Category Archives: Médias sociaux

Y en avait point comme lui

C’est en faisant les courses du week-end que j’ai appris que Gilbert Kaenel, ancien directeur du Musée cantonal d’archéologie et d’histoire de Lausanne, a subitement quitté ce monde. Il laisse derrière lui une communauté archéologique en deuil, entre autres celles des chercheurs qui après 2007, date des 150 ans de la découverte du site de La Tène, ont repris l’étude du site éponyme du Second Age du Fer. Du début de la pêche aux antiquités lacustres en 1857, jusqu’à la fin des fouilles en 1917, ce site a livré pas moins de 4500 objets aujourd’hui répartis dans une trentaine d’institutions de Suisse, d’Europe et des Etats-Unis. C’est sous sa direction, qu’un vaste projet de recherche du Fonds national suisse de la recherche scientifique a été mis en œuvre, et s’est concrétisé par la publication d’ouvrages réunis sous le titre : « La Tène, un site, un mythe », dont le 7ème tome, consacré à la collection du site conservée au musée d’Archéologie Nationale de Saint-Germain-en-Laye, en France, vient de paraitre.
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Avis mortuaire dans ArcInfo du 25.02.2020

Parmi les autres chercheurs pour qui la disparition de celui que l’on appelait aussi Auguste crée un vide, sont celles et ceux attachés à l’étude du site du Mormont. Sur ce site, daté de La Tène finale, soit vers 100 av. J.-C., près de deux cents fosses, refermant un abondant mobilier ont été fouillées entre 2006 et 2011. Deux volumes des Cahiers d’archéologie romande, sous la direction de Caroline Brunetti, viennent de même de sortir. Pour tous ces ouvrages, qui sont en souscription jusqu’au 31 mars, Gilbert Kaenel fut directement impliqué d’une manière ou d’une autre et eu le plaisir de les voir achevés. Mais au-delà du professeur, du scientifique ou de l’éditeur, il fut également « un observateur avisé, amusé, fasciné et attendri du langage et surtout de l’esprit vaudois », comme le décrivait l’exposition du Musée romain de Lausanne Vidy : « Y en a point comme nous. Un portrait des Vaudois aujourd’hui » que lui avait dédiée Séverine André et son copain Laurent Flütsch à l’occasion de sa retraite officielle en 2015. C’est cette image d’épicurien, de bon vivant, que tous ceux qui l’ont connu conserveront de lui.

Participez tous à #Patrimoine 2018

Le patrimoine est l’expression de l’histoire que nous sommes en train de vivre. En février 2017, l’Union européenne a décidé de déclarer 2018 « Année du patrimoine culturel ». Cette année, des projets de médiation et de communication sur le thème du patrimoine culturel auront lieu dans toute l’Europe. Le 18 décembre dernier, le conseiller fédéral Alain Berset a lancé le volet suisse de l’Année européenne du patrimoine culturel 2018. Devenu entretemps président de la Confédération, en marge du Forum économique mondial (WEF), notre ministre de la culture a invité les 21 et 22 janvier ses homologues européens à une conférence sur le thème “Vers une culture du bâti de qualité pour l’Europe” qui a conduit à l’adoption de « Déclaration de Davos ». Pour assurer la coordination de la campagne #Patrimoine2018 en Suisse, les principales organisations sans but lucratif du domaine de la protection et de la conservation du patrimoine culturel ont fondé l’association Année du patrimoine culturel 2018. Dans tout le pays, de nombreuses manifestations se proposent de mettre en valeur cet héritage commun. Un système d’agenda permet de lier à la campagne nationale toutes les contributions des organisations nationales, régionales et locales, ainsi que celles des personnes privées en rapport avec les objectifs et la stratégie de l’Année du patrimoine culturel 2018.

