Monthly Archives: June 2011

Les Palafittes sont inscrits au Patrimoine mondial

Aujourd’hui à Paris, 27 juin 2011, après les anciens villages du nord de la Syrie, les oasis d’Arabie Saoudite et les jardins persans d’Iran, la 35ème session du Comité du patrimoine mondial de l’UNESCO a dit OUI à l’inscription en série et transnationale des « Sites palafittiques préhistoriques autour des Alpes ». La décision est tombée à 17h46, soit à peine 14 minutes avant la petite fête organisée au Laténium pour célébrer l’évènement. La candidature présentée par six pays, l’Allemagne, l’Autriche, la France, l’Italie, la Slovénie sous l’égide de la Suisse, fait état de quelque 1000 sites palafittiques, mais seuls 111 ont été retenus finalement en raison de leur grand potentiel scientifique. Ce qui est paradoxal c’est que certains sites parmi les mieux étudiés et connus et qui ont permis d’enrichir nos connaissances sur les sociétés préhistoriques des bords de lacs, n’en font pas partie, car comme on le sait, toute fouille dans ce domaine conduit à la destruction du site. Aussi, les 111 sites choisis, bien souvent mal connus, vont surtout servir de réserve archéologique, et leur potentiel scientifique ne serra pas appelé à se révéler prochainement. Sur la plupart des gisements, il n’y aura donc rien à voir sur place, et seule une application géoréférencée pour iPhone « Sur la trace des Lacustres » téléchargeable dès ce soir permet de signaler les 56 sites suisses.


La bonne nouvelle annoncée au Laténium

Comme nous l’avons déjà précisé dans ce blog, le terme « Palafittes », recouvre un ensemble d’habitats de bords de lac, d’étangs ou de marais, attribués à plus de 30 groupes culturels différents, datés entre 5000 et 800 av. J.-C., distribués entre le Néolithique, l’âge du bronze et le début de l’âge du fer. De fait, ce sont les musées qui présentent des collections issues des gisements déjà fouillés, comme le Laténium, qui devraient pouvoir exploiter au mieux l’inscription des palafittes sur la Liste du patrimoine mondial de l’UNESCO. En effet, ils accumulent en grand nombre dans leurs dépôts les témoignages issus de plus de 150 ans de découvertes et de recherches lacustres. Des reconstitutions en plein air de ces sites, comme le village lacustre de Gletterens, devraient également profiter de ce nouveau statut pour ajuster leur campagne de promotion auprès du grand public. En attendant, l’heure est à la célébration, et c’est pour cela que par cette belle et chaude journée les membres d’ArchéoNE et les invités du Laténium, archéologues, politiciens et représentants de la Culture ont appris à 18h l’inscription des « Sites palafittiques préhistoriques autour des Alpes » dans le cadre idyllique du Parc et Musée d’Archéologie de Neuchâtel, à Hauterive.

Solstice d’été à Tivoli

Par la présence boréale du soleil au plus loin de l’écliptique, ce jour sera le plus long de l’année dans l’hémisphère nord. Le moment précis, au cours duquel le soleil arrête son ascension dans le ciel est celui du solstice d’été qui aura lieu ce soir à 19h16. On sait depuis longtemps, grâce aux recherches archéoastronomiques, que certains monuments préhistoriques ou antiques sont directement édifiés en fonction d’orientations privilégiées comme celles données par les solstices ou les équinoxes. A Stonehenge, des foules se réunissent chaque année, pour assister au solstice d’été, de même qu’aux équinoxes, au pied d’El Castillo, la grande pyramide dédiée à Kukulcán du site de Chichén Itzá au Mexique. Ce lien entre archéologie et astronomie est présent dans d’autres lieux et sur d’autres monuments. A Rome, on sait que l’Horologium d’Auguste, la Domus Aurea et le Panthéon, possèdent un lien direct avec la position du soleil et les éléments de base du calendrier que sont les solstices, qui marquent le début de l’été ou de l’hiver.

