Monthly Archives: November 2006

Engagez-vous dans la légion

Pour ceux qui se demandent quelle était la vie dans la légion romaine, il y a possibilité, s’il le souhaite, de revêtir au 21e siècle la cuirasse et les sandales du légionnaire en intégrant l’une ou l’autre des unités constituées. Parmi elles, la Legio XI Claudia Pia Fidelis. C’est l’unité qu’un groupe de passionnés de l’histoire militaire romaine de la région de Bâle se sont donnés pour tâche de faire revivre en prenant comme cadre temporel, l’intervalle entre l’an 69 et l’an 101 après J.-C, soit la période au cours de laquelle cette légion était en garnison à Vindonissa, actuellement Windisch, dans le canton d’Argovie.

Legio XI

La Legio XI, en pause

Dans une démarche d’archéologie expérimentale, chaque pièce de l’équipement du légionnaire a été consciencieusement répliquée, du casque aux caligae, en fonction des connaissances que nous pouvons en avoir. Celles-ci se base autant que possible sur les vestiges archéologiques du matériel utilisé, mais aussi sur les représentations de l’armée romaine que l’on trouve sur des monuments comme la colonne de Trajan à Rome, ou dans des textes comme l’ Epitoma rei militaris, le fameux traité de l’art militaire de Végèce.
Mais si la vie militaire ne vous convient pas, vous pouvez aussi vous draper dans la toge ou les coturnes de simples civils.
De nombreux autres groupes offrent des prestations à peu près semblables. Par exemple, la Legio VIII, basée en France qui a participé au spectacle Ben Hur mis en scène l’été dernier par Robert Hossein au Stade de France ou la Legio XX, qui a traversé l’Atlantique pour s’établir aux Etats-Unis d’Amérique.

Pour compléter votre engagement n’oubliez pas de graver votre nom au bas de cette tablette.

La télédétection au service de l’archéologie

Question : Qu’y a-t-il de commun entre la ville de Venise, les chutes d’eau d’Iguazu, les temples d’Angkor et les gorilles d’Afrique centrale ?

Réponse : ce sont tous des éléments inscrits à l’inventaire du patrimoine mondial et qui peuvent entrer en ligne de compte dans le projet intitulé « Partenariat ouvert pour l’utilisation des technologies spatiales dans la surveillance des sites du patrimoine naturel et culturel de l’UNESCO ».

Temple d'Angkor Wat

Temple d’Angkor Wat vu par Google Earth

Ce « Partenariat ouvert » est issu d’une collaboration initiale entre l’agence spatiale européenne (ESA) et l’Unesco, auxquels se sont joints d’autres agences spatiales, des instituts de recherche et des organisations non-gouvernementales, pour offrir aux pays qui le souhaitent une surveillance par images satellites de leur patrimoine naturel et culturel. Parmi les projets en cours, plusieurs concernent directement l’archéologie. Ainsi, le contrôle des zones archéologiques protégées dans la forêt tropicale au Guatemala, l’inventaire des kourganes dans les montagnes de l’Altaï entre la Russie, le Kazakhstan, la Mongolie et la Chine ou l’observation et la surveillance de la ville d’Uruk en Irak. Comme chacun peut s’en rendre compte par lui-même en consultant Google Earth, les images satellites à haute résolution, disponibles à certains endroits, permettent de voir des détails au sol de dimension inférieure au mètre. On parvient ainsi à établir facilement des cartes topographiques et des plans de site, là où il est normalement difficile, voire impossible, d’en dresser de manière conventionnelle. De plus l’analyse et l’actualisation des images permettent d’observer toutes modifications dans l’état du sol, ce qui conduit à contrôler et à lutter plus efficacement contre les fouilleurs clandestins. L’ensemble des images collectées permettra une intégration rapide des données patrimoniales dans les systèmes d’information géographique (SIG) dont le développement s’est fortement accéléré ces dernières années notamment grâce à une informatique de plus en plus performante, tant au niveau des appareils que des logiciels.

