Monthly Archives: October 2008

Mythiques Lacustres

Accompagnant, dans une certaine mesure, la proposition d’inscrire les Palafittes au patrimoine mondial, ouverture aujourd’hui, sous le titre : « L’imaginaire lacustre, vision d’une civilisation engloutie », d’une nouvelle exposition temporaire au Musée d’archéologie de Neuchâtel, ou Laténium d’Hauterive. C’est en même temps la première présentation muséale montée entièrement par son nouveau directeur Marc-Antoine Kaeser. En collaboration avec le Musée national suisse de Zurich, cet archéologue, spécialiste de l’épistémologie de l’archéologie, s’est penché sur un thème qui lui tient particulièrement à cœur, le mythe des stations lacustres. Aussi, selon les mots même du directeur, ce n’est pas à proprement parler une exposition d’archéologie mais une exposition sur l’archéologie.

Léon Berthoud: Village lacustre incendié
Village lacustre incendié

Par le choix des documents rassemblés et des œuvres picturales accrochées, on comprend mieux comment les Suisses ont développé une image fausse de leurs ancêtres préhistoriques. Ainsi, jusque dans les années 60, voire même plus tard, on faisait dessiner aux enfants, de merveilleux villages palafittiques établis sur de vastes plateformes, basés sur le modèle des illustrations contenues dans les manuels scolaires de l’époque. Si cette vision a pu aussi bien se cristalliser dans l’imaginaire populaire, cela est dû en partie à la qualité des artistes mis à contribution pour donner une substance à ce passé lointain. Ainsi, pour la première fois, sont réunies quelques unes des plus célèbres « scènes de vie » peintes au 19e siècle, qui suivaient les travaux des archéologues de l’époque. Mais si la vision que nous pouvons avoir aujourd’hui des lacustres est bien différente de celle que nous donne à voir cette exposition, ce n’est pas pour autant que cette civilisation n’a jamais existé, comme le titre aujourd’hui le quotidien régional l’Express. Elle est seulement moins idéalisée, comme peut l’être la représentation d’un village lacustre incendié par le peintre Léon Berthoud.

La pêche au Shaman d’Horsens

Il y a quelques années j’ai eu l’occasion de visiter le musée de la ville de Horsens au Danemark. J’ai surtout retenu de cette visite que l’explorateur Vitus Béring en était originaire. Ce musée vient de s’enrichir récemment d’une pièce remarquable découverte dans des circonstances particulières. Au mois d’août de cette année, un jeune couple qui se promenait sur les rives du fjord de Horsens en quête de coquillages a fait une singulière découverte, celle d’un petit galet de 13 x 10 x 4 cm couvert de gravures. Montré aux archéologues du musée en question, le galet fut envoyé pour analyse jusqu’au grand Musée National de Copenhague, celui là même où en 1836 le célèbre archéologue Christian JürgensenThomsen inventait la théorie des trois âges. Le verdict des spécialistes fut clair : il s’agit de motifs gravés attribuables à la culture d’Ertebølle, datée entre 5400 et 3900 avant notre ère.

Galet gravé d'Horsens
Le galet gravé d’Horsens

Sur une des faces plates de ce galet on y voit un homme ithyphallique qui semble porter sur la tête des sortes d’oreilles animales. L’archéologue danois Per Borup voit cela comme une tenue pouvant évoquer certaines traditions shamaniques. La culture d’ Ertebølle est connue des archéologues pour ses célèbres kökkenmöding, qui sont des dépôts de coquillages marins, restes de déchets de consommation anthropique. Ainsi, sur un banal petit galet voici représenté un ancien amateur de fruits de mer, et en regardant attentivement ces gravures je serai bien tenté d’y voir, en plus de notre amareyeur, la représentation de deux poissons. Quant au couple découvreur du galet il pourrait, s’il était francophone, méditer les paroles de cette fameuse comptine: A la pêche au moule, moule, moule, je ne veux plus aller maman, les gens de la ville, ville, ville m’ont pris mon poisson maman.

Via Flaminia, urbi et orbi

Ayant eu l’occasion d’en parler l’hiver dernier dans ce blog, j’ai profité de mes vacances à Rome, la semaine dernière, pour me rendre aux Thermes de Dioclétien et y essayer sa dernière attraction: le Musée virtuel de l’antique Via Flaminia. Je m’attendais à devoir réserver mon accès comme à la Domus Aurea de Néron, ou à me mettre dans une file de visiteurs comme à la Domus Augustana sur le Palatin, mais en fait, rien de tel. En famille, nous avons pu, dès notre arrivée au musée, nous mettre aux commandes de nos avatars, et suivre les différentes étapes de ce voyage dans le temps. Nous y avons ainsi passé avec plaisir près de deux heures. Pour des visiteurs ordinaires, comme nous avons pu le constater, cela est cependant trop long. De plus il faut comprendre l’italien, car aucune traduction n’est disponible pour l’instant. La réalisation de cette visite virtuelle a été confiée à l’Institut pour les technologies appliquées aux biens culturels de Rome affilié au Conseil national des recherches italien (CNR) en collaboration avec la Surintendance archéologique de Rome et le Musée national romain et placée sous la direction scientifique de Maurizio Forte et technique de Claudio Rufa.

