Unis contre le pillage

Sous l’acronyme en forme de palindrome HAPPAH, est à découvrir l’association française « Halte au pillage du patrimoine archéologique et historique » qui rassemble des archéologues professionnels et amateurs déterminés à agir en particulier contre le développement de l’archéologie clandestine et l’utilisation hors la loi de détecteurs de métaux. On estime en France à au moins 40’000 le nombre de personnes s’adonnant à la détection à l’aide de ce genre d’instruments. L’association HAPPAH se donne comme mission première de mettre un frein à la « chasse au trésor », terme plus juste que celui de « détection de loisir ». Les prospecteurs bénévoles munis d’autorisations ne sont bien sûr pas visé par l’HAPPAH qui salue du reste leurs travaux essentiels pour l’étude et la sauvegarde du patrimoine archéologique.

Détection interdite! (image: O. Lemercier)

En Suisse il existe également depuis quelques années l’AGP, acronyme pour « Arbeitsgemeinschaft Prospektion » ou « Groupe de travail prospection » qui, organisé en association, regroupe les personnes physiques et les institutions actives dans le domaine de la prospection archéologique comme l’indique ses statuts. Par prospection il faut entendre aussi bien le sondage archéologique que les prospections pédestres, aériennes ou électromagnétiques. Bien que l’utilisation des détecteurs à métaux ne constitue pas une méthode de prospection privilégiée par l’association, cette manière de prospecter est parfaitement admise pour autant qu’elle se fasse avec l’autorisation des archéologues cantonaux et dans le but d’augmenter nos connaissances des gisements étudiés. En définitive, grâce aux efforts d’informations fournis par ces deux associations sur leurs territoires, il faut souhaiter à l’avenir plus d’épisodes du style « vase de Mathay » que d’affaires du genre « disque de Nebra ».

Le crépuscule des Celtes

En Suisse, les manifestations liées au thème « Année des Celtes 2007» se poursuivent. Ainsi, jeudi dernier le Laténium à Hauterive a inauguré sa nouvelle exposition temporaire « Par Toutatis ! La religion des Celtes » adaptée d’une création du Musée gallo-romain de Lyon-Fourvière. Hier soir à Neuchâtel, Vencelas Kruta, lors d’une conférence publique, a répondu à sa manière à la question : qui sont les Celtes? Et, à partir d’aujourd’hui, quelques dizaines d’éminents spécialistes du Second Âge du Fer participent à une Table ronde internationale afin d’échanger leurs connaissances sur la période de La Tène.

CrÂne de La Tène

Prise de tête sur La Tène (photo:Musée Schwab)

Toujours à Neuchâtel,  l’évènement attendu par tous se produira ce soir. Il s’agit de la projection en avant-première du film de Stéfane Goël « Le Crépuscule des Celtes », coproduction de la société Climage, de la SSR et d’Arte. Partant de la découverte l’année dernière d’un important sanctuaire celte sur la colline du Mormont près d’Eclépens dans le canton de Vaud, entre Lausanne et Yverdon-les-Bains, les archéologues s’interrogent sur ce qu’ils ont observés, ici et ailleurs, sur la culture et les croyances des Celtes. Que savons-nous ou croyons-nous savoir sur ce peuple et sa civilisation dont la présence est attestée sur le territoire de vingt-deux pays européens. A la lumière des dernières fouilles de La Tène et du Mormont on constate qu’il nous reste encore beaucoup d’énigmes à résoudre.

Hedvika, déesse morave

A Masovice, localité située à 200 km au sud-est de Prague, a été mis au jour la partie inférieure d’une statuette féminine. Modelée en céramique et creuse à l’intérieur la statue complète devait avoir 60 cm de hauteur, ce qui en fait la plus grande figure plastique préhistorique retrouvée en République Tchèque. D’après le contexte de fouille on peut dater cette œuvre entre 4800 et 4700 avant J.-C. En forme de clin d’œil à la Vénus paléolithique de Vestonice mise au jour non loin de là, la nouvelle trouvaille a été baptisée, dans un premier temps, Vénus de Masovice. Mais au musée de la Moravie du sud, à Znojmo, où elle a été transportée, on lui a donné le prénom d’Hedvika, nom de la sainte du calendrier le jour de sa découverte

Hedvika, Masovice

La naissance de Vénus (photo:CTK)

Les archéologues tchèques pensent qu’il s’agit d’une figuration d’une déesse de la fécondité, idole centrale du lieu de culte de l’endroit. Elle porte encore sur les jambes des traces de couleur jaune et rouge. Ils espèrent retrouver la partie supérieure au cours des recherches à venir, dont les fouilles ont commencés il y a huit ans. Si cette statue avait été découverte plus tôt, nul doute qu’elle aurait trouvé une bonne place parmi les déesses présentes dans l’œuvre de l’archéologue Marija Gimbutas. En attendant, le flambeau des théories de cette dernière, a été repris par l’Institut d’Archéomythologie sis à Sebastopol, Californie. Les Dieux et les Déesses de la vieille Europe ne sont pas morts et renaissent à l’occasion de découvertes comme celle de Masovice.

