Category Archives: Généralités

À la claire fontaine

Depuis l’exposition à l’Espace Schilling de l’artiste espagnol Desiderio Delgado qui a peint les fontaines de Neuchâtel, je suis devenu plus attentif à la présence des fontaines qui m’entourent. Je réalise progressivement à quel point elles sont encore nombreuses, bien que le plus souvent discrètes. Leur présence, est là pour nous rappeler que l’accès à l’eau courante n’était pas une chose aussi simple qu’elle semble l’être aujourd’hui quand il suffit de tourner les robinets de nos cuisines ou de nos salles de bains. J’ai essayé de me remémorer toutes les fontaines qui a un moment ou a un autre de mon existence ont pu me marquer ou m’attacher et je réalise qu’elles sont bien trop nombreuses pour toutes les citer ici, à moins d’en faire une longue liste prenant toute la place dans l’espace que je réserve à ce texte. Les premières fontaines auxquelles je pense, parmi les plus anciennes, sont celles de la Rome antique. L’Urbs, selon le consul romain Sextus Julius Frontinus, nommé administrateur des eaux de Rome en l’an 98 de notre ère, était une ville de fontaines. La ville disposait de neuf aqueducs alimentant 39 fontaines monumentales et 591 bassins publics, sans compter l’eau fournie à la maison impériale, les bains et propriétaires de villas privées. Chacune des fontaines principales était reliée à deux aqueducs différents, au cas où l’un d’entre eux serait fermé pour cause d’entretien. A ce propos, je me souviens que mon premier travail de séminaire en archéologie classique a concerné l’étude de la Fontaine de Juturne sur le Forum romain.
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Flyer de l’exposition Delgado à Neuchâtel

Depuis peu, je fais aussi partie de la Commission des biens culturels de mon canton. Parmi les décisions que les membres de cette commission ont prises dernièrement a été celle de mettre sous protection l’ensemble des six fontaines publiques du village de Lignières, classées toutes ensemble comme un patrimoine sériel, reflet de l’importance de la relation entre l’approvisionnement en eau et la présence d’une population. La plus ancienne fontaine de ce village date de 1750. Elle est aussi celle dont le bassin a la plus grande contenance, puisqu’elle est évaluée à 5000 litres. Ce bassin a été creusé dans un bloc de calcaire mesurant 4m de longueur, pour 2,62m de largeur et 1,20m d’épaisseur, formant une masse estimée à 20 tonnes. La trace laissée par l’extraction monolithique de la pierre est encore visible sur un rocher dans une forêt située à 1km du village. Un chroniqueur de l’époque nous rapporte que c’est à l’aide d’un traineau fait de troncs d’arbre glissés sur des rondins en bois, tiré par 40 paires de bœufs, encadrés par une centaine de personnes que ce grand bassin fut amené au centre du village. Ce travail fut fait, non sans danger, dans le froid et la neige de janvier et dura huit jours. Après cela les habitants du village purent laver leur linge, abreuver leur bétail et se ravitailler en eau à la claire fontaine, avec le sentiment d’un bel ouvrage accompli.

De l’Holocène à l’Anthropocène

De la Finlande à la Californie, de la Suède à la Grèce, il fait chaud et sec, même au-delà du Cercle polaire, où cela ne devrait pas être, ce qui favorise la propagation des incendies. Comment douter dès lors du réchauffement climatique lié sans doute en grande partie aux activités humaines. Au début de cette année l’Organisation Mondiale de Météorologie constatait que les années 2015, 2016 et 2017 avaient été les années les plus chaudes depuis que l’on enregistre des températures sur le globe. Il est fort à parier que l’an 2018 est bien parti pour se placer à son tour sur le podium. Si l’homme est à lui seul capable par son activité à dénaturer le climat, son impact est autrement plus sensible quand on étudie les mutations du paysage qui nous entoure. Sous la pression démographique de l’humanité, les sols s’épuisent et se désertifient, l’eau se raréfient et les ressources minières disparaissent à vue d’œil tant elles sont consommées pour nos besoins énergétiques et matériels. Quoique peuvent encore en débattre les géologues quant à son existence ou à la date de son début, l’impact de l’homme sur la Terre est manifeste : nous sommes bien entrés dans une nouvelle ère: l’Anthropocène.
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Une vision du passé (Photo: Wikipedia)

