Monthly Archives: August 2007

De Trèves à Constantinople

Dans la ville de Trèves (Trier), dans l’ouest de l’Allemagne, une importante exposition « Constantin le Grand » rassemble jusqu’au 4 novembre 2007 quelque 1400 pièces issues de 160 collections dont celles du Louvre, du British Museum, du Prado et des musées de Rome. Partagée entre les salles de trois musées de la ville différents thèmes, liés au premier empereur romain converti au christianisme, sont abordés. Celui de l’Empire romain sous Constantin est présenté au Rheinisches Landesmuseum, les rapports de l’empereur au christianisme sont évoqués dans le Bischöfliches Dom- und Diözesanmuseum, enfin, le Stadtmuseum Simeonstift traite de l’influence du souverain en Europe. L’ensemble des lieux d’exposition couvre une surface de 3000m2. Cette vaste exposition représente la contribution officielle du Land de Rhénanie-Palatinat aux manifestations centrées autour de Luxembourg capitale européenne de la culture 2007.

Anamorphose de la statue de Constantin (Photo: Asisi)
Trèves fut la première résidence de Constantin avant qu’il ne s’installe à Rome puis à Constantinople (l’actuelle Istanbul) qu’il proclama en 330 nouvelle capitale de l’Empire. Le clou de l’exposition est à voir au Rheinisches Landesmuseum. Il s’agit d’une anamorphose de la statue colossale de l’empereur (12 mètres de haut à l’origine) placée autrefois dans la basilique de Maxence dont il ne reste plus qu’une tête et un pied conservés aux Musées du Capitole à Rome. Une copie de la tête, haute de trois mètres, a été confectionnée spécialement pour l’événement grâce à un complexe procédé de numérisation par ordinateur. Après l’exposition, la tête ira rejoindre son modèle dans la ville éternelle. Elle pourrait en effet remplacer l’original, en place depuis le XVIIe siècle dans une cour exposée aux pigeons et aux intempéries.

A la recherche d’Artémis Amarysia

Cela commence comme une chasse au trésor. Un emplacement à marquer d’une croix sur une carte est à trouver à partir d’une série d’énigmes à résoudre. Le site, c’est celui du temple d’Artémis Amarysia, le plus important sanctuaire situé sur le territoire de l’ancienne cité grecque d’Erétrie sur l’île d’Eubée, où se déroulaient dans l’Antiquité des concours musicaux. Parmi les textes délivrant les pistes du trésor, il y a le récit de voyage du géographe antique Strabon qui situe le temple à sept stades de la ville antique, soit à environ 1200m. Cela étant sans compter avec la malice du temps et les erreurs des copistes du texte original. Car la lettre qui représente le chiffre sept dans le système de numération grecque antique est proche de la lettre utilisée pour représenter le chiffre 60. Et cela fait toute la différence. Car au lieu de chercher le temple à 1200 mètres (7 stades), c’est à 10 km (60 stades) qu’il faudrait, dans ce cas, porter son attention et à cette distance, située encore sur le territoire d’Erétrie, au sud le long de la côte, on trouve la localité d’Amarynthos, qui convient parfaitement, ce n’est sans doute pas un hasard, à l’épithète Amarysia.

Erétrie porte de l'ouest

La porte de l’ouest et l’Acropole d’Erétrie (photo: ESAG)

Denis Knoepfler, professeur d’histoire ancienne et d’archéologie classique à l’Université de Neuchâtel, titulaire de la chaire d’épigraphie grecque au Collège de France à Paris, et depuis le 20 août 2007 membre de la British Academy, en est en tout cas persuadé depuis longtemps. L’école suisse d’archéologie en Grèce (ESAG) a entrepris l’année dernière une campagne de fouille d’un mois à Amarynthos pour vérifier l’hypothèse. Las, rien ne fut découvert. Dans quelques jours une nouvelle campagne de fouille sera menée au nord de la colline de Paléoeklésias, où se trouvent les vestiges d’un habitat préhistorique. On espère que cette prochaine tentative de découvrir le temple d’Artémis Amarysia sera la bonne.

Des Celtes sur le Vully

Si les Romains se donnent rendez-vous ce week-end dans les vestiges de la colonie romaine d’Augusta Raurica (Augst, Bâle Campagne) pour le traditionnel Römerfest, les Helvètes se réuniront le week-end prochain sur l’oppidum celtique du Mont Vully, entre les lacs de Morat et de Neuchâtel, pour la première fête Vully Celtic. Organisée pour célébrer les trente ans de l’association Pro Vistiliaco, fondée en 1977 par l’ancienne archéologue cantonale Hanni Schwab (1922-2003), la manifestation proposera de nombreuses animations, dont des groupes de musique celtique et une quarantaine de stands. Il y aura bien sûr à manger et à boire, du sanglier rôti et de la cervoise artisanale.

