Pétition pour les stèles de Sion

S’il existe un complexe mégalithique de référence en Suisse c’est bien celui des monuments et des stèles anthropomorphes du site du Petit-Chasseur à Sion. Ces dernières se présentent sous la forme de dalles de schiste plus ou moins soigneusement taillées et gravées en forme de figures d’ancêtres. Depuis 1976, les plus remarquables d’entre-elles ont trouvé place dans un cadre spécialement adapté à leur présentation au grand public, celui de la Grange-à-l’Evêque transformée dès lors en Musée d’archéologie reconnu loin à la ronde. Pour se convaincre, si besoin était, de l’importance exceptionnelle de ce témoignage pour notre héritage culturel, il suffit de lire la synthèse du professeur Alain Gallay sur les sociétés mégalithiques dans la collection «Le Savoir Suisse». Pourtant, trente ans plus tard, dans le cadre de la future restructuration des six musées cantonaux du Valais la fermeture de cet espace d’exposition est très sérieusement envisagée.

Les stèles du Petit-Chasseur

Exposition actuelle des stèles du Petit-Chasseur (photo: AVA)

Or, comme le dit l’adage : «loin des yeux, loin du cœur». L’association valaisanne d’Archéologie (AVA) craint que ce magnifique héritage ne puisse tomber dans l’oubli au terme de la restructuration en préparation. En effet, dans le projet du futur Musée d’histoire culturelle du Valais, une seule des 29 stèles et un tiers seulement des pièces archéologiques actuellement exposées devraient y trouver leur place. Pour éviter cela, elle a lancé il y a quelques mois une pétition « pour une présentation des collections archéologiques valaisannes en accord avec leur valeur patrimoniale ». La pétition, que l’on peut également soutenir en ligne depuis quelques jours, demande qu’une étude sérieuse sur la présentation permanente des collections d’archéologie du Valais soit réalisée et que les stèles soient maintenues à leur place actuelle tant qu’un projet de remplacement acceptable n’est pas réalisé. D’ici le 31 octobre 2007 l’AVA souhaite réunir assez de signatures venues du monde entier pour infléchir le cœur, que l’on ne souhaite pas de pierre, des autorités cantonales.

La Dame de Vix et sa demeure

Sur le plateau supérieur du Mont Lassois, en Côte-d’Or, en Bourgogne, des prospections géophysiques, menées par des étudiants et professeurs de la Hochschule für Technik de Stuttgart, avaient révélé, entre 2004 et 2006, les contours d’une ville à plan orthonormé au centre duquel se trouve un grand bâtiment. Depuis lors, une équipe d’archéologues français, allemands et autrichiens s’est attelée au dégagement de cette agglomération datée de la fin du Premier âge du fer, soit des 6e et 5e siècles avant notre ère. Rappelons que c’est au pied de cette colline que fut découverte, en 1953, une tombe recouverte d’un grand tumulus de 42 m de diamètre dans laquelle fut trouvée, entre autres, un grand cratère en bronze de 1,63 m de hauteur et la dépouille funéraire, richement parée, d’une femme trentenaire, dite la Dame de Vix, du nom du village voisin du site.

Fouilles au Mont Lassois
Fouilles au Mont Lassois (Photo: Jeff Pachoud, AFP)

Lors de la campagne de fouille de cette année, qui s’est terminée le 10 août, une grande demeure de 35 mètres de long sur 21,5 mètres de large a été mise au jour. Cette construction s’appuie sur des poteaux en bois, aux murs faits de clayonnage enduits d’ocre, dont le plan général rappelle celui d’un mégaron grec, avec des murs en avancée soutenant un porche et une abside en demi-cercle. Ce modèle de bâtiment, constitué par une grande salle quadrangulaire précédée d’un vestibule, atteste de l’influence des cultures méditerranéennes, grecque et étrusque, sur la civilisation celte. Il pourrait constituer, selon l’équipe dirigée par Bruno Chaume, chercheur au CNRS, de la résidence principale de la Dame de Vix. A moins qu’il ne s’agisse, plus prosaïquement, d’un édifice à caractère religieux.

Angkor, la plus grande

Une collaboration internationale multidisciplinaire est actuellement engagée pour mieux connaître la région de l’ancienne cité d’Angkor, capitale de l’Empire khmer. Coordonnée par l’Université de Sydney en Australie, avec l’aide de la Nasa et en collaboration avec l’Ecole Française d’Extrême Orient, les chercheurs du Greater Angkor Project viennent de présenter une nouvelle carte archéologique de la capitale médiévale du Cambodge. Il apparaît qu’entre le 12e et le 15e siècle de notre ère, Angkor a connu une population nombreuse comprise entre 500000 et 1million d’habitants, répartie sur une surface de 400 km2, soit la plus vaste étendue d’une cité à cette époque. Cette cartographie fait apparaître également un système d’irrigation très développé sur près de 3000 km2.

