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Les archéologues européens en congrès à Berne

Du 4 au 7 septembre 2019 s’est tenu dans les locaux de l’Université de Berne le 25ème congrès annuel de l’Association européenne des archéologues (EAA). Cette année, c’est sous la devise : « Au-delà des paradigmes » que plus de 1800 archéologues du monde entier se sont retrouvés pour débattre des dernières découvertes dans leur domaine. Le programme scientifique de la manifestation était divisé selon six thèmes de l’archéologie et de la recherche en préservation du patrimoine, à savoir : « Théorie et méthodes archéologiques au-delà des paradigmes »; « Interprétation des documents archéologiques »; « Archéologie des paysages de montagne » ; « Archéologie numérique, science et multidisciplinarité »; « Patrimoine archéologique et gestion des musées »; ainsi que « Changement climatique et Archéologie ».
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Porte d’enregistrement pour l’EAA 2019

L’Association européenne des archéologues (EAA) a été fondée en 1994 lors d’une première rencontre qui s’est tenue à Ljubljana en Slovénie. Cette première avait réuni 150 membres. L’année dernière, lors du rendez-vous annuel qui s’est tenu à Barcelone, ce furent 2992 membres qui se sont retrouvés, soit un pourcentage significatif des 3547 membres enregistrés. L’EAA représente les intérêts des archéologues des universités, des services de protection du patrimoine, des musées et du secteur privé au niveau européen et constitue de ce fait la plus grande association professionnelle européenne des diverses disciplines de l’archéologie. D’après son acte de fondation, elle a pour objectif de promouvoir le développement de la recherche archéologique et l’échange d’informations archéologiques ; la gestion et l’interprétation du patrimoine archéologique européen ; les normes éthiques et scientifiques appropriées pour le travail archéologique ; les intérêts des archéologues professionnels en Europe ; la coopération avec d’autres organisations ayant des objectifs similaires. La 25e édition de ces rencontres marque le premier grand anniversaire de l’histoire de l’association et se déroule pour la première fois en Suisse. A cette occasion, la revue AS-Archéologie Suisse, dans sa dernière édition, a édité un dossier qui expose en détails le passé, le présent et l’avenir de l’organisation que l’on peut télécharger sur le site de l’EAA.

Rome Reborn 3.0 face à Assassin’s Creed

Après 22 ans de travail, l’application « Rome Reborn » a été officiellement lancée lors d‘une conférence de presse internationale tenue à l’Association de la presse étrangère à Rome, le 21 novembre de cette année. En fait de lancement, il s’agit de la version 3.0 de cette application dont les versions 1.0 et 2.0 avaient chacune fait l’objet d’une note dans ce blog. Au départ, « Rome Reborn » est une initiative universitaire internationale lancée en 1996, visant à reconstruire la Rome antique à l’aide des technologies numériques. Bernard Frischer, âgé maintenant de 67 ans, est toujours présenté comme le responsable de ce projet d’archéologie virtuelle, qui a pour but la restitution numérique de la ville éternelle en l’an 320 de notre ère, quand l’urbs comptait plus d’un million d’habitants à son apogée, avant que la capitale de l’Empire ne se déplace à Byzance sous l’empereur Constantin. Quoi de neuf dans cette version ? D’abord, contrairement aux versions précédentes qui étaient accessibles gratuitement, en particulier dans Google Earth, cette nouvelle version est payante. La reconstruction 3D est utilisée comme ressource pour une série d’applications fonctionnant sur ordinateurs (Mac, Windows) et des casques de réalité virtuelle (Oculus Rift, Samsung GearVR et HTC Vive).  Elle est développée dans le cadre par une startup appelée Flyover Zone Productions. La version de base permet un survol, comme à bord d’un ballon, des 14 km2 de la ville éternelle enceints dans la muraille aurélienne. Des modules complémentaires, eux aussi payants, permettent actuellement la visite du Forum romain et de la basilique de Constantin et Maxence. D’autres modules sont en préparation, comme la visite du Panthéon et du Colisée, qui devraient être disponibles dans les mois prochains.
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Image écran du trailer de « Rome Reborn »