Guerriers Celtes
Guerriers celtes en position de combat

En cette année 2007, déclarée année des Celtes, Vully Celtic fera aussi découvrir les techniques de guerre de ce peuple grâce à des reconstitutions de combats, en groupe ou en duels. Quelque 80 guerriers établiront leur campement et livreront bataille sur le site de la manifestation ainsi qu’au pied du «rempart des Helvètes», reconstitution d’un tronçon de murus gallicus. En attendant, préparé vous à l’évènement dès lundi 27 août en écoutant durant la semaine à venir l’émission de La Première, « Les dicodeurs » dont l’invité sera Thierry Luginbühl, professeur d’archéologie gallo-romaine à l’Université de Lausanne et chef de horde parmi les guerriers Helvètes.

Pétition pour les stèles de Sion

S’il existe un complexe mégalithique de référence en Suisse c’est bien celui des monuments et des stèles anthropomorphes du site du Petit-Chasseur à Sion. Ces dernières se présentent sous la forme de dalles de schiste plus ou moins soigneusement taillées et gravées en forme de figures d’ancêtres. Depuis 1976, les plus remarquables d’entre-elles ont trouvé place dans un cadre spécialement adapté à leur présentation au grand public, celui de la Grange-à-l’Evêque transformée dès lors en Musée d’archéologie reconnu loin à la ronde. Pour se convaincre, si besoin était, de l’importance exceptionnelle de ce témoignage pour notre héritage culturel, il suffit de lire la synthèse du professeur Alain Gallay sur les sociétés mégalithiques dans la collection «Le Savoir Suisse». Pourtant, trente ans plus tard, dans le cadre de la future restructuration des six musées cantonaux du Valais la fermeture de cet espace d’exposition est très sérieusement envisagée.

Les stèles du Petit-Chasseur

Exposition actuelle des stèles du Petit-Chasseur (photo: AVA)

Or, comme le dit l’adage : «loin des yeux, loin du cœur». L’association valaisanne d’Archéologie (AVA) craint que ce magnifique héritage ne puisse tomber dans l’oubli au terme de la restructuration en préparation. En effet, dans le projet du futur Musée d’histoire culturelle du Valais, une seule des 29 stèles et un tiers seulement des pièces archéologiques actuellement exposées devraient y trouver leur place. Pour éviter cela, elle a lancé il y a quelques mois une pétition « pour une présentation des collections archéologiques valaisannes en accord avec leur valeur patrimoniale ». La pétition, que l’on peut également soutenir en ligne depuis quelques jours, demande qu’une étude sérieuse sur la présentation permanente des collections d’archéologie du Valais soit réalisée et que les stèles soient maintenues à leur place actuelle tant qu’un projet de remplacement acceptable n’est pas réalisé. D’ici le 31 octobre 2007 l’AVA souhaite réunir assez de signatures venues du monde entier pour infléchir le cœur, que l’on ne souhaite pas de pierre, des autorités cantonales.

La Dame de Vix et sa demeure

Sur le plateau supérieur du Mont Lassois, en Côte-d’Or, en Bourgogne, des prospections géophysiques, menées par des étudiants et professeurs de la Hochschule für Technik de Stuttgart, avaient révélé, entre 2004 et 2006, les contours d’une ville à plan orthonormé au centre duquel se trouve un grand bâtiment. Depuis lors, une équipe d’archéologues français, allemands et autrichiens s’est attelée au dégagement de cette agglomération datée de la fin du Premier âge du fer, soit des 6e et 5e siècles avant notre ère. Rappelons que c’est au pied de cette colline que fut découverte, en 1953, une tombe recouverte d’un grand tumulus de 42 m de diamètre dans laquelle fut trouvée, entre autres, un grand cratère en bronze de 1,63 m de hauteur et la dépouille funéraire, richement parée, d’une femme trentenaire, dite la Dame de Vix, du nom du village voisin du site.