Angkor Vat

Le monastère d’Angkor Vat dans Google Earth

Grâce à des campagnes de photographies aériennes complétées par des images satellitaires plus d’un millier de bassins artificiels et au moins 74 sanctuaires et autres édifices en ruine ont été découverts. Ce travail a montré que les Cambodgiens de l’époque médiévale ont profondément transformé leur environnement et ont su développer la riziculture. Pourtant, aussi sophistiqué qu’il soit, l’urbanisme d’Angkor disparu progressivement entre le 15e et le 17e siècle, tant et si bien que la forêt repris possession de cette vaste étendue. Le site fut redécouvert par des explorateurs vers 1860 et par les internautes grâce à Google Earth. Cet étonnant témoin de la civilisation khmère inscrit depuis 1992 au Patrimoine mondial de l’humanité par l’Unesco, aurait mérité, sans aucun doute, de figurer au palmarès des sept nouvelles merveilles du monde.

Archéologie et écologie, même combat!

Alors que l’office fédéral de l’environnement planche sur différents impôts écologiques, dont une taxe d’incitation sur le CO2, rien pour l’instant n’a été envisagé pour faire payer aux bétonneurs le juste prix des destructions qu’ils occasionnent au patrimoine culturel. Parmi les mesures à envisager, nous pourrions, à l’exemple de la France, demander l’introduction d’une redevance d’archéologie préventive. L’assiette de cette dernière a été redéfinie le 12 juillet 2007 et a été fixée à 0,38 euro par mètre carré durant l’année à venir. Si nous disposions d’une telle redevance en Suisse, compte tenu des 2700 hectares de terrain construits annuellement, ce serait environ 16 millions de francs qui pourraient être alloué à la découverte et à la conservation de notre passé directement menacé par les nouvelles constructions.

Sondages SAP

Sondages archéologiques sur la Transjurane (photo: SAP)

A défaut de pouvoir introduire une telle redevance dans notre pays, l’organisation Archéologie suisse est en passe de créé une commission « Archéologie et aménagement du territoire » qui devrait veiller à ce qu’une partie au moins des engagements pris par la Confédération en ratifiant la Convention de Malte, puisse être tenu, à savoir l’intégration de l’archéologie dans l’aménagement du territoire et les études d’impacts sur l’environnement.
Le patrimoine archéologique encore enfoui, tout comme les ressources naturelles, n’est pas inépuisable. C’est un devoir de société que de le ménager et de se donner les moyens, le cas échéant, de le sauvegarder.

Oui, à l’Initiative pour le paysage

Avec un slogan « De l’espace pour l’homme et la nature » diverses organisations actives dans la protection de la nature et du patrimoine, unissent leurs forces pour faire passer en votation une initiative pour la préservation du paysage. La collecte des signatures a débuté le 10 juillet 2007. Selon l’argumentaire des initiants « la Suisse s’urbanise de façon désordonnée : chaque seconde, un mètre carré d’espace vert disparaît sous le béton de routes, centre commerciaux, parkings et habitations. Cela équivaut à la perte de 10 terrains de football par jour. La périphérie des villages et des villes grignote la campagne. L’accroissement des surfaces bâties entraîne une augmentation de la circulation et des infrastructures routières. Le système actuel d’aménagement du territoire ne parvient pas à enrayer le gaspillage de sol »

Initiative pour le paysage

De l’espace pour l’homme et la nature

Rassemblé derrière l’association «Oui, à l’Initiative pour le paysage », ses partisans demande comme mesure transitoire que la surface totale des zones à bâtir ne soit pas étendue pendant les 20 prochaines années. Pour nous, archéologues, l’aboutissement de cette initiative nous permettrait, enfin, de suivre la cadence imposée par les constructions. Car sur les 2700 hectares de terrain bétonnés annuellement en Suisse une infime minorité peut être sondée par un archéologue du fait non seulement de l’absence de moyens, mais aussi d’une mauvaise intégration de l’archéologie dans l’aménagement du territoire. Alors, signez l’initiative pour le paysage pour nous permettre de léguer un jour aux générations futures une part du patrimoine enfoui des générations passées.

