Category Archives: Préhistoire

Chamanesse ou pas ?

Le squelette d’une femme, vieux de 12000 ans, a été découvert récemment dans la grotte d’Hilazon Tachtit, un site Natufien situé en Galilée occidentale dans le nord d’Israël par une équipe d’archéologues de l’Université hébraïque de Jérusalem. L’inhumation était accompagnée d’offrandes qualifiées d’exceptionnelles. En effet, dans la tombe fut mis au jour cinquante carapaces entières de tortue, un pelvis de léopard, l’extrémité de l’aile d’un aigle doré, la queue d’une vache, deux crânes de martres, l’avant-bras d’un sanglier ainsi qu’un pied humain. L’archéologue Leore Grosman, qui dirige la fouille, pense qu’il pourrait s’agir de la tombe d’une femme ayant pu jouer un rôle particulier dans sa société, celui de chamanesse.

Tombe natoufienne

Vue de la sépulture

Le corps de cette femme petite, handicapée et âgée de 45 ans, est enseveli dans une position inhabituelle. Il a été couché sur le côté alors que la colonne vertébrale, le bassin et le fémur droit s’appuyaient contre la courbure de la paroi sud de la tombe de forme ovale. Les jambes étaient écartées et les genoux repliés vers l’intérieur. Lors de l’enterrement, dix grosses pierres on été placées au-dessus de la tête, du bassin et des bras de l’individu. Est-ce que le riche contenu faunistique de la tombe, inhabituel pour l’époque ou la position du corps permettent de conclure que le défunt était une chamanesse? Pourquoi pas une cheffe de clan ? Je vous laisse en juger ! Les détails de cette découverte viennent d’être publiés dans les Proceedings of the National Academy of Sciences of the United States of America, ou, PNAS, du 4 novembre 2008.

La pêche au Shaman d’Horsens

Il y a quelques années j’ai eu l’occasion de visiter le musée de la ville de Horsens au Danemark. J’ai surtout retenu de cette visite que l’explorateur Vitus Béring en était originaire. Ce musée vient de s’enrichir récemment d’une pièce remarquable découverte dans des circonstances particulières. Au mois d’août de cette année, un jeune couple qui se promenait sur les rives du fjord de Horsens en quête de coquillages a fait une singulière découverte, celle d’un petit galet de 13 x 10 x 4 cm couvert de gravures. Montré aux archéologues du musée en question, le galet fut envoyé pour analyse jusqu’au grand Musée National de Copenhague, celui là même où en 1836 le célèbre archéologue Christian JürgensenThomsen inventait la théorie des trois âges. Le verdict des spécialistes fut clair : il s’agit de motifs gravés attribuables à la culture d’Ertebølle, datée entre 5400 et 3900 avant notre ère.

Galet gravé d'Horsens
Le galet gravé d’Horsens

Sur une des faces plates de ce galet on y voit un homme ithyphallique qui semble porter sur la tête des sortes d’oreilles animales. L’archéologue danois Per Borup voit cela comme une tenue pouvant évoquer certaines traditions shamaniques. La culture d’ Ertebølle est connue des archéologues pour ses célèbres kökkenmöding, qui sont des dépôts de coquillages marins, restes de déchets de consommation anthropique. Ainsi, sur un banal petit galet voici représenté un ancien amateur de fruits de mer, et en regardant attentivement ces gravures je serai bien tenté d’y voir, en plus de notre amareyeur, la représentation de deux poissons. Quant au couple découvreur du galet il pourrait, s’il était francophone, méditer les paroles de cette fameuse comptine: A la pêche au moule, moule, moule, je ne veux plus aller maman, les gens de la ville, ville, ville m’ont pris mon poisson maman.

« Palafittes » et UNESCO

Une nouvelle étape pour inscrire les sites lacustres dans la liste du patrimoine mondial de l’UNESCO a été franchie. Comme nous l’apprenons dans le dernier numéro de la revue AS publié par l’organisation Archéologie suisse, l’association «Palafittes » a été officiellement fondée le 16 juin 2008, au Laténium à Hauterive. Cette association a été créée en vue de soutenir la candidature au patrimoine mondial des stations des lacs et tourbières du Néolithique et du Bronze situées autour des Alpes. L’association « Palafittes » est pourvue d’un président, en la personne de l’ancien conseiller national neuchâtelois Claude Frey, d’un comité de trois membres et d’un gestionnaire de projet, Christian Harb, dont la tâche sera de compléter le dossier de candidature d’ici décembre 2009.

