Monthly Archives: March 2007

L’appel de Nouakchott

Au début du mois de février s’est tenu à Nouakchott, en Mauritanie, un colloque sur les perspectives de l’Archéologie préventive en Afrique de l’Ouest. Organisé par l’Institut mauritanien de recherches scientifiques (IMRS), et l’Institut national de recherches archéologiques préventives (INRAP) en présence d’un représentant de l’Unesco, cette réunion ayant rassemblé plusieurs dizaines de chercheurs européens et africains s’est attachée à définir les moyens de mettre en place une véritable politique de protection du patrimoine archéologique africain. A l’issue de cette réunion, les participants ont lancé « l’appel de Nouakchott » pour que le patrimoine africain enfoui puisse bénéficier d’une charte de protection internationale, à l’instar de la convention de Malte qui règle en Europe les rapports entre l’archéologie préventive et l’aménagement du territoire.

Artefacts du Mali

Une partie des artéfacts maliens saisis par les douaniers français

S’il existe bien des lois nationales qui protègent le patrimoine des pays de l’ouest africain, il est souvent difficile de les faire appliquer, surtout dans des états en mal de développement lorsque des intérêts économiques prépondérants sont en jeu. Ainsi, c’est d’abord à la sensibilisation des grandes sociétés multinationales, du pétrole et des produits miniers, actives dans la région que l’appel est avant tout destiné, afin qu’elles n’oublient pas dans leurs entreprises régionales leur responsabilité vis-à-vis du patrimoine culturel. Mais il faut également que cet appel à l’aide soit entendu par les populations locales qui pour quelques devises sont prêtes à brader leurs vestiges archéologiques en pratiquant des fouilles clandestines de grande ampleur pour alimenter un trafic des antiquités en pleine expansion. Ainsi récemment, la douane française a appréhendé sur l’aéroport de Roissy un véritable trésor d’artéfacts préhistoriques provenant du Mali et destiné au marché étasunien. Il reste donc beaucoup à faire dans le domaine de la protection du patrimoine africain et souhaitons que le message de nos collègues soit entendu par toutes les parties en cause. Le 11 avril, l’émission de radio « le salon noir » de France Culture tâchera de donner un écho supplémentaire à cet appel.

L’archéologie filmée

Il y a différentes façons de présenter des résultats archéologiques au grand public. Comme nous le démontre chaque semaine la chaîne Arte, par l’entremise de son émissions du samedi soir, L’aventure humaine, l’une des plus efficaces, sinon des plus attrayantes, est certainement le film. Et c’est pour juger de cette efficacité que des festivals internationaux du film archéologique sont organisés un peu partout. En Suisse, à l’initiative de Christophe Goumand, c’est le Musée romain de Nyon qui présente, tous les deux ans, la plus grande manifestation du genre. Dès demain, le festival international de films d’archéologie vivra sa cinquième édition, et pour tous, sans restriction, son accès étant gratuit.

Les Pharaons noirs seront en vedettes mercredi soir

Durant cinq jours, du 20 au 24 mars, seront présentés, à l’Usine à gaz, une quarantaine de film, regroupés en huit séances, chacune consacrée à une période ou un thème particulier. A retenir en particulier la soirée de mercredi dédiée à l’archéologie du Soudan, avec la présence de Charles Bonnet, et une autre soirée, celle de jeudi, consacrée au pillage des sites archéologiques et au marché de l’art des antiquités. Le festival se terminera samedi soir par la remise des prix et la projection des films primés. Alors, pour une fois, pourquoi ne pas voir en primeur sur grand écran, l’un ou l’autre de ces films, avant qu’il ne passe à la télévision.

L’archéologie française manifeste

Demain, 14 mars, à 15h30, selon l’annonce d’un tract intersyndical, tous les archéologues français sont invités à Paris, au Palais-Royal, pour joindre leur voix aux manifestants provenant de divers départements du Ministère de la Culture. Ils seront accompagnés, en particulier, par les fonctionnaires de la Bibliothèque Nationale et les gardiens des grands musées. Ces derniers, pour appuyer leurs revendications ont même créé un blog. Ils demandent en premier lieu un relèvement général de leur salaire, compte tenu de l’augmentation des prix et de la pénibilité de leur travail auprès de la Joconde et d’autres chefs-d’œuvre très visités.