En consultant le site internet de Rome Reborn, on apprend que Flyover Zone Productions, en charge de la commercialisation du projet, est à la recherche d’un animateur indépendant capable de créer des avatars d’hommes et de femmes, enfants et adultes d’antiques Romains. Mais cette personne, aussi talentueuse soit-elle, doit s’attendre à être rétribuée plus modestement que dans les grands studios produisant des films d’animation ou des films publicitaires. Ceci montre le souci des concepteurs de Rome Reborn d’animer la visite des monuments par des rencontres avec des habitants virtuels de la Rome antique. Avec cela, Rome Reborn pourrait s’approcher de ce que l’entreprise Ubisoft a réalisé dans le jeu vidéo « Assassin’s Creed ». A partir de l’épisode « Origins » de la saga, sorti l’année dernière, situé dans l’Egypte des Ptolémées en 49 av. J.-C. et dans le dernier épisode « Odyssey » sorti cette année, et placé en 431 av. J.-C., un mode découverte permet aux joueurs de déambuler librement et de survoler avec un aigle des décors et des paysages reconstitués avec grand soin par des historiens. Ainsi, j’ai été particulièrement séduit par une visite dans le sanctuaire de Delphes ou chaque monument, chaque trésor, chaque temple, est reconstitué dans son état et son emplacement d’origine. Face aux centaines de millions de dollars investis par Ubisoft dans chacun des épisodes de la saga et les 3 millions de dollars investis pendant 22 ans par Rome Reborn, il y a une différence de moyen qui se traduit immanquablement dans le résultat final des restitutions. Au lieu de chercher un développeur d’animation, Flyover Zone Productions, ferait mieux de s’associer aux producteurs d’Ubisoft pour développer avec eux un épisode d’ « Assassin’s Creed » situé dans la ville éternelle utilisant les données rassemblées par les chercheurs pour « Rome Reborn ».

Le retour des momies

L’intérêt pour les momies ne se dément pas, comme ce blog s’en est fait récemment l’écho en parlant des expositions de Bâle et de Delémont à leur sujet. Une vague médiatique suscitée par la découverte le 13 juillet des corps momifiés d’un couple valaisan disparu en 1942 sur le glacier de Tsanfleuron entre les cantons du Valais et de Berne est là pour le démontrer. La semaine dernière, dans le massif français du Mont-Blanc ce sont une main et une jambe, conservées par la glace qui ont été mise au jour  et qui pourraient appartenir à des passagers victimes d’un accident d’avion de la compagnie Air India en 1966. Ces vestiges du siècle dernier viennent à propos pour nous rappeler que la montagne est susceptible de délivrer des documents bien plus anciens, aidée en cela par le réchauffement climatique. Les neiges dites éternelles de nos sommets ne le seront bientôt plus. Les climatologues prévoient que d’ici 20 ans les glaciers auront perdu 30% de leur substance et que d’ici la fin du siècle ils auront tous fondu.
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Jambière en cuir néolithique à l’emplacement de sa découverte sur le Schnidejoch. Cliché de 2007. © Service archéologique du canton de Berne, Urs Messerli.

