Category Archives: Musées, expositions

Les Grecs et les Romains au MET

Il y a une semaine le Metropolitan Museum of Art de New-York, ou MET, rouvrait son département consacré aux antiquités grecques et romaines, après une transformation en trois étapes, de plus de dix ans. Cette importante section du musée conserve plus de 35000 œuvres, couvrant une longue période allant du Néolithique chypriote au règne de l’empereur Constantin. Le nouvel espace d’exposition est plus de deux fois plus vaste que celui avant transformation, soit près de 6000 m2. Le New-York Times, a consacré à l’événement un article, complété en ligne par une vidéo et une visite virtuelle des salles auxquels on peut accéder après un enregistrement gratuit. Parmi les pièces marquantes à découvrir ainsi, signalons le sarcophage Badminton, un char d’apparat étrusque et les fresques murales provenant de deux villas romaines de Campanie, l’une de Boscoreale et l’autre de Boscotrecase.

Fresques de Boscoreale

Une chambre à coucher de Boscoreale (photo: NY Times)

Mais vingt œuvres ne figurent plus à l’inventaire de la collection. Ce sont celles que le MET a dû restituer à l’Italie, il y a un peu plus d’une année, car elles provenaient de fouilles clandestines opérées sur le sol italien. Parmi elles, le célèbre cratère du peintre Euphronios, acquise par le musée en 1972 pour 1 million de dollars. Dans cette affaire de restitution tout le talent diplomatique du directeur, Philippe de Montebello, un français, naturalisé américain, s’était révélé, car, en acceptant de négocier avec les Italiens, cela lui a sans doute épargné les ennuis de sa collègue du Paul Getty Museum, Marion True, dont nous avions évoqué dans ce blog les déboires. Pour sa “contribution incommensurable aux relations culturelles franco-américaines” selon les termes du ministre français de la Culture Renaud Donnedieu de Vabres, Philippe de Montebello a été promu, dimanche 4 mars 2007, officier de la Légion d’honneur.

Gaza à la croisée des chemins

Demain et jusqu’au 7 octobre 2007, sera ouverte à Genève, l’exposition « Gaza à la croisée des civilisations», dans les salles du Musée d’art et d’histoire. Pendant cinq mois, grâce aux efforts des commissaires de l’exposition Marc-André Haldimann et Marielle Martiniani-Reber, le toponyme Bande de Gaza ne sera pas uniquement associé aux épithètes de la violence, mais à celles des civilisations qui se sont succédées sur ce petit territoire de 362 km2 : égyptienne, phénicienne, assyrienne, perse, grecque, romaine, byzantine et islamique. Pour l’occasion sont rassemblés 529 objets issus des fouilles du Département des antiquités de l’Autorité palestinienne, de l’Ecole biblique et archéologique française de Jérusalem et de la collection privée de Jawdat Khoudary, plus une amphore à vin de Gaza du Ve siècle ap. J.-C., découverte en 1980 dans les fouilles de la cathédrale Saint-Pierre de Genève par le Service cantonal d’archéologie, artéfact témoignant d’anciens liens chrétiens entre les deux cités.

Lampes à huile

Lampes à huile byzantines (photo: S. Crettenand)

Cette exposition exceptionnelle, unique par son thème, préfigure la richesse de ce que pourrait être la collection de référence d’un futur Musée national palestinien d’archéologie que l’on envisage de faire construire à l’emplacement du port antique d’Anthèdon, actuel Blakhiah, au nord de la ville de Gaza, ancien débouché de la route de l’encens. Ce projet, encore à la recherche d’une partie de son financement, est d’ores et déjà placé sous le patronage de l’Unesco et l’appui technique et scientifique de la Ville de Genève. Cependant, se trouver à la croisée des chemins, c’est aussi s’exposer aux conflits avec ses voisins. Ainsi, on apprend, qu’il y a très exactement 3475 ans, soit le 25 avril 1468 av. J.-C, la cité de Tell al-’Ajjul sur le territoire de Gaza fut conquise par les armées du pharaon Thoutmosis III. En conséquence, autrefois comme aujourd’hui, malgré nous, Gaza parvient difficilement à échapper à l’actualité de la violence.

Notre passé mésopotamien

L’Oriental Institute Museum de l’Université de Chicago expose dans ses salles rénovées en 2003, 1383 objets mésopotamiens dont la datation s’échelonne du Paléolithique moyen, à la période sassanide soit de 100?000 av. J.-C à 650 ap. J.-C. Ainsi toute l’odyssée de l’homme moderne est observée à partir d’un lieu privilégié, l’Irak, terre des premières cités, dont le musée présente la plus importante collection sur le continent américain. L’ensemble des objets exposés provient de fouilles conduites dès la fin du 19ème siècle jusqu’au déclenchement de la première guerre du golfe en 1990.