Troie, Troia, Troy

Les membres de la société des « amis de Troie » et l’équipe des fouilles archéologiques vont se réunir samedi 27 octobre 2007 au château de Tübingen pour leur traditionnelle Troiafest. A cette occasion Ernst Pernicka, directeur des fouilles de Troie depuis octobre 2005 en succession du regretté Manfred Korfmann, présentera un résumé de la dernière campagne sur le site qui a eu lieu cette année du 16 juillet au 4 septembre. Fruit d’une collaboration entre l’institut de pré- et protohistoire de l’université de Tübingen et le département des classiques de l’Université de Cincinnati les recherches de ces dernières années menées dans le cadre du Project Troia ont permis de réactualiser notre vision de la mythique cité. Pour tous ceux qui rêvent de Troie comme dit-on, Heinrich Schliemann lui-même, des reconstitutions virtuelles des neuf villes qui se sont succédées sur la colline d’Hissarlik en Turquie ont été élaborées. De plus, pour les spécialistes en céramologie une banque de donnée est en cours de construction et en partie accessible sur Internet.

Citadelle de Troie
La citadelle de Troie VI (reconstruction: TroiaVR)

Mais ce qui suscite un tel intérêt pour un site aux vestiges modestes, c’est bien sûr la destruction de la ville d’Ilion telle que nous la conte l’Iliade d’Homère. Sept professeurs à l’Université de Lausanne ont réunis leurs connaissances complémentaires pour évoquer par le texte et l’image le symbole même de la destruction de Troie VIIa, la ville que défendait Hector, à travers un livre intitulé « Le cheval de Troie, variations autour d’une guerre ». Les contributions à cet ouvrage collectif sont issues pour l’essentiel d’un cours public donné en 2006 par les auteurs Karl Reber, David Bouvier, Anne Bielman Sánchez, Danielle van Mal-Maeder, Michel Fuchs, Alain Corbellari, assorti d’une nouvelle inédite d’Etienne Bariller racontant l’histoire du cheval par la bouche de Tithon, frère de Priam, et cigale immortelle. Par la même occasion, les éditions Infolio, déjà riches de publications sur le passé, inaugurent une nouvelle collection à suivre : « Regards sur l’Antiquité ». Trois fois Troie font bien neuf.

Le blues de Mytilène

L’île de Lesbos fut la destination de mes dernières vacances familiales. Ce fut également le lieu de naissance de la poétesse Sapho et la dernière résidence connue de la tête d’Orphée. Malgré son riche passé, sur le terrain, peu de chose à voir facilement, si ce n’est le temple dédié à la triade Hera, Zeus et Dionysos à Messa, dont la restauration a bénéficié de subventions de la communauté européenne, mais pourvu d’une route d’accès qui n’est qu’un étroit chemin pierreux et poussiéreux. Toutefois, la ville de Mytilène dispose d’un musée d’archéologie formé de deux bâtiments (un ancien et un nouveau) qui abrite les plus belles découvertes effectuées sur l’île. Parmi elles, quelques belles mosaïques, dont l’une présente des scènes de théâtre antique ainsi que de nombreuses sculptures bien mises en valeur dans le nouveau bâtiment qui a reçu, par ailleurs, la distinction 2004 des musées de Grèce.

Musée archéologique de Mitylène

Interdiction de photographier dans ce musée

Cependant, pas moyen de rapporter un témoignage personnel des pièces intéressantes ou de la mise en scène muséographique car interdit de prendre la moindre photographie même sans flash sous prétexte que les pièces exposées ne sont pas encore publiées. Bien sûr, en tant qu’archéologue il suffirait, je l’espère, de s’approcher du conservateur ou mieux encore de son autorité de tutelle, de faire valoir ses titres et d’obtenir ainsi l’autorisation de photographier sous conditions. Mais je me mets dans la peau du visiteur lambda, et je ne trouve pas normal qu’il ne puisse pas emporter un souvenir photographique d’un patrimoine qui est la propriété de la collectivité tout entière et pas uniquement celle de la caste des conservateurs. L’interdiction de photographier, lorsqu’aucun problème de conservation ne la justifie, n’est pas à l’honneur des administrations des musées qui la maintiennent. Elle ne fait que créer une distance peu propice à l’attachement du public pour l’institution muséale qui en abuse. Et sans image, pas de mémoire, et le musée disparaîtra dans l’oubli de ses visiteurs d’un jour. En conclusion, comme pourrait le signaler le blog d’une spécialiste du web, on est, à Mytilène, encore loin du musée virtuel. Le blues du visiteur remplace le bleu de Mytilène.