La fonte des glaciers concerne tout particulièrement les archéologues qui depuis la découverte d’Ötzi en 1991 ont pris progressivement conscience de l’urgence de procéder à des recherches en haute altitude. Durant l’été caniculaire de 2003, alerté par une randonneuse, le Service archéologique du canton de Berne a découvert, sur le col du Schnidejoch entre Sion et Thoune, un carquois à flèches en écorce de bouleau.  Poursuivant leurs recherches les années suivantes, les archéologues bernois ont mis au jour des centaines d’autres objets, dont une jambière en cuir (voir photo ci-dessus) perdue par un hypothétique Schnidi ayant vécu au Néolithique vers 3000 avant J.-C. Le bilan de ces travaux a été publié en 2015 dans un ouvrage en deux tomes. D’octobre 2013 à fin 2016, le projet kAltes Eis, initié par l’archéologue Leandra Naef, a fait l’inventaire à l’aide des méthodes GIS de tous les sites potentiels dans le canton des Grisons, ce qui a amené la découverte de nombreux restes, comme celui de la momie d’un jeune chamois. En conclusion de toutes ces recherches, il s’avère que si les vestiges du passé ne sont pas découverts et mis en sureté très rapidement après avoir été libérés de leur gangue de glace, ils pourraient se perdre ou être abîmés à jamais, surtout les objets en matériaux organiques comme le bois, le cuir et les fibres animales ou végétales, de même que les momies humaines ou animales. Un rappel est donc adressé à tous les alpinistes et randonneurs des Alpes à prendre la peine de signaler toutes découvertes de cette nature aux autorités et spécialistes concernés.

La femme un Homo sapiens comme un autre

Existe-t-il une différence de perception de l’environnement spatial entre homme et femme ? C’est à cette question que la conférence d’Ariane Burke, professeure titulaire en archéozoologie à l’Université de Montréal, donnée dans le cadre de l’association ArchéoNE donnait mercredi dernier des éléments de réponse sous le titre « Frayer son chemin dans le monde. Le rôle du sexe, de la cognition et de la perception visuelle dans les dispersions paléolithiques ». Des différences moléculaires et physiques sont indéniables entre les sexes. Depuis 1959 on sait que sur les 46 chromosomes contenus dans nos cellules, deux sont propres au sexe, les célèbres chromosomes X et Y, et physiquement les différences anatomiques sont indéniables. Mais qu’en est-il du cerveau ? Selon certaines hypothèses, il existerait une différence entre homme et femme remontant au Paléolithique, époque où les seuls modes de subsistance de l’humanité étaient la chasse et la cueillette. En réponse à ces hypothèses qu’est-ce que l’archéologie peut montrer?
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Les femmes savent suivre une direction (Image : Cap Fémina)

La chasse, ou du moins le dépeçage de carcasse avec l’aide d’un outil lithique est démontré chez nos ancêtres depuis au moins deux millions d’années. A côté de cela ils se livraient certainement à la cueillette, sans que cela puisse être démontré vu l’absence de traces matérielles due à la nature des vestiges. Des moulages endocrâniens ou endocastes d’hominidés fossiles montrent comment l’évolution du cerveau s’est développées dans l’arbre phylogénétique de l’espèce humaine. Ainsi, selon des chercheurs, au vu de la forme et de l’irrigation de leur encéphale, les Néanderthaliens n’auraient pas eu les mêmes capacités exploratrices que les Cro-Magnon ou l’homme actuel, ce qui aurait limité leur dispersion et permis à Homo sapiens sapiens de s’imposer afin de conquérir le globe. Au court de cette longue période de temps des différences d’aptitudes cognitives innées auraient été obtenues par chacun des deux sexes, avec en filigrane l’idée que les hommes se consacraient à la chasse et les femmes à la cueillette. Partant de là, les hommes seraient plus aptes à lire une carte et les femmes à retrouver le beurre dans le réfrigérateur. Les plus récentes études IRM (imagerie cérébrale par résonance magnétique) démontrent cependant qu’il n’y a rien qui puisse distinguer l’activité cérébrale d’un homme de celle d’une femme et valider cette hypothèse. Pour preuve, il apparait que si l’on retire la différence physique qui permet aux hommes de parcourir plus vite les distances, les femmes entrainées à la course d’orientation ont des capacités aussi bonnes que les hommes à s’orienter sur des terrains inconnus. En conclusion, s’il y a une différence entre les sexes elle est due à des différences socioculturelles, qui font que les apprentissages et les activités des filles sont différents de ceux des garçons. C’est l’expérience vécue par les unes et par les autres qui influence le fonctionnement cérébral et détermine des aptitudes cognitives différentes entre les individus et non pas leur sexe. En d’autres termes, l’acquis est nettement plus important que l’inné.