En guise d’explication succincte, l’humanité a connu ces deux derniers siècles une explosion démographique sans précédent. Il y a seulement deux mille ans, ne vivaient sur la Terre que 200 millions d’individus, répartis pour 60 millions dans ce qui était alors l’Empire romain, pour 60 millions dans l’Empire du Milieu, et les 80 millions restants dans le reste du Monde. De plus, si l’on fait le compte de tous les Homo sapiens, Cro-Magnon et Néandertaliens compris, que la Terre a porté depuis la nuit des temps, on dénombre, en tout et pour tout, environ 100 milliards d’individus de notre espèce. Il apparait formidable de constater que sur ces 100 milliards, actuellement 7,63 milliards sont nos contemporains et que 20% de la population humaine a vécu au moins une année du 20ème siècle. Ces chiffres nous laissent songeurs et  expliquent à eux seuls, pourquoi avec tous les humains présents et tout le CO2 induit par l’ensemble de nos activités, la Terre se réchauffe aussi vite, et comment nous sommes entrés dans cette nouvelle ère.

Neanderthal ou Neandertal ?

A l’occasion de l’écriture de ce blog depuis une bonne dizaine d’années, ou en assistant à des conférences comme celle que vient de donner à Neuchâtel Isabelle Crevecoeur, j’ai souvent été confronté à des découvertes ou des informations en lien avec l’homme de Neandertal. Et j’avoue que je me posais la question de savoir de quelle façon je devais l’écrire en français : Néandertal, Néanderthal, Neandertal ou Neanderthal. En recherchant dans mes notes de blog, je constate que j’ai le plus souvent utilisé la graphie « Néandertal » avec l’accent sur le « e » pour rester en accord avec l’autre terme souvent utilisé pour parler de ces hommes, celui de « Néandertaliens ». Parfois aussi, il m’est arrivé d’écrire « Néanderthal », avec un « h » pour me conformer à la nomenclature latine « Homo neanderthalensis » ou pour parler de l’un ou l’autre « Neanderthal Museum». La préhistorienne Marylène Patou-Mathis, vient de publier un livre « Neandertal de A à Z », dans lequel, sous forme d’entrées de dictionnaire, elle fait le point sur les dernières découvertes scientifiques en relation avec cet hominidé. Parmi ces articles : « Neanderthal ou Neandertal ?». En le lisant, je découvre que « s’il est acquis que Neandertal ne prend pas d’accent la question du h fait débat ». En effet, lors de la découverte de ses ossements en 1856, l’hominidé découvert reçu l’appellation du lieu de sa découverte, à savoir : « Neanderthal ». Mais en 1903, l’Allemagne décide d’une réforme de l’orthographe qui simplifie le mot signifiant vallée « thal » en « tal », d’où « Neandertal » et pas « Neanderthal ». Résumé ainsi, tout semble clair et limpide, Neandertal s’écrit sans accent et sans h.
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Affiche de l’exposition au Musée de l’Homme

