C’est un fait constant et qui se répète comme un refrain : barrage et patrimoine ne font pas bon ménage. Faut-il permettre la construction du barrage d’Ilusu dans le sud-est de la Turquie, sachant que l’on ne pourra pratiquement rien sauver du riche patrimoine historique et archéologique situé autour de la localité de Hasankeyf. Epineuse question lorsque intérêts économiques et intérêts culturels s’opposent, comme pot de fer contre pot de terre. Ce qui est sûr, c’est que ce qui a pu être fait pour les temples d’Abou Simbel ou de Philae ne pourra pas l’être pour la forteresse de Hasankeyf. Et pour l’heure, selon le maire kurde d’une des localités menacée par le projet, même le déplacement de la population n’est pas encore réglé.
Piliers de pont sur le Tigre
Pourtant, malgré de nombreux problèmes non résolus dans ce dossier, la ministre suisse de l’économie, Doris Leuthard, vient de donner son accord de principe à la garantie contre les risques à l’exportation aux entreprises suisses intéressées au projet. La principale raison évoquée pour justifier cette décision c’est que si ce ne sont pas des entreprises suisses, autrichiennes et allemandes qui réalisent ce barrage, et les contrats lucratifs qui vont avec, ce seront les Chinois, qui eux n’ont pas de scrupules de nature écologique lorsqu’il s’agit de faire des bénéfices.
Au même moment, à Berne, le Conseil des Etats vient d’adopter une révision de la loi sur la protection de l’environnement qui permettra de simplifier les prescriptions en matière d’études d’impact sur l’environnement, ce qui devrait permettre, selon les initiateurs de la révision, de limiter l’usage du droit de recours des organisations habilitées par la loi actuelle à défendre les intérêts de la nature, du paysage et du patrimoine. Gageons que si le projet actuel de classement parmi le patrimoine mondial de l’Unesco des stations lacustres aboutit, rien, dans la nouvelle loi en préparation, ne fera vraiment obstacle à la destruction d’un village lacustre si un projet économique l’impose.