Palafitte au Laténium
Maquette de palafitte au Laténium

L’idée d’inscrire au patrimoine mondial l’ensemble des sites archéologiques circum-alpins en milieu lacustre, connu également sous le nom de « palafittes » remonte à une proposition exprimée en 2004 par l’Association suisse des archéologues cantonaux (ASAC). Cette proposition fut incluse la même année par le Conseil fédéral dans la liste indicative des nouvelles inscriptions à soumettre au patrimoine mondial par l’ Office fédéral de la Culture (OFC). L’élaboration de ce projet est prise en charge par la Suisse, mais concerne également d’autres pays alpins, soit la France, l’Allemagne, l’Autriche, l’Italie et la Slovénie. Pour la petite histoire, à noter que le terme français « palafitte », utilisé pour désigner une construction sur pilotis, a été inventé en 1865 par le savant Edouard Desor, à partir de l’italien « palafitta » pour traduire le sens du mot allemand « Pfahlbau » utilisé par Ferdinand Keller, premier découvreur en 1854, des stations lacustres.

Quand le Sahara verdoyait

Comme j’ai déjà eu l’occasion de le signaler dans ce blog, il existe une certaine concordance d’activités entre paléontologues et archéologues amenant bien souvent une confusion des rôles. Ainsi dans le canton du Jura les recherches archéologiques en relation avec la construction de la Transjuranne ont amenés à la découverte de traces de dinosaures et de faune du Jurassique supérieur. Dans le désert du Ténéré, au centre du Sahara, c’est une équipe de paléontologues conduite par Paul Sereno, qui dans le cadre d’une mission de l’association étasunienne Project Exploration ayant pour but la recherche de dinosaures dans la zone ont découvert une importante nécropole, permettant de mieux connaître les populations qui vivaient au Sahara durant sa période humide, quand cette région était une savane arborée et pas encore le plus grand désert chaud du globe.

Gobero
Fouille d’une triple sépulture (photo : Project Exploration)

Le site archéologique mis au jour est situé près des rives d’un ancien lac au centre du Niger. Baptisé Gobero par les Touaregs, le gisement a livré au cours de deux campagnes de fouilles quelque 200 sépultures. Des analyses effectuées sur des dents et ossements au radiocarbone, ont permis d’obtenir près de 80 datations, révélant que ces tombes contiennent des membres de deux populations biologiquement distinctes ayant vécu à plus d’un millénaire d’écart. La plus ancienne, les Kiffians, qui pouvaient mesurer jusqu’à 1,80 m, étaient des chasseurs qui ont colonisé cette région du Sahara durant sa période la plus humide il y a près de 10’000 ans soit entre 7700 et 6200 ans avant notre ère. Des indices de leur activité comme de longues perches munies de harpon ont été retrouvés. L’autre population, les Ténéréens, a occupé le site au Néolithique entre 5.200 et 2500 ans avant notre ère, ce qui correspond à la dernière partie de la période humide du Sahara. De plus petite taille, ils semblaient avoir des activités plus diverses comme la pêche, la chasse et l’élevage. Le résultat de ces recherches est publié dans la revue PLoS One ainsi qu’une vidéo sur le site du National Geographic , société qui finance également une partie des études.

L’art néolithique roumain s’expose à Olten

C’est sous le patronage du Président de la Confédération, Pascal Couchepin, et du Premier Ministre de la Roumanie  que s’est ouvert aujourd’hui l’exposition «Steinzeitkunst – Frühe Kulturen aus Rumänien » qui n’est autre que la transposition de l’exposition « A l’aube de l’Europe, les grandes cultures néolithiques de Roumanie » montée l’année dernière à Bucarest et dont ce blog s’était déjà fait l’écho. Grâce à la collaboration entre le Musée national d’histoire de la Roumanie (MNIR) et la société savante genevoise Hellas et Roma, le Musée historique d’Olten (Historisches Museum Olten) peut s’enorgueillir d’être l’hôte jusqu’au 5 octobre 2008, d’une remarquable présentation d’objets qui, pour la plupart, peuvent être admirés pour la première fois hors de leur pays d’origine.

Le penseur de Cernavoda

Le “penseur de Cernavoda”

Les artéfacts présentés proviennent de presque toutes les régions de Roumanie et des collections d’une trentaine de musées. Selon une agence de presse roumaine, le directeur général du MNIR, Crisan Museteanu, a déclaré que “c’est la plus importante exposition de ce genre jamais organisée par la Roumanie à l’étranger”. Parmi les pièces présentées, il a mentionné “Le penseur de Hamangia”, statuette en terre cuite (5000 – 3000 av. J.-C.), la céramique de Cucuteni (3700 – 2500 av. J.-C.), les idoles en or de la période finale du néolithique, tels les idoles de Moigrad (2e – 1er siècles av. J.-C.), des pièces de la culture Gumelnita (Ve millénaire av. J.-C.). Après Olten, les Musées royaux d’Art et d’Histoire de Bruxelles accueilleront cette exposition en octobre.