Mais comme toujours, le diable se cache dans les détails. Actuellement se tient au Musée de l’Homme à Paris : « Néandertal l’Expo ». Stupeur et étonnement, je découvre que Marylène Patou-Mathis est l’une des deux commissaires de cette exposition qui met l’accent sur le « e » bien en évidence. De quoi relancer mon hésitation. Qui dois-je suivre ? L’auteur de l’ouvrage de référence ou la commissaire d’exposition ? Avant de devenir schizophrène, un rapide survol dans différentes publications récentes m’incitent à penser que s’il est acquis que Neandertal ne prend plus de h, la question de l’accent est loin d’être réglée. Dans le bel ouvrage « Une belle histoire de l’Homme » publié sous la direction d’Évelyne Heyer avec préface d’Yves Coppens, c’est bien « Néandertal » qui se lit. En revanche dans le bestseller « Sapiens » de Yuval Noah Harari, traduit de l’anglais par Pierre-Emmanuel Dauzat, c’est « Neandertal » de même que dans le splendide ouvrage de Jean-Marc Perino : « Préhistoire de Toumaï et Lucy à Otzi et Homère ». Pour ce qui est du classique « Dictionnaire de la Préhistoire » d’André Leroi-Gourhan, on retrouve l’accent de même que dans le site Internet de référence « Hominidés ». Alors ! Accent ou pas accent ? Doit-on y voir une nouvelle querelle des anciens et des modernes ? Ou simplement un distinguo de spécialiste comme celui qui nous fait écrire « mettre au jour » un artéfact et pas « mettre à jour ».

Horizons 2015 : Le bilan Final

Selon ses organisateurs, le projet « Horizons 2015 » avait pour objectif d’encourager la collaboration entre les diverses institutions et organisations intervenant dans l’archéologie suisse. A la suite du colloque initial de 2010 et du bilan intermédiaire de 2013, la rencontre finale a eu lieu le 11 septembre 2015 sur le thème « résultats et perspectives ». La question des outils numériques utilisés par les milieux de l’archéologie suisse destinés à l’information du grand public était la problématique que le groupe « Nouvelle Technologie et médias », que j’ai pris en charge, a voulu aborder durant les cinq années du projet Horizons 2015. A l’heure du bilan final, nous n’avons pas pu constater beaucoup de changements dans l’architecture des sites Internet des archéologies cantonales, qui en raison de la structure fédérale du pays demeurent la principale porte d’accès de l’information archéologique numérique en Suisse. La grande majorité des sites se développe sous la forme de « brochures », dont la structure est plus ou moins riche, selon qu’elle présente des « Frequent Ask Question », des « News », une liste de sites, des cartes ou des liens vers la législation relative à la sauvegarde du patrimoine. Ces sites reprennent la structure du portail cantonal dans lequel ils sont hébergés. Seuls les archéologues du canton du Jura disposent d’un site Internet qui se développe en marge de la structure du portail cantonal. Mais plus pour très longtemps parait-il. Depuis le bilan intermédiaire de 2013, nous avons remarqué l’actualisation du site Internet d’Archéologie Suisse, et la création en automne 2013 du portail des Sciences de l’Antiquité. Mais, comme les autres, ces sites Internet apparaissent dans leur structure plutôt destinés à donner des informations et des liens à un public de connaisseurs. Il manque donc encore une mise en réseau de tous les acteurs de l’archéologie. Chacun dispose dans son petit coin de pays de toutes les connaissances sur son patrimoine, mais, dans l’ensemble des cas, a de la peine à le mettre en valeur et à le faire connaître à un large public.

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L’heure du bilan final d’Horizons 2015