L’évolution du créationnisme

Au 17e siècle, l’évêque d’Usher avait déterminé, en relisant consciencieusement la Bible, que Dieu avait dû créer le monde en 4004 avant son fils. Plus récemment, en refaisant le même comput, les témoins de Jéhova et d’autres mouvements religieux sont arrivés à 4026 avant J.-C. Pour nous autres archéologues, en comptant les anneaux de croissance de générations de chêne, on arrive à remonter le temps plus de 8000 ans avant notre ère. Aussi cela nous fait bien sourire de penser que des arbres ont pu pousser avant que le monde ne soit créé. Mais l’évêque d’Usher ne connaissait pas l’existence des dinosaures et les progrès de la science. Il a donc quelques excuses à sa décharge. Ce n’est malheureusement pas le cas des mouvements religieux qui sont prêts à vouer aux gémonies toute personne pouvant penser que ces terribles lézards ont vécu il y a des millions d’années, en dehors de toute présence humaine, et que les lois de l’évolution les ont fait disparaître comme des millions d’autres espèces avant et après eux.

Humain et dinosaures

Quand humains et dinosaures vivaient côte à côte. (photo: Flickr)

Ce n’est bien sur pas la thèse défendue par les créationnistes qui continuent de croire que le monde a été créé en sept jours par Dieu, comme le dit la Genèse, avec toutes ses espèces de plantes et d’animaux, même celles qui se sont transformées depuis en pétrole ou en fossiles. Pour convaincre le public de la justesse de leur thèse, les créationnistes étasuniens ont trouvés les moyens de se construire un vrai musée, à Petersburg au Kentucky, rien que pour montrer, de manière « scientifique » que tout peut s’expliquer, même la cohabitation des dinosaures et des humains. Pourtant là, j’ai un doute. Je ne comprends pas pourquoi un couple de diplodocus monte à bord de l’arche de Noé en 2300 avant J.-C. Ça aurait été tellement plus simple, pour asseoir leur théorie, de leur faire manquer le bateau et d’expliquer ainsi la disparition au cours du Déluge de cette espèce antédiluvienne et de toutes les autres espèces disparues, comme les mammouths et les T-rex.

L’archéo, j’en mange!

Il est courant que les milieux archéologiques proposent régulièrement des journées portes ouvertes sur leurs chantiers ou dans leurs musées pour sensibiliser la population à la préservation et à la mise en valeur du patrimoine archéologique. Dans la province du Québec au Canada c’est le mois d’août qui, pour la troisième année consécutive, devient le Mois de l’archéologie. Pour l’occasion 54 sites, musées, centres d’interprétation et autres lieux à vocation archéologique de la Belle Province invitent le public à découvrir leurs activités en compagnie de leurs spécialistes.

Fouilles

Initiation à la fouille archéologique (photo: RAQ)

C’est sous l’égide du Réseau Archéo-Québec (RAQ), fondé en 1999, que ce Mois de l’archéologie a été mis en place. Sous la devise : « l’archéo, j’en mange ! » le RAQ regroupe une centaine d’institutions liées d’une manière ou d’une autre à l’archéologie. D’abord organisées dans le cadre des « Archéo ! dimanches », les activités proposées par l’association ont débouchés dès 2005 sur le Mois de l’archéologie. En 2006, c’est ainsi plus de 27000 personnes qui ont participé aux différentes manifestations organisées durant le mois d’août. Avec la perspective, l’année prochaine, des célébrations des 400 ans de la ville de Québec, l’archéologie québécoise a de très bonnes raisons de sortir du bois et à se mettre en évidence.

Zéro de style

En 1882, l’archéologue et historien de l’art allemand August Mau a établit dans son ouvrage « Geschichte der dekorativen Wandmalerei in Pompeji » la base de la classification de la peinture pompéienne en quatre styles, classification encore en usage de nos jours. Cependant, une équipe d’archéologues français vient de mettre en évidence, lors de la fouille d’une tannerie de Pompéi, une fresque pourvue d’un style décoratif mural plus ancien que le premier style pompéien de Mau. Il s’agit d’un décor formé d’une haute plinthe noire surmontée de filets noirs et rouges et d’une frise d’ondes marines noires sur fond blanc.