Stonehenge sous la loupe

Les recherches archéologiques s’intensifient autour du cromlech de Stonehenge, situé dans le sud-est de l’Angleterre, lieu emblématique de l’archéologie britannique, classé en 1986 dans la liste des objets du patrimoine mondial de L’Unesco. Depuis plusieurs années, dans le cadre du Stonehenge Riverside Project , six universités collaborent pour mener une enquête approfondie sur le pourquoi, le quand et le comment de son édification. L’université de Shefield a ainsi mené plusieurs campagnes dans les environs du monument, à Durrington Walls, en relation avec la construction d’une autoroute. Depuis la semaine dernière et jusqu’au 11 avril, Timothy Darwill, de l’Université de Bournemouth et Geoffrey Wainwright, président de la Société des antiquaires, se sont donnés deux semaines pour interroger le monument lui-même. Sous les regards des nombreux visiteurs du site et avec l’accord de l’organisation English Heritage, ils ont ouvert une fosse de 3,5 sur 2,5 mètres pour lever une partie du voile de mystère dont continue à se parer le vénérable monument.
Stonehenge
Stonehenge, emblème de la Préhistoire (photo: Flickr)

Les dernières fouilles en ce lieu remontent à 1964, mais ce seront les premières à utiliser les acquis de l’archéologie scientifique. Selon une des nombreuses hypothèses attachées au monument, Stonehenge aurait été un temple dédié à la guérison, « une sorte de Lourdes préhistorique » d’après Timothy Darwill.  Son équipe recherche en particulier des fragments de dolérite provenant des collines galloises de Preseli, situées à 250 kilomètres de là, restes des 80 menhirs qui formaient le double cercle de pierres bleues érigé vers 2600 av. J.-C et disparu quelques 200 ans plus tard, remplacés par 30 mégalithes en grès. En raison de leur couleur particulière, une tradition populaire prête à ces pierres des vertus thérapeutiques. Avant de disparaître elles auraient pu être débitées pour en faire des talismans, d’où la récolte des fragments. La connaissance des mégalithes avance, comme on le constate, par petits bouts.

Omnia vincit amor

Le 5 février de l’année dernière, ont été découverts en Italie deux squelettes près de la ville de Mantoue. Comme il s’agissait probablement d’un jeune homme et d’une jeune femme, tournés l’un vers l’autre, visage contre visage, entremêlant les os de leurs bras et de leurs jambes comme dans une étreinte, et, comme de surcroît, la découverte fut faîte à quelques jours de la Saint-Valentin, il n’en fallu pas plus pour que l’image de ce couple fasse le tour du monde, y compris dans ce blog. Cette étreinte fossilisée dans le sol devint, le temps d’une célébration, symbole de l’amour sublimé au-delà de la mort à l’exemple de celui de Roméo et Juliette, dans la ville voisine de Vérone. Une année plus tard que sont devenus ces amants éternels dont plus personne ne semble se soucier sur le net.

Gli Amanti

Vivre et mourir ensemble

En premier lieu, il faut dire qu’ils n’étaient pas seuls ensevelis dans la zone industrielle de Valdaro di San Giorgio près de Mantoue: six autres squelettes partageaient le même sol remué par le chantier archéologique de la SAP. Le 13 mars 2007, prélevés en bloc avec leur lit de terre, ils ont été amenés au Musée archéologique de la ville de Côme et confiés aux bons soins du directeur des Musées de la ville, Lanfredo Castelletti, afin que les spécialistes du Laboratoire d’Archéobiologie des musées de Côme et les experts du Département de biologie moléculaire, cellulaire et animale de l’Université de Camerino puissent les étudier en détail avant de rendre leur verdict sur leur sexe, leur âge et les circonstances de leur mort. Pour l’instant, à ma connaissance, depuis leur arrivée à Côme aucun résultat n’a encore été publié, et l’on ne sait pas encore, officiellement du moins, s’il s’agissait bien d’un couple. Aujourd’hui, la ville de leur séjour, a préparé quelques animations en rapport avec la Saint-Valentin, mais ils ne semblent pas avoir été conviés à la fête. Occasion manquée par les archéologues de donner de leurs nouvelles. Dans tous les cas, ils ne devraient pas rester à Côme. Une fois l’étude faîte, ils devraient revenir à Mantoue où l’on est en train de terminer la transformation, en Musée archéologique national, d’un ancien marché couvert. C’est là qu’ils devraient promouvoir le slogan : « Mantoue, ville des Amants ». La concurrence n’est pas loin.