La Rome des Césars à Vallon

Le Musée romain de Vallon, près d’Avenches, présente aujourd’hui et jusqu’au 13 avril 2008 la nouvelle exposition temporaire « La Rome des Césars » en collaboration avec le Service archéologique de l’Etat de Fribourg. Il s’agit en fait d’une première escale en Suisse de celle créée il y a deux ans au Musée de l’Arles et de la Provence antique, intitulée « De Rome à Arles ». Au cœur de l’exposition sont réunis une vingtaine de dessins originaux du dessinateur Gilles Chaillet, connu, entre autres, pour ses illustrations de deux tomes des voyages d’Alix (ou d’Orion) et surtout du volume « Dans la Rome des Césars » remarquable reconstitution visuelle de la ville éternelle en l’an 314 de notre ère, du temps de l’empereur Constantin.

Colisée selon Gilles Chaillet

Les alentours du Colisée (dessin: Gilles Chaillet)

Pour tous ceux qui aiment visiter Rome comme moi, avec le plan de la Forma Urbis Romae dans une main et le guide archéologique de Filippo Coarelli dans l’autre, les dessins de Gilles Chaillet apportent, si besoin, un complément visuel abouti, tant artistiquement que scientifiquement, et permettent de confronter plus facilement le passé au présent, comme autrefois les restitutions réalisées à partir de photographies par l’archéologue italiens Giuseppe Gatteschi. En attendant, si tous les chemins mènent à Rome, il y en a aussi qui conduisent à Vallon. En parallèle de cette présentation, l’exposition offre un regard sur l’Helvétie à partir de maquettes et d’aquarelles représentant quelques sites et monuments romains découverts en Suisse.

L’Europe contre le créationnisme

Le créationnisme n’est pas une science, et de ce fait doit être exclu de l’enseignement public. Tel est en substance la résolution adoptée le 4 octobre 2007 à Strasbourg par l’assemblée parlementaire du Conseil de l’Europe et qu’elle entend faire adopter par ses 47 états membres. Le vote montre cependant que les parlementaires européens sont loin d’être unanimes pour percevoir « les dangers du créationnisme dans l’éducation » et soutenir cette résolution dans le but de la faire appliquer. Car sur 76 votants, on compte 48 voix pour, 25 contre et 3 abstentions. Les trois parlementaires suisses présents, à savoir John Dupraz, Andreas Gross et Walter Schmied se trouvent unanimement du côté des partisans, de même que les cinq français, mais un belge sur trois est contre, de même que trois polonais sur quatre.

Création

“Faisons l’homme à notre image”

Voici en tout état de cause une résolution que la communauté scientifique et le corps enseignant ne peuvent qu’approuver. Elle anticipe l’arrivée sur le continent européen des thèses de mouvements religieux fondamentalistes chrétiens ou musulmans qui cherchent à mettre sur le même plan de la connaissance l’évolutionnisme et le créationnisme. Au Etats-Unis ils ont déjà réussi à imposer une telle équivalence dans le programme scolaire de plusieurs Etats de l’Union. C’est sous le couvert du concept de l’intelligent design (ID) ou « dessein intelligent » que les partisans les plus subtils du créationnisme avancent dans leur œuvre de destruction de nos connaissances scientifiques. Mais ils peuvent bien essayer ! Ils ne me feront jamais croire qu’une entité supérieure a créé en six jours l’univers, la terre et l’homme en 4026 avant J.-C.

Skara Brae menacé par les flots

Le site de Skara Brae est sans aucun doute le complexe d’habitat néolithique le plus connu des îles britanniques. Son remarquable état de conservation du à l’usage important de la pierre dans ses structures permet de se représenter fort bien ce que pouvait être une maisonnée quelque 3000 ans avant notre ère sur les Orcades au Nord de l’Ecosse. Ce gisement remarquable, si rien n’est fait pour le préserver risque cependant de disparaître en raison de la montée inéluctable de l’océan conséquence du réchauffement climatique. Autrefois situé à plus de 1500 mètres du rivage, mise au jour en 1850 à la suite d’une grosse tempête, les embruns des vagues atteignent aujourd’hui les murs de roc gris de ce site classé au patrimoine mondial.