Fouilles au Mont Lassois
Fouilles au Mont Lassois (Photo: Jeff Pachoud, AFP)

Lors de la campagne de fouille de cette année, qui s’est terminée le 10 août, une grande demeure de 35 mètres de long sur 21,5 mètres de large a été mise au jour. Cette construction s’appuie sur des poteaux en bois, aux murs faits de clayonnage enduits d’ocre, dont le plan général rappelle celui d’un mégaron grec, avec des murs en avancée soutenant un porche et une abside en demi-cercle. Ce modèle de bâtiment, constitué par une grande salle quadrangulaire précédée d’un vestibule, atteste de l’influence des cultures méditerranéennes, grecque et étrusque, sur la civilisation celte. Il pourrait constituer, selon l’équipe dirigée par Bruno Chaume, chercheur au CNRS, de la résidence principale de la Dame de Vix. A moins qu’il ne s’agisse, plus prosaïquement, d’un édifice à caractère religieux.

Angkor, la plus grande

Une collaboration internationale multidisciplinaire est actuellement engagée pour mieux connaître la région de l’ancienne cité d’Angkor, capitale de l’Empire khmer. Coordonnée par l’Université de Sydney en Australie, avec l’aide de la Nasa et en collaboration avec l’Ecole Française d’Extrême Orient, les chercheurs du Greater Angkor Project viennent de présenter une nouvelle carte archéologique de la capitale médiévale du Cambodge. Il apparaît qu’entre le 12e et le 15e siècle de notre ère, Angkor a connu une population nombreuse comprise entre 500000 et 1million d’habitants, répartie sur une surface de 400 km2, soit la plus vaste étendue d’une cité à cette époque. Cette cartographie fait apparaître également un système d’irrigation très développé sur près de 3000 km2.

Angkor Vat

Le monastère d’Angkor Vat dans Google Earth

Grâce à des campagnes de photographies aériennes complétées par des images satellitaires plus d’un millier de bassins artificiels et au moins 74 sanctuaires et autres édifices en ruine ont été découverts. Ce travail a montré que les Cambodgiens de l’époque médiévale ont profondément transformé leur environnement et ont su développer la riziculture. Pourtant, aussi sophistiqué qu’il soit, l’urbanisme d’Angkor disparu progressivement entre le 15e et le 17e siècle, tant et si bien que la forêt repris possession de cette vaste étendue. Le site fut redécouvert par des explorateurs vers 1860 et par les internautes grâce à Google Earth. Cet étonnant témoin de la civilisation khmère inscrit depuis 1992 au Patrimoine mondial de l’humanité par l’Unesco, aurait mérité, sans aucun doute, de figurer au palmarès des sept nouvelles merveilles du monde.

Archéologie et écologie, même combat!

Alors que l’office fédéral de l’environnement planche sur différents impôts écologiques, dont une taxe d’incitation sur le CO2, rien pour l’instant n’a été envisagé pour faire payer aux bétonneurs le juste prix des destructions qu’ils occasionnent au patrimoine culturel. Parmi les mesures à envisager, nous pourrions, à l’exemple de la France, demander l’introduction d’une redevance d’archéologie préventive. L’assiette de cette dernière a été redéfinie le 12 juillet 2007 et a été fixée à 0,38 euro par mètre carré durant l’année à venir. Si nous disposions d’une telle redevance en Suisse, compte tenu des 2700 hectares de terrain construits annuellement, ce serait environ 16 millions de francs qui pourraient être alloué à la découverte et à la conservation de notre passé directement menacé par les nouvelles constructions.

Sondages SAP

Sondages archéologiques sur la Transjurane (photo: SAP)

A défaut de pouvoir introduire une telle redevance dans notre pays, l’organisation Archéologie suisse est en passe de créé une commission « Archéologie et aménagement du territoire » qui devrait veiller à ce qu’une partie au moins des engagements pris par la Confédération en ratifiant la Convention de Malte, puisse être tenu, à savoir l’intégration de l’archéologie dans l’aménagement du territoire et les études d’impacts sur l’environnement.
Le patrimoine archéologique encore enfoui, tout comme les ressources naturelles, n’est pas inépuisable. C’est un devoir de société que de le ménager et de se donner les moyens, le cas échéant, de le sauvegarder.