Oriental Institute Museum Chicago

Un des taureaux ailés androcéphales de Khorsâbâd (photo : Oriental Institute)

Mais en marge de ce que l’on pourrait voir en parcourrant les salles d’exposition de Chicago, pour le visiteur internaute, c’est avant tout la richesse du site internet de l’institution qu’il faut découvrir. Dans un louable effort de communication, compte tenu de la situation politique actuelle entre les Etats-Unis et l’Irak, ce site cherche à informer le public étasunien et d’ailleurs de l’importance de cette partie du monde dans la création de l’identité culturelle de l’homme moderne. On peut ainsi aborder la problématique de l’archéologie et de la muséologie par de petits jeux en Flash qui permettent de se lancer dans une fouille virtuelle ou dans la constitution d’une collection muséographique de référence en fonction du thème de sa recherche. Plus sérieusement, au fur et à mesure de l’exploration des pages internet on se rend compte de la richesse du contenu et de l’ampleur des projets en cours, tant à l’intention des chercheurs, qu’à l’égard du grand public, pour permettre la diffusion et la transmission du savoir accumulé par l’Oriental Institute depuis sa création en 1919, non seulement en Irak mais dans l’ensemble d’une vaste zone allant de la mer Egée à l’Afghanistan et de la mer Noire à la corne de l’Afrique.

Réouverture de la Domus Aurea

Après plus d’une année de fermeture pour raisons de sécurité, la Domus Aurea, la magnifique demeure que l’empereur Néron s’est fait construire sur la colline de l’Esquilin à partiellement rouvert ses portes au public hier. Car, si la date de réouverture définitive du site n’est pas encore connue, c’est à la visite du chantier de restauration que les visiteurs sont conviés. Alors qu’avant la fermeture, environ 1000 personnes arpentaient les salles de ce palais impérial, la visite ne peut actuellement se faire que par groupe guidé de vingt personnes. Et comme l’ensemble est en travaux, c’est muni d’un casque que les amateurs d’antiquités peuvent à nouveau admirer de près, grâce aux échafaudages, les fresques en cours de restauration.

Domus Aurea

Aperçu des vastes salles souterraines de la Domus Aurea

La Domus Aurea a été construite par Néron en 64 après J.-C, à la suite du grand incendie de Rome. La propriété impériale s’étendait sur une surface de 80 hectares. Le monument a déjà connu une longue fermeture au public entre 1981 et 1999. Mais cette restauration de 18 ans n’a pas permis de résorber des problèmes constants d’humidité qui ont amené l’apparition d’encroûtements et d’algues sur les fresques. De plus des effondrements se sont produits ce qui a conduit à une nouvelle fermeture en 2005. L’initiative prise par la mairie de Rome et la Surintendance archéologique d’organiser ces visites de chantier est à saluer. Ainsi elle permet aux visiteurs de suivre l’avancement des travaux des restaurateurs et des archéologues et de mesurer les efforts entrepris pour préserver ce monument de ces diverses agressions.

Retour vers l’archéologie du futur

En surfant, sur les vagues du web on rencontre parfois des sites inattendus. C’est l’expérience que j’ai vécue il y a quelques jours en tombant sur le site Archéologie du futur. Comme l’écrit son auteur, Claude Guillemot, qui d’après sa présentation est dessinateur, scénariste et réalisateur de film, son œuvre est «sur le net, comme une bouteille à la mer » que j’ai immédiatement repêché, attiré par sa dénomination d’origine non contrôlée. D’abord je relève que l’abandon du flacon date du 11 avril 2002, soit près de cinq ans, ce qui, j’en conviens, représente un long séjour dans l’océan du web et lui donne déjà un petit air rétro. Combien de fois a-t-elle été pêchée et repêchée avant moi, je l’ignore, mais cela ne va pas m’empêcher d’en examiner le contenu.

 

 

Abribus

Les ruines d’un abribus

 

Le concepteur imagine que dans un futur plus ou moins lointain des archéologues retrouveront enfoui dans le sable du désert les vestiges d’une petite ville de la fin du vingtième siècle avec son centre urbain et ses zones commerciales et industrielles. En ce sens, la démarche est déjà connue et éprouvée. Songeons au fameux livre « La civilisation perdue » du précurseur David Macauley, qui sous le titre anglais plus explicite « Motel of the Mysteries» imaginait la fouille en 4022 d’un banal motel nord-américain enseveli en 1985 lors d’une catastrophe sans précédent. Ce thème de redécouverte de notre époque par d’hypothétiques archéologues du futur a également été repris avec bonheur par le conservateur du musée romain de Lausanne-Vidy, Laurent Flutsch, à travers son exposition « Futur antérieur », qui projetait ses visiteurs en 4002.
Prenons donc la peine de réfléchir à ce que nous léguerons aux générations futures en déposant, de temps en temps, quelques messages au fond d’une bouteille jetée à la mer.

