Monthly Archives: September 2008

Préservons l’INRAP !

Jeudi 25 septembre, 76% des employés de l’Institut national de recherches archéologiques préventives (INRAP) ont fait grève, selon leur blog. A cette occasion, une manifestation a été organisée à Paris et une pétition signée par 126 des 130 agents du siège a été remise aux ministres de la Culture et de la Recherche, dont dépend l’organisme. Motif pour ces actions : la menace du ministère de la Culture de déménager le siège central de l’INRAP de Paris à Metz. De quoi se plaignent-ils? ai-je pensé, de prime abord. Dans un pays centralisé comme la France une certaine décentralisation peut apparaître, vu de Suisse, comme souhaitable.

Manifestation de l'INRAP
Manifestants devant le ministère de la Culture.

Mais c’est justement parce que la France est bâtie sur une centralisation à partir de Paris que l’idée de délocaliser l’INRAP à Metz est perçue comme une mauvaise idée par nos collègues français. D’une part, en raison du fait que l’INRAP est structuré à partir d’une cinquantaine de centres archéologiques régionaux qui se répartissent sur l’ensemble du territoire français et qui occupent près de 2000 personnes, soit 93% de ses effectifs. En matière de délocalisation, on ne peut faire beaucoup mieux. D’autre part, une délocalisation à Metz, ou ailleurs en France, rendrait plus difficile les réunions entre la direction centrale et les unités régionales, car en matière de transport, tout est fait pour que Paris soit atteignable rapidement de toutes les parties de l’hexagone. Selon les opposants au déménagement, c’est donc l’avenir même de l’Inrap qui se trouverait compromis par ce transfert, qui pourrait nuire gravement à son efficience. Il faut enfin savoir que les employés de l’INRAP ne sont pas des fonctionnaires, mais des agents sous contrat de droit privé avec l’Etat français. Pour toutes ces raisons il est donc souhaitable que son siège central reste à Paris et que je vous engage à signer, vous aussi, la pétition mise en ligne sous le titre: Sauvons l’archéologie ! . Mais, en y réfléchissant un peu, elle aurait du s’appeler: Préservons l’INRAP !

Attention, nouvelle sensationelle !

Les journaux, les radios, les télévisions et les agences de presse se sont faits l’écho d’une nouvelle sensationnelle parue mercredi dans le journal 24 heures. Dans les titres utilisés on trouve généralement une affirmation: Nos ancêtres les Celtes – ou Les Helvètes – étaient cannibales. Le fondement de cette allégation repose sur la découverte dans une fosse de deux squelettes dépourvus de bras et de jambe sur leur côté droit, et dont les ossements laissent apparaître des traces de brûlures. A leur propos, un archéologue, qui semble avoir intérêt à rester anonyme, aurait déclaré : «On peut supposer qu’ils ont été rôtis. Il est donc fort probable qu’ils aient été mangés». Il faut lire le corps de l’article pour découvrir que les journalistes évitent, dans leur titre, le conditionnel employé d’usage par les spécialistes qui ne peuvent, quant à eux, utiliser le ton péremptoire de l’affirmation dans leur propos, et cela d’autant moins que leurs études ne sont pas achevées et que de nombreuses questions demeurent encore sans réponses, comme tente de le rappeler, entre les lignes, l’archéologue cantonal Denis Weidmann, interpellé à ce sujet.

Squelettes du Mormont
Des squelettes énigmatiques (photo : F. Ravusin)

La colline du Mormont se situe en Suisse dans le canton de Vaud au pied du Jura dans la commune de La Saraz, à mi-chemin entre Lausanne et Yverdon-les-Bains. En 2006, à l’occasion d’une campagne de prospection réalisée avant l’extension d’une carrière de calcaire, fut mis au jour un important sanctuaire celtique. Parmi les découvertes avérées, on trouve une concentration exceptionnelle d’au moins 260 puits votifs de 0,8 à 5 mètres de profondeur, contenant des offrandes de nature diverse : meules de granites, céramiques, récipients et objets en bronze, armes en fer, perles en verre, des dizaines de monnaies, avec des restes d’animaux et d’humains parfois associés et entremêlés. En fonction des artéfacts, retrouvés on peut dater la fréquentation du site entre 120 et 80 avant notre ère. Ces fouilles ont déjà fait l’objet d’un documentaire intitulé : Le crépuscule des Celtes, réalisé par la société Climage. Il faut cependant rappeler que l’étude des découvertes est en cours et que les fouilles se poursuivent périodiquement. Dans ce cas, comme dans un autre signalé dans ce blog, il est encore prématuré de se prononcer sur la nature exacte des rituels pratiqués, même si, pour les Romains d’autrefois comme pour les journalistes d’aujourd’hui, ils peuvent apparaître « barbares ».