Colonne de Buren

Les colonnes de Buren, lieu de rassemblement de la manifestation

Pour leur part, les archéologues vont se plaindre de leur sous-effectif endémique dans de nombreuses régions face à l’ampleur des tâches à accomplir. La loi sur l’archéologie préventive, devait leur donner les moyens de le résorber. Las, la réduction des émoluments versés par les aménageurs, le plafonnement des effectifs, l’ouverture à la concurrence et les pressions exercées sur les cadres des services régionaux de l’archéologie pour qu’ils limitent leurs prescriptions de fouilles et laissent détruire de nombreux sites archéologiques, ont créés des conditions où la recherche archéologique n’y trouve pas sont compte. Cette manifestation des agents de la Culture pourrait déboucher, comme souvent en France, sur une grève. Gageons cependant, qu’une grève dans ce secteur à moins d’impact que celle des éboueurs.

Archéologue: un emploi atypique

Le gouvernement suisse vient de prendre acte d’un rapport qui analyse la sécurité sociale des acteurs culturels en Suisse. Sont considérés comme acteurs culturels les professions artistiques, du théâtre et des médias audiovisuels soit celles appartenant aux classes 82 et 813 de la nomenclature suisse des professions (NSP 2000) qui recense près de 18000 métiers. Dans cette nomenclature, les archéologues, se trouvent cantonnés dans la classe 852 des professions des sciences humaines en compagnie des historiens et des philologues. Quant aux techniciens de fouilles, ils n’y paraissent pas directement. Est-ce que les statisticiens les classent dans la catégorie des autres métiers des sciences humaines (classe 852.03) ou dans celle des autres techniciens (classe 321.09) à la suite de ceux issus du bâtiment et du génie civil et des chefs de chantier?

fouilleurs

Quel statut pour les archéologues?

Quoiqu’il en soit, et même si les personnes engagées dans le domaine de l’archéologie n’en font pas partie officiellement, la situation précaire des emplois décrite dans le rapport sur la sécurité sociale des acteurs culturels est très comparable à celle vécue actuellement par un grand nombre de personnes oeuvrant dans le milieu archéologique. Ainsi, la proportion des emplois à durée limitée est près de sept fois supérieure à la moyenne nationale et le taux de chômage y est jusqu’à trois fois plus élevé. Comme le signale le résumé de cette étude, l’emploi « normal », autrement dit l’engagement à plein temps de durée indéterminée, est progressivement supplanté par des formes de travail plus flexibles et moins traditionnelles qualifiées d’emplois atypiques. Le secteur culturel présente une part d’indépendants sous mandat, d’activités à temps partiel et à durée déterminée, ainsi que d’emplois multiples, c’est-à-dire exercés auprès de différents employeurs, qui se situe bien au-dessus de la moyenne suisse. En conclusion, les organisations culturelles devraient prioritairement et aussi vite que possible s’atteler à la création d’une institution de prévoyance pour tous les acteurs culturels car il en va de leur condition de vie à l’âge de la retraite. Si des améliorations de la sécurité sociale sont prises dans un proche avenir, il faudrait que les intermittents de l’archéologie puisse également en bénéficier au même titre que les intermittents du spectacle.

La tombe perdue de Jésus

Après la mise au jour, il y a peu de temps, du tombeau de l’apôtre Paul, c’est au tour de celui de notre Seigneur, Jésus Christ, de faire l’objet d’une telle annonce. C’est en tout cas à cette conclusion « sensationnelle » qu’un documentaire signé James Cameron et Simcha Jacobovici, intitulé The lost tomb of Jesus, aboutira ce soir sur la chaîne de télévision Discovery Channel.

Tombe de Jésus

L’entrée de la tombe de Jésus, fils de Joseph

En fait, cette découverte n’est pas vraiment inédite, puisque cela fait déjà 27 ans qu’un ossuaire d’argile portant l’inscription Jésus, fils de Joseph a été découvert à Jérusalem dans une sépulture du quartier de Talpiot en association avec d’autres ossuaires portant les noms évocateurs de Joseph, Marie, Matthieu ou de Judas fils de Jésus. Mais ces prénoms hébreux sont d’un usage fréquent au 1er siècle de notre ère, comme au Moyen-Age on s’appelait fréquemment Pierre, Paul ou Jacques. Ainsi on connaît plus de cent ossuaires au nom de Joseph et au moins sept portant le nom de Jésus, dont un, découvert au début du 20ème siècle qui portait également l’inscription : Jésus, fils de Joseph. Il y a donc l’embarras du choix. De plus, l’information elle-même a déjà été commentée en 1996 dans différents journaux et a même fait l’objet à l’époque d’un documentaire par la BBC. Aussi Cameron et Jacobovici ne font que remettre dans l’actualité une découverte ancienne sans y apporter, semble t-il, de réponses nouvelles. Cependant, le grand public déjà sensibilisé à la question grâce au Da Vinci Code de Dan Brown ne demande qu’à se laisser convaincre, et ce ne sont pas les réserves des spécialistes qui y changeront quelque chose.