De l’oralité à l’écriture

Il fut un temps où les récits héroïques de la Grèce ancienne étaient transmis oralement, d’aède à aède. Ils furent ensuite mis par écrit et attribués à Homère. Depuis le 21 novembre, la Bibliothèque nationale de France, a ouvert son espace d’exposition à l’oeuvre homérique, l’Illiade et l’Odyssée, vu à travers le regard de l’un de ses héros, Ulysse. Par l’entremise d’objets archéologiques et artistiques, l’exposition, intitulée tout naturellement : Homère, sur les traces d’Ulysse, fera découvrir au visiteur la part de réalité et d’imaginaire derrière le récit, en mettant en évidence l’importance pour la culture occidentale de cet héritage.


La plage du retour
d’Ulysse à Ithaque

En suivant Ulysse, de Troie à Ithaque, on découvre le monde grec de l’Âge du Bronze, avec ses mythes, ses légendes, ses lieux et ses dieux. L’archéologie a retrouvé les traces des contemporains d’Ulysse, leurs cités et leurs tombeaux et les archéologues leur ont donnés le nom de Mycéniens. Ce n’est que quatre cents ans plus tard que celui que l’on appelle Homère fixa dans l’écriture les textes fondateurs de la civilisation grecque. Bien que l’histoire doute de son existence, il subsiste une douzaine de texte sur la vie d’Homère dont le plus ancien remonte au 2ème siècle après J.-C. Pour ceux qui se rendront prochainement à Paris, ce monde fabuleux est à découvrir, ou à revoir, jusqu’au 27 mai 2007. Pour les autres, les documents contenus dans les bornes interactives de l’exposition sont dès à présent accessibles sur Internet.

Un rêve réalisé

Qui n’a jamais rêvé de découvrir une cité engloutie ? Pour certains, dont Franck Goddio, le rêve est une réalité. Et pour s’en assurer il suffira de se rendre à Paris, entre le 9 décembre et le 16 mars 2007, avec en poche une réservation pour l’exposition des Trésors engloutis d’Egypte, qui se tiendra dans la nef du Grand Palais. Car sur les fonds marins égyptiens, n’en déplaise à Jean-Yves Empereur, il n’y a pas seulement les vestiges du Grand Phare, l’une des sept merveilles de l’Antiquité, mais également ceux du palais de Cléopâtre VII, et des cités d’Héracléion et de Canope dans la baie d’Aboukir.

Page de réservation en ligne pour l’exposition

Cette exposition, déjà présentée à Berlin entre mai et septembre 2006, consacre l’esprit d’entreprise d’un homme qui, sans être archéologue de formation, a su mettre son esprit d’entreprise au service de l’archéologie subaquatique. Avec le support d’une importante fondation privée, Franck Goddio a réuni le financement nécessaire pour mettre en œuvre de nombreux projets de recherche scientifique et pour s’entourer d’une équipe de personnalités aux multiples talents, sans laquelle, selon lui, rien n’aurait été possible. On veut bien le croire et surtout le grand public lui saura gré de lui faire partager sa passion de rêve.

Les travaux et les jours à Nebra

Actuellement se tient au Musée historique de Bâle, et jusqu’au 29 janvier 2007, une exposition dont l’élément central est le disque de Nebra. Cet objet, ainsi que plusieurs autres, fut mis au jour en juillet 1999 à l’occasion d’une fouille clandestine pratiquée sur la colline du Mittelberg à quelques kilomètres de la localité allemande de Nebra en Saxe-Anhalt. C’est en cherchant à le vendre sur le marché des antiquités que, grâce à une collaboration efficace entre des conservateurs de musée, auxquel on avait proposé l’achat de l’objet, et la police, l’objet fut séquestré et les receleurs appréhendés dans un hôtel de Bâle lors d’une opération spéciale en février 2002. Si les receleurs ont acceptés de venir en Suisse pour effectuer la transaction c’est qu’ils pensaient ne rien devoir craindre dans ce pays généralement connu dans le milieu pour être assez laxiste en matière de trafic illicite d’antiquités. Heureusement cet état de fait est en passe de changer, puisqu’une nouvelle législation a été mise en place, pour laquelle l’affaire du disque de Nebra a représenté un bon exemple pour faire adopter les changements.