Le roman de la momie

Il y a quelqu’un qui risque de s’attirer quelques ennuis. C’est le particulier qui a passé aujourd’hui ce message sur un site d’annonces gratuites : « 2000 € – Vends mèches de cheveux de la momie de Ramsès II ». Ce n’est sans doute pas une offre mensongère puisque des prélèvements de cheveux du pharaon, ainsi que des fragments de résine et de bandelette qui l’embaumait ont été effectués sur sa momie entre 1976-1977, pendant son séjour en France pour la guérir d’un mal qui le rongeait: des champignons. Ces restes n’auraient pas dû être conservés après analyse et rendus à l’Egypte.

site d'annonces

Une petite annonce étonnante!

Peut-on vendre de tels vestiges? D’un point de vue moral, il est clair que la réponse doit être clairement non. Cependant la conservation d’un corps humain derrière une vitrine n’est elle-même pas moralement plus défendable : il en va du principe de la paix des morts. Mais en faisant abstraction de ces problèmes d’éthique, que risque le vendeur ? Selon les lois sur le trafic illicite des antiquités la personne qui a conservé ces prélèvements à l’insu du propriétaire, le gouvernement égyptien, a commis un délit, et dans ce cas, il doit être poursuivi et condamné. Mais il faut savoir que dans la plupart des lois sur le trafic illicite des antiquités il existe un délai de prescription plus ou moins long en fonction des pays. Généralement en Europe cette loi prévoit un délai de prescription de 30 ans. Ainsi, le détenteur de ces reliques pourrait les vendre en toute impunité puisque son forfait, ou plus exactement, celui de son père, n’a pas été éventé avant l’expiration de ce délai, pour autant que le prélèvement date de 1976 et non de 1977.

Menaces patrimoniales en Irak

L’Irak se trouve au cœur de la Mésopotamie, le pays entre les deux fleuves, le Tigre et l’Euphrate. C’est également la région du début de l’histoire et de la civilisation, une terre ayant accouché de la première écriture et des premières villes. La guerre en Irak est une vraie catastrophe pour notre héritage culturel. Cela a commencé dès les premiers jours de la prise de Bagdad par le pillage du musée d’archéologie sous le regard indifférent des troupes étasuniennes. Plus que le vol et la destruction de nombreux objets déposés au Musée archéologique de Bagdad, c’est également tous les vestiges encore présents dans le sol irakien qui sont aujourd’hui menacés.


Retour des touristes à Ur en Irak (image: confluence.org)

Tout ce que le régime tyrannique de Saddam Hussein avait réussi à préserver, à savoir l’héritage unique des cultures mésopotamiennes, a commencé à souffrir dès 1991 et la première Guerre du Golfe, en raison des bombardements intensifs de l’aviation alliée. Mais ce n’est rien par rapport à ce qui se passe aujourd’hui. Le laisser faire de l’administration actuellement en place, conduit a un pillage systématique des 1500 sites connus, ainsi que de 10’000 sites inconnus de la communauté archéologique, mais pas des pilleurs. Dans un pays ravagé par l’insécurité et la pauvreté cette richesse archéologique offre à une population acculée aux expédients un moyen de gagner quelques revenus pour le plus grand profit du marché international des antiquités. Un faible espoir subsiste cependant: celui de voir appliquer la résolution 1483 de l’ONU qui interdit le commerce et l’exportation des antiquités irakiennes et pour laquelle Interpol a créé une cellule spéciale. On peut rêver.

