Category Archives: Politique

L’Europe contre le créationnisme

Le créationnisme n’est pas une science, et de ce fait doit être exclu de l’enseignement public. Tel est en substance la résolution adoptée le 4 octobre 2007 à Strasbourg par l’assemblée parlementaire du Conseil de l’Europe et qu’elle entend faire adopter par ses 47 états membres. Le vote montre cependant que les parlementaires européens sont loin d’être unanimes pour percevoir « les dangers du créationnisme dans l’éducation » et soutenir cette résolution dans le but de la faire appliquer. Car sur 76 votants, on compte 48 voix pour, 25 contre et 3 abstentions. Les trois parlementaires suisses présents, à savoir John Dupraz, Andreas Gross et Walter Schmied se trouvent unanimement du côté des partisans, de même que les cinq français, mais un belge sur trois est contre, de même que trois polonais sur quatre.

Création

“Faisons l’homme à notre image”

Voici en tout état de cause une résolution que la communauté scientifique et le corps enseignant ne peuvent qu’approuver. Elle anticipe l’arrivée sur le continent européen des thèses de mouvements religieux fondamentalistes chrétiens ou musulmans qui cherchent à mettre sur le même plan de la connaissance l’évolutionnisme et le créationnisme. Au Etats-Unis ils ont déjà réussi à imposer une telle équivalence dans le programme scolaire de plusieurs Etats de l’Union. C’est sous le couvert du concept de l’intelligent design (ID) ou « dessein intelligent » que les partisans les plus subtils du créationnisme avancent dans leur œuvre de destruction de nos connaissances scientifiques. Mais ils peuvent bien essayer ! Ils ne me feront jamais croire qu’une entité supérieure a créé en six jours l’univers, la terre et l’homme en 4026 avant J.-C.

Skara Brae menacé par les flots

Le site de Skara Brae est sans aucun doute le complexe d’habitat néolithique le plus connu des îles britanniques. Son remarquable état de conservation du à l’usage important de la pierre dans ses structures permet de se représenter fort bien ce que pouvait être une maisonnée quelque 3000 ans avant notre ère sur les Orcades au Nord de l’Ecosse. Ce gisement remarquable, si rien n’est fait pour le préserver risque cependant de disparaître en raison de la montée inéluctable de l’océan conséquence du réchauffement climatique. Autrefois situé à plus de 1500 mètres du rivage, mise au jour en 1850 à la suite d’une grosse tempête, les embruns des vagues atteignent aujourd’hui les murs de roc gris de ce site classé au patrimoine mondial.

Skara Brae

Skara Brae face à la mer

Pour Skara Brae, le gouvernement britannique est prêt à investir des moyens pour empêcher la destruction du site en édifiant un grand brise lame pour stopper l’érosion de la côte. Mais en même temps, comme le révèle une estimation menée par l’organisation Scottish Coastal Archaeology and the Problem of Erosion (SCAPE) ce sont plus 10000 sites archéologiques en bordure de mer qui sont directement menacés de destructions en raison du même phénomène. Une course contre la montre est engagée pour découvrir et étudier le plus grand nombre possible de gisements avant leur disparition dans les flots. Une observation systématique des côtes entreprise par des volontaires et un concours de photographies organisé par le SCAPE a permis une prospection a grande échelle des sites menacés. Mais les moyens alloués pour les opérations de sauvetages à prévoir seront sans doute bien insuffisants compte tenu de l’ampleur de la tâche à accomplir.

Rencontres à Mbanza Kongo

Une rencontre, organisée par le ministère de la Culture de l’Angola dans la ville historique de Mbanza Kongo, dans la province Zaïre, au nord du pays, analyse jusqu’au 28 septembre des questions liées à l’historiographie du pays, le peuplement, les migrations, les formations politiques et leur évolution, l’impact des relations avec le nouveau monde et le trafic des esclaves. Cette rencontre survient peu de jours après l’organisation d’une table ronde internationale sur Mbanza Kongo, qui a réuni 30 spécialistes angolais et internationaux pour recueillir des contributions visant à la reconnaissance par l’organisation des Nations Unies pour l’Education, la science et la culture (UNESCO) de cette ancienne capitale du Royaume de Kongo parmi les sites inscrits au Patrimoine culturel de l’humanité. Au cours de cette table ronde des thèmes tels que «L’archéologie préventive et le rôle de l’archéologie dans la société » ou « Culture Kongo » ont été abordés. Il en résulte, si tout va bien, que Mbanza Kongo devrait faire l’objet de fouilles intensives pour révéler son riche passé, partagé non seulement par l’Angola, mais également par la République Démocratique du Congo, le Congo-Brazzaville et le Gabon.