disque de Nebra

Le disque de Nebra après restauration


Grâce aux objets avec lequel il était associé, parmi lesquels des épées dont la chrono-typologie est bien connue, le disque en Bronze de Nebra a pu être daté de la fin de l’âge de Bronze ancien, soit vers 1600 av. J.-C. Il pèse 2kg, fait environ 32cm de diamètre et la patine verdâtre du bronze provient de son long enfouissement dans le sol. Les éléments décoratifs appliqués sont en or. Ils consistent en un semis de 32 petits cercles, d’un grand cercle, d’un croissant et de deux arcs. Un troisième arc a disparu, mais son insertion demeure bien visible. L’ensemble ne constitue pas une ornementation ordinaire. En effet, il forme une étonnante figuration astronomique, mais surtout il représente une sorte d’almanach calendaire. Des corps célestes sont clairement identifiables comme le Soleil, un croissant de Lune et l’amas ouvert des Pléïades, représenté par le regroupement de ses sept étoiles visibles à l’œil nu. Les deux arcs périphériques occupent chacun 82° de la circonférence du disque. Cette valeur angulaire est celle que l’on mesure sur l’horizon à la latitude de Nebra entre le point septentrional du levé et du couché du soleil au solstice d’été et le point méridional du levé et du couché du soleil au solstice d’hiver. Les deux arcs périphériques couvrent ainsi les deux segments de l’horizon coïncidant avec le lieu d’apparition ou de disparition quotidien du soleil. Ainsi, en orientant l’objet par rapport à un repère fixe, qui aurait pu être le mont Brocken, le plus haut sommet de la région, distant de 80 km au nord-ouest du Mittleberg, il devait être possible de connaître le cours des saisons.
Très intéressante également la comparaison suggérée par les spécialistes en charge de l’étude entre le petit arc de cercle et la barque du Soleil parcourant le ciel entre les deux horizons. En effet on trouve de telles figurations tant en Egypte, qu’en Scandinavie. Cela pourrait donner un indice des croyances religieuses de l’époque.

Si ces différentes hypothèses se confirment, on aurait ainsi le témoignage que près de mille ans avant la rédaction des Travaux et des Jours par Hésiode, une partie des connaissances induites et des mythes présents dans ce texte étaient déjà bien vivaces, dès l’âge du Bronze, dans les communautés agricoles de l’Europe centrale.

La vérité était ailleurs

Aujourd’hui, le Mystery Park, parc d’attractions bâti autour des thèses de l’archéologie mystérieuse, a fermé ses portes, après trois ans et demi d’existence, et ce même jour j’ouvre mon blog consacré à l’image de l’archéologie dans notre société. Heureuse coïncidence. En effet, je peux me targuer d’avoir été l’un des premiers dans la profession à avoir dénoncé cette réalisation, et cela alors que l’ouvrage n’était encore qu’un projet. Ce parc d’attractions a coûté 86 millions de francs, financé en partie par la vente d’actions au grand public. De plus, de nombreux sponsors dont Coca-Cola, Feldschlösschen, Siemens, Sony, Swatch ou Swisscom, n’ont pas hésité a apporter à Erich von Däniken leur soutien, de même que les CFF leur infrastructure. Quel musée pourrait obtenir un tel soutien lors de sa création ?

En exposant ses énigmes archéologiques, le parc présentait les archéologues professionnels, au mieux, comme de sombres cachottiers gardant pour eux leurs découvertes et, au pire, comme de ridicules incapables, ne sachant pas mettre au jour et reconnaître les témoignages de nos visiteurs cosmiques. Mais ici, comme souvent, la vérité était ailleurs.

Prenons un exemple, celui de la stèle funéraire recouvrant le sarcophage du roi Pacal, un illustre souverain Maya de Palenque, supposé, selon l’exposition au Mystery Park, chevaucher une moto spatiale


Sarcophage du roi Maya Pacal et

Sarcophage du roi Maya Pacal et “speeder bike” de la guerre des étoiles

En fait cette représentation montre Pacal passant de vie à trépas et dévoré par la Terre, avant de renaître sous forme de divinité, ainsi que le fait le soleil chaque jour. Comme sur les stèles funéraires de nos cimetières, sont en outre indiqués : le nom du souverain, la date de sa naissance et de son décès, et celle de son accession au trône à l’âge de 12 ans. Sa position ne le montre pas chevauchant une moto, mais descendant l’arbre de vie. Il suffit de déchiffrer les glyphes pour obtenir toutes ces informations, ignorées par les concepteurs de l’exposition. Il est vrai que dans les années 60-70, au plus fort des ventes d’ouvrages d’archéologie mystérieuse, l’écriture maya n’était pas encore entièrement déchiffrée. Ce n’est que depuis peu, que l’essentiel du code maya nous est accessible. Il aurait été honnête d’informer les visiteurs sur cette découverte majeure de l’archéologie récente.

Liens sur le site internet (encore ouvert) du Mystery Park