Jeu de lumière solsticiale à la Villa Adriana (photo: M. De Franceschini)

Deux bâtiments de la Villa Adriana, près de Tivoli, à 30 km de Rome à l’instar des monuments romains précités, auraient pu être orientés pour correspondre à la position du soleil lors des solstices. C’est en tout cas ce que l’on peut en conclure des observations réalisées ces dernières années par l’archéologue Marina De Franceschini et l’astronome Giuseppe Veneziano, qui avant de publier un ouvrage plus complet sur la question, ont d’ores et déjà produit un petit fascicule en italien et anglais (à télécharger sur le site) pour rendre compte de leurs premières observations. Dans le premier bâtiment, la Roccabruna, la lumière du soleil pénètre par une fente aménagée dans le mur au dessus d’une porte et vient illuminer une niche où se trouvait une statue de l’autre côté de la grande salle (voir photo ci-dessus). Dans le second bâtiment, le temple de l’Académie, la lumière du soleil passe à travers une série de portes pendant les solstices. Ces deux bâtiments sont reliés entre eux par une vaste esplanade qui se transforme par ces jeux de lumière solaire en une véritable voie sacrée associée aux solstices. Il est possible que d’autres bâtiments de la résidence de l’empereur Hadrien, parmi la trentaine que compte ce site classé au patrimoine mondial de l’Unesco, possèdent également un lien avec la course du soleil. Je ne sais pas s’il y aura foule pour assister au solstice à Tivoli, mais il y aura au moins une personne qui y sera très attentive avec son appareil photo. Aujourd’hui, la journée devrait être bien ensoleillée sur Rome, malgré la présence de quelques nuages. Souhaitons à Marina De Franceschini de belles prises.

Soir d’éclipse totale de Lune

Si les éclipses de Soleil sont à peu près aussi nombreuses que les éclipses de Lune quand on considère la Terre dans son ensemble, on a beaucoup plus de chances d’observer, depuis chez soi, une éclipse totale de Lune. C’est ce qui se passe justement ce soir, au dessus de ma maison. Si de nos jours la plupart des gens ne prêtent plus guère attention à ces phénomènes célestes, qu’ils découvrent plus facilement sur la page d’accueil de Google que de visu dans le ciel, ils demeurent cependant de magnifiques spectacles à observer en direct. Il fut un temps cependant où le cours des astres pouvait décider du destin des hommes qui en étaient les témoins. Du reste, l’observation de ces phénomènes était si importante, qu’aucune armée ne se déplaçait sans avoir auprès d’elle des prêtres, devins ou haruspices capable d’en prédire l’augure, bonne ou mauvaise.

L’éclipse totale de Lune sur la page d’accueil de Google.

Lors de la guerre du Péloponnèse, l’armée envoyée par Athènes pour assiéger la ville de Syracuse en Sicile, alliée de Sparte, était en difficulté et s’apprêtait à lever son camp le plus secrètement possible. Comme le raconte Thucydide, «tout était paré : ils allaient partir, quand il se produisit, au moment même de la pleine lune, une éclipse. La plupart des Athéniens pris de scrupules supplièrent les généraux de surseoir au départ. Nicias, qui accordait aux présages et aux faits de cette nature une importance exagérée, déclara qu’il se refusait à toute délibération sur le départ, avant que trois fois neuf jours se fussent écoulés, selon la prescription des devins. Les Athéniens perdirent du temps et cet incident les fit rester». Les Syracusains profitèrent de ce délai pour détruire la flotte athénienne et ôter à son armée tout espoir de s’échapper. Les Athéniens tentèrent bien de s’enfuir à pied, mais presque tous les hommes furent tués ou réduits en esclavage. Grâce à l’éclipse de Lune, qui eut lieu le 27 août 413 av. J-C on peut dater l’ensemble de cette campagne désastreuse qui provoqua la perte de 29’000 soldats et 200 bateaux, et amena finalement Athènes à une capitulation sans condition en 406 av.  J.-C.