Les travaux et les jours à Nebra

Actuellement se tient au Musée historique de Bâle, et jusqu’au 29 janvier 2007, une exposition dont l’élément central est le disque de Nebra. Cet objet, ainsi que plusieurs autres, fut mis au jour en juillet 1999 à l’occasion d’une fouille clandestine pratiquée sur la colline du Mittelberg à quelques kilomètres de la localité allemande de Nebra en Saxe-Anhalt. C’est en cherchant à le vendre sur le marché des antiquités que, grâce à une collaboration efficace entre des conservateurs de musée, auxquel on avait proposé l’achat de l’objet, et la police, l’objet fut séquestré et les receleurs appréhendés dans un hôtel de Bâle lors d’une opération spéciale en février 2002. Si les receleurs ont acceptés de venir en Suisse pour effectuer la transaction c’est qu’ils pensaient ne rien devoir craindre dans ce pays généralement connu dans le milieu pour être assez laxiste en matière de trafic illicite d’antiquités. Heureusement cet état de fait est en passe de changer, puisqu’une nouvelle législation a été mise en place, pour laquelle l’affaire du disque de Nebra a représenté un bon exemple pour faire adopter les changements.

disque de Nebra

Le disque de Nebra après restauration


Grâce aux objets avec lequel il était associé, parmi lesquels des épées dont la chrono-typologie est bien connue, le disque en Bronze de Nebra a pu être daté de la fin de l’âge de Bronze ancien, soit vers 1600 av. J.-C. Il pèse 2kg, fait environ 32cm de diamètre et la patine verdâtre du bronze provient de son long enfouissement dans le sol. Les éléments décoratifs appliqués sont en or. Ils consistent en un semis de 32 petits cercles, d’un grand cercle, d’un croissant et de deux arcs. Un troisième arc a disparu, mais son insertion demeure bien visible. L’ensemble ne constitue pas une ornementation ordinaire. En effet, il forme une étonnante figuration astronomique, mais surtout il représente une sorte d’almanach calendaire. Des corps célestes sont clairement identifiables comme le Soleil, un croissant de Lune et l’amas ouvert des Pléïades, représenté par le regroupement de ses sept étoiles visibles à l’œil nu. Les deux arcs périphériques occupent chacun 82° de la circonférence du disque. Cette valeur angulaire est celle que l’on mesure sur l’horizon à la latitude de Nebra entre le point septentrional du levé et du couché du soleil au solstice d’été et le point méridional du levé et du couché du soleil au solstice d’hiver. Les deux arcs périphériques couvrent ainsi les deux segments de l’horizon coïncidant avec le lieu d’apparition ou de disparition quotidien du soleil. Ainsi, en orientant l’objet par rapport à un repère fixe, qui aurait pu être le mont Brocken, le plus haut sommet de la région, distant de 80 km au nord-ouest du Mittleberg, il devait être possible de connaître le cours des saisons.
Très intéressante également la comparaison suggérée par les spécialistes en charge de l’étude entre le petit arc de cercle et la barque du Soleil parcourant le ciel entre les deux horizons. En effet on trouve de telles figurations tant en Egypte, qu’en Scandinavie. Cela pourrait donner un indice des croyances religieuses de l’époque.

Si ces différentes hypothèses se confirment, on aurait ainsi le témoignage que près de mille ans avant la rédaction des Travaux et des Jours par Hésiode, une partie des connaissances induites et des mythes présents dans ce texte étaient déjà bien vivaces, dès l’âge du Bronze, dans les communautés agricoles de l’Europe centrale.

Choc de Civilization

Contrairement à ce qu’en dit une certaine presse pour effrayer des parents qui n’ont pas prise dans l’univers informatisé de leurs enfants, les jeux vidéos ne sont pas tous violents et permettent même d’acquérir des connaissances.

Parmi ces jeux intelligents, je recommande avant tout la série des Civilizations, dont la version IV, la dernière, avec son extension Warlord peut être qualifiée de meilleur jeu de stratégie actuel. Le but de ce jeu n’est rien moins que de diriger un peuple (à choisir parmi une vingtaine) vers son brillant destin : devenir la première civilisation a envoyer une fusée dans l’espace, a s’imposer par le rayonnement de sa culture et de sa religion, ou a parvenir à conquérir militairement le globe. Les conditions de victoire sont donc multiples et se modèlent au goût du joueur. Civilization est avant tout un jeu de gestion où l’agilité et la dextérité ne jouent aucun rôle, au contraire de la stratégie et de la tactique.