Patrimoine2018
Image extraite de la vidéo de présentation

Dans le cadre de cette Année européenne du patrimoine culturel, l’Office fédéral de la culture (OFC) a lancé un concours d’idées intitulé « Le patrimoine pour tous », qui coure jusqu’au 25 mars. A ce jour, 153 idées ont été soumises. Comme modérateurs sont impliqués le personnel de l’OFC de la Section patrimoine culturel et monuments historiques (patrimoine culturel matériel) et de la Section culture et société (patrimoine culturel immatériel). Sur une plate-forme participative en ligne peuvent être émises, commentées et développées des propositions relatives aux questions suivantes : Comment la diversité culturelle peut-elle favoriser la cohésion sociale dans un environnement dynamique ? De quelle manière peut-on améliorer l’accès au patrimoine et favoriser la participation démocratique ? Comment le patrimoine culturel contribue-t-il concrètement à améliorer la qualité de vie ? Comment communiquer de façon intéressante et efficace sur la thématique, pour les publics de tous âges et de tous niveaux de formation ? Comment susciter les débats et permettre les rencontres ? Les idées les plus appréciées par le public seront présélectionnées, puis évaluées par un jury de 6 membres, parmi lequel se trouve Tania Chytil, journaliste et productrice de «RTS Découverte ». Le 4 mai 2018 aura lieu, à Berne, une fête, à laquelle seront invités toutes celles et ceux qui auront participé d’une manière ou d’une autre. Les lauréates et lauréats y seront primés et célébrés. Ensuite, l’OFC lancera en mai 2018 un concours de projets. Lors de cette seconde étape, les idées primées seront développées sous la forme de projets concrets. Les propositions pourront être remises jusqu’à fin août 2018. À partir de l’automne 2018, les projets lauréats seront mis en œuvre avec le soutien de la Confédération au cours des deux années suivantes.

Comparaison n’est pas raison !

Comparaison, n’est pas raison ! Ainsi en est-il de la propension des médias à qualifier un site de « petit (ou petite) Pompéi » ou même de «nouveau Pompéi», aidés en cela par l’enthousiasme des archéologues heureux de la découverte qu’ils viennent de réaliser.  Cet été, deux sites ont ainsi fait la une de l’actualité sous ce vocable. A la fin du mois de juin, un « petit Pompéi » était découvert sous Rome par des ouvriers travaillant sur le chantier de la ligne C du métro de la capitale italienne. Dans le sol c’est un domicile d’une cinquantaine de mètres carrés décoré de fresques qui a été mis au jour. Le plafond en bois est dans un état remarquable : poutres et clous y sont encore visibles. L’ensemble daterait du IIe siècle après J.-C. et aurait été protégé grâce à un incendie : la structure, pourtant composée en partie de bois, aurait échappé aux flammes, sauvant au passage ce qui se trouvait à l’intérieur du domicile, en particulier des bouts de meubles (pieds de tables et de chaises) et des ustensiles. Au début du mois de juillet, c’est sur le site de Sainte-Colombe, sur la rive droite du Rhône, à une trentaine de kilomètres au sud de Lyon, que tout un quartier antique, qualifié ici de « petite Pompéi », est en train de sortir de terre au milieu d’une ancienne friche industrielle. Si ce quartier antique est si bien préservé, c’est également en raison d’incendies survenus successivement au début du IIe et au milieu du IIIe siècles. Les feux ont par exemple fait s’effondrer le premier étage, le toit et la terrasse d’une somptueuse demeure entourée de jardins, datant du Ier siècle. Les étages effondrés ont été préservés et le mobilier abandonné sur place.
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Annonce de la découverte des vestiges d’Auvernier

