La distribution des prix Nobel a commencé aujourd’hui. Pour un archéologue cependant, aucune chance de s’en voir attribué un, puisque l’archéologie ne fait pas partie des disciplines nobélisées. En revanche, son travail pourrait être nominé aux Ig Nobel décernés chaque année depuis 1991 dans l’université de Harvard, à Cambridge, près de Boston dans l’état du Massachusetts, et dont le palmarès a été publié la semaine dernière. Pour la petite histoire, le nom de cette distinction est basée sur un jeu de mots et fait immédiatement allusion aux Prix Nobel puisque «Ig-Nobel » se prononce en anglais comme « ignoble ». Dix prix sont remis chaque année à des personnes dont les travaux dans n’importe quelle discipline ne peuvent pas ou ne doivent pas être reproduits, sachant que la reproductibilité d’une démarche serait un critère de sa scientificité.
Le tatou, un animal chronocide
Cet année, pour la 18ème édition, nos confrères brésiliens Astolfo Astolfo Gomes de Mello Araújo et José Carlos Marcelino de l’université de Sao Paulo ont été récompensé pour un article publié dans la revue Geoarchaeology en avril 2003. Suivant une approche expérimentale, ils ont établi la capacité des tatous à modifier notre compréhension du passé en déplaçant dans le sol les vestiges archéologiques, démontrant ainsi les effets de la bioturbation pour la datation des artefacts basée sur la stratigraphie. Parmi leurs principales conclusions on relève qu’il n’y a pas de corrélation entre la taille, la forme et le poids des artefacts et la distance de leurs déplacements. En d’autres lieux et avec une autre faune, on aurait pu tout aussi bien arriver aux mêmes conclusions en analysant l’activité des taupes, renards et autres blaireaux, soit des animaux tout autant potentiellement chronocides. Malheureusement pour nous, mais heureusement pour la discipline, ce n’est que la seconde fois depuis la création des Ig Nobel, qu’un travail concernant notre branche se voit ainsi honoré. La nomination précédente remonte à 1992 lorsque les Eclaireurs de France se sont vus décerner un Ig Nobel en Archéologie pour avoir consciencieusement effacé des peintures rupestres magdaléniennes, dans la grotte de Mayrière, sur la commune de Bruniquel en Tarn-et-Garonne, lors d’une croisade contre les graffitis.