La parenté révélée de l’homme du Bichon

La grotte du Bichon près de La Chaux-de-Fonds est célèbre pour avoir livré en 1956 le squelette presque complet d’un Homo Sapiens et d’un ours brun qui ont vécu ensemble il y a 13’700 ans. A la suite de la découverte, en 1991, par le regretté Philippe Morel, d’un fragment de silex fiché dans une des vertèbres de l’ours provenant d’une pointe de flèche pouvant appartenir à la panoplie du chasseur retrouvée dans la grotte, l’association de l’homme et de l’ours dans la même cavité a pu être interprétée comme le résultat probable d’un accident de chasse. Pour les archéologues, l’importance de la découverte est encore augmentée par l’excellent état de conservation des ossements de l’homme du Bichon : pour son époque, qui correspond à l’Azilien, ce squelette préhistorique est, en Europe, l’un des mieux préservés dans son ensemble. Cette excellente conservation due à l’enfouissement dans la grotte à l’abri des intempéries a permis l’analyse de son ADN à partir d’un échantillon prélevé dans son crâne.
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Le crâne de l’homme du Bichon

Le Laboratoire d’archéozoologie de l’Université de Neuchâtel, dirigé par Werner Müller, a été associé à une vaste étude internationale d’environ 700 squelettes humains portant sur l’évolution des populations qui ont donné naissance aux Européens actuels. Outre l’homme de la Grotte du Bichon, les scientifiques ont pu analyser deux génomes humains provenant de Géorgie et datant de 13’300 et 9’700 ans. Les résultats ont été publiés récemment dans la revue Nature Communications. Il en ressort que ce ne sont pas trois populations humaines mais quatre populations qui sont à l’origine des Européens d’aujourd’hui. L’étude indique que les chasseurs-cueilleurs du Caucase se sont séparés des chasseurs-cueilleurs de l’Ouest du continent il y a près de 45’000 ans, puis des ancêtres des agriculteurs néolithiques il y a environ 25’000 ans. Selon les archéozoologues, les deux chasseurs-cueilleurs du Caucase présentaient un teint de peau plus clair que l’homme de la grotte du Bichon. Tous trois avaient en revanche les cheveux noirs ou foncés, et les yeux bruns, comme l’ont révélé des gènes responsables de la pigmentation. Les gènes de l’homme du Bichon sont encore bien représentés dans les populations du nord de l’Europe mais plus du tout au sud. Les gènes des deux individus du Caucase sont en revanche présents dans toute l’Europe occidentale et seraient arrivés chez nous à la fin du Néolithique par le biais de la migration des Yamnas une population dont l’ère d’origine se trouve au nord de la mer Noire et qui serait à l’origine de la Civilisation de la Céramique Cordée il y a 5000 ans.

Terrasubmersa à la recherche du premier village d’Europe

Hier, ont été communiqué les résultats préliminaires de l’expédition TerraSubmersa. Cette mission archéologique de l’Université de Genève et de Planet Solar s’est achevée la semaine passée. Menée par des archéologues de l’Université de Genève  en collaboration avec le Service grec des Antiquités sous-marines, le Centre hellénique de recherche maritime, l’Ecole suisse d’archéologie en Grèce et le Laténium de Neuchâtel, cette expédition avait pour objectif d’explorer les paysages préhistoriques engloutis par les eaux dans le golfe de Nauplie, dans la presqu’île du Péloponnèse en Grèce dans la perspective d’y relever  les vestiges d’anciennes occupations humaines. C’est à l’aide du  catamaran solaire Planet Solar et du bateau de recherche grec, Alkyon,  que les scientifiques ont pris des mesures géophysiques et ont réalisé des fouilles subaquatiques dans la baie de Kiladha, à une dizaine de kilomètres au sud-est  de Nauplie pendant près de deux semaines. Un petit film réalisé par un drone de la société La Souris verte permet de visualiser le cadre paysagé de cette mission.
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PalnetSolar en vue de la grotte de Franchthi