En cherchant dans les archives d’Internet et dans celles des journaux, il est facile de retrouver une multitude d’autres « petits Pompéi » qui ne sont pas toujours d’époque romaine, ni le résultat d’une catastrophe. Sur Internet, les agences touristiques de différentes villes, utilisent souvent cette comparaison pour susciter l’intérêt des visiteurs. Ainsi, Glanum est qualifié de «petit Pompéi» provençal, ou Thera sur l’île de Santorin de «petit Pompéi» de la Mer Egée. Sans aller très loin de chez moi, c’est aussi sous le titre de « petit Pompéi » préhistorique qu’en 1971 les trouvailles lacustres de la baie d’Auvernier ont été présentées pour la première fois au grand public (voir image ci-dessus), ainsi qu’en 1970 la série de découvertes réalisées dans l’Entre Deux Lacs, sur la Thielle, lors des travaux de la Seconde correction des eaux du Jura, en particulier celle du pont celtique de Cornaux, avec la découverte de squelettes, dont l’un des cranes contenait encore le cerveau. Dans la Feuille d’Avis de Neuchâtel, c’est en 1931, après avoir été dégagée des alluvions du Tibre qui l’avait ensevelie, qu’Ostia antica se présente pour la première fois sous la plume du journaliste sous l’aspect d’une « petite Pompéi ». Mais dans le fond des archives, on découvre également d’autres Pompéi, vraie ou fausse. Le 24 avril 1885, relayant une information transmise par le télégraphe, la découverte d’une Pompéi américaine est annoncée près de Moberly dans le Missouri. Les lecteurs apprennent ainsi que « des ouvriers employés à creuser un puits de mine viennent de découvrir à 360 pieds de profondeur une antique cité restée intacte, grâce à une couche épaisse de lave durcie qui forme voûte au-dessus d’elle. Un certain nombre de citoyens éminents de cette ville ont entrepris immédiatement une première exploration, qui a duré 12 heures. Les rues qu’ils ont parcourues étaient régulièrement tracées et bordées de murs en maçonnerie grossière. Ils sont entrés dans une salle de 30 pieds sur 100 garnie de bancs de pierre et où il y avait une quantité d’outils pour travaux mécaniques. Dans plusieurs bâtiments sont des statues faites d’une composition ressemblant au bronze, mais plus terne. Au milieu d’une vaste cour ou place se dresse une fontaine de pierre d’où coule une eau limpide que les explorateurs ont goûtée ; ils lui ont trouvé un goût prononcé de chaux. Près de la fontaine gisaient des portions d’un squelette humain. Les os d’une jambe ont été mesurés par le recorder ; le fémur est long de quatre pieds et demi et le tibia de quatre pieds trois pouces ; d’où l’on déduit que l’homme devait avoir une taille triple de la taille moyenne de nos jours. Les explorateurs ont trouvé aussi des couteaux de bronze et de silex, des scies métalliques et beaucoup d’autres outils dont le travail, quoique grossier, dénote un état relativement avancé de civilisation ». Il est apparu rapidement que cette nouvelle était une falsification. Mais de nos jours encore certains sont prêts à y croire comme le constate avec consternation le blog « Anthropology » d’Andy White. En mai 1902, dans la presse, c’est bien le réveil du volcan de la Montagne-Pelée, au-dessus de Saint-Pierre de la Martinique, que la comparaison avec Pompéi fut la plus significative. Dans ce cas, il ne s’agissait plus d’une « petite Pompéi », mais, à juste titre, d’une « nouvelle Pompéi ».

L’archéologie en blog et en péplum

Il y a exactement dix ans aujourd’hui, je commençais ce blog. Le but de ce blog était de présenter ma vision de l’archéologie et de me faire l’écho des découvertes et des interrogations que l’archéologie peut susciter dans le grand public. Dans ma première note je me réjouissais de la fermeture du Mystery Park à Interlaken en m’étonnant des moyens publics et privés importants mis en œuvre pour sa création, malgré sa thématique plus que critiquable. Depuis, ce parc d’attractions a trouvé les moyens financiers de rouvrir ses portes une partie de l’année sous une nouvelle appellation « Jungfrau Park » cherchant à attirer par des dispositifs ludiques les enfants jusqu’à l’âge de 10 ans. Mais les animations d’origine, relevant de la para-archéologie basée sur les écrits d’Erich von Däniken et regroupées dans l’espace « Mystery World », demeurent accessibles pour les enfants et leurs parents, et tant pis si le contenu reste le même et toujours aussi peu scientifique. Cependant, j’ai pu mesurer, grâce aux statistiques de consultation de mon blog et aux mots clés utilisés pour aboutir sur mes notes, qu’un intérêt pour les civilisations disparues est bien présent, même si ce ne sont pas toujours les informations les plus pertinentes qui semblent être recherchées. Selon les données de l’Office fédéral de la statistique (OFS), de tous les domaines de la culture, les contenus et les services audiovisuels sont très nettement les plus prisés et c’est le plus souvent sous forme de documentaires, de films et de téléfilms, vus à la télévision, au cinéma ou en DVDs que le public peut se faire une image du passé.
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Scène de tournage du Cléopâtre de Mankiewicz