Skara Brae

Skara Brae face à la mer

Pour Skara Brae, le gouvernement britannique est prêt à investir des moyens pour empêcher la destruction du site en édifiant un grand brise lame pour stopper l’érosion de la côte. Mais en même temps, comme le révèle une estimation menée par l’organisation Scottish Coastal Archaeology and the Problem of Erosion (SCAPE) ce sont plus 10000 sites archéologiques en bordure de mer qui sont directement menacés de destructions en raison du même phénomène. Une course contre la montre est engagée pour découvrir et étudier le plus grand nombre possible de gisements avant leur disparition dans les flots. Une observation systématique des côtes entreprise par des volontaires et un concours de photographies organisé par le SCAPE a permis une prospection a grande échelle des sites menacés. Mais les moyens alloués pour les opérations de sauvetages à prévoir seront sans doute bien insuffisants compte tenu de l’ampleur de la tâche à accomplir.

Chez Toutankhamon, on mange!

Près de 85 ans après son ouverture par l’archéologue britannique Howard Carter, le tombeau de Toutankhamon (KV 62) révèle encore quelques nouveaux objets. Ainsi, lundi dernier, le secrétaire général du Conseil suprême des Antiquités égyptiennes, Zahi Hawass, a annoncé aux agences de presse la mise au jour de huit paniers de 50 cm de hauteur, contenant encore plein de fruits. Il s’agit de fruits du palmier doum qui se trouvent être dans un bon état de conservation compte tenu de leurs 3000 ans d’âge et qui sont actuellement consommés surtout en Nubie, dans le sud de la vallée du Nil.

Zahi Hawass vs Toutankhamon

Zahi Hawass face à Toutankhamon (photo : AFP)

A cela, l’équipe égyptienne oeuvrant dans la Vallée des Rois, à l’ouest de Louxor, ajoute la découverte de vingt récipients piriformes de un mètre de hauteur portant également le sceau du jeune souverain. Selon Zahi Hawass, ils sont probablement remplis de victuailles destinées au voyage du pharaon vers l’au-delà, annonce à confirmer lors de leur ouverture ces prochaines semaines. On se demande bien ce qu’il y a d’autre à manger ou à boire chez Toutankhamon? C’est dans une pièce contiguë à la chambre funéraire du pharaon, inconnue jusqu’alors, que ces offrandes ont été retrouvées.

Rencontres à Mbanza Kongo

Une rencontre, organisée par le ministère de la Culture de l’Angola dans la ville historique de Mbanza Kongo, dans la province Zaïre, au nord du pays, analyse jusqu’au 28 septembre des questions liées à l’historiographie du pays, le peuplement, les migrations, les formations politiques et leur évolution, l’impact des relations avec le nouveau monde et le trafic des esclaves. Cette rencontre survient peu de jours après l’organisation d’une table ronde internationale sur Mbanza Kongo, qui a réuni 30 spécialistes angolais et internationaux pour recueillir des contributions visant à la reconnaissance par l’organisation des Nations Unies pour l’Education, la science et la culture (UNESCO) de cette ancienne capitale du Royaume de Kongo parmi les sites inscrits au Patrimoine culturel de l’humanité. Au cours de cette table ronde des thèmes tels que «L’archéologie préventive et le rôle de l’archéologie dans la société » ou « Culture Kongo » ont été abordés. Il en résulte, si tout va bien, que Mbanza Kongo devrait faire l’objet de fouilles intensives pour révéler son riche passé, partagé non seulement par l’Angola, mais également par la République Démocratique du Congo, le Congo-Brazzaville et le Gabon.

Mbanza Kongo

Ruines de l’église de Mbanza Kongo (photo: Flickr)

Il est encourageant de constater que même dans un pays récemment en proie à la guerre civile et à la famine la conservation et la gestion du patrimoine historique et culturel peuvent être reconnues comme des tâches suffisamment importantes par les gouvernants pour qu’ils s’en préoccupent et qu’ils cherchent à les développer. Mais il reste encore beaucoup à faire en Afique sub-saharienne pour que la population soit également partie prenante dans ce genre de préoccupation. Seule l’éducation et l’accès à l’information pourront permettre un tel développement. Quant à nous, grâce à internet, nous pouvons rechercher des informations sur ce patrimoine méconnu grâce à des sites comme african-archaeology.net ou la Society of Africanist Archaeologists. Dommage cependant, que ces sites ne soient pas plus régulièrement mis à jour.