Nouveau style pompéien

Composition du nouveau style pompéien (photo: J.-P. Brun/CNRS)

C’est en cherchant à comprendre l’évolution de la tannerie par des fouilles stratigraphiques que l’équipe française, conduite par Jean-Pierre Brun, directeur de recherche au CNRS et directeur du Centre Jean Bérard à Naples et Martine Leguilloux, archéozoologue au Centre archéologique du Var, a mis au jour fortuitement une salle de banquets, datée des environs de l’an 300 av. J.-C, soit à une époque où la ville était encore sous la domination des Samnites. Compte tenu de son antériorité par rapport au premier style pompéien de Mau, le nouveau style a été rapidement surnommé « style zéro». Pourtant, si la composition picturale qui défini ce style est nouvelle dans le cadre de Pompéi, elle a déjà été reconnue dans la nécropole de la ville de Cumes, ancienne colonie de Chalcis et d’Erétrie, fondée au milieu du VIIIe siècle avant notre ère, située à une vingtaine de kilomètre au nord de Naples et soumise à Rome dès 338 avant notre ère. Comme cette composition picturale n’est pas issue de rien, elle ne mérite pas son qualificatif de «style zéro». Je mettrais en revanche un zéro de style pour les nomenclateurs qui ont proposé cette appellation.

Des paléontologues aux archéologues!

Je ne sais combien de fois, en tant qu’archéologue, des personnes m’ont posé des questions sur les dinosaures, ou bien, m’ont montré leurs fossiles à identifier. Il paraît difficile pour un certain public de faire la différence entre mon métier et celui du paléontologue. Cette confusion est d’autant plus facile à faire dans le canton du Jura, en Suisse, que les deux professions se retrouvent réunies au sein d’une même entité : la section d’archéologie et paléontologie de l’Office de la Culture.

Paléomania

Des dinosaures aux mammouths!

Actuellement est à voir jusqu’au 30 septembre 2007 dans l’Espace Courant d’Art à Chevenez, à une dizaine de kilomètres de Porrentruy, une remarquable exposition intitulée « Paléomania » qui présente en trois langues (français, allemand, anglais) les découvertes récentes effectuées par nos collègues paléontologues sur les chantiers de la Transjurane et dans d’autres gisements fossilifères de l’Arc jurassien, tant en Suisse, qu’en France. Au centre de cette exposition se trouvent les traces laissées sur les plages de l’ère Jurassique par les « terribles lézards » à Courtedoux en Suisse et à Coisia en France. On apprend ainsi à reconnaître par leurs empreintes un Théropode d’un Sauropode. Un film documentaire « Sur la piste des dinosaures jurassiens » complète fort agréablement la visite. Une partie de l’exposition intitulée : « plus tard, je serai paléontologue ! » présente le métier de nos collègues et permettra peut-être au grand public de faire la distinction entre nous. Mais avec une section de présentation de fossiles et d’ossements intitulée « des dinosaures aux mammouths! » je ne suis pas sûr que ce but soit atteint facilement, car si les premiers cités sont bien de leur domaine de compétence, les seconds sont plutôt du nôtre.

Merveilles anciennes contre modernes

Dans quelques heures, sera dévoilé à Lisbonne en présence de nombreuses personnalités, dont, entre autres, Neil Armstrong et Bertrand Piccard, la liste des sept nouvelles merveilles du monde. Cette liste finale, dressée par 70 millions de personnes ayant votés par Internet ou par téléphone, constitue l’aboutissement d’un projet lancé il y sept ans par le suisse Bernard Weber et la fondation The new 7wonders.  Mais, compte tenu de la polémique engendrée autour de la présence ou non des grandes Pyramides du plateau de Gizeh dans le palmarès final, le comité d’organisation a d’ores et déjà décidé d’accorder le titre de grande merveille honoraire à ces monuments, si bien que le monde sera pourvu non de sept merveilles, mais de huit.

Stonehenge

Stonehenge, la plus ancienne des merveilles nominées

Comme les sept merveilles du monde antique étaient essentiellement situées dans le monde hellénisé à l’époque d’Antipater de Sidon, les sept merveilles modernes vont certainement se retrouver dans le monde occidentalisé de Bernard Weber. Je ne donne en effet pas beaucoup de chance aux candidatures trop exotiques, donc plus difficiles à visiter par le tourisme de masse, comme celle de la ville de Tombouctou, des statues de l’île de Pâques, ou des temples d’Angkor. De plus, pour des merveilles modernes, la moyenne d’âge est plutôt élevée puisque plus du tiers des 21 merveilles nominées ont été édifiées il y a plus de mille ans et moins d’un tiers, inférieur à cent ans. Comment dès lors comparer ce qui n’est pas comparable. Entre Stonehenge, la merveille nominée la plus ancienne hormis les Pyramides, et l’opéra de Sydney, la plus récente, c’est un peu comparer des poires et des pommes. Si un critère d’âge avait été pris en compte, cela aurait évité la polémique avec le gouvernement égyptien et on pourrait parler, à plus juste titre, des 7  merveilles du monde moderne.