Ayant assisté jeudi dernier à une conférence de Claude Aubert, ancien professeur de latin, réalisateur et éditeur de la revue “12e heure” consacrée au péplum, j’ai pu constater, en raison de la forte affluence du public, la vaste portée de ce thème et l’intérêt qu’il peut susciter. Ce que nous autres archéologues et historiens essayons de transmettre plus ou moins bien à l’aide nos écrits, le cinéaste essaye lui aussi, plus ou moins bien à travers ses images, de décrire le passé. Sa tâche se révèle bien souvent difficile, car voyager dans le temps a un prix. Comme l’a écrit Michel Eloy, spécialiste des films péplum et de l’antiquité, en parlant des décors du Forum romain dans Cléopâtre « il doit tenir compte des nécessités de la production qu’il s’apprête à mettre en scène, du budget et des moyens matériels dont il dispose, de l’environnement du plateau (buildings, antennes TV, etc) et aussi – sans doute – de ce que s’attend à voir le public (arcs de triomphe, colonnes votives, temples de marbre), dans l’imaginaire duquel s’est imposée l’image des maquettes célèbres de P. Bigot (1911) et d’I. Gismondi (1937) : la Rome du IVe siècle de notre ère ». En ouverture de l’introduction à son ouvrage « L’Antiquité au cinéma. Vérités, légendes et manipulations » (2009), Hervé Dumont, historien du cinéma et ancien directeur de la cinémathèque suisse à Lausanne, citait Stanley Kubrick qui affirmait qu’« une des choses que le cinéma sait le mieux faire que tout autre art, c’est de mettre en scène des sujets historiques », c’est-à-dire représenter le passé. Pour notre plus grand plaisir de découverte, il a mis en ligne gratuitement une « Encyclopédie du film historique » qui répertorie plus de 15 000 films et téléfilms, avec illustrations et commentaires. Dans ce flot d’images, quelque 2200 films concernent l’Antiquité et peuvent être qualifiés de « péplum ». Le site Internet d’Herve Dumont représente le fruit de 40 ans de recherches. Ce blog, juste 10 ans de réflexions. Merci de me lire et de parcourir tous les liens que je vous donne au fil de mes notes.

L’Homme évolue, son musée aussi

Le Musée de l’Homme, qui était fermé depuis mars 2009, a été rouvert au public le 17 octobre 2015 dans les locaux rénovés du palais de Chaillot au Trocadéro. C’est sous le slogan des panneaux d’affichage «L’Homme évolue. Son musée aussi» que j’ai été amené à le visiter lors de mon dernier séjour à Paris. Le nouveau parcours muséographique, qui se déroule sur trois niveaux, a été complétement inscrit dans un grand espace lumineux où de majestueuses vitrines en verre servent d’écrins transparents aux objets exposés. A ces trois strates de circulation correspondent trois questions fondamentales : Qui sommes-nous ? à la base, D’où venons-nous ? au milieu et Où allons-nous ? au sommet. La première question cherche à donner une définition de l’être humain. Qu’est-ce qui nous différencie mais aussi nous rapproche des 8,5 millions d’autres espèces animales qui peuplent la Terre ? La réponse à la deuxième question passe par l’histoire de la ramification des lignées humaines du genre Homo il y a 2,5 millions d’années, jusqu’à la révolution du néolithique qui apporte des changements profonds dans la manière de vivre des hommes. Enfin, la dernière question, à laquelle on ne peut pas donner de réponses, sinon formuler d’autres questions, nous renvoie à l’avenir de notre espèce dans un environnement que nous transformons et qui nous transforme. Dans un monde globalisé, quelle est le devenir de nos sociétés et la place de nos cultures ? Comment 8 milliards d’humains au présent, voire plus dans le futur, peuvent et pourront vivre ensemble sur une planète aux ressources limitées ?
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Entrée de la Galerie de l’Homme

En plus de l’itinéraire à suivre de l’exposition permanente mise en scène dans les 2500 m2 en open-space de la Galerie de l’Homme, d’autres zones sont offertes à la curiosité du public : le Balcon des Sciences, qui présente l’actualité de la recherche, des salles pour les expositions temporaires, le centre de ressources documentaires Germaine Tillion et l’auditorium Jean Rouch. Le Musée de l’Homme constitue aussi un centre de recherche sur l’évolution humaine. Une équipe de 150 chercheurs se consacrent à l’étude biologique de l’Homme et à son évolution. L’institution est ainsi portée à rassembler de nouvelles connaissances qui doivent être accessibles au public. C’est pour cela qu’une équipe de médiation très importante a été constituée autour du Musée de l’Homme, qui a été intégré au vaste complexe du Muséum national d’Histoire naturelle (MNHN). Comme l’a révélé Stéphanie Targui, cheffe du Service Multimédia du MNHN, dans son intervention du 20 janvier 2016 dans le cadre des conférences du salon des professionnels des musées « Museum Connections », les objectifs de la stratégie numérique visent à prolonger la mission de diffusion des connaissances, à inciter à la visite du monument et de ses expositions et à développer la présence du Musée de l’Homme sur Internet en l’inscrivant dans l’univers numérique du MNHN. Pour ce faire, un site Internet évolutif et participatif « lhommeenquestion.fr » a été mis en place pour servir de réceptacle aux questions que peuvent avoir les visiteurs avant ou après leur visite, par exemple celle-ci : Combien de langues sont parlées dans le monde ? L’année 2016 devrait voir se poursuivre l’ambitieux projet éditorial de cette plateforme grâce à des partenariats et à des coproductions visant à la création d’une application mobile de visite de l’exposition permanente, de cours en ligne de style MOOC, et d’une série animée sur les thèmes évoqués par les questions du site Internet.