Cette campagne archéologique sous-marine a été placée sous la direction de Julien Beck, chargé de cours au Département des sciences de l’antiquité de l’Université de Genève. La zone qui a été choisie pour cette prospection est  située dans les abords de la grotte de Franchthi, sur la rive nord de la baie de Kiladha. Cette grotte est connue pour avoir été occupée durant près de 35 000 ans, du Paléolithique moyen au Néolithique. Au cours de ces millénaires, le niveau de la mer a considérablement varié. Il était environ 120 mètres plus bas à la fin de la dernière glaciation, il y a environ 20 000 ans. C’est pourquoi il y a de bonnes raisons de croire que des vestiges correspondant aux premières occupations humaines sédentaires se trouvent actuellement sous les eaux limpides de la baie en contrebas de l’ouverture de la grotte de Franchthi. Les mesures géophysiques réalisées entre autres à l’aide d’échosondeur à multifaisceaux, d’un sonar à balayage latéral et des données GPS ont permis de dresser une topographie détaillée des anciennes zones côtières et à mettre en évidence des surfaces qui pourraient correspondre à des paléo-plages. A l’aide de ces données, il sera possible de réaliser des fouilles subaquatiques telles que celles menées depuis plus d’une cinquantaine d’année dans le cadre des recherches palaffitiques.  «Peut-être y trouverons-nous l’un des premiers villages d’Europe», a annoncé avec optimisme Julien Beck.

Des prix pour les archéologues britanniques

Alors que Londres, la Grande-Bretagne et le monde vivent à l’heure des XXX ème jeux olympiques de l’ère moderne, les archéologues britanniques ont aussi eu l’occasion, en ce mois de juillet, de concourir pour des distinctions attribuées par leur pairs, lors des XX ème British Archaeological Awards (BAA). Les prix archéologiques britanniques constituent une véritable vitrine de l’archéologie du Royaume-Uni et représentent un événement central dans le calendrier archéologique. Fondés en 1976 et attribués tous les deux ans, ils englobent maintenant six prix, couvrant tous les aspects de l’archéologie du pays : meilleur projet, meilleur projet communautaire, meilleur livre, meilleure représentation dans les médias, meilleure découverte, meilleure innovation. L’annonce des résultats a été faite le 9 juillet lors d’une cérémonie organisée à Londres au British Museum. Le site Internet des BAA présente des informations sur tous les nominés et les vainqueurs de cette année et des cérémonies précédentes.


Aperçu de quelques découvertes du site de la Must Farm

Sans entrer dans les détails des nominations et des prix distribués, que je vous invite à découvrir par vous-même, relevons malgré tout quelques éléments. Ainsi, le meilleur projet archéologique a consacré l’étude faite autour  du site de la « Must Farm » travail réalisé dans le district du Fenland par l’unité archéologique de l’Université de Cambridge pour mieux connaître les paysages archéologiques de l’âge du Bronze sur une large échelle à l’aide de l’observation des dépôts sédimentaires particulièrement bien préservé dans cette région plate et sans relief. Associés a cette véritable étude du paysage de nombreux objets comme des épées, des pointes de lance et des pirogues monoxyles ont été mis au jour dans un état de conservation qui n’a rien a envié à ce que nous trouvons pour la même période dans les Palafittes situés autours des lacs alpins. C’est du reste la découverte de 6 pirogues monoxyles dans ce cadre qui valent à l’équipe de la « Must Farm » de remporter également le prix de la meilleure découverte. Quand au prix du meilleur ouvrage archéologique britannique  il est revenu à Alasdair Whittle, Frances Healy et Alex Bayliss pour leur ouvrage « Gathering Time : Dating the Early Neolithic Enclosures of Southern Britain and Ireland ». Cet ouvrage présente les résultats d’un important programme de datation des enceintes préhistoriques qui permet de réécrire les débuts du Néolithique en Grande-Bretagne et en Irlande. L’ouvrage  a combiné des centaines de nouvelles datations au radiocarbone avec des centaines de dates existantes, en utilisant la puissance discriminante et robuste de la statistique bayésienne pour accroitre la précision des dates proposées.