Le Message culture menace le patrimoine

Depuis le 30 mai, le Parlement fédéral est en session. Parmi les décisions habituelles prisent par les parlementaires figurent les allocations de budget, en particulier dans le domaine de la culture. Le budget fédéral de 16 millions de francs par an prévu pour la protection du patrimoine culturel et la conservation des monuments historiques selon le Message culture (voir page 33) pour les prochaines années (2012-2015), ne suffit pas à assurer à moyen et à long terme la conservation de notre patrimoine historique. Ce déficit de financement est d’ailleurs un problème récurrent dans la politique fédérale, comme s’en est déjà fait l’écho à plusieurs reprises ce blog. Demain, soit mercredi 15 juin, les membres du Conseil des États devront se prononcer sur une demande urgente d’augmentation de subventions de l’ordre de 20 millions de francs (5 millions par année) présentée par certains Conseillers aux Etats à la demande pressante des milieux de la protection du patrimoine culturel et de la conservation des monuments historiques.

Évolution et prévision des budgets alloués.

La protection du patrimoine culturel et la conservation des monuments historiques demeurent une tâche conjointe de la Confédération et des cantons, même après la mise en place de la réforme de la péréquation et de la répartition des tâches (RPT). C’est pourquoi la Confédération octroie des aides financières pour la conservation d’objets à protéger. Le Message culture reconnaît que les besoins financiers dans les domaines des monuments historiques et de l’archéologie s’élèvent à quelque 105 millions de francs par an, en ne tenant compte que des objets d’importance nationale. Les 16 millions de francs prévus ne permettraient donc plus à la Confédération d’assumer sa part de la tâche conjointe susmentionnée. Une augmentation de ce budget est donc absolument nécessaire. De fait, comme le montre le graphique ci-dessus, plutôt que d’une augmentation, il s’agit d’ailleurs simplement de renoncer à la réduction proposée, pour maintenir au moins les montants des subventions alloués au budget par le Parlement ces dernières années, qui étaient de l’ordre de 30 millions de francs.

Villa, villae en Gaule romaine

Depuis quelques années, comme ce blog l’a déjà signalé, le ministère français de la Culture et de la Communication a pris l’initiative de réaliser un portail des Grands sites archéologiques, qui peuvent se présenter sous la forme de maquettes en 3D, réalisées par des équipes pluridisciplinaires composées d’architectes, d’archéologues, d’historiens de l’art et d’infographistes. « Villa, villae en Gaule romaine » est l’un des nouveaux mini-sites Internet, mis en place sur ce portail. Le site Internet commence à répondre à la question : qu’est-ce qu’une villa ? On apprend ainsi à distinguer les différentes parties de ce type de construction dans l’Empire romain, à savoir la pars urbana ou la partie résidentielle du propriétaire et de sa famille, la pars rustica où se trouve les animaux, l’outillage et la main d’œuvre, enfin la pars fructuaria, qui rassemble les équipements nécessaires pour le traitement et la conservation de la production.

Loupian3D

Vue 3D de la Villa de Loupian

La villa de Loupian dans les environs de Béziers est l’une parmi les milliers de villas construites dans le Languedoc à l’époque romaine. Par la présence d’une centaine de dolia (grand récipient en céramique), elle apparaît être un lieu de production vinicole, suffisamment prospère pour que la pars urbana puisse être enrichie d’un ensemble remarquable de mosaïques. Par l’exemple de cette villa on découvre ce que sont les villae romaines. Un ensemble de fiches thématiques illustrées de dessins, de photos ou de plans, décrivent l’évolution de ce type de construction à partir de l’époque romaine et jusqu’aux travaux de mise en valeur muséographique actuelle. Chacun des termes spécialisés utilisés, ou des personnes citées dans les fiches, sont définis dans un glossaire accessible directement par un lien hypertexte en cours de lecture. Cette présentation se veut avant tout destinée au grand public, mais le spécialiste y trouvera aussi des informations utiles. Des restitutions en 3D agrémentent le discours et présentent Loupian à quatre moments différents de son histoire, soit au début du 1er siècle, à la 2ème moitié du 1er siècle, au 4ème siècle et enfin au début du 5ème siècle de notre ère. Il est possible de changer de point de vue, comme si on tournait autour d’une maquette, mais il n’est malheureusement pas possible de parcourir librement l’espace tridimensionnel. Une visite virtuelle permet enfin de se rendre compte de l’état actuel de la construction dans son écrin muséologique. On peut se déplacer d’une pièce à l’autre de la villa et les visualiser à l’aide d’une vue à 360° avec possibilité de zoomer, comme si on naviguait dans Google Street View. Une partie pédagogique, intitulée « La villa expliquée aux enfants » est déjà présente sur une page du site Internet, et sera activée prochainement. Une partie documentaire, une frise chronologique organisée sous l’aspect dynamique d’un time-line allant de la fondation de Rome en 753 av. J-C à la prise de l’Urbs en 410 ap. J-C par les Goths, complètent ce site Internet très informatif sur les villas romaines.