Jour d’équinoxe

Aujourd’hui, jour d’équinoxe. Pour tous les terriens, qu’ils résident dans l’hémisphère nord ou sud, près des pôles ou sur l’équateur, le jour et la nuit auront, cette journée, la même longueur. Ce phénomène se produit deux fois par année, à six mois d’intervalle, et marque le début d’une nouvelle saison, le printemps ou l’automne. Le passage est prévu à 15h44 TU, soit à 17h44 de notre heure. Contrairement aux solstices aucune célébration particulière ne marque l’événement. Et pour cause, car si d’un point de vue astronomique la définition du phénomène est claire, puisqu’il correspond au moment où le Soleil, dans son mouvement apparent sur l’écliptique, traverse l’équateur céleste, celui-ci est plus difficile à percevoir sur la base d’une simple observation empirique au sol. Pour arriver au concept d’équinoxe il faut déjà procéder à une observation très précise du ciel, ce qui amène à la notion plus complexe de calendrier.

Sunset on Stonehenge

Couché de soleil sur Stonehenge (Photo: Gesellschaft für Archäoastronomie)

Il existe plusieurs organisations qui se consacrent au rapprochement entre archéologie et astronomie. La plus ancienne est la Société européenne pour l’astronomie dans la culture (SEAC), qui est une association professionnelle de scientifiques oeuvrant dans les domaines de l’archéoastronomie et de l’ethnoastronomie. Le but de cette société, fondée à Strassbourg en 1992, est de promouvoir l’étude interdisciplinaire de la pratique astronomique dans son contexte culturel, un sujet d’importance, dans le cadre plus général de l’étude des sociétés humaines et de leur rapport avec leur environnement. Pour ce faire il faut réunir des compétences dans des domaines aussi divers que les sciences humaines, les sciences naturelles, les sciences sociales et autres disciplines. En Amérique du Nord, avec des motivations semblables, existe depuis 1996 l’International Society for Archaeoastronomy and Astronomy in Culture (ISAAC). La plus jeune organisation de ce type, la Gesellschaft für Archäoastronomie, a été fondée à Berlin le 14 juin 2008, dans le cadre du Musée de préhistoire de Charlottenburg,. Elle organise du 24 au 26 octobre un colloque sur le thème : « Mesure, figure et géométrie en pré et protohistoire, ou Les origines des mathématiques et de l’astronomie ». Comme on le constate, le domaine est encore jeune et l’on peut espérer, grâce aux travaux effectués par les chercheurs affiliés à ces sociétés, des avancées dans les domaines de l’histoire de l’astronomie, de la mythologie et de la cosmologie, et cela sans faire appel aux extraterrestres.

L’entretien du patrimoine suisse en danger

La Suisse n’est pas membre de l’union européenne, mais cela ne l’empêche pas de faire partie de l’Europe de la culture, puisqu’elle est membre du Conseil de l’Europe. Ce week-end, comme dans d’autres pays du continent, se tiennent les Journées européennes du patrimoine (JEP). Le thème de cette année pour la 15ème édition suisse est « Ein Tag zum Genissen » ou « Una giornata da gustare » qui devient, de par la poésie attribuée au français « Lieux de délices ». Pour les archéologues pas grand-chose à montrer si ce n’est de proposer à la dégustation quelques mets préhistoriques ou romains en plus de la visite gratuite des musées d’archéologie. A noter cependant la visite, dans le canton de Fribourg, de l’abri sous-roche en cours de fouille d’Arconciel- La Souche avec la reconstitution, grandeur nature, d’un campement mésolithique. Les manifestations sont organisées par les services des monuments historiques et d’archéologie des cantons avec le soutien, entres autres, de la Section patrimoine culturel et monuments historiques de l’Office fédéral de la culture (OFC). Le programme complet est accessible sur le site du Centre NIKE, responsable de la coordination nationale des JEP.

Arconciel-La Souche

Vue aérienne du site d’Arconciel (photo SAC-FR)

Compte tenu de l’exiguïté de son territoire, avec 9 objets figurant sur la liste du Patrimoine mondial de l’Unesco, la richesse patrimoniale de la Suisse n’est pas à démontrer. Mais, si dans le cadre des JEP, la Section patrimoine culturel et monuments historiques de l’OFC continue à apporter sa contribution, d’une manière générale, force est de constater dans ce blog le désengagement de plus en plus important de la Confédération dans son soutien au patrimoine historique et archéologique. Ainsi, des 35 millions de francs de moyenne annuelle attribués ces dix dernières pour contribuer à la sauvegarde de ces patrimoines, ce montant n’est plus, cette année, que de 19 millions, ce qui ne permet plus, selon Philippe Biéler, président de l’organisation Patrimoine suisse, de soutenir de nouveaux projets, ni même d’entretenir efficacement le patrimoine existant, ce qui constitue, à terme, un grand danger pour l’entretien du patrimoine du pays. D’où la demande pressante de relever la contribution annuelle de 2009, à au moins 30 millions de francs. Cela permettrait également, en leur donnant du travail, de préserver l’existence et le savoir-faire de nombreux artisans spécialisés sans lesquelles le maintien du patrimoine ne peut se réaliser.