Solstice d’été à Tivoli

Par la présence boréale du soleil au plus loin de l’écliptique, ce jour sera le plus long de l’année dans l’hémisphère nord. Le moment précis, au cours duquel le soleil arrête son ascension dans le ciel est celui du solstice d’été qui aura lieu ce soir à 19h16. On sait depuis longtemps, grâce aux recherches archéoastronomiques, que certains monuments préhistoriques ou antiques sont directement édifiés en fonction d’orientations privilégiées comme celles données par les solstices ou les équinoxes. A Stonehenge, des foules se réunissent chaque année, pour assister au solstice d’été, de même qu’aux équinoxes, au pied d’El Castillo, la grande pyramide dédiée à Kukulcán du site de Chichén Itzá au Mexique. Ce lien entre archéologie et astronomie est présent dans d’autres lieux et sur d’autres monuments. A Rome, on sait que l’Horologium d’Auguste, la Domus Aurea et le Panthéon, possèdent un lien direct avec la position du soleil et les éléments de base du calendrier que sont les solstices, qui marquent le début de l’été ou de l’hiver.

Jeu de lumière solsticiale à la Villa Adriana (photo: M. De Franceschini)

Deux bâtiments de la Villa Adriana, près de Tivoli, à 30 km de Rome à l’instar des monuments romains précités, auraient pu être orientés pour correspondre à la position du soleil lors des solstices. C’est en tout cas ce que l’on peut en conclure des observations réalisées ces dernières années par l’archéologue Marina De Franceschini et l’astronome Giuseppe Veneziano, qui avant de publier un ouvrage plus complet sur la question, ont d’ores et déjà produit un petit fascicule en italien et anglais (à télécharger sur le site) pour rendre compte de leurs premières observations. Dans le premier bâtiment, la Roccabruna, la lumière du soleil pénètre par une fente aménagée dans le mur au dessus d’une porte et vient illuminer une niche où se trouvait une statue de l’autre côté de la grande salle (voir photo ci-dessus). Dans le second bâtiment, le temple de l’Académie, la lumière du soleil passe à travers une série de portes pendant les solstices. Ces deux bâtiments sont reliés entre eux par une vaste esplanade qui se transforme par ces jeux de lumière solaire en une véritable voie sacrée associée aux solstices. Il est possible que d’autres bâtiments de la résidence de l’empereur Hadrien, parmi la trentaine que compte ce site classé au patrimoine mondial de l’Unesco, possèdent également un lien avec la course du soleil. Je ne sais pas s’il y aura foule pour assister au solstice à Tivoli, mais il y aura au moins une personne qui y sera très attentive avec son appareil photo. Aujourd’hui, la journée devrait être bien ensoleillée sur Rome, malgré la présence de quelques nuages. Souhaitons à Marina De Franceschini de belles prises.

