Je ne suis pas archéologue

Vendredi 27 juillet 2012, le Chef de la police valaisanne Christian Varone, devait embarquer dans un avion pour regagner la Suisse après des vacances passées en famille en Turquie, lorsqu’il a été arrêté par les douaniers turcs à Antalya en raison d’une «pierre» retrouvée dans ses bagages lors des contrôles de sécurité. Relâché mardi dernier, il pu regagner la Suisse. Vendredi passé, dans une conférence de presse très médiatisée qu’il avait convoquée, l’un des arguments avancé pour se disculper de la gravité des charges qui pèsent sur lui en Turquie m’avait fait sourire. Il avait déclaré: «Je ne suis pas archéologue et ne pouvais pas savoir si cette pierre était antique ou pas». Selon son avocate turque commise d’office l’objet en question serait en fait un morceau de marbre appartenant à une colonne de l’époque romaine. Lui-même avait déclaré qu’il avait pris cette pierre au bord d’une route, à 200 mètres  du site archéologique de Side. Elle tenait dans une main, était jolie selon lui, bien que sale et sans inscription.

Exemple de colonnes corinthiennes du site de Side (Flickr)

Aujourd’hui les autorités turques nous ont donnés plus de détail sur cette découverte fortuite. Il s’agit bien d’un fragment de colonne romaine en marbre, qui plus est, d’un fragment de chapiteau corinthien.  Or cela, aux yeux de n’importe qui, même s’il n’est pas archéologue, est différent d’un simple caillou sale.  Dès lors il faudrait être bien naïf pour croire que ce commandant de police, par ailleurs candidat à la candidature au Conseil d’Etat du canton du Valais, ignorait la vraie nature de l’objet qu’il avait ramassé. Plus grave encore, s’il s’agit d’un élément architectonique, je doute fort qu’il ait pu être ramassé au bord de la route. Il pourrait tout aussi bien provenir du site archéologique lui-même. C’est un point qui ne sera sans doute pas difficile à établir par les spécialistes locaux, car les fragments de cette nature sont rarement sans comparaisons possibles. Il y a encore beaucoup d’éléments contradictoires dans cette affaire. Il serait bon de mettre tous ces éléments sur la table, à commencer par une photographie de ladite pierre. Cela m’a fait penser qu’il y a quelques années, moi qui suis archéologue-céramologue, j’ai eu la tentation d’emporter avec moi du Mexique quelques souvenirs de voyages. Il s’agissait de quelques tessons de céramiques trouvés en surface sur le site maya de Tulum au Yucatan. Je me disais qu’ils étaient menacés de destruction par le piétinement répété des visiteurs du site et que c’était une manière de les sauver d’une destruction certaine que de les emporter avec moi. Voyant cela dans mes bagages à l’heure du départ, mon épouse m’a enjoint de ne pas emporter ces quelques tessons, pour ne pas risquer d’être fouiller et arrêté à l’embarquement. Je les ai donc relâchés sur une plage de Cancun. Compte tenu de la mésaventure de Christian Varone, je dois être en ce jour reconnaissant de la lucidité mon épouse.


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