Nos observations nous ont montrés qu’il existe pourtant un grand potentiel de dispositifs différents aptes à valoriser et mettre en valeur le patrimoine archéologique. Une manière d’attirer l’attention sur l’archéologie c’est, par exemple, de communiquer des informations sur les réseaux sociaux, ou de mettre en ligne des animations ludiques comme le petit jeu « Pfahlbauer von Pfyn » mis en place par l’archéologie cantonale du canton de Thurgovie. L’apparition de nouveaux outils technologiques et numériques pour informer les visiteurs sur les lieux intéressants du patrimoine archéologique nait timidement. L’initiative prise par ArcheoTourism et ArchaeoConcept de créé le «Site du mois» est une voie intéressante pour approcher le grand public. Cette approche pourrait constituer l’amorce  de la mise en place d’une véritable information touristique sur tous les sites archéologiques visitables de Suisse, à l’exemple de ce que l’on trouve en Angleterre avec le site Internet et l’application pour smartphone et tablette numérique d’English Heritage, qui donnent un accès aux sites archéologiques visitables du pays par l’intermédiaire de la géolocalisation. L’usage de la géolocalisation et du GPS embarqué dans les téléphones portables est sans aucun doute une bonne solution pour réveiller la mémoire d’un patrimoine le plus souvent invisible in situ. Comme exemples suisses d’applications utilisant la fonction GPS de nos mobiles signalons : l’application «Palafittes Guide», qui fait l’inventaire de tous les sites Unesco, l’application «Archaeo Tour» qui permet une balade dans le temps, de l’âge du Bronze au Moyen-Age, de la colline de la cathédrale de Bâle, enfin, l’application StoriaBox qui invite à une visite en réalité augmentée de la villa gallo-romaine d’Orbe-Boscéaz et du Castrum romain d’Yverdon-les-Bains. Mais l’objectif final, selon nous, aurait été de disposer sur une même plateforme de l’ensemble des informations disponibles sur les sites archéologiques de Suisse. A l’heure du bilan final d’Horizons 2015, cela n’a pas été fait. Cela pourrait se faire en contribuant au projet de portail sur l’Archéologie, organisé par Wikipédia, dans chacune de nos langues nationales, soit en français, en allemand et en italien.

Douze mois, douze sites !

La manifestation nationale « Site du mois », vient de débuter sur le site du Banné dans le canton du Jura. Sur cette colline, située au-dessus de la ville de Porrentruy, une zone de fouilles permet à tout le monde, enfants ou adultes, d’expérimenter le travail du paléontologue en découvrant par soi-même la faune d’invertébrés qui peuplait la mer jurassique il y a 152 millions d’années. Chaque mois, jusqu’en juin 2016, un autre site du patrimoine suisse sera mis à l’honneur. Sous le slogan « découvrez les trésors de l’archéologie et de la paléontologie suisse au gré des promenades et des saisons » cette manifestation a pour but, selon ses concepteurs, « de faire connaître le patrimoine archéologique suisse et de le promouvoir en tant que produit touristique durable ». C’est dans la dynamique des réflexions initiées par l’association ArchaeoTourism 2012, qui vise à mettre en relation les acteurs du tourisme et de l’archéologie, que se place cette manifestation dont la conception apparaît comme une bonne synthèse entre le Mois de l’Archéologie du Québec et les Journées Nationales de l’Archéologie en France ou l’Objet du Mois présenté dans certains musées.
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Le Banné, site du mois de juin (photo: Site du Mois)

Le projet est organisé à une échelle locale par des partenaires locaux et les offices du Tourisme régionaux, et coordonné pour l’ensemble du pays par ArchaeoConcept, une entreprise indépendante dirigée par Cynthia Dunning, ancienne archéologue cantonale du canton de Berne. Pour promouvoir l’aspect touristique durable, les douze sites sélectionnés sont accessibles par les transports publics et situés au voisinage immédiat de lieux d’accueils pour les visiteurs, tels que restaurants et hôtels. Destinée avant tout à un public national sensible à son passé, cette manifestation vise à démontrer que même si les vestiges archéologiques en Suisse sont dans l’ensemble moins impressionnants que dans d’autres parties du monde, comme l’Italie, la Grèce ou l’Egypte, il n’en demeure pas moins intéressants dès le moment où ils jouissent d’une bonne mise en valeur. Ainsi, dans la liste des sites choisis en relation directe avec l’archéologie, on peut relever, la Villa romaine de Pully,  le Laténium à Hauterive, le parcours archéologique de Bioggio et les sites funéraires de Sion. En novembre 2015, ce sera le mois du Castrum romain d’Eburodunum, dont la visite se fera en réalité augmentée à l’aide d’une application pour tablette numérique. Développée par la société Storiabox cette application sera mise en service à la fin de ce mois et présente actuellement, en plus du Castrum, sept autres itinéraires de visites scénarisées alliant patrimoine culturel et tourisme. Voici de quoi occuper nos week-ends des prochains mois !