Horizons 2015 : Le bilan Final

Selon ses organisateurs, le projet « Horizons 2015 » avait pour objectif d’encourager la collaboration entre les diverses institutions et organisations intervenant dans l’archéologie suisse. A la suite du colloque initial de 2010 et du bilan intermédiaire de 2013, la rencontre finale a eu lieu le 11 septembre 2015 sur le thème « résultats et perspectives ». La question des outils numériques utilisés par les milieux de l’archéologie suisse destinés à l’information du grand public était la problématique que le groupe « Nouvelle Technologie et médias », que j’ai pris en charge, a voulu aborder durant les cinq années du projet Horizons 2015. A l’heure du bilan final, nous n’avons pas pu constater beaucoup de changements dans l’architecture des sites Internet des archéologies cantonales, qui en raison de la structure fédérale du pays demeurent la principale porte d’accès de l’information archéologique numérique en Suisse. La grande majorité des sites se développe sous la forme de « brochures », dont la structure est plus ou moins riche, selon qu’elle présente des « Frequent Ask Question », des « News », une liste de sites, des cartes ou des liens vers la législation relative à la sauvegarde du patrimoine. Ces sites reprennent la structure du portail cantonal dans lequel ils sont hébergés. Seuls les archéologues du canton du Jura disposent d’un site Internet qui se développe en marge de la structure du portail cantonal. Mais plus pour très longtemps parait-il. Depuis le bilan intermédiaire de 2013, nous avons remarqué l’actualisation du site Internet d’Archéologie Suisse, et la création en automne 2013 du portail des Sciences de l’Antiquité. Mais, comme les autres, ces sites Internet apparaissent dans leur structure plutôt destinés à donner des informations et des liens à un public de connaisseurs. Il manque donc encore une mise en réseau de tous les acteurs de l’archéologie. Chacun dispose dans son petit coin de pays de toutes les connaissances sur son patrimoine, mais, dans l’ensemble des cas, a de la peine à le mettre en valeur et à le faire connaître à un large public.

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L’heure du bilan final d’Horizons 2015

Nos observations nous ont montrés qu’il existe pourtant un grand potentiel de dispositifs différents aptes à valoriser et mettre en valeur le patrimoine archéologique. Une manière d’attirer l’attention sur l’archéologie c’est, par exemple, de communiquer des informations sur les réseaux sociaux, ou de mettre en ligne des animations ludiques comme le petit jeu « Pfahlbauer von Pfyn » mis en place par l’archéologie cantonale du canton de Thurgovie. L’apparition de nouveaux outils technologiques et numériques pour informer les visiteurs sur les lieux intéressants du patrimoine archéologique nait timidement. L’initiative prise par ArcheoTourism et ArchaeoConcept de créé le «Site du mois» est une voie intéressante pour approcher le grand public. Cette approche pourrait constituer l’amorce  de la mise en place d’une véritable information touristique sur tous les sites archéologiques visitables de Suisse, à l’exemple de ce que l’on trouve en Angleterre avec le site Internet et l’application pour smartphone et tablette numérique d’English Heritage, qui donnent un accès aux sites archéologiques visitables du pays par l’intermédiaire de la géolocalisation. L’usage de la géolocalisation et du GPS embarqué dans les téléphones portables est sans aucun doute une bonne solution pour réveiller la mémoire d’un patrimoine le plus souvent invisible in situ. Comme exemples suisses d’applications utilisant la fonction GPS de nos mobiles signalons : l’application «Palafittes Guide», qui fait l’inventaire de tous les sites Unesco, l’application «Archaeo Tour» qui permet une balade dans le temps, de l’âge du Bronze au Moyen-Age, de la colline de la cathédrale de Bâle, enfin, l’application StoriaBox qui invite à une visite en réalité augmentée de la villa gallo-romaine d’Orbe-Boscéaz et du Castrum romain d’Yverdon-les-Bains. Mais l’objectif final, selon nous, aurait été de disposer sur une même plateforme de l’ensemble des informations disponibles sur les sites archéologiques de Suisse. A l’heure du bilan final d’Horizons 2015, cela n’a pas été fait. Cela pourrait se faire en contribuant au projet de portail sur l’Archéologie, organisé par Wikipédia, dans chacune de nos langues nationales, soit en français, en allemand et en italien.

