Monthly Archives: November 2007

Le Lupercale, à voir!

Il y a une semaine, le ministre italien des Biens culturels, Francesco Rutelli, et la commune de Rome, annonçaient, urbi et orbi, la découverte d’un haut lieu de l’histoire mythique de la ville éternelle : le Lupercale. Cette grotte, selon la légende, était la demeure de la louve ayant allaité au bord du Tibre les frères jumeaux Romulus et Rémus, avant qu’ils ne soient recueillis par le berger Faustulus. Pour l’instant, seule une sonde munie d’une caméra ou d’un appareil photographique a pu pénétrer dans le lieu, qui se présente comme une salle circulaire de 6,5 mètres de diamètre, dont le plafond, en forme de coupole, est décoré de mosaïques et de coquillages. La cavité de 7 mètres de hauteur, remplie au deux tiers de gravats, se trouve sur la colline du Palatin entre le temple d’Apollon et l’église Sainte-Anastasie dans la partie correspondant au palais d’Auguste.

Lupercale ou nymphée

Est-ce vraiment le Lupercale? (photo: La Republica)

Cependant, malgré la certitude dont semble faire preuve les autorités italiennes lors de cette annonce, de nombreux archéologues spécialistes pensent que le Lupercale, s’il existe encore, doit se trouver plus à l’ouest et plus proche des rives du Tibre. D’ailleurs, ce que les images et la vidéo montrent ressemble plus à un nymphée qu’à une grotte, même aménagée. Il apparaît dès lors que seule une fouille minutieuse de la pièce permettra de faire toute la lumière sur son usage exact. Ainsi, derrière cette annonce publique, qui d’un point de vue scientifique se révèle prématurée, se cache l’effet d’une mise en valeur voulue de l’endroit, histoire de rappeler qu’un vaste programme de restauration du Palatin a été mis en oeuvre depuis des années, ce qui s’est traduit par un investissement important du gouvernement italien de 12 millions d’euros. La découverte annoncée depuis plusieurs mois du Lupercale n’a été médiatisée que la semaine dernière afin d’offrir une cerise sur le gâteau financier de ces grands travaux. Ceux-ci doivent cependant s’achever l’année prochaine par la réouverture au public, en février 2008, du palais d’Auguste sur le Mont Palatin.

Liste rouge péruvienne

Le Conseil international des musées (ICOM) et l’Office fédéral de la culture (OFC) ont présenté ce matin à Bâle, en première mondiale, la Liste rouge des antiquités péruviennes en péril. C’est ainsi la cinquième publication dans la série des Listes rouges, après celle des objets africains, des biens culturels d’Amérique latine, des antiquités irakiennes et afghanes. Ces listes rouges établies par des experts en archéologie et ethnologie doivent servir d’aide-mémoire aux musées, salles de vente, marchands d’art, collectionneurs, services de police et des douanes afin de les rendre attentifs aux catégories d’objets sensibles devant être pourvu d’un certificat d’exportation. Car le trafic illicite des biens culturels est l’une des activités criminelles les plus lucratives à l’échelle de la planète.

Vases Moche

Les vases Moche sont sur la liste rouge (photo: ICOM)

Les listes rouges présentent pour chaque région concernée un certain nombre de catégories d’objets qui sont particulièrement la cible du pillage. En organisant en avant-première la présentation de la liste péruvienne, la Suisse entend aussi rappeler, à ceux qui l’auraient oublié, qu’elle a signé avec le Pérou en décembre 2006 un accord de restitution des objets volés saisis sur son territoire. Cet accord, ainsi que ceux passé avec l’Italie et la Grèce, représentent les témoignages concrets de la mise en œuvre depuis plus de deux ans de la Loi sur le transfert des biens culturels (LTBC) permettant l’application de la Convention de l’UNESCO de 1970, sur les mesures à prendre pour interdire l’importation, l’exportation et le transfert illicites de ces biens.