début de civilization

Début de partie sur une carte du monde

Le jeu commence au début du 4ème millénaire av.J.-C. par la fondation d’une première ville, la capitale. Au commencement, seule la région située autour de la capitale est connue, le reste du monde demeurant Terra incognita. Ce n’est qu’en envoyant des explorateurs au loin et en échangeant des cartes avec les autres peuples que petit à petit on se fait une idée plus précise des contours du vaste monde dans lequel on se trouve plongé. A la suite des découvertes, la gestion consiste en premier lieu à savoir placer ses colonies et ses routes dans les endroits les plus intéressants afin de s’assurer le contrôle des ressources – matières premières et produits de luxe – réparties sur le globe. Ce qui permet le plus souvent d’obtenir une victoire c’est de parvenir à progresser plus rapidement que les autres nations dans la séquence des techniques. Et dès le départ il faut se poser des questions cruciales comme : vaut-il mieux commencer par la découverte de la poterie, l’exploitation minière ou celle de la roue ? quel régime politique privilégier et quelle religion adopter? C’est à ce genre de choix épineux que l’on se trouve confronté tout au long de cette simulation de l’aventure humaine. En outre, en fonction du niveau de difficulté choisi, il sera plus ou moins facile de s’assurer une avance technologique sur les civilisations concurrentes.
En marge de ce parcours historique il faudra aussi décider des Grandes Merveilles mondiales que l’on aimerait construire, pour disposer d’un surcroît d’influence culturelle. Le choix de réalisation est vaste. Cela part des Grandes Merveilles de l’Antiquité (la grande Pyramide, le Colosse, le grand Phare et bien d’autres) à l’Ascenseur spatial qui permet de doubler la vitesse de production de son vaisseau spatial.
Si on est de nature pacifiste, on peut établir avec ses voisins des relations diplomatiques et commerciales permettant de maintenir un régime de paix. A moins que, le temps d’une partie, on préfère se transformer en un nouvel Alexandre, César, Gengis Khan ou Napoléon et se tailler un empire à sa démesure, grâce à la puissance de ses troupes.
Mais même dans le premier cas, selon l’adage bien connu, qui veut la paix prépare la guerre, on aura soin d’investir dans une force armée dissuasive, apte à calmer les ardeurs guerrières d’un voisin belliqueux.
Pour accroître ses connaissances, on peut à tout moment consulter la Civilopédia qui donne des renseignements complémentaires sur les personnages, les unités militaires, les bâtiments et les choses que l’on est amené à construire ou à rencontrer au cours du jeu.
Enfin, si aucune civilisation ne réussi à s’imposer d’une manière ou d’une autre avant l’an 2050 de notre ère, c’est alors le nombre de points de civilisation accumulés qui déterminera le dirigeant vainqueur de la partie.
En résumé, Civilization est un jeu captivant que l’on peut recommander aux jeunes dès 10 ans, qui demande, à l’instar d’une partie d’échec, calme et réflexion, tout le contraire d’un jeu d’action violent. Et si par la suite vous en avez assez de vous mesurez à des civilisations gérée par l’ordinateur, il est possible d’affronter d’autres joueurs humains en réseau ou sur internet.
Pour plus d’informations, des conseils, des scénarios et des parties multijoueurs, voir le site internet civfr.com, le dynamique forum de la communauté francophone des joueurs.

La commune de La Tène

En 2008, si leurs citoyens le veulent bien, deux communes du canton de Neuchâtel en Suisse, celles de Marin-Épagnier et Thielle-Wavre, toutes deux issues de fusions précédentes, devraient unir leur destin. Se pose pour ces deux communautés la question du nom que prendra la nouvelle entité politique née de cette nouvelle union. La double autorité après consultation entre elle et sa population a décidé de s’appeler « commune de La Tène ». Au cas où le projet aboutit en votation populaire, il sera possible de trouver plus facilement le gisement de La Tène, qui a donné son nom au second âge du Fer. En effet, contrairement au village de Hallstatt en Autriche qui donne son nom au premier âge du Fer, et qu’il est facile de retrouver sur une carte, le site éponyme du second âge du Fer, situé à l’extrémité nord-orientale du Lac de Neuchâtel, n’était jusqu’à présent que le nom d’un lieu-dit, de la commune de Marin-Épagnier, où se trouve actuellement un camping.