Oui, à l’Initiative pour le paysage

Avec un slogan « De l’espace pour l’homme et la nature » diverses organisations actives dans la protection de la nature et du patrimoine, unissent leurs forces pour faire passer en votation une initiative pour la préservation du paysage. La collecte des signatures a débuté le 10 juillet 2007. Selon l’argumentaire des initiants « la Suisse s’urbanise de façon désordonnée : chaque seconde, un mètre carré d’espace vert disparaît sous le béton de routes, centre commerciaux, parkings et habitations. Cela équivaut à la perte de 10 terrains de football par jour. La périphérie des villages et des villes grignote la campagne. L’accroissement des surfaces bâties entraîne une augmentation de la circulation et des infrastructures routières. Le système actuel d’aménagement du territoire ne parvient pas à enrayer le gaspillage de sol »

Initiative pour le paysage

De l’espace pour l’homme et la nature

Rassemblé derrière l’association «Oui, à l’Initiative pour le paysage », ses partisans demande comme mesure transitoire que la surface totale des zones à bâtir ne soit pas étendue pendant les 20 prochaines années. Pour nous, archéologues, l’aboutissement de cette initiative nous permettrait, enfin, de suivre la cadence imposée par les constructions. Car sur les 2700 hectares de terrain bétonnés annuellement en Suisse une infime minorité peut être sondée par un archéologue du fait non seulement de l’absence de moyens, mais aussi d’une mauvaise intégration de l’archéologie dans l’aménagement du territoire. Alors, signez l’initiative pour le paysage pour nous permettre de léguer un jour aux générations futures une part du patrimoine enfoui des générations passées.

L’évolution du créationnisme

Au 17e siècle, l’évêque d’Usher avait déterminé, en relisant consciencieusement la Bible, que Dieu avait dû créer le monde en 4004 avant son fils. Plus récemment, en refaisant le même comput, les témoins de Jéhova et d’autres mouvements religieux sont arrivés à 4026 avant J.-C. Pour nous autres archéologues, en comptant les anneaux de croissance de générations de chêne, on arrive à remonter le temps plus de 8000 ans avant notre ère. Aussi cela nous fait bien sourire de penser que des arbres ont pu pousser avant que le monde ne soit créé. Mais l’évêque d’Usher ne connaissait pas l’existence des dinosaures et les progrès de la science. Il a donc quelques excuses à sa décharge. Ce n’est malheureusement pas le cas des mouvements religieux qui sont prêts à vouer aux gémonies toute personne pouvant penser que ces terribles lézards ont vécu il y a des millions d’années, en dehors de toute présence humaine, et que les lois de l’évolution les ont fait disparaître comme des millions d’autres espèces avant et après eux.

Humain et dinosaures

Quand humains et dinosaures vivaient côte à côte. (photo: Flickr)

Ce n’est bien sur pas la thèse défendue par les créationnistes qui continuent de croire que le monde a été créé en sept jours par Dieu, comme le dit la Genèse, avec toutes ses espèces de plantes et d’animaux, même celles qui se sont transformées depuis en pétrole ou en fossiles. Pour convaincre le public de la justesse de leur thèse, les créationnistes étasuniens ont trouvés les moyens de se construire un vrai musée, à Petersburg au Kentucky, rien que pour montrer, de manière « scientifique » que tout peut s’expliquer, même la cohabitation des dinosaures et des humains. Pourtant là, j’ai un doute. Je ne comprends pas pourquoi un couple de diplodocus monte à bord de l’arche de Noé en 2300 avant J.-C. Ça aurait été tellement plus simple, pour asseoir leur théorie, de leur faire manquer le bateau et d’expliquer ainsi la disparition au cours du Déluge de cette espèce antédiluvienne et de toutes les autres espèces disparues, comme les mammouths et les T-rex.

L’archéo, j’en mange!

Il est courant que les milieux archéologiques proposent régulièrement des journées portes ouvertes sur leurs chantiers ou dans leurs musées pour sensibiliser la population à la préservation et à la mise en valeur du patrimoine archéologique. Dans la province du Québec au Canada c’est le mois d’août qui, pour la troisième année consécutive, devient le Mois de l’archéologie. Pour l’occasion 54 sites, musées, centres d’interprétation et autres lieux à vocation archéologique de la Belle Province invitent le public à découvrir leurs activités en compagnie de leurs spécialistes.

Fouilles

Initiation à la fouille archéologique (photo: RAQ)

C’est sous l’égide du Réseau Archéo-Québec (RAQ), fondé en 1999, que ce Mois de l’archéologie a été mis en place. Sous la devise : « l’archéo, j’en mange ! » le RAQ regroupe une centaine d’institutions liées d’une manière ou d’une autre à l’archéologie. D’abord organisées dans le cadre des « Archéo ! dimanches », les activités proposées par l’association ont débouchés dès 2005 sur le Mois de l’archéologie. En 2006, c’est ainsi plus de 27000 personnes qui ont participé aux différentes manifestations organisées durant le mois d’août. Avec la perspective, l’année prochaine, des célébrations des 400 ans de la ville de Québec, l’archéologie québécoise a de très bonnes raisons de sortir du bois et à se mettre en évidence.