Deuxièmes JAFAJ

En cette fin de semaine et durant le week-end l’Arc jurassien sera plongé dans la nuit des temps. En effet, dès demain et jusqu’au 18 novembre 2007, les archéologues jurassiens, français et suisses, se réuniront sur la frontière entre Delle et Boncourt pour les deuxièmes Journées Archéologiques Frontalières de l’Arc Jurassien (JAFAJ). Ces journées sont organisées conjointement par le Service régional de l’archéologie de la Direction régionale des affaires culturelles (DRAC) de Franche-Comtés et par le Laboratoire de chrono-écologie de l’Université de Franche-Comté à Besançon pour la partie française et par la Section d’archéologie et paléontologie de l’Office de la culture du canton du Jura pour la partie suisse. Le thème proposé «Le peuplement de l’Arc jurassien de la Préhistoire au Moyen Âge » permettra d’aborder toutes les époques couvertes par l’archéologie comme en témoigne le riche programme annoncé. Ces journées donneront l’occasion, comme il y a deux ans, d’avoir un aperçu sur certaines découvertes opérées dans la région, et de faire le point sur l’état des connaissances environnementales et culturelles aux différentes périodes.

Dinosaure dans un rond-point

L’arc jurassien plonge dans la nuit des temps.

En même temps paraissent dans la série des Cahiers d’archéologie jurassienne (CAJ), en co-édition avec les Annales littéraires de Franche-Comté, les actes des Premières JAFAJ vécues en octobre 2005. L’ouvrage, vingtième des CAJ, est divisé en deux parties. La première traite des colonies et villes gallo-romaines de la région, sous le thème abordé alors de « Mandeure, sa campagne et ses relations d’Avenches à Luxeuil et d’Augst à Besançon ». La seconde partie est dédiée aux découvertes réalisées ces dernières années dans la région et expose les premiers résultats de recherches en cours ou achevées. Comme l’ensemble de ces journées ne remonte pas plus loin dans le temps que le Pléistocène supérieur, pas de risque de se retrouver confronté à un dinosaure, sinon au détour d’un rond-point.

Daynès rencontre Mrs Ples

Pour célébrer la découverte il y a 60 ans de Mrs Ples dans la grotte de Sterkfontein près de Johanesbourg en Afrique du Sud, le Musée du Transval a ouvert le 9 novembre au public une nouvelle exposition temporaire intitulée « Mother Africa and Mrs Ples ». C’est en effet le 18 avril 1947 que le paléontologue Robert Broom et son assistant John Robinson exhumèrent le crâne de « Mrs Ples », surnom donné aux vestiges d’une femelle d’Australopithèque vieille de 2,15 millions d’années, à moins qu’il ne s’agisse d’un adolescent mâle de la même espèce. Avec la mise au jour cinq mois plus tard d’autres vestiges de ses ossements, Mrs Ples est le squelette le plus complet d’Australopithecus africanus connu a ce jour, parmi les nombreux autres fossiles découverts dans la région classée au patrimoine mondial sous le nom de « Cradle of the Humankind » (berceau de l’humanité).

Mrs Ples

Enchanté, Mrs Ples ! (photo:Dominique Gommery)

Pour l’occasion le musée s’est offert les services d’Elisabeth Daynès, sculptrice renommée pour rendre un visage à « Mrs Ples ». Il a fallut quatre mois à cette artiste pour modeler le buste de la nouvelle égérie du Musée du Transval. Depuis vingt ans Elisabeth Daynès a eu l’occasion de se confronter à de nombreux autres grands ancêtres comme Toumaï, Lucy, Néanderthal et Cro-Magnon. Par ailleurs elle est aussi connue pour avoir rendu ses traits humains à la momie de Toutankhamon pour le National Geographic. Ce mois-ci, un livre intitulé tout simplement Daynès aux éditions Fragments International rend compte par l’image et le texte de son œuvre de reconstitution paléoanthropologique. Quant à Mrs Ples, si vous tenez à la rencontrer, son exposition est ouverte jusqu’au 31 janvier 2008.

A l’aube de l’Europe

Au musée national d’histoire de Roumanie à Bucarest (MNIR) vient de s’ouvrir l’exposition « A l’aube de l’Europe, les grandes cultures néolithiques de Roumanie». Pour l’occasion sont présentées au public, parfois pour la première fois, 1200 pièces néolithiques provenant de 39 musées roumains. L’ouverture s’est faite en l’honneur de la visite dans ce pays de la Commission aux Affaires Etrangères du Parlement suisse. Ce n’est pas un hasard. En effet, c’est lors d’une visite en 2003 en Roumanie de l’association Hellas et Roma, groupe genevois de passionnés d’archéologie, que l’idée d’une telle exposition a germé. En outre, la direction générale de l’exposition a été confiée à l’archéologue suisse Laurent Chrzanovski.

