Monthly Archives: August 2012

Empreintes et archéologie lunaire

Il y a des événements qui marquent une vie et dont on ne peut que se souvenir, tels les premiers pas de l’homme sur la Lune pour ceux qui étaient déjà nés et assez grands pour le vivre. Ce premier homme, que sa famille à présenté comme un héros malgré lui, s’appelait Neil Armstrong et réalisait par procuration le rêve que des milliards d’humains ayant vécu sur la Terre depuis des milliers d’années croyaient impossible. Il a quitté ce monde samedi dernier à l’âge de 82 ans. Un groupe de scientifiques et d’anthropologues, dans le cadre du Lunar Legacy Projet, cherchent depuis plusieurs années à inscrire au Patrimoine Mondial de l’Humanité le site d’alunissage de la mission Apollo 11 sur la Mer de Tranquillité. Outre les fragiles empreintes laissées par Neil Armstrong et Buzz Aldrin, ils ont fait l’inventaire de 106 artefacts abandonnés par les astronautes.  Selon le « Traité sur les principes régissant les activités des États en matière d’exploration et d’utilisation de l’espace extra-atmosphérique, y compris la lune et les autres corps célestes » du 27 janvier 1967, tous ces objets demeurent la propriété des Etats-Unis d’Amérique.  Le classement du site a pour but de préserver l’information archéologique in situ, par crainte que de futures missions, voire même touristes spatiaux ne viennent le perturber d’ici cinquante ans. Car tels qu’ils sont, les vestiges et les empreintes de la mer de la Tranquillité peuvent rester intacts pendant des milliers d’années et constitueront sûrement un lieu important de mémoire dans l’avenir comme le suggère la plaque commémorative fixée sur l’un des pieds du module lunaire : «Ici, les hommes de la planète Terre, ont pour la première fois posé le pied sur la Lune en Juillet 1969 ap. J-C.  Nous sommes venus en paix pour l’ensemble de l’humanité. »

3,7 millions d’années entre ces deux empreintes

«Un petit pas pour l’homme mais un bond de géant de l’humanité» est la phrase prononcée par Neil Armstrong qui aura marqué l’événement. Il dira ensuite : «La surface est fine et poudreuse. Je peux la disloquer avec mon orteil. Elle adhère en couches fines comme du charbon en poudre à la semelle et les côtés de mes bottes. Je ne pénètre que d’une petite fraction d’un pouce, peut-être un huitième d’un pouce, mais je peux voir les empreintes de mes bottes et les aspérités dans les fines particules de sable. » En quelques milliers d’années nous sommes passés de l’âge de la Pierre (Stone Age) à l’âge de l’Espace (Space Age). D’autres empreintes apparaissent alors en mémoire pour l’archéologue, celles laissées sans le savoir à Laetoli en Tanzanie, il y a 3,7 millions d’année, par les pieds nus de deux de nos lointains ancêtres bipèdes. Que de pas évolutifs parcourus et de bonds accomplis depuis lors. Et soudain, la transition proposée dans « 2001, l’Odyssée de l’Espace »par Stanley Kubrick entre ces deux âges devient visionnaire et apparaît dans mon esprit comme un clin d’œil à la Lune et à Neil Armstrong.

Je ne suis pas archéologue

Vendredi 27 juillet 2012, le Chef de la police valaisanne Christian Varone, devait embarquer dans un avion pour regagner la Suisse après des vacances passées en famille en Turquie, lorsqu’il a été arrêté par les douaniers turcs à Antalya en raison d’une «pierre» retrouvée dans ses bagages lors des contrôles de sécurité. Relâché mardi dernier, il pu regagner la Suisse. Vendredi passé, dans une conférence de presse très médiatisée qu’il avait convoquée, l’un des arguments avancé pour se disculper de la gravité des charges qui pèsent sur lui en Turquie m’avait fait sourire. Il avait déclaré: «Je ne suis pas archéologue et ne pouvais pas savoir si cette pierre était antique ou pas». Selon son avocate turque commise d’office l’objet en question serait en fait un morceau de marbre appartenant à une colonne de l’époque romaine. Lui-même avait déclaré qu’il avait pris cette pierre au bord d’une route, à 200 mètres  du site archéologique de Side. Elle tenait dans une main, était jolie selon lui, bien que sale et sans inscription.

Exemple de colonnes corinthiennes du site de Side (Flickr)

Aujourd’hui les autorités turques nous ont donnés plus de détail sur cette découverte fortuite. Il s’agit bien d’un fragment de colonne romaine en marbre, qui plus est, d’un fragment de chapiteau corinthien.  Or cela, aux yeux de n’importe qui, même s’il n’est pas archéologue, est différent d’un simple caillou sale.  Dès lors il faudrait être bien naïf pour croire que ce commandant de police, par ailleurs candidat à la candidature au Conseil d’Etat du canton du Valais, ignorait la vraie nature de l’objet qu’il avait ramassé. Plus grave encore, s’il s’agit d’un élément architectonique, je doute fort qu’il ait pu être ramassé au bord de la route. Il pourrait tout aussi bien provenir du site archéologique lui-même. C’est un point qui ne sera sans doute pas difficile à établir par les spécialistes locaux, car les fragments de cette nature sont rarement sans comparaisons possibles. Il y a encore beaucoup d’éléments contradictoires dans cette affaire. Il serait bon de mettre tous ces éléments sur la table, à commencer par une photographie de ladite pierre. Cela m’a fait penser qu’il y a quelques années, moi qui suis archéologue-céramologue, j’ai eu la tentation d’emporter avec moi du Mexique quelques souvenirs de voyages. Il s’agissait de quelques tessons de céramiques trouvés en surface sur le site maya de Tulum au Yucatan. Je me disais qu’ils étaient menacés de destruction par le piétinement répété des visiteurs du site et que c’était une manière de les sauver d’une destruction certaine que de les emporter avec moi. Voyant cela dans mes bagages à l’heure du départ, mon épouse m’a enjoint de ne pas emporter ces quelques tessons, pour ne pas risquer d’être fouiller et arrêté à l’embarquement. Je les ai donc relâchés sur une plage de Cancun. Compte tenu de la mésaventure de Christian Varone, je dois être en ce jour reconnaissant de la lucidité mon épouse.