Balades archéologiques en Romandie

La couverture du numéro 30 de l’Illustré, publié le 22 juillet, vu à la devanture d’un kiosque ne pouvait que m’interpeller. En gros titre sur une image de blocs erratiques de la forêt de Gals on peut lire : « La magie des balades préhistoriques romandes », en sous-titre « Grottes, sentiers, forêts, menhirs : voyage aux sources de notre civilisation » et encore en exergue dans une pastille rouge bien visible « 20 destinations étonnantes ». Je n’achète généralement pas cet hebdomadaire, mais exception à la règle, je ne pouvais pas résister à la tentation d’en savoir plus, d’autant plus que c’est l’Archeoweek sur Twitter. Je me demandais bien quels pouvaient être les vingt sites préhistoriques romands ayant pu retenir l’attention du magazine. En ouvrant la publication on découvre dans le sommaire que la préhistoire s’étend à l’époque romaine : « Des menhirs celtes aux ruines romaines, ce guide vous propose 20 balades en Romandie à travers le temps et l’espace». Cela se présente mal : des menhirs celtes ? Le coup du menhir du livreur Obélix a encore frappé de folie un éditorialiste. Mais trêve de raillerie, je me porte à la page 43 pour découvrir « Le guide balades » dont la page d’ouverture s’ouvre sur une image du menhir de Vauroux vu comme un «Mystérieux géant » auquel s’adresse une question «Quelle signification donner à ces pierres que dressaient les anciens ? ».
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Extrait de la couverture de L’Illustré

Ce n’est en tout cas pas dans ce guide que l’on en trouvera la réponse. Pour cela, il faudrait pouvoir visiter une exposition dans l’esprit de « Pierres de mémoire, pierres de pouvoir ». De plus ce ne sont pas 20 balades préhistoriques qui sont proposées, mais juste quinze, car les autres appartiennent déjà à l’histoire, comme le tour de ville d’Avenches, la voie antique du Pierre-Pertuis, ou les mosaïques des villas d’Orbe-Boscéaz et de Vallon. De même, les sites présentés ne se limitent pas à la Suisse romande, puisque l’on y trouve trois sites en territoire alémanique, dont une grotte dans le canton de Lucerne et la cité romaine d’Augst dans le canton de Bâle-Campagne, site qui a lui seul résume que l’annonce de la une de couverture de l’Illustré est tout à fait trompeuse. Mais je ne peux tout de même pas bouder mon plaisir de découvrir, au creux de l’été, une partie du tourisme archéologique helvétique mis en vedette dans une publication à très large diffusion. J’y ai retrouvé quelques sites que j’aurais  pu moi-même recommander si on m’avait demander d’en faire une sélection, comme le village lacustre de Gletterens, le Laténium à Hauterive, les menhirs de la baie de Clendy près d’Yverdon-les-Bains, le Préhisto-Parc de Réclère ou les fouilles du Banné à Porrentruy qui était du reste le site archéologique du mois de juin. En définitive, la meilleure partie de ce guide se trouve dans l’encarté « En savoir plus » puisqu’il propose aux lecteurs de se procurer les guides édités par Archéologie suisse, qui présentent chacun au moins une centaine de sites archéologiques à visiter.

Signez pour Schaffhouse !