Pour un portail de l’archéologie suisse

Depuis mi-octobre 2013, a été mis en ligne le Portail Sciences de l’Antiquité (PSA) en Suisse, dont le souhait est de servir le rôle de fil d’Ariane dans le labyrinthe que représente parfois Internet pour les personnes qui cherchent de l’information dans ce domaine. Comme le rapporte la page d’accueil du site, le projet PSA fut initié en février 2013, avec le soutien financier de l’Académie suisse des sciences humaines et sociales (ASSH), par un groupe de huit associations et commissions réunies dans le Groupe de coordination PSA, à savoir : Archéologie Suisse (AS), Association des amis de l’art antique, Association suisse pour l’étude de l’Antiquité (ASEA), Commission Corpus Americanensium Antiquitatum (CAA), Commission du Dictionnaire de latin médiéval (CDLM), Inventaire des trouvailles monétaires suisses (ITMS), Société suisse de numismatique(SSN), Société suisse pour l’étude du Proche-Orient ancien (SSPOA).
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Extrait du bandeau d’accueil du PSA

En parcourant ce nouveau site, qui a au moins le mérite d’être bilingue (français, allemand),  il faut admettre d’emblée que le public cible est clairement celui des chercheurs et des professionnels de l’archéologie qui se trouvent engagés dans les académies, les musées ou les institutions. En effet, à part la page « Actualité » qui établit le lien direct vers les manifestations et expositions en cours sur le sujet, guère plus d’informations utiles pour le grand public qui s’intéresserait de façon générale au domaine de l’archéologie en Suisse que les liens Internet déjà établis par d’autres sites, comme celui de l’organisation faîtière Archéologie suisse.  Seule la structuration des liens apporte à l’ensemble une meilleure visibilité. En revanche, le développement des contenus, cantonalisation de la culture oblige, dépend toujours  et encore des informations plus ou moins bien présentées dans les sites des Offices cantonaux ou des institutions en charge de l’archéologie dont le PSA donne les liens.  Il ne s’agit donc, en définitive, que d’une simple passerelle de liens Internet et non d’un véritable portail d’informations sur l’archéologie en Suisse dans le sens souhaité par le groupe de travail « Nouvelles technologies et médias » constitué dans le cadre d’Horizons 2015. Mais pour parvenir à cet objectif, il faudrait sans doute obtenir une ressource plus importante que celle d’un poste de rédaction à 15% destiné à entretenir le site. La vraie révolution serait de disposer formellement de la collaboration active de tous les professionnels du domaine pour qu’ensemble ils mettent à jour et développent ce nouveau portail d’informations centralisé afin de le rendre utile pour tous les publics.

