Monthly Archives: June 2007

Des Suisses en Grèce

Il y a trois semaines le ministre grec de la culture, Georgios Voulgarakis, a signé à Berne un accord bilatéral avec son homologue suisse, Pascal Couchepin, pour régler l’importation et le retour de biens culturels entre les deux pays. Mais avant cela, à Athènes, le 15 février de cette année, le ministre grec avait remis aux représentants de l’Ecole suisse d’archéologie en Grèce (ESAG) un diplôme de son gouvernement en récompense des activités de cette institution dans le pays depuis 43 ans. A cette occasion le travail des archéologues suisses a été souligné comme un exemple de collaboration culturelle et scientifique.

Erétrie

Détail d’une mosaïque du site d’Erétrie (photo ESAG)

Faisant suite à une mission archéologique commencée en 1964, l’Ecole suisse d’archéologie en Grèce a été créée en 1975 et s’est vue confiée la fouille du site d’Erétrie. Pour faire mieux connaître son activité elle vient d’ouvrir, en anglais, un nouveau site internet. On y trouve un résumé très complet de l’histoire de la cité, de la préhistoire au siècle passé, ainsi que quelques descriptions des différents chantiers ouverts à Erétrie comme celle de la maison aux mosaïques ou du théâtre (en allemand), de même que la liste complète des publications qui en résultent. A relever également que l’ensemble des rapports annuels de l’ESAG depuis 1964 est téléchargeable au format pdf. Enfin, pour les étudiants intéressés à participer aux travaux en cours ils y trouveront toutes les informations utiles de même qu’un formulaire d’inscription pour devenir des Suisses en Grèce.

Heureux qui comme Ulysse…

A la Renaissance, Joachim Du Belley écrivait ce vers célèbre dans un de ses sonnets: « Heureux qui, comme Ulysse, a fait un beau voyage », vers repris dans une chanson non moins célèbre de Georges Brassens et pour le titre d’un film avec Fernandel. Depuis l’invention de la photographie le voyageur a pris l’habitude de ramener des images de ses voyages, et lorsque le voyageur est archéologue ou historien de l’art, ses clichés personnels lui servent de supports didactiques lors de la présentation de conférences et pour l’illustration de ses articles et des livres qu’il écrit. Jacques-Edouard Berger fut l’un de ces voyageurs heureux. Disparu subitement en novembre 1993, il a laissé de son périple dans la vie plus de 120’000 diapositives, que son père, René Berger, a commencé à mettre à disposition du monde entier dès 1994, par l’entremise d’une fondation qui porte son nom, la fondation Jacques-Edouard Berger, et surtout à travers un site Internet de référence, l’un des plus anciens du web.

Ravenne

Ravenne, Basilique de San Vitale (photo: J.-E Berger)

Sous le titre : « A la rencontre des trésors d’Art du monde », le site présente une partie importante des images rapportées par Jacques-Edouard Berger de ses voyages en Europe, Egypte, Laos, Birmanie, Cambodge, Chine, Japon et Inde, ce qui recouvre une partie des grandes civilisations. De plus, sont également téléchargeable quelques unes de ses nombreuses conférences publiques très bien fréquentées, comme celle consacrée aux portraits romains d’Egypte, ou celle donnée sur la dynastie Han de Chine. Ainsi, le souvenir de cet homme de culture reste vivace bien qu’il soit parti, pour toujours, accomplir son dernier voyage.

Parure de mollusques

Une équipe de recherche archéologique internationale, composée de chercheurs marocains de l’Institut National des Sciences et du Patrimoine (INSAP), anglais de l’Université d’Oxford, français du Centre National de la Recherche Scientifique (CNRS), allemands du Römisch-Germanisches Zentralmuseum (RGZM) et australiens de l’Australian National University (ANU) vient d’annoncer la découverte dans la grotte des Pigeons, près de Taforalt dans la région de Berkane au Maroc, des plus anciens éléments de parure connus à ce jour, puisqu’ils dateraient d’au moins 82’000 ans avant notre ère. Ces éléments de parure consistent en des coquilles de mollusque perforées en leur centre, de l’espèce Nassarius gibbosulus, dont une douzaine d’exemplaires a été mise au jour depuis trois ans. De plus, les coquilles retrouvées ont une couleur rougeâtre, due à l’application volontaire d’ocre, et, elles présentent une légère usure au même endroit, preuves, selon les chercheurs, de leur utilisation comme pendentif.
La grotte des pigeons
Vue intérieure de la grotte des Pigeons

La grotte des Pigeons s’était déjà fait connaître, il y a quelques années, par la découverte de restes humains en contexte funéraire datés entre 12’000 et 11’000 avant notre ère. Si la datation bien plus ancienne des mollusques est confirmée, il ne restera plus à l’équipe d’archéologues, co-dirigée par le marocain Abdeljalil Bouzouggar et l’anglais Nick Barton, que de trouver les vestiges des porteurs de ces parures. La découverte de ces individus nous permettrait, le cas échéant, de compléter nos connaissances sur le groupe humain qui peuplait l’Afrique du Nord au début de l’émergence d’Homo sapiens. Nul doute alors que l’on entendrait à nouveau parler de la grotte des Pigeons.

Bon anniversaire à la LTBC

Aujourd’hui, 1 juin 2007, cela fait très exactement deux ans que la Loi fédérale sur le transfert international des biens culturels (LTBC) et son ordonnance (OTBC) sont entrées en vigueur. Pour mesurer l’impact de la loi d’application de la Convention de 1970, la Commission suisse pour l’Unesco a réuni hier, à Berne, des juristes, des marchands d’art, des collectionneurs, des conservateurs de musées, des archéologues et des fonctionnaires de l’administration fédérale, pour s’informer et pour débattre sur les détails pratiques de sa mise en oeuvre. Encore faut-il définir ce qu’est un bien culturel ? Pour ce faire, l’Office fédéral de la culture a mis à disposition une petite liste de contrôle permettant de répondre à la question.

Expo Nebra

Objets soustraits au commerce illicite pour le bien de tous

Le constat d’ensemble des participants est réjouissant. Alors qu’il y a peu, la Suisse était considérée comme une plaque tournante du commerce illicite de biens culturels, il semble que la nouvelle législation ait mis un frein à cet état de fait. En outre, la peur des marchands d’art de voir le commerce légal se détourner de la Suisse en raison des nouvelles contraintes imposées par l’obligation de déclaration d’origine des objets prescrit pour offrir un meilleur contrôle et une plus grande transparence des échanges semble infondée, puisque de cinquième marché du commerce de l’art avant la LTBC, la Suisse est passée au quatrième rang depuis. De fait, la LTBC offre une meilleure garantie pour l’acquéreur de bonne foi. De plus, une nouvelle législation de l’administration fédérale des douanes mise en place le 1er mai de cette année, permet d’assurer une meilleure surveillance du passage de frontière des biens culturels, y compris dans les ports francs. L’efficacité de la LTBC doit pourtant encore être mise à l’épreuve à travers l’application des accords bilatéraux avec des états tiers. Pour l’instant de tels accords existent avec l’Italie, le Pérou et la Grèce. A relever, en ce qui nous concerne directement en tant qu’archéologue, que la LTBC s’applique non seulement aux biens culturels d’origine étrangère, mais qu’elle concerne également les antiquités découvertes dans le sol de nos cantons. Ainsi les instruments légaux de répression du commerce d’objets issus de fouilles clandestines, en particulier découvert par l’usage de détecteurs à métaux, s’en trouvent renforcés. Des démarches sont en cours pour imposer le contrôle du commerce de biens culturels effectué par l’intermédiaire des sites de ventes sur Internet.