Le Penseur et la Femme
Le « Penseur » et la « Femme assise » (photo : MNIR)

L’exposition permet d’évoquer tout un chapelet de civilisations aux noms évocateurs pour les néolithiciens comme Boian, Vinca, Cucuteni, Hamangia, Gumelnita, Vadastra, Bodrogkerestur, Cernavoda et de découvrir des chef-d’œuvres de l’art néolithique comme le «Penseur de Cernavoda » et « la femme assise » de la culture d’Hamangia datés de la seconde moitié du 6ème millénaire avant notre ère. Cependant, pas la peine de se précipiter en Roumanie pour découvrir l’exposition, car dès l’année prochaine elle entamera une tournée internationale. En juin 2008 elle s’ouvrira au public à Olten, en Suisse, dans le cadre de l’Historisches Museum. Puis ce sera au tour de Bruxelles de l’accueillir avant de la laisser poursuivre sa route en Europe, voire en Amérique.

Unis contre le pillage

Sous l’acronyme en forme de palindrome HAPPAH, est à découvrir l’association française « Halte au pillage du patrimoine archéologique et historique » qui rassemble des archéologues professionnels et amateurs déterminés à agir en particulier contre le développement de l’archéologie clandestine et l’utilisation hors la loi de détecteurs de métaux. On estime en France à au moins 40’000 le nombre de personnes s’adonnant à la détection à l’aide de ce genre d’instruments. L’association HAPPAH se donne comme mission première de mettre un frein à la « chasse au trésor », terme plus juste que celui de « détection de loisir ». Les prospecteurs bénévoles munis d’autorisations ne sont bien sûr pas visé par l’HAPPAH qui salue du reste leurs travaux essentiels pour l’étude et la sauvegarde du patrimoine archéologique.

Détection interdite! (image: O. Lemercier)

En Suisse il existe également depuis quelques années l’AGP, acronyme pour « Arbeitsgemeinschaft Prospektion » ou « Groupe de travail prospection » qui, organisé en association, regroupe les personnes physiques et les institutions actives dans le domaine de la prospection archéologique comme l’indique ses statuts. Par prospection il faut entendre aussi bien le sondage archéologique que les prospections pédestres, aériennes ou électromagnétiques. Bien que l’utilisation des détecteurs à métaux ne constitue pas une méthode de prospection privilégiée par l’association, cette manière de prospecter est parfaitement admise pour autant qu’elle se fasse avec l’autorisation des archéologues cantonaux et dans le but d’augmenter nos connaissances des gisements étudiés. En définitive, grâce aux efforts d’informations fournis par ces deux associations sur leurs territoires, il faut souhaiter à l’avenir plus d’épisodes du style « vase de Mathay » que d’affaires du genre « disque de Nebra ».

Le crépuscule des Celtes

En Suisse, les manifestations liées au thème « Année des Celtes 2007» se poursuivent. Ainsi, jeudi dernier le Laténium à Hauterive a inauguré sa nouvelle exposition temporaire « Par Toutatis ! La religion des Celtes » adaptée d’une création du Musée gallo-romain de Lyon-Fourvière. Hier soir à Neuchâtel, Vencelas Kruta, lors d’une conférence publique, a répondu à sa manière à la question : qui sont les Celtes? Et, à partir d’aujourd’hui, quelques dizaines d’éminents spécialistes du Second Âge du Fer participent à une Table ronde internationale afin d’échanger leurs connaissances sur la période de La Tène.

CrÂne de La Tène

Prise de tête sur La Tène (photo:Musée Schwab)

Toujours à Neuchâtel,  l’évènement attendu par tous se produira ce soir. Il s’agit de la projection en avant-première du film de Stéfane Goël « Le Crépuscule des Celtes », coproduction de la société Climage, de la SSR et d’Arte. Partant de la découverte l’année dernière d’un important sanctuaire celte sur la colline du Mormont près d’Eclépens dans le canton de Vaud, entre Lausanne et Yverdon-les-Bains, les archéologues s’interrogent sur ce qu’ils ont observés, ici et ailleurs, sur la culture et les croyances des Celtes. Que savons-nous ou croyons-nous savoir sur ce peuple et sa civilisation dont la présence est attestée sur le territoire de vingt-deux pays européens. A la lumière des dernières fouilles de La Tène et du Mormont on constate qu’il nous reste encore beaucoup d’énigmes à résoudre.