Archéologues et vidéos

Aujourd’hui étant un jour particulier de mon existence, je me suis demandé quel regard véhicule sur ma profession d’archéologue un média comme You Tube visionné tous les jours par des millions de personnes. Rien de plus facile que d’y entrer le mot clé « archéologue » ou « archaeologist » et de voir ce qu’on y trouve, soit 108 occurrences pour le premier terme et 1440 pour le second. Impossible de tout voir rapidement entre parties de documentaires, bandes annonces et cours métrages, mais, confiant dans la sérandipité du média voici quelques unes des découvertes que j’ai pu y faire.

archaeologist

Profession: archéologue.

D’abord un petit reportage traditionnel sur le travail d’archéologue, qualifié de métier « cool ». Poursuivons par l’archéologue qui aurait aimé se produire à Broadway, et qui profitant du passage de visiteurs sur son chantier improvise quelques pas de danses en poussant la chansonnette. Ensuite, deux petits films d’animation : l’un pour nous dire que se pencher au-dessus d’une fouille peut créer une surprise et l’autre pour encourager, en chanson, les célibataires à épouser un archéologue. Dans le registre comique deux caricatures d’archéologues l’une signée par les Monty Python qui débattent et se battent à propos de « l’archéologie aujourd’hui » et l’autre présentant la sémillante Traci, en archéologue amateur. Enfin, je ne peux m’empêcher de terminer ce petit examen du métier, vu à travers You Tube, par une présentation d’Indiana Jones en version Lego et de Lara Croft, «la meilleure archéologue de tous les temps », deux jeux vidéo qui nous rappellent que pour les jeunes, malgré nous, archéologue est synonyme d’aventurier. Trop cool !

Droit à protéger

Le Conseil fédéral a présenté mercredi 3 septembre un rapport au Parlement sur une « Meilleure coordination entre la protection de l’environnement et l’aménagement du territoire ». En substance il est dit dans ce rapport que  plus tôt les questions environnementales sont prises en considération dans le cadre de l’aménagement du territoire, mieux il est possible d’éviter les effets nuisibles ou gênants sur l’environnement. Une coordination réussie entre l’aménagement du territoire et la protection de l’environnement consiste donc à intégrer en temps utile les objectifs et prescriptions applicables en matière de protection de l’environnement  à toutes les étapes de la procédure de planification et dans la pesée des intérêts de l’aménagement du territoire. Les organisations de protection de l’environnement ayant qualité pour recourir peuvent ainsi faire activement part de leurs préoccupations lors de l’élaboration des plans directeurs et émettre rapidement d’éventuelles réserves quant à l’emplacement d’installations portant atteinte à l’environnement. Le projet de révision de la loi sur l’aménagement du territoire offre la possibilité d’améliorer les conditions pour la coordination entre la protection de l’environnement et l’aménagement du territoire. Un des objectifs à prévoir à l’avenir sera de fixer un contenu minimal pour les plans directeurs cantonaux. Ainsi, il ne devrait plus être permis que l’archéologie, activité à incidence spatiale, soit tout simplement ignorée dans ces plans.

NON

NON, le 30 novembre

Mais avant de pouvoir profiter de cette future amélioration de la coordination entre les différents secteurs de la protection de l’environnement et de l’aménagement du territoire, il faudra défendre le droit de recourir. Hier, 23 organisations environnementales et de protection du patrimoine ayant qualité pour recourir, dont Archéologie suisse, ont lancé à Berne la campagne du NON à l’initiative du Parti radical zurichois qui vise précisément à une suppression dans les faits de ce droit. Le droit de recours, comme le rappellent les comités directeurs de ces organisations, est un moyen qui a fait ses preuves pour une mise en œuvre correcte des dispositions de protection du patrimoine et de la nature. Supprimer le droit de recours, c’est en quelque sorte se moquer de l’opinion des 1,2 millions de membres que rassemblent ces organisations. Le Parlement et le Conseil fédéral sont du même avis, et seront avec nous le 30 novembre pour voter NON.