Monthly Archives: March 2010

Promenade à l’âge de glace

L’Office fédéral de la topographie, connu aussi sous le nom de swisstopo, profite de l’arrivée du printemps pour nous replonger dans l’hiver en publiant une carte au 1:500’000 représentant la Suisse durant le dernier maximum glaciaire, il y a environ 24’000 ans.  Cette carte, qui entre dans la série des GéoCartes 500, est le fruit de la collaboration établie entre divers groupes de recherches et illustre les dernières connaissances en matière de paléoenvironnement.  Elle aurait été bien utile à nos ancêtres du Paléolithique supérieur de l’âge de glace pour  tracer leur route entre les glaciers alpins et le vaste inlandsis continental ainsi que pour parcourir les terrains non recouverts par les glaces. Une petite pensée amicale à Scrat l’écureuil et ses amis.
La Suisse à l'âge de glace
La Suisse à l’âge de glace (image : Swisstopo)

La Commission suisse pour la recherche sur le Quaternaire (CSQ ) et Christian Schlüchter, professeur à l’Institut de géologie de l’Université de Berne sont à la base du contenu et de la coordination scientifique de la carte.  On apprend ainsi que la surface du grand dôme de glace de l’Engadine culminait à une altitude de 3100 m. On découvre aussi qu’il existait sur le Jura une calotte glaciaire plus étendue en direction de l’ouest et de la France que dans les précédentes publications.  En ces temps où le réchauffement climatique devient un thème politique majeur, il est bon de se rappeler que la Terre n’a pas été toujours telle que nous la connaissons aujourd’hui, et qu’elle a subit par le passé des facteurs climatiques indépendants de notre présence et d’une très grande puissance.

Un trou de mémoire : le pillage archéologique

S’il y a une question qui préoccupe les milieux archéologiques, c’est bien celui du pillage et du trafic des vestiges archéologiques. Comment informer et lutter contre ce fléau qui soustrait à la connaissance scientifique une part non négligeable du patrimoine de l’humanité. Nos collègues français de l’INRAP viennent d’en faire une nouvelle fois l’expérience sur un site en cours de fouille à Noyon (Oise) qui dans la nuit du 8 au 9 février 2010 a reçu la visite d’un groupe de pilleurs équipés de détecteurs à métaux. Chacun des trous opérés par ces pilleurs d’une nuit, a détruit le contexte de découverte, et constitue autant de trous de mémoire dans la reconstitution de notre passé. La dernière Infolettre de l’HAPPAH en appelle du reste à une mobilisation générale contre le pillage au détecteur de métaux, car cette pratique semble de plus en plus fréquente  en France tant sur les chantiers de fouilles que sur les zones archéologiques.
Trous de pillage à Umma, Irak
Cratères de fouilles laissés par les pilleurs à Umma, Irak

Mais, force est de constater que les utilisateurs de détecteur à métaux ne sont en fait que des amateurs, en marge des véritables professionnels du pillage. D’un point de vue commercial, leurs prises ne représentent qu’une partie congrue du vaste marché que représente le commerce illicite des antiquités. C’est à l’échelle de la planète, et pour des objets bien plus prestigieux que des éclats de shrapnels, qu’opèrent les groupes de pilleurs qui alimentent le marché de l’art. Un véritable réseau de collectionneurs, de marchands d’art et de conservateurs de musées s’est mis en place ces dernières années, pour mettre en vente sur le marché le produit des pillages organisés afin de déjouer les contrôles douaniers, contourner les législations nationales et ignorer les conventions internationales. Après le trafic d’armes et de drogues, le commerce des biens culturels représente, en valeur absolue le troisième au monde des revenus illicites, comme le démontrent Laurent Flütsch et Didier Fontannaz dans «Le pillage du patrimoine archéologique»  un essai de 212 pages récemment paru aux éditions Favre, à Lausanne. Son sous-titre «Des razzias coloniales au marché de l’art, un désastre culturel», indique clairement que le pillage n’est pas le fait de notre seule époque. Mais aujourd’hui, vu son ampleur, il constitue indéniablement une perte d’identité et de richesses culturelles pour les populations spoliées de leur passé.