L’archéologue fédéral est au travail

C’est aujourd’hui, 1er juin, qu’entre officiellement en fonction, le spécialiste en archéologie / paléontologie, engagé par l’Office fédéral des routes (OFROU). Comme la mise au concours le rappelait, la mise en œuvre de la Réforme de la péréquation financière et de la répartition des tâches entre la Confédération et les cantons (RPT) entrée en vigueur le 1er janvier 2008, a conféré le rôle de maître d’ouvrage des routes nationales à l’OFROU. Dans un premier temps, l’OFROU a envisagé de remettre le contrôle du volet archéologique des routes nationales à l’Office fédéral de la Culture (OFC), qui face à l’importance des budgets nécessaires a décliné l’offre, préférant laisser cette charge aux ingénieurs. L’engagement d’un spécialiste pour assister ces derniers se révèle donc nécessaire. Si précédemment, pour les 1800 km d’autoroute en phase d’achèvement, la Confédération intervenait à titre subsidiaire dans le financement des constructions, avec la RPT c’est le 100% des coûts qui seront pris en charge par la Confédération. Aussi, alors que les cantons, en tant que maître d’œuvre, étaient seuls habilités à juger de la nécessité d’une fouille archéologique sur les parties de tracés se trouvant sur leur territoire, cette charge est maintenant dévolue directement à la Confédération, par l’intermédiaire de l’OFROU. Le spécialiste engagé devient, de facto, le responsable de toutes les affaires de l’OFROU relatives à l’archéologie et la paléontologie sur l’ensemble du réseau des routes nationales. C’est dire que dorénavant un contrôle plus précis est mis en place sur l’évaluation, l’approbation et la surveillance des prochains chantiers archéologiques liés au programme d’extension des routes nationales.
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Des autoroutes sous surveillance archéologique

Le spécialiste nommé est un archéologue, Alexander von Burg, qui après une licence obtenue à l’Université de Berne a travaillé plus d’une décennie au sein de l’Office et Musée d’archéologie (OMAN) du canton de Neuchâtel. Ses compétences avérées sur le terrain et son quasi bilinguisme en font un interlocuteur crédible face au petit cercle des archéologues cantonaux. Il aura pour tâche de finaliser la rédaction et la mise en place de la directive 1106 de l’OFROU intitulée  « L’archéologie dans la construction des routes nationales / approche dans le traitement du patrimoine archéologique », et sans doute également, après consultation avec les archéologues cantonaux, celle d’engager les intervenants sur le terrain, de vérifier que leur mode opératoire ne contrevienne pas  aux règles de bonne conduite en matière de travaux et de protection des sols, enfin, d’approuver la nature et l’ampleur des études scientifiques à poursuivre hors chantiers. Je souhaite à celui que l’on peut appeler «l’archéologue fédéral » ou « l’archéologue de la Confédération » bonne chance pour les nombreuses tâches qu’il aura à accomplir. Dans tous les cas, la Confédération devrait modifier son site internet, pour ajouter l’OFROU à la liste des services cantonaux et communaux compétents en matière de conservation du patrimoine et d’archéologie, à l’instar de l’inscription du bureau des Denkmalpflege des Chemins de fer fédéraux (CFF).