Mots-clés: trésor, tombeau, pharaon, Toutankhamon

L’exposition « Toutankhamon – son tombeau et ses trésors » a fermé ses portes hier soir à Genève.  En quatre mois, le contenu de la Halle 7 de Palexpo aura accueilli plus de 175’000 visiteurs. Une exposition identique se poursuit à Nuremberg en Allemagne, jusqu’au 26 janvier. Et une nouvelle installation prendra place dès le 6 mars à Linz en Autriche. L’attirance du public pour l’Egypte ancienne en général et pour le règne de Toutankhamon en particulier ne se dément pas, exposition après exposition. Depuis sa première présentation au public en 2008 à Zürich, ce sont plus de 4,5 millions de visiteurs qui ont franchis les portes des installations disséminées dans des villes en Asie et en Europe, dont Munich, Hambourg, Madrid, Barcelone, Budapest,  Dublin, Bruxelles, Séoul, Cologne, Francfort, Paris, Amsterdam, Prague et Berlin.  Et pourtant, le millier d’objets présentés ne sont que des reproductions des artéfacts découverts dans la tombe du Pharaon. Ce succès légitime, dû à une mise en scène particulièrement soignée, doit permettre au visiteur de se mettre dans la peau d’un archéologue et de ressentir l’émotion éprouvée par Howard Carter et Lord Carnarvon à la vue de « tant de merveilles » concentrées dans un si petit espace.  En 2004, la présentation sous vitrines de 120 pièces originales provenant du Musée Égyptien du Caire dans l’exposition « Toutankhamon, l’or de l’au-delà, trésors de la vallée des rois» avait à elle seule attiré en six mois quelque 600’000 personnes dans les salles du Musée des antiquités de Bâle, dont ma famille et moi-même.
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Reconstitution de la première chambre aux trésors

On peut se demander ce qui incite autant de monde à aller voir ces grandes expositions ? Une constante se dégage, le terme « trésor ». C’est bien ce mot qui semble le trait commun du succès de ces manifestations. D’autres mots-clés, comme « tombeau », « or », « roi », « empereur » ou « pharaon » sont aussi porteurs.  Cette règle s’est vérifiée récemment  avec  « Qin – L’empereur éternel et ses guerriers de terre cuite », exposition qui en huit mois a attiré plus de 300’000 personnes au Musée d’histoire de Berne, soit la plus grande affluence de visiteurs pour une exposition dans cette institution. C’est aussi en utilisant l’un de ces mots, gage de succès, que Le Laténium propose jusqu’au 3 mars 2014 à ses hôtes de venir respirer ses « Fleurs des pharaons ». Pas étonnant dès lors que lorsque je me présente sous la profession « archéologue » l’une des premières questions que l’on me pose est : « trouvez-vous des trésors ? ». C’est pour pouvoir répondre positivement à cette question que la tombe de Toutankhamon (KV62) dans la Vallée des Rois, ou celle encore à découvrir de Qin Shi Huangdi sous une colline de Xi’an, représentent tout ce qu’un archéologue professionnel peut rêver de mettre au jour pour sentir à son tour le vent de l’histoire porté par le souffle de ces illustres souverains.  Pour les quelques amateurs d’archéologie qui ne se focalisent pas sur l’un des mots-clés signalés ci-dessus, je leur signale qu’ils peuvent toujours découvrir d’authentiques objets fabriqués et utilisés par nos ancêtres dans le cadre de l’exposition « Archéo A16 » au Musée jurassien des sciences naturelles à Porrentruy (jusqu’au 31 mars 2014) ou au Centre nature Les Cerlatez près de Saignelégier (dès le 18 avril et jusqu’au 2 novembre 2014). Mots-clés : pierre, os.

L’archéologie en archives

Toute fouille archéologique se doit d’être conduite dans le souci de recueillir un maximum d’informations sur le site exploré. Cela commence bien souvent par la récolte d’artefacts dont la position sur le terrain doit être dans la mesure du possible précisément définie. La qualité de l’archive dépend en premier lieu de la minutie avec laquelle les divers éléments  produits par la fouille (artefacts, dessins, photos, observations, etc) auront été récoltés. Pour permettre la meilleure collaboration possible entre les équipes de recherches et également pour assurer la transmission de l’information pour des analyses ultérieures des normes d’enregistrement de cette documentation doivent être appliquées à tous les éléments  à archiver, de la planification de la fouille, jusqu’à l’exposition dans une vitrine de musée. C’est dans la perspective de proposer de telles normes documentaires que s’est mis en place le projet ARCHES. Correctement archivés des fragments de tuiles peuvent être exposés en un seul tas sans que, si besoin, les relations de chacune d’entre elles  avec le terrain ne soient perdues.