Mbanza Kongo

Ruines de l’église de Mbanza Kongo (photo: Flickr)

Il est encourageant de constater que même dans un pays récemment en proie à la guerre civile et à la famine la conservation et la gestion du patrimoine historique et culturel peuvent être reconnues comme des tâches suffisamment importantes par les gouvernants pour qu’ils s’en préoccupent et qu’ils cherchent à les développer. Mais il reste encore beaucoup à faire en Afique sub-saharienne pour que la population soit également partie prenante dans ce genre de préoccupation. Seule l’éducation et l’accès à l’information pourront permettre un tel développement. Quant à nous, grâce à internet, nous pouvons rechercher des informations sur ce patrimoine méconnu grâce à des sites comme african-archaeology.net ou la Society of Africanist Archaeologists. Dommage cependant, que ces sites ne soient pas plus régulièrement mis à jour.

Machu Picchu vs Yale

L’année 2007 semble être une année faste pour les conservateurs de la citadelle inca du Machu Picchu au Pérou. Leur site a été élu le 07.07.07 parmi les sept nouvelles merveilles du monde et ils ont appris qu’à la suite de nombreuses années de tractations un accord de restitutions vient d’être conclu avec les Etats-Unis concernant près de 4000 pièces archéologiques que le découvreur du site Hiram Bingham et son équipe avaient mis au jour entre 1911 et 1916 et qui furent déposées dans l’université étasunienne de Yale.

Machu Picchu

En visite au Machu Picchu (photo: Flickr)

Surnommée la cité perdue des incas, le Machu Picchu avec ses 400?000 visiteurs annuels est le site touristique le plus visité du Pérou. Le retour dans leur pays des pièces enlevées par Hiram Bingham va induire la construction d’un nouveau musée qui pourrait ouvrir ses portes en 2010 et amener un nouveau flux de visiteurs. En attendant, et sans se déplacer il est possible de s’offrir une petite visite virtuelle du lieu avec un guide parlant français, anglais ou espagnol par l’entremise du site MachuPicchu360.com. Bonne visite !

Le bois, dans tous ses états!

En 2007, comme chaque année depuis 1984 en France, 1994 en Suisse, durant un week-end du mois de septembre, ont lieu les journées européennes du patrimoine. Bien qu’européennes sous l’initiative du Conseil de l’Europe, ces journées ne se déroulent pas forcément à la même date partout. Ainsi, pour la Suisse et la Belgique, cela se passera le samedi 8 et le dimanche 9 septembre. Les français, en revanche, attendront les 15 et 16 septembre. De même, les sujets varient d’un pays à l’autre. Pour la France le thème sera celui des métiers du patrimoine, thème que la Suisse a déjà utilisé en 2002. En Belgique, ces journées seront dévolues au patrimoine militaire. Quant à la Suisse, c’est le bois, dans tous ses états, qui sera à l’honneur cette année.

Enigma La Tène

Extrait de l’affiche « Enigma La Tène »

En ce qui concerne les manifestations organisées par des archéologues lors de ces journées, ils mettront en premier lieu en avant la technique de datation basées sur la mesure des cernes de croissances du bois, autrement dit la dendrochronologie. En divers lieux de la Confédération, comme au laboratoire romand de dendrochronologie à Moudon, au Laténium à Hauterive, à Delémont ou encore à Sutz-Lattrigen et à Zürich des dendrochronologues ou des archéologues expliqueront les bases de la méthode. Au milieu du riche programme rassemblé sur le site internet de l’organisation NIKE à l’attention du grand public, à relever une performance «landart» de l’artiste Ulrich Studer, intitulée « Enigma La Tène », prévue samedi soir, 8 septembre, sur le site éponyme du second Âge du Fer, situé près de Marin dans le canton de Neuchâtel. Mais sans aller jusque là , où que vous soyez, il se passera surement quelque chose près de chez vous. Bon week-end à tous.

Pétition pour les stèles de Sion

S’il existe un complexe mégalithique de référence en Suisse c’est bien celui des monuments et des stèles anthropomorphes du site du Petit-Chasseur à Sion. Ces dernières se présentent sous la forme de dalles de schiste plus ou moins soigneusement taillées et gravées en forme de figures d’ancêtres. Depuis 1976, les plus remarquables d’entre-elles ont trouvé place dans un cadre spécialement adapté à leur présentation au grand public, celui de la Grange-à-l’Evêque transformée dès lors en Musée d’archéologie reconnu loin à la ronde. Pour se convaincre, si besoin était, de l’importance exceptionnelle de ce témoignage pour notre héritage culturel, il suffit de lire la synthèse du professeur Alain Gallay sur les sociétés mégalithiques dans la collection «Le Savoir Suisse». Pourtant, trente ans plus tard, dans le cadre de la future restructuration des six musées cantonaux du Valais la fermeture de cet espace d’exposition est très sérieusement envisagée.

