S’il y a une question qui préoccupe les milieux archéologiques, c’est bien celui du pillage et du trafic des vestiges archéologiques. Comment informer et lutter contre ce fléau qui soustrait à la connaissance scientifique une part non négligeable du patrimoine de l’humanité. Nos collègues français de l’INRAP viennent d’en faire une nouvelle fois l’expérience sur un site en cours de fouille à Noyon (Oise) qui dans la nuit du 8 au 9 février 2010 a reçu la visite d’un groupe de pilleurs équipés de détecteurs à métaux. Chacun des trous opérés par ces pilleurs d’une nuit, a détruit le contexte de découverte, et constitue autant de trous de mémoire dans la reconstitution de notre passé. La dernière Infolettre de l’HAPPAH en appelle du reste à une mobilisation générale contre le pillage au détecteur de métaux, car cette pratique semble de plus en plus fréquente en France tant sur les chantiers de fouilles que sur les zones archéologiques.
Cratères de fouilles laissés par les pilleurs à Umma, Irak
Mais, force est de constater que les utilisateurs de détecteur à métaux ne sont en fait que des amateurs, en marge des véritables professionnels du pillage. D’un point de vue commercial, leurs prises ne représentent qu’une partie congrue du vaste marché que représente le commerce illicite des antiquités. C’est à l’échelle de la planète, et pour des objets bien plus prestigieux que des éclats de shrapnels, qu’opèrent les groupes de pilleurs qui alimentent le marché de l’art. Un véritable réseau de collectionneurs, de marchands d’art et de conservateurs de musées s’est mis en place ces dernières années, pour mettre en vente sur le marché le produit des pillages organisés afin de déjouer les contrôles douaniers, contourner les législations nationales et ignorer les conventions internationales. Après le trafic d’armes et de drogues, le commerce des biens culturels représente, en valeur absolue le troisième au monde des revenus illicites, comme le démontrent Laurent Flütsch et Didier Fontannaz dans «Le pillage du patrimoine archéologique» un essai de 212 pages récemment paru aux éditions Favre, à Lausanne. Son sous-titre «Des razzias coloniales au marché de l’art, un désastre culturel», indique clairement que le pillage n’est pas le fait de notre seule époque. Mais aujourd’hui, vu son ampleur, il constitue indéniablement une perte d’identité et de richesses culturelles pour les populations spoliées de leur passé.