Les secrets de La Table ronde

Dans un champ situé à l’ouest et en contrebas du château de Stirling en Ecosse, se trouvait autrefois un jardin royal. La partie ornementale du jardin connue sous le nom de King’s Knot (le nœud du roi) est tout ce qu’il en reste. Dans le centre du nœud, se trouve une butte plate d’environ 15 mètres de diamètre et de 2 mètres de hauteur, qui bien qu’insérée dans la partie centrale du nœud semble être de beaucoup antérieur à l’ensemble du jardin qui daterait de l’année 1620. Parmi les théories échafaudées durant des siècles figurent: un tumulus de l’âge du fer, un camp romain et même la Table ronde où le roi Arthur réunissait ses chevaliers. Pour enfin lever une part du mystère entourant ce lieu (voir vue panoramique), une première campagne de prospection débutera dès demain, et devrait durer jusqu’à la fin de la semaine prochaine.
The King's Knot, Stirling
Le King’s Knot (image : Amy Palko, Flickr)

La Société d’histoire locale de Stirling(SLHS) et la Société d’archéologie de terrain de Stirling se joindront à des spécialistes du Département d’Archéologie de l’Université de Glasgow pour effectuer un relevé géophysique de toute la surface. Le projet est subventionné par les organisations Historic Scotland et Stirling City Heritage Trust. La technique géophysique utilisée permettra de sonder le sol jusqu’à une profondeur de un mètre, sans destruction des éventuelles structures enfouies. Les responsables de cette étude espèrent ainsi obtenir un éclairage nouveau sur ce monticule énigmatique. Le blog de la SLHS, ainsi que le Smith Museum de Stirling devraient rendre compte, jour après jours, des résultats obtenus. Au mois de septembre, une seconde phase d’investigation devrait avoir lieu, et les résultats finaux de ces analyses sont attendus pour l’assemblée générale de la SLHS, en avril 2012.

Noidenolex avant Novum Castellum

La ville de Neuchâtel célèbre aujourd’hui les 1000 ans de son existence historique. C’est en effet le 24 avril 1011 qu’un acte de donation établi par le roi de Bourgogne Rodolphe III au profit de son épouse Irmengarde, lui offre, en plus d’un certain nombre d’autres possessions, le siège très royal (regalissima sedes) de « Novum Castellum ». Bien sûr ce château neuf était déjà construit, et s’il dût y avoir une fondation de ce castel, elle remonte à quelques lustres antérieurs, lorsque le lieu de résidence du pouvoir royal dans la région s’est déplacé de la villa de Colombier à la colline du château de Neuchâtel. Cependant, il n’en fut pas toujours ainsi, car aux cours des XVIIIe et XIXe siècles, les bourgeois de Neuchâtel ont pu croire qu’ils étaient les successeurs en ce lieu des habitants de l’antique Noidenolex ou Noïdenolex.
Millénaire de Neuchâtel
Neuchâtel célèbre son Millénaire.

L’affaire commence à partir d’une erreur de transcription d’un manuscrit des Notitia Galliarum. Ce texte présente une liste des provinces et des civitates de la Gaule romaine. Certaines versions imprimées de ce texte, reprenant l’erreur manuscrite, font mention d’une localité, Noïdenolex dans le pays d’Avenches (Aventicum). Pour la plupart des savants de l’époque, Noïdenolex devait se situer sur la Vy d’Etraz, l’ancienne voie pavée (via Strata) reliant Eburodunum (Yverdon) à Salodurum (Soleure), et l’emplacement le plus favorable semblait devoir être l’actuel quartier de la Maladière, entre Vieux-Châtel à l’ouest et le Nid-du-Crô à l’est. Cet emplacement semblait d’autant plus assuré que de nombreuses inscriptions latines portant la mention de Noidenolex y avait été découverte selon un Mémoire sur le Comté de Neuchâtel rédigé par le Chancelier, Georges de Montmolin (1628-1703), une personnalité politique intègre et irréprochable de la Principauté. De plus, la toponymie même de Vieux-Châtel semblait en fournir un indice. Or, tous ces éléments de preuves épigraphiques furent inventés de toute pièce au milieu du XVIIIe siècle par le vrai auteur du Mémoire apocryphe, Abraham Pury. Il fallut cependant attendre le début du XXe siècle pour que la falsification puisse être définitivement établie, et que Neuchâtel perde ainsi les fondements de ses origines romaines.