Les stèles du Petit-Chasseur

Exposition actuelle des stèles du Petit-Chasseur (photo: AVA)

Or, comme le dit l’adage : «loin des yeux, loin du cœur». L’association valaisanne d’Archéologie (AVA) craint que ce magnifique héritage ne puisse tomber dans l’oubli au terme de la restructuration en préparation. En effet, dans le projet du futur Musée d’histoire culturelle du Valais, une seule des 29 stèles et un tiers seulement des pièces archéologiques actuellement exposées devraient y trouver leur place. Pour éviter cela, elle a lancé il y a quelques mois une pétition « pour une présentation des collections archéologiques valaisannes en accord avec leur valeur patrimoniale ». La pétition, que l’on peut également soutenir en ligne depuis quelques jours, demande qu’une étude sérieuse sur la présentation permanente des collections d’archéologie du Valais soit réalisée et que les stèles soient maintenues à leur place actuelle tant qu’un projet de remplacement acceptable n’est pas réalisé. D’ici le 31 octobre 2007 l’AVA souhaite réunir assez de signatures venues du monde entier pour infléchir le cœur, que l’on ne souhaite pas de pierre, des autorités cantonales.

Archéologie et écologie, même combat!

Alors que l’office fédéral de l’environnement planche sur différents impôts écologiques, dont une taxe d’incitation sur le CO2, rien pour l’instant n’a été envisagé pour faire payer aux bétonneurs le juste prix des destructions qu’ils occasionnent au patrimoine culturel. Parmi les mesures à envisager, nous pourrions, à l’exemple de la France, demander l’introduction d’une redevance d’archéologie préventive. L’assiette de cette dernière a été redéfinie le 12 juillet 2007 et a été fixée à 0,38 euro par mètre carré durant l’année à venir. Si nous disposions d’une telle redevance en Suisse, compte tenu des 2700 hectares de terrain construits annuellement, ce serait environ 16 millions de francs qui pourraient être alloué à la découverte et à la conservation de notre passé directement menacé par les nouvelles constructions.

Sondages SAP

Sondages archéologiques sur la Transjurane (photo: SAP)

A défaut de pouvoir introduire une telle redevance dans notre pays, l’organisation Archéologie suisse est en passe de créé une commission « Archéologie et aménagement du territoire » qui devrait veiller à ce qu’une partie au moins des engagements pris par la Confédération en ratifiant la Convention de Malte, puisse être tenu, à savoir l’intégration de l’archéologie dans l’aménagement du territoire et les études d’impacts sur l’environnement.
Le patrimoine archéologique encore enfoui, tout comme les ressources naturelles, n’est pas inépuisable. C’est un devoir de société que de le ménager et de se donner les moyens, le cas échéant, de le sauvegarder.

Oui, à l’Initiative pour le paysage

Avec un slogan « De l’espace pour l’homme et la nature » diverses organisations actives dans la protection de la nature et du patrimoine, unissent leurs forces pour faire passer en votation une initiative pour la préservation du paysage. La collecte des signatures a débuté le 10 juillet 2007. Selon l’argumentaire des initiants « la Suisse s’urbanise de façon désordonnée : chaque seconde, un mètre carré d’espace vert disparaît sous le béton de routes, centre commerciaux, parkings et habitations. Cela équivaut à la perte de 10 terrains de football par jour. La périphérie des villages et des villes grignote la campagne. L’accroissement des surfaces bâties entraîne une augmentation de la circulation et des infrastructures routières. Le système actuel d’aménagement du territoire ne parvient pas à enrayer le gaspillage de sol »

Initiative pour le paysage

De l’espace pour l’homme et la nature

Rassemblé derrière l’association «Oui, à l’Initiative pour le paysage », ses partisans demande comme mesure transitoire que la surface totale des zones à bâtir ne soit pas étendue pendant les 20 prochaines années. Pour nous, archéologues, l’aboutissement de cette initiative nous permettrait, enfin, de suivre la cadence imposée par les constructions. Car sur les 2700 hectares de terrain bétonnés annuellement en Suisse une infime minorité peut être sondée par un archéologue du fait non seulement de l’absence de moyens, mais aussi d’une mauvaise intégration de l’archéologie dans l’aménagement du territoire. Alors, signez l’initiative pour le paysage pour nous permettre de léguer un jour aux générations futures une part du patrimoine enfoui des générations passées.