Vue des dernières fouilles à La Tène en 2003

En 2007, on célèbrera le 150ème anniversaire de la découverte de la station de La Tène dont le terme signifie « eau peu profonde ». En même temps, financé sur trois ans par le Fonds National Suisse pour la Recherche Scientifique, débutera un programme d’étude complet du gisement. Car bien que découvert il y a longtemps, ce site qui a livré pas moins de 2500 objets, est encore mal connu. Aucun inventaire complet des découvertes n’a encore été dressé et l’interprétation du gisement est encore controversée, même si la communauté archéologique tend à le classer parmi les lieux de sacrifices.

Ma nouvelle mappemonde: Google Earth

Tous les amateurs d’archéologie savent que les photographies aériennes permettent, dans certaines conditions, de découvrir de nouveaux gisements. Il y a une année, la communauté archéologique a découvert un autre moyen que l’avion, l’hélicoptère, le ballon, la montgolfière ou le cerf-volant pour découvrir un site à partir du ciel : Google Earth.

Mappemonde-Google Earth

La mappemonde Google Earth

Depuis son lancement en 2004, ce logiciel, est devenu en quelques mois le moyen le plus pratique pour voir un lieu quelconque de notre planète bleue. C’est l’évolution rêvée de la mappemonde de mon enfance que j’aimais à faire tourner et que j’éclairais de l’intérieur pour voir se découper les surfaces colorées des nations et découvrir le nom de leur capitale et des villes principales. Maintenant, non seulement la mappemonde nouvelle tourne et montre les capitales, mais également elle permet de zoomer pour voir surgir des détails de terrain jusqu’alors insoupçonnés. C’est ce qu’a fait au mois d’août 2005, un informaticien italien, Luca Mori, qui en regardant sa maison grâce à Google Earth découvrit dans un champ alentours une étrange tâche sombre de grande dimension. Après une reconnaissance sur les lieux effectuée par des archéologues du Musée de Parme, l’endroit pourrait révéler une villa romaine. Ce diagnostique devrait être confirmé par des fouilles.

Lien sur le site de Luca Mori


Cependant, bien que les images satellitaires misent à disposition dans Google Earth ne soient pas toute d’aussi bonne résolution que celle entourant le village de Luca Mori, Sorbolo, on découvre, si on les cherche, de nombreux sites archéologiques faciles à voir de l’espace. Je consacrerais régulièrement d’autres post à ce thème.

En tous cas, découverte confirmée ou pas, Luca Mori a fait de nombreux émules comme dernièrement Scott Madry un archéologue américain ayant travaillé en France et qui après avoir lui-même prospecté en avion a vu tout l’intérêt scientifique que l’on pouvait tirer de Google Earth.

 

Le commentaire de Scott Madry (en anglais)

L’histoire commence à Sumer

Les archéologues ont dans leur mission le devoir de garder la mémoire du passé. Et cela peut leur valoir, de temps à autre, de ne pas plaire à tout le monde. C’est ainsi qu’au début du mois, une archéologue turque de 92 ans, Muazzez Ilmiye Cig, une spécialiste reconnue des civilisations hittite et sumérienne, a failli être condamnée dans son pays pour insulte et provocation à la haine raciale et religieuse. Son crime: un commentaire historique sur le port du voile dans la société musulmane. Il apparaît, à la lecture des tablettes cunéiformes en terre cuite, que le foulard était porté à Sumer, il y 5000 ans, pour distinguer des femmes mi-prêtresse, mi-prostituée qui dans des temples se consacraient à l’éducation sexuelle des jeunes gens, ce qui justifiait, pour la spécialiste, son refus de porter le voile. Un avocat, qui ne pouvait admettre cette troublante vérité, décida de porter plainte. Heureusement pour Mme Cig, qui risquait jusqu’à trois ans de prison, le procureur chargé de l’affaire n’a pas reconnu le délit et les juges l’ont acquittée.

