L’Homme de Cro-Magnon, ce n’est pas du bidon, comme le chantaient les Quatre-Barbus. Les participants au dernier voyage de l’association des amis du Laténium et de l’archéologie neuchâteloise, ArchéoNE, ont pu s’en rendre compte. Depuis leur hôtel, Le Cro-Magnon, adossé à la falaise de l’abri-sous-roche du même nom, ils disposaient d’une vue plongeante sur le gisement où en mars 1868 fut exhumé le squelette de l’Homme de Cro-Magnon dit du «vieillard», qui avec les vestiges moins complets de quatre autres individus, constitue l’archétype d’une espèce, la nôtre, Homo sapiens. Alors qu’il y a quelques années, on pouvait accéder gratuitement au pied de la cavité de l’abri, depuis 2014 il faut pour s’y rendre payer l’entrée d’un petit musée qui se veut avant tout pédagogique et didactique. Car sur place, aucun vestige important n’est conservé, sinon sous forme de reproductions. Les ossements ont été depuis longtemps expédiés au Muséum National d’Histoire Naturelle de Paris, avant d’aboutir au Musée de l’Homme de la même ville. Quant aux objets en silex et en matière osseuse, issus de différentes fouilles, on les retrouve dispersés dans de nombreuses collections.
Mise en scène actuelle de l’abri de Cro-Magnon
La présence dans l’outillage de fléchettes de Bayac et de pointes de la Gravette dans ces collections a permis d’attribuer cette sépulture au Gravettien ancien, bien que l’on retrouve également dans le gisement de Cro-Magnon des éléments attribuables à l’Aurignacien. La présence de nombreux coquillages de littorine utilisés en parure des vêtements des défunts a permis leur datation directe à environ 32’000 ans avant notre présent, ce qui en fait parmi les plus anciennes tombes connues de l’homme moderne en Europe occidentale. Dans l’ensemble des collections issues des fouilles du gisement, figurait celle de la famille Berthoumeyrou propriétaire du terrain. Les objets de cette collection furent acquis après 1897 par le paléontologue Émile Rivière. Après la mort de celui-ci en 1922, sa collection fut mise aux enchères en 1924 et acquise à bas prix par un jeune Suisse, Henry Gass, étudiant de l’École dentaire de Paris. Comme nous le rapporte Eugène Pittard, ce jeune homme mourut prématurément en 1927, et sans avoir été exposée cette partie de la collection Rivière demeura dans le grenier de la maison familiale à La Chaux-de-Fonds. Au décès de la mère, à la fin des années 1950, la collection fut acquise par un chirurgien de Neuchâtel, amateur de Préhistoire, le même qui en 1964 exhuma dans la grotte de Cotencher un fragment de la mâchoire supérieure d’une femme de Neandertal. Enfin, en 1999, l’épouse du médecin proposa l’ensemble des collections de son mari décédé à la vente au Musée cantonal d’archéologie de Neuchâtel, peu avant son déménagement au Laténium. Au sein des objets de cette collection venant du site de Cro-Magnon se trouve une gravure sur une diaphyse d’os. Les traits gravés représentent un bison qui marche. Ce témoignage de l’art Gravettien peut aujourd’hui être admiré dans le dépôt visitable du musée, comme un clin d’œil adressé aux membres d’ArchéoNE partis au mois de septembre à la découverte des grottes ornées du Périgord.