Auguste, Via Flaminia

Rencontre avec Auguste

Le site internet destiné à présenter cette application offre la possibilité de télécharger chez soi la partie la plus interactive de l’animation, puisqu’il s’agit de visiter les ruines puis une reconstitution de la villa de Livie à Prima Porta. Il suffit pour cela de cliquer sur le lien « Download VR Application of Livia’s Villa » qui charge un fichier compressé de 346 MegaBytes (ce qui en fonction de la qualité de sa connection internet prend un certain temps), qu’il faut ensuite décompresser dans son disque dur à l’aide du logiciel WinZip. Une fois lancé sur son ordinateur il faut encore installer, si on ne l’a pas déjà fait, le programme de visualisation 3Dvia basé sur le moteur graphique « Virtools » développé par Dassault Systèmes. Alors que dans le musée, quatre avatars à la fois peuvent être dirigés par les visiteurs, seul un des avatars est disponible. Mais, à part cela, tout le programme de visite, de même que tous les documentaires en lien avec la villa, visibles dans la présentation du musée, sont accessibles tranquillement chez soi. Si ce genre de visite à domicile vous plaît, poursuivez par celle de la Cité interdite de Pékin. Bonnes visites virtuelles, urbi et orbi.

« Palafittes » et UNESCO

Une nouvelle étape pour inscrire les sites lacustres dans la liste du patrimoine mondial de l’UNESCO a été franchie. Comme nous l’apprenons dans le dernier numéro de la revue AS publié par l’organisation Archéologie suisse, l’association «Palafittes » a été officiellement fondée le 16 juin 2008, au Laténium à Hauterive. Cette association a été créée en vue de soutenir la candidature au patrimoine mondial des stations des lacs et tourbières du Néolithique et du Bronze situées autour des Alpes. L’association « Palafittes » est pourvue d’un président, en la personne de l’ancien conseiller national neuchâtelois Claude Frey, d’un comité de trois membres et d’un gestionnaire de projet, Christian Harb, dont la tâche sera de compléter le dossier de candidature d’ici décembre 2009.

Palafitte au Laténium
Maquette de palafitte au Laténium

L’idée d’inscrire au patrimoine mondial l’ensemble des sites archéologiques circum-alpins en milieu lacustre, connu également sous le nom de « palafittes » remonte à une proposition exprimée en 2004 par l’Association suisse des archéologues cantonaux (ASAC). Cette proposition fut incluse la même année par le Conseil fédéral dans la liste indicative des nouvelles inscriptions à soumettre au patrimoine mondial par l’ Office fédéral de la Culture (OFC). L’élaboration de ce projet est prise en charge par la Suisse, mais concerne également d’autres pays alpins, soit la France, l’Allemagne, l’Autriche, l’Italie et la Slovénie. Pour la petite histoire, à noter que le terme français « palafitte », utilisé pour désigner une construction sur pilotis, a été inventé en 1865 par le savant Edouard Desor, à partir de l’italien « palafitta » pour traduire le sens du mot allemand « Pfahlbau » utilisé par Ferdinand Keller, premier découvreur en 1854, des stations lacustres.

Un IG NOBEL attribué en archéologie

La distribution des prix Nobel a commencé aujourd’hui. Pour un archéologue cependant, aucune chance de s’en voir attribué un, puisque l’archéologie ne fait pas partie des disciplines nobélisées. En revanche, son travail pourrait être nominé aux Ig Nobel décernés chaque année depuis 1991 dans l’université de Harvard, à Cambridge, près de Boston dans l’état du Massachusetts, et dont le palmarès a été publié la semaine dernière. Pour la petite histoire, le nom de cette distinction est basée sur un jeu de mots et fait immédiatement allusion aux Prix Nobel puisque «Ig-Nobel » se prononce en anglais comme « ignoble ». Dix prix sont remis chaque année à des personnes dont les travaux dans n’importe quelle discipline ne peuvent pas ou ne doivent pas être reproduits, sachant que la reproductibilité d’une démarche serait un critère de sa scientificité.

Tatou chronocide
Le tatou, un animal chronocide

Cet année, pour la 18ème édition, nos confrères brésiliens Astolfo Astolfo Gomes de Mello Araújo et José Carlos Marcelino de l’université de Sao Paulo ont été récompensé pour un article publié dans la revue Geoarchaeology en avril 2003. Suivant une approche expérimentale, ils ont établi la capacité des tatous à modifier notre compréhension du passé en déplaçant dans le sol les vestiges archéologiques, démontrant ainsi les effets de la bioturbation pour la datation des artefacts basée sur la stratigraphie. Parmi leurs principales conclusions on relève qu’il n’y a pas de corrélation entre la taille, la forme et le poids des artefacts et la distance de leurs déplacements. En d’autres lieux et avec une autre faune, on aurait pu tout aussi bien arriver aux mêmes conclusions en analysant l’activité des taupes, renards et autres blaireaux, soit des animaux tout autant potentiellement chronocides. Malheureusement pour nous, mais heureusement pour la discipline, ce n’est que la seconde fois depuis la création des Ig Nobel, qu’un travail concernant notre branche se voit ainsi honoré. La nomination précédente remonte à 1992 lorsque les Eclaireurs de France se sont vus décerner un Ig Nobel en Archéologie pour avoir consciencieusement effacé des peintures rupestres magdaléniennes, dans la grotte de Mayrière, sur la commune de Bruniquel en Tarn-et-Garonne, lors d’une croisade contre les graffitis.