Tas de tuiles
Fragments de tuiles en tas dans ARCHÉO A16

Au final, ces archives doivent être conditionnées et placées  dans des lieux sûrs qui réduisent au minimum les risques de dommage, détérioration, perte ou vol, afin d’assurer leur conservation à long terme. En effet, un projet archéologique ne peut  pas être considéré comme terminé avant que tous les objets mis aux jours et tous les documents produits lors de l’étude (plans, illustrations, listes d’inventaires, rapports, monographies, etc) aient été transférés dans un dépôt d’archive reconnu et entièrement accessible pour consultation. Avec  l’utilisation croissante de l’informatique le mode de consultation le plus pratique est très certainement sous la forme de données numériques. C’est à la définition de normes pour la constitution de bases de données numériques que s’est attelé un autre organisme ARIADNE.  Il faut espérer que dans leurs définitions des normes pour les divers corpus de documents d’archive, résultants soit de la fouille, soit de l’étude, les acteurs de ces deux projets se coordonnent pour produire des données numériques homogènes afin d’assurer l’interopérabilité entres elles.

Archéologie et tourisme en Suisse

Les liens entre tourisme et archéologie sont évidents, comme le démontre chaque année à Paestum, en Italie, la Bourse méditerranéenne du tourisme archéologique, dont la 15ème édition aura lieu du 15 au 18 novembre. Pourtant, ce qui semble aller de soit d’une manière générale dans le bassin méditerranéen et dans d’autres régions, n’est pas perçu de la même façon en Suisse, où le tourisme repose avant tout sur la visite de nos villes et de nos montagnes et la pratique des sports d’hiver. En complément du grand concours d’idées engagé en Suisse par le projet Horizont 2015, un petit groupe d’archéologues s’était réuni à Berne,  le 1er septembre 2011, sur le thème «Evènements et communication ». Il s’en était dégagé trois propositions, dont l’une était d’organiser un « Colloque sur l’Archéologie et le Tourisme en Suisse ». Partant de ce projet, deux groupes d’archéologues réunis au sein de deux sociétés privées, ArchaeoConcept et Nomads of Time, ont fondé l’association ArchaeoTourism 2012 chargée d’organiser ce premier colloque, au château de Thoune, du 8 au 10 novembre 2012.

Extrait de la page d’accueil d’ArchaeoTourism 2012

Ce colloque sur l’Archéologie et le Tourisme en Suisse est avant tout destiné aux spécialistes suisses de ces domaines. Comme prolégomènes au programme de ces journées se trouve deux visions: celle de l’archéologie en Suisse expliquée aux professionnels du tourisme, suivie par  celle du tourisme en Suisse expliqué aux archéologues. Pour les premiers, l’idée commune est sans doute qu’il n’y a rien à montrer en Suisse de très intéressant du point de vue archéologique, alors que pour les seconds le tourisme  peut être perçu comme une menace sur les sites qu’ils doivent protéger. Sur cette base de réflexions croisées, quatre ateliers sont prévus. Un premier atelier essayera de définir les bénéfices de l’archéologie pour le tourisme et les avantages du tourisme sur l’archéologie tandis qu’un second s’efforcera de créer un produit touristique en rapport avec l’archéologie. Un troisième groupe sera consacré aux relations publiques et au marketing de sites archéologiques, et le dernier enfin se concentrera sur le thème de l’authenticité et des traditions culturelles, thème phare de Suisse Tourisme en 2013. Les résultats de ces réflexions feront par la suite l’objet d’une publication qui devrait pouvoir éclairer les uns et les autres sur les possibilités d’interactions et de synergies entre ces deux domaines et donner des réponses aux questions suivantes: « Où se situent les chances et les défis pour la coopération entre l’archéologie et le tourisme ? Quelle est la position actuelle concernant le tourisme pour les monuments archéologiques et les sites en Suisse? Une meilleure connexion entre archéologie et tourisme est elle activement souhaitée ? Et le cas échéant, comment y parvenir ? ». Trouver des réponses satisfaisantes à ces questions est un des objectifs fixé par les organisateurs de cette manifestation.  Cet événement devrait aussi permettre aux professionnels de l’archéologie et du tourisme en Suisse de tisser des liens solides entre eux pour la réalisation dans un avenir proche de projets ambitieux. C’est en tout cas tout le bien que nous pouvons leur souhaiter. Si ce colloque vous intéresse pour y participer, les inscriptions sont encore ouvertes jusqu’au 1er novembre.

