon de visite portatif gratuit qui contient deux heures de contenu interactif sous forme de films et de textes. La visite sans la tablette est du reste impossible, puisqu’aucune vignette descriptive n’accompagne les pièces exposées. Une quête virtuelle est également proposée pour permettre à chacun d’expérimenter la science de l’archéologie.
L'aventure archéologique
Extrait de l’affiche de l’exposition

En parcourant les « zones archéologiques », les visiteurs découvrent l’évolution de l’archéologie du premier tiers du 20e siècle jusqu’à nos jours. Les quatre zones archéologiques de l’exposition correspondent aux étapes fondamentales du travail d’un archéologue: la quête, la découverte, l’enquête et l’interprétation. Ces zones regroupent des artefacts et documents archéologiques uniques en provenance du Penn Museum, de la National Geographic Society et de la Ville de Montréal. Parmi les objets les plus impressionnants de l’exposition, on retrouve entre autres une collection d’artefacts en or du cimetière royal d’Ur, une série de neuf récipients magnifiquement décorés de la culture Nazca au Pérou, la plus ancienne carte du monde connue à ce jour, ainsi que la plus ancienne preuve de l’origine de la vinification. «Indiana Jones et l’aventure archéologique» se tient au Centre des sciences de Montréal jusqu’au 18 septembre 2011. L’exposition voyagera ensuite pendant six ans dans une dizaine de villes d’Europe et d’Asie et comme le conclu le trailer sur You Tube accompagnant l’événement, «Indiana Jones et l’aventure archéologique» sera bientôt dans un musée près de chez vous.