Inanna
Inanna

L’archéologue doit observer des faits pour en tirer des conclusions. Il apparaît également que rien n’est plus ambigu qu’un mot, et que parfois, rien ne vaut une image. J’aurais donc aimé illustrer mon propos par la représentation d’une sumérienne voilée. Or si les textes utilisés par Mme Cig pour asseoir son discours parlent, dit-elle, dans le sens de son interprétation, rien ne permet, sur une base iconographique de confirmer ses dires. Traduttore, traditore, comme disent les italiens. Comment, sans illustration interpréter le sens exact d’un mot issu d’une langue morte ? Je sais, en tant que céramologue, comme il est difficile de lier de manière univoque une forme de poterie à son nom grec ou latin, et cela malgré la lecture des textes. Les représentations que l’on trouve de la déesse Inanna, déesse de l’amour chez les Sumériens, que les prostituées sacrées devaient symboliquement incarner, ne portent jamais le voile, mais une coiffe caractéristique. Quel est le nom sumérien de cette coiffe ? Pourrait-elle être traduite par le mot voile?

La vérité était ailleurs

Aujourd’hui, le Mystery Park, parc d’attractions bâti autour des thèses de l’archéologie mystérieuse, a fermé ses portes, après trois ans et demi d’existence, et ce même jour j’ouvre mon blog consacré à l’image de l’archéologie dans notre société. Heureuse coïncidence. En effet, je peux me targuer d’avoir été l’un des premiers dans la profession à avoir dénoncé cette réalisation, et cela alors que l’ouvrage n’était encore qu’un projet. Ce parc d’attractions a coûté 86 millions de francs, financé en partie par la vente d’actions au grand public. De plus, de nombreux sponsors dont Coca-Cola, Feldschlösschen, Siemens, Sony, Swatch ou Swisscom, n’ont pas hésité a apporter à Erich von Däniken leur soutien, de même que les CFF leur infrastructure. Quel musée pourrait obtenir un tel soutien lors de sa création ?

En exposant ses énigmes archéologiques, le parc présentait les archéologues professionnels, au mieux, comme de sombres cachottiers gardant pour eux leurs découvertes et, au pire, comme de ridicules incapables, ne sachant pas mettre au jour et reconnaître les témoignages de nos visiteurs cosmiques. Mais ici, comme souvent, la vérité était ailleurs.

Prenons un exemple, celui de la stèle funéraire recouvrant le sarcophage du roi Pacal, un illustre souverain Maya de Palenque, supposé, selon l’exposition au Mystery Park, chevaucher une moto spatiale


Sarcophage du roi Maya Pacal et

Sarcophage du roi Maya Pacal et “speeder bike” de la guerre des étoiles

En fait cette représentation montre Pacal passant de vie à trépas et dévoré par la Terre, avant de renaître sous forme de divinité, ainsi que le fait le soleil chaque jour. Comme sur les stèles funéraires de nos cimetières, sont en outre indiqués : le nom du souverain, la date de sa naissance et de son décès, et celle de son accession au trône à l’âge de 12 ans. Sa position ne le montre pas chevauchant une moto, mais descendant l’arbre de vie. Il suffit de déchiffrer les glyphes pour obtenir toutes ces informations, ignorées par les concepteurs de l’exposition. Il est vrai que dans les années 60-70, au plus fort des ventes d’ouvrages d’archéologie mystérieuse, l’écriture maya n’était pas encore entièrement déchiffrée. Ce n’est que depuis peu, que l’essentiel du code maya nous est accessible. Il aurait été honnête d’informer les visiteurs sur cette découverte majeure de l’archéologie récente.

Liens sur le site internet (encore ouvert) du Mystery Park