Vente de doublets en archéologie

Les doublets, objets en double, sont des éléments que tout collectionneur de timbres-poste ou de cartes Panini cherche à négocier de la manière la plus favorable possible, soit par échange, soit par vente.  Dans le cadre de l’archéologie, cet esprit de collection est plutôt mal perçu, comme doivent l’apprendre les amateurs de détecteur de métaux. Les lois et les règlements en vigueur dans tous les pays conscients de la valeur de leur patrimoine culturel, tendent à soustraire l’objet archéologique de sa valeur marchande, et rendent sa propriété inaliénable de celle de l’état dans lequel il a été découvert.  Pourtant, au cours de deux conférences présentées hier au Laténium dans le cadre des  journées organisées par le Projet collectif de recherche (PCR) « Archives et correspondances de Joseph Déchelette » sur « Le financement et la réglementation étatique de l’archéologie (fin XIXe- XXe)», certains participants furent surpris d’apprendre que la pratique  du doublet avait bien eu cours de manière tout à fait officielle avec les collections réunies par Paul Vouga, au nom du musée de Neuchâtel. En particulier, lors des fouilles scientifiques, méthodiques et exhaustives conduites entre 1907 et 1917 du célèbre site de La Tène, éponyme du Second âge du Fer, une partie du financement des fouilles put être obtenue grâce à la vente de doublets (ou doublons) provenant des sites palafittiques situés au bord des lacs. Pour Vouga, il ne s’agissait pas de s’enrichir personnellement, juste de couvrir une partie des frais des recherches de la “Commission La Tène”,  par ailleurs très mal subventionnée.

Fouilles interdites sous peine d’amende

Il faut cependant se demander, à l’heure des réductions des subventions étatiques dans les musées, si la pratique du doublet ne pourrait pas avoir quelque intérêt dans la gestion et la sauvegarde de certaines collections d’objets. Au demeurant, même si  tout objet est unique en soi, il ressort des typologies que l’on s’ingénie à construire que l’on peut très bien rassembler certains objets semblables, voire identiques, dans des types bien définis, comme on le fait avec des pièces de monnaies, des amphores romaines ou des haches en bronze. Ne serait-il dès lors pas possible, afin de palier aux réductions de crédits, de vendre une partie des collections des musées ou des objets de fouilles après étude, au lieu de les mettre en dépôts non visitables?  Dans le texte de l’Ordonnance sur le fonds des musées de l’Office fédéral de la culture (OFC), qui règle le cas des collections de la Fondation Musées Suisses directement gérées par la Confédération, la possibilité de vendre des objets des collections pour alimenter les comptes est bien évoquée. Cependant il est précisé que « La vente d’objets de collections n’est possible qu’en vue du financement de l’achat de nouveaux objets de collections et est soumise à l’approbation de la direction de l’OFC », ce qui est en accord avec le code de déontologie prôné par l’ICOM. Est-ce que les pays au patrimoine archéologique riche, comme l’Italie, la Grèce ou l’Egypte, mais pauvres en financement ne pourraient pas penser à la cession de leur doublets pour assurer la conservation de leurs collections ou de leur patrimoine en place de l’acquisition de nouveaux objets? Cela permettrait peut-être, par la vente d’artéfacts de fouilles légales, de casser le marché des antiquités résultant des fouilles clandestines.