Le gouvernement de Schaffhouse a adopté le 24 septembre 2014 des mesures d’économie qui touchent l’ensemble de son administration. Si ce genre d’action est compréhensible en période de crise et n’est en soi guère critiquable, il apparait qu’au sein du Département des constructions, le service cantonal d’archéologie devra subir des économies massives et disproportionnées par rapport aux autres services de cette administration, puisqu’il devra endurer à lui seul 26% des réductions prévues dans ce département. En effet, le plan d’action mis en œuvre vise à réduire de plus de 50% le budget annuel de l’archéologie cantonale d’ici 2018. Plus de 70% des emplois fixes seraient supprimés et les CDD annuels ne seraient plus renouvelés. De fait, le budget annuel de l’archéologie passerait de 800’000 CHF actuellement à 300 000 CHF à l’avenir, et de 3,4 postes à temps plein à 1 seul. Avec des moyens aussi réduit en argent et en personnel, les prestations du service d’archéologie diminueront de façon drastique et il ne pourra plus assurer sur le terrain sa mission légale de protection et de conservation du riche patrimoine archéologique du canton de Schaffhouse. Le seul recours possible pour les archéologues pourrait être dans ce cas, de retarder, voire de bloquer tous les futurs projets de construction dans la mesure où la loi cantonale le permet.
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Nos racines gisent dans le sol (photo : pro-archaeologie.ch)

Pour ne pas en arriver à de telles extrémités, des personnes activement engagées dans le domaine de l’archéologie, en tant que professionnels ou amateurs, provenant de Schaffhouse et de l’ensemble de la Suisse, ont formé une association, Pro Iuliomago, dont l’objectif est de soutenir l’archéologie schaffhousoise dans la poursuite de ses missions actuelles. Dans ce but, elle vient de lancer samedi dernier une pétition qui demande au Conseil d’Etat du canton de Schaffhouse de revenir sur sa décision et de renoncer à la réduction en moyens et en personnel prévue dans les mesures d’économie, ainsi que de se prononcer en faveur des origines et de l’histoire de Schaffhouse afin de reconnaître sa responsabilité envers l’héritage culturel de ce canton. D’ici le 31 mars 2015, Pro Iuliomago souhaite réunir assez de signatures pour infléchir la décision des autorités cantonales. Si cette association n’y parvient pas,  il est à craindre également que, sans réaction de notre part, de telles mesures appliquées à Schaffhouse inspirent d’autres cantons en mal d’économies à réaliser. Afin de manifester votre soutien à nos collègues de Schaffhouse, je vous encourage donc à signer leur pétition en ligne ou sur papier, car leur engagement pour la défense de l’archéologie est aussi le nôtre.

Bilan intermédiaire d’Horizons 2015

Vendredi 18 janvier 2013, les archéologues actifs en Suisse dans tous les domaines et époques, se sont donnés rendez-vous à Bâle, dans l’un des auditoires de l’université, pour dresser le bilan intermédiaire du projet Horizons 2015. Rappelons que ce projet – que nous avons présenté ailleurs dans ce blog – a pour but d’améliorer la collaboration entre les diverses institutions et organisations de l’archéologie suisse, soit en premier lieu les services cantonaux, les universités et les musées. La première partie de la rencontre d’hier était consacrée aux diverses activités liées au projet, en particulier celles des groupes de travail formés à l’issue du concours d’idée de 2010. C’est dans cette partie que je suis intervenu en compagnie de Nathalie Duplain pour présenter le rapport établi par le groupe de travail « Nouvelles technologies et médias », créé a l’issue de sa réunion constitutive du 31 août 2011. Dans la seconde partie, furent présentés une dizaine de projets montrant qu’il est possible de mettre en place des collaborations suprarégionales et institutionnelles  allant au-delà de l’esprit de clocher, qui dans sa version suisse alémanique se dit  « Kantönligeist». Mais malgré ces présentations il semble que l’on est encore loin d’une véritable coordination de l’archéologie dans notre pays, car chacun préfère être le maître dans son canton ou son institution plutôt que de se voir imposer des règles venues d’ailleurs.
Horizons2015
Un millefeuille dans un colloque