Le trésor osisme de Laniscat

Les archéologues de l’Institut national de recherches archéologiques préventives (Inrap) chargés des fouilles liées au chantier de mise à quatre voie de la route nationale RN164 ont eu la main heureuse puisqu’ils ont mis au jour, près de Laniscat (Côtes-d’Armor) dans le centre de la Bretagne, un dépôt monétaire exceptionnel composé de 58 statères et 487 quarts de statère, en tout 545 pièces en électrum, alliage d’or et d’argent. L’ensemble des monnaies a été frappé par le sénat des Osismes et est daté entre 75 et 50 avant notre ère, soit un abandon qui coïncide avec la conquête de la Gaule par Jules César. La découverte a été faite le printemps dernier au détecteur de métaux (voir vidéo), mais n’a été révélée que lundi 17 décembre lors d’une conférence de presse donnée par les responsables locaux de l’archéologie.

Trésor de Laniscat

Une main heureuse (photo : Hervé Paitier/Inrap)

L’intérêt du trésor de Laniscat n’est pas tant dans le nombre de pièces mises au jour, mais dans son contexte archéologique. C’est en effet dans l’enceinte de 7500 m2 de ce qui paraissait n’être qu’une grande ferme gauloise que la découverte a été faite. Dès lors, par cette association, l’établissement agricole acquière par la présence de ce trésor le titre de manoir, propriété d’un aristocrate du peuple des Osismes, une des tribus gauloises qui occupait alors le Finistère, la pointe occidentale de la Bretagne. Comme le monnayage des Osismes ne se trouve que sur leur territoire, cette découverte permet de préciser les frontières orientales de ce peuple, dont l’agglomération majeure est l’oppidum du camp d’Artus à Huelgoat.

Hedvika, déesse morave

A Masovice, localité située à 200 km au sud-est de Prague, a été mis au jour la partie inférieure d’une statuette féminine. Modelée en céramique et creuse à l’intérieur la statue complète devait avoir 60 cm de hauteur, ce qui en fait la plus grande figure plastique préhistorique retrouvée en République Tchèque. D’après le contexte de fouille on peut dater cette œuvre entre 4800 et 4700 avant J.-C. En forme de clin d’œil à la Vénus paléolithique de Vestonice mise au jour non loin de là, la nouvelle trouvaille a été baptisée, dans un premier temps, Vénus de Masovice. Mais au musée de la Moravie du sud, à Znojmo, où elle a été transportée, on lui a donné le prénom d’Hedvika, nom de la sainte du calendrier le jour de sa découverte

Hedvika, Masovice

La naissance de Vénus (photo:CTK)

Les archéologues tchèques pensent qu’il s’agit d’une figuration d’une déesse de la fécondité, idole centrale du lieu de culte de l’endroit. Elle porte encore sur les jambes des traces de couleur jaune et rouge. Ils espèrent retrouver la partie supérieure au cours des recherches à venir, dont les fouilles ont commencés il y a huit ans. Si cette statue avait été découverte plus tôt, nul doute qu’elle aurait trouvé une bonne place parmi les déesses présentes dans l’œuvre de l’archéologue Marija Gimbutas. En attendant, le flambeau des théories de cette dernière, a été repris par l’Institut d’Archéomythologie sis à Sebastopol, Californie. Les Dieux et les Déesses de la vieille Europe ne sont pas morts et renaissent à l’occasion de découvertes comme celle de Masovice.

Les premiers Lacustres de Suisse, où sont-ils?

Le service archéologique du canton de Berne a mis a profit la préparation des journées internationales du patrimoine pour tenir une conférence de presse le 7 septembre et annoncé la découverte dans les eaux de Sutz-Lattrigen du « plan d’habitation le plus ancien de Suisse entièrement documenté et daté de façon certaine». Il s’agit d’une construction lacustre d’assez grande dimension (13,6 x 4,3 m) située à 200 m de la rive et datée à l’année près par la dendrochronologie à l’an 3863 av. J.-C. En relation avec cette construction isolée, se trouve trois étranges structures circulaires de 4 à 8 mètres de diamètre qui ont été interprétées comme des nasses à poisson à l’instar de celles utilisés autrefois en mer Baltique. L’ensemble constitue sans doute une pêcherie.

Sutz-Lattrigen Solermatt

Restitution de la pêcherie (montage: Max Stöckli)
En écho à cette intéressante découverte réalisée par l’équipe de plongeurs du service archéologique du canton de Berne, dirigée par Albert Hafner, me reviennent d’autres annonces de mises au jour se voulant à chaque fois les plus anciennes dans cette catégorie que toutes les autres. Ainsi nos collègues du canton de Fribourg ont présenté il y a quelques années l’habitat de Montilier-Fischergässli comme le plus ancien habitat lacustre de Suisse puisque leur série de dates dendrochronologiques commençait en 3895 av. J.-C, soit quelques décennies avant les premières dates de Sutz-Lattrigen. Mais à ce petit jeu là, ce sont encore les archéologues du canton de Vaud qui sont les actuels vainqueurs car le plus ancien village construit à Concise-sous-Colachoz serait daté de 4350 av. J.-C. Alors, qui dit mieux pour recevoir le titre de premier Lacustre suisse?