Promenons-nous dans les bois

Les forêts et l’humanité partagent un long passé commun. Contrairement à l’idée reçue, les surfaces boisées sont loin d’être naturelles car elles sont gérées par l’homme depuis que ce dernier s’est aventuré dans ses futaies une hache à la main. Les vastes aires que la sylve recouvre, abritent des vestiges du passé tels que fours à poix, fours à chaux, bas fourneaux d’extraction du minerai de fer, tumuli, fossés, villas romaines, mottes féodales, fortifications, et j’en passe, soit autant de structures anthropiques décelables par ceux qui fréquentent régulièrement les zones boisées. Bien que les racines puissent apporter une certaine perturbation aux structures enfouies, la couverture forestière offre généralement une protection plus grande aux vestiges que les zones agricoles, pour ne pas parler des zones à bâtir. Mais la sylviculture est de plus en plus mécanisée et pour les besoins de l’exploitation forestière il faut créer à l’intérieur des massifs des voies de dessertes ou de débardage et des aires d’engagements d’engins mécaniques, travaux qui constituent une nouvelle menace.

Roches de Châtoillon

Vestiges d’un rempart en forêt

Consciente de cela, l’Office National des Forêts (ONF) en France, a pris le parti de former les forestiers à reconnaître les traces du passé. Des collaborations entre les Directions régionales des affaires culturelles (DRAC), les Services régionaux d’archéologie (SRA) et les Directions régionales de l’ONF ont été établies pour favoriser les contacts et la mise en commun des informations en vue de la sauvegarde du patrimoine forestier et culturel. Sur le site de l’ONF on trouve de nombreuses informations relatives aux relations à établir entre forêts et archéologie, de même qu’un dossier riche de nombreux exemples. Ainsi, apprend-t-on, par exemple, que des forestiers lorrains ont débusqués une cinquantaine de villas gallo-romaines en une quinzaine d’années dans les forêts de leur secteur. L’ensemble du programme mis en place vise à sensibiliser les forestiers aux buts et aux méthodes des archéologues. Ainsi informés, les professionnels des forêts éviteront de détruire, par inadvertance ou ignorance, des vestiges précieux pour la connaissance de notre passé tout en y ajoutant leurs propres contributions.

Tu me fends le coeur

L’armée étasunienne a été vertement critiquée par la communauté archéologique pour son attitude peu respectueuse du patrimoine culturel lors de son engagement en Afghanistan et en Irak. Il est certain, qu’une partie des dégâts occasionnés aux monuments par les soldats étaient dû à une simple méconnaissance de leur devoir face à ces vestiges. Pour faire amende honorable et pour donner un minimum de connaissances à leurs troupes sur la Convention de La Haye pour la protection des biens culturels en cas de conflit armé, le département de la défense des Etas-Unis, par l’entremise du Centre environnemental de l’armée, vient d’éditer un jeu de cartes qui apporte des informations sur la conduite à tenir face à des monuments culturels ou religieux sensibles et sur les types d’artéfacts susceptibles de faire partie des biens culturels protégés. Rappelons cependant que le gouvernement des Etats-Unis, contrairement à celui de l’Irak, n’a toujours pas ratifié la susdite Convention.

jeu de cartes

Jeu de cartes culturel (photo: US Army)

A l’exemple de la série de cartes sur les dirigeants irakiens les plus recherchés pour crimes de guerre, la nouvelle série de cartes présente sur chaque valeur un monument, un type d’artéfacts, un message ou une conduite à tenir envers le patrimoine protégé du Proche-Orient. Par exemple, le deux de cœur, qui présente l’image des ruines de la ville de Samarra en Irak, enseigne aux soldats que 99% de l’histoire de l’humanité ne peut être comprise qu’à travers l’archéologie. Ce jeu de cartes, dont 40000 exemplaires seront distribués aux troupes stationnées en Irak et en Afghanistan, fait partie d’un vaste programme de sensibilisation engagé par l’armée étasunienne pour s’entraîner à la protection des biens culturels lors de conflits armés. Ainsi, à l’usage de l’infanterie, deux sites archéologiques et deux cimetières musulmans ont été recréé dans une zone d’entraînement aux Etats-Unis, de même que les pilotes de l’armée de l’air apprennent à reconnaître et à identifier des ruines archéologiques et autres sites protégés vus du ciel pour éviter de les bombarder par inadvertance. Enfin, un aide mémoire, sous forme de cartes de poche fera partie de la tenue d’assauts des G.I. Espérons qu’à la suite de cette instruction, aucun archéologue n’aura plus à dire à un militaire : « tu me fends le cœur ! ».