Dans le cadre du groupe de travail « Nouvelles technologies et médias », nous avons constitué une liste des ressources disponibles en ligne concernant l’archéologie en Suisse, que l’on trouve sur les sites internet des archéologies cantonales, des musées d’archéologie, des universités et des recherches sur Google et Wikipédia. En faisant cela on ne peut que constater que cette présence en ligne poursuit essentiellement un rôle de communication institutionnelle permettant de savoir qui est responsable de quoi, où et quand. Mais si l’on cherche à connaître la richesse des sites suisses, leur localisation et les découvertes qui en sont issues, la tâche se révèle ardue si on ne maîtrise pas la structure dispersée de ces informations, voire tout simplement impossible, dû à l’absence même d’information en ligne dans certains cantons. Il apparaît paradoxal de constater que si un amateur d’archéologie cherche des données synthétiques sur l’archéologie en Suisse, il trouvera ces renseignements plus facilement sur un site étranger que sur l’un ou l’autre des sites des organisations faîtières de l’archéologie suisse, comme celui de la Conférence Suisse des Archéologues Cantonaux ou d’Archéologie suisse. Nathalie Duplain dans son blog résume bien l’ensemble de nos observations. Ce bilan plutôt désolant doit donc encourager le groupe de travail  à poursuivre sur cette lancée pour amener à terme à la création d’un véritable portail Internet de l’archéologie en Suisse, et disposer ensemble toutes les couches d’informations pour en faire un millefeuille digeste.

A quoi sert l’archéologie ?

Cette semaine,  dans l’émission « Vacarme » de la 1ère de la Radio Télévision Suisse (RTS), le journaliste Marc Giouse  interroge nos confrères actifs sur cinq grands sites archéologiques de Suisse et de France à propos de l’utilité de l’archéologie. Pour commencer, lundi 17 décembre 2012, c’est à partir de l’expérience vécue par  les archéologues engagés sur le terrain par le vaste projet de construction  du quartier « Métamorphose »  mis en route aux Prés-de-Vidy, à Lausanne, que les premières réponses furent apportées. Des sondages entrepris en 2008 avaient découvert sur cette parcelle la présence de sépultures d’époque romaine. Les fouilles préliminaires conduites cette année sur une surface restreinte de 200 m2 ont mis au jour une centaine de tombes, qui permettent d’envisager la présence à Lousonna d’une vaste nécropole recelant de deux à six mille sépultures, qui devrait être intégralement dégagée dans les trois  années à venir. De ces découvertes initiales, l’équipe du Musée romain de Lausanne-Vidy sous la direction de Laurent Flütsch, en a déjà extrait la matière à une exposition temporaire intitulée « La mort est dans le pré », à voir d’ici au 14 avril 2013. La mise en place d’une exposition est sans aucun doute une excellente manière pour le directeur de musée de démontrer au journaliste et au public  que l’archéologie ce n’est pas l’étude des objets, mais l’étude des restes matériels dans leur contexte.

Extrait de l’affiche de l’exposition.

Mardi, c’était en relation avec  l’exploration de la Grotte Chauvet, que la question de départ était posée par le journaliste à Dominique Baffier, conservatrice de la grotte. Aujourd’hui mercredi, c’étaient les découvertes du Mormont et autour de Gilbert Kaenel, que  Marc Giouse sollicitait des réponses lors de son interrogatoire. Demain jeudi, ce seront les fouilleurs du site de Corent et Mathieu Poux qui passeront à la question à la radio. Enfin, vendredi 21 décembre 2012, c’est l’équipe de Pierre Corboud, attachée à la sauvegarde des vestiges du site palafittique du Plonjon dans la rade de Genève, qui apportera une touche finale à cette série de rencontres enregistrée au mois de septembre. Mais comme ce jour là est également annoncé comme « la fin du calendrier Maya » une émission spéciale  « la fin est un début » permettra à Laurent Flütsch d’apporter,  en direct sur les ondes, l’éclairage de l’archéologue sur l’histoire future de l’humanité. On peut espérer qu’après cela, une réponse satisfaisante à la question :« à quoi sert l’archéologie ? » émergera. En guise de conclusion, dimanche prochain, 23 décembre, en plus de la diffusion de deux des cinq reportages de la semaine, il sera intéressant de découvrir la teneur des messages laissés durant la semaine par les auditeurs sur le répondeur de l’émission. Leurs avis nous permettrons de savoir quels sentiments animent les auditeurs de la RTS envers notre discipline. Dommage cependant que pour donner leur opinion seul un numéro de téléphone soit à leur disposition. A l’heure des médias sociaux, il serait plus actuel pour les auditeurs de pouvoir réagir à l’émission sur d’autres vecteurs de communication comme Twitter, Facebook ou un forum de discussion, plutôt que  sur un simple répondeur téléphonique.