Les roses jaunes du Texas

Comment présenter au grand public le passé d’une région ? C’est à cet exercice de style que s’est attaché le laboratoire de recherche archéologique de l’Université du Texas (TARL) à Austin. Depuis 2001, les archéologues texans interprètent et partagent les résultats de leurs recherches avec leurs concitoyens et le monde entier, par l’entremise d’un site Internet dédié à cette mission baptisé Texas Beyond History.

Fouilles texanes en cours (archives TARL)

Dans ce qu’ils qualifient de musée virtuel, c’est le passé essentiellement non écrit de cet état américain qui est présenté de manière synthétique. A travers des séries de cartes interactives classées selon les régions ou les époques, on parvient facilement à se faire une idée du potentiel archéologique du Texas. Un petit bémol toutefois : très peu d’échelles accompagnent les objets illustrés sous forme de dessin ou de photographie ce qui ne permet pas de se faire une idée précise de leur dimension. Cela est d’autant plus frustrant pour les spécialistes de la taille des objets lithiques que certaines pointes en silex trouvent des similitudes de forme étonnantes avec des objets semblables du Paléolithique et du Néolithique de la vieille Europe. Cela dit, le mode de présentation générale est plaisant et peu servir d’exemple pour les personnes chargées de la même tâche ailleurs dans le monde. Ce site vaut bien à notre avis un bouquet de roses jaunes du Texas.

De nouvelles pierres à Jelling

Jelling, petite ville du Jutland au Danemark, est connue pour ses deux imposants tumuli, son église et ses deux pierres runiques, formant un ensemble inscrit au patrimoine mondial de l’Unesco. La pierre la plus ancienne a été érigée vers 950 après J.-C. par le chef viking Gorm le Vieux, premier roi du Danemark, en l’honneur de son épouse Thyra. La seconde, la plus grande, a été dressée par son fils, Harald-Dent-Bleue en l’an 983, à la mémoire de ses parents et de sa conversion au christianisme entrainant celle du Danemark et de la Norvège.

Les deux pierres runiques de Jelling et le tumulus sud

Cette année une équipe de fouille du Musée de Vejle, a ouvert une partie du terrain autour des tumuli et de l’église pour mettre au jour sept nouvelles pierres, qui pourraient faire partie d’une structure préhistorique. Les archéologues espèrent que l’une d’entre elles au moins soit couverte de runes sur sa face cachée. Dans tous les cas, pierre runique ou pas, ils pensent que cette découverte permettra d’apporter un nouvel éclairage sur le site, dont bien des éléments demeurent obscurs et sont l’objet d’hypothèses à démontrer.

Rayon de SOLEIL sur le passé

Aujourd’hui le président Jacques Chirac a inauguré le synchrotron SOLEIL de Saclay, à Saint-Aubin (Essone). Grâce à ce nouvel engin, les scientifiques, dont certains œuvrent pour l’archéologie, disposent d’un formidable outil d’analyse. Dans l’enceinte du laboratoire un groupe de recherche « Matériaux du patrimoine et synchrotron SOLEIL » a été spécialement constitué pour servir d’interface entre physiciens et archéologues.

Le synchrotron SOLEIL en cours de construction

De nombreuses techniques d’analyses peuvent être mise en œuvre en utilisant le rayonnement synchrotron, comme celles basée sur l’imagerie à balayage ou celles dites de champ plein. Notons au passage que la première ligne d’étude opérationnelle est le programme LUCIA qui étudie en micro-spectroscopie X des échantillons de sol. Ce programme de SLS est le fait d’une collaboration initiale entre la France et la Suisse.

Barrage et patrimoine ne font pas bon ménage

C’est un fait constant et qui se répète comme un refrain : barrage et patrimoine ne font pas bon ménage. Faut-il permettre la construction du barrage d’Ilusu dans le sud-est de la Turquie, sachant que l’on ne pourra pratiquement rien sauver du riche patrimoine historique et archéologique situé autour de la localité de Hasankeyf. Epineuse question lorsque intérêts économiques et intérêts culturels s’opposent, comme pot de fer contre pot de terre. Ce qui est sûr, c’est que ce qui a pu être fait pour les temples d’Abou Simbel ou de Philae ne pourra pas l’être pour la forteresse de Hasankeyf. Et pour l’heure, selon le maire kurde d’une des localités menacée par le projet, même le déplacement de la population n’est pas encore réglé.

Piliers de pont sur le Tigre

Pourtant, malgré de nombreux problèmes non résolus dans ce dossier, la ministre suisse de l’économie, Doris Leuthard, vient de donner son accord de principe à la garantie contre les risques à l’exportation aux entreprises suisses intéressées au projet. La principale raison évoquée pour justifier cette décision c’est que si ce ne sont pas des entreprises suisses, autrichiennes et allemandes qui réalisent ce barrage, et les contrats lucratifs qui vont avec, ce seront les Chinois, qui eux n’ont pas de scrupules de nature écologique lorsqu’il s’agit de faire des bénéfices.
Au même moment, à Berne, le Conseil des Etats vient d’adopter une révision de la loi sur la protection de l’environnement qui permettra de simplifier les prescriptions en matière d’études d’impact sur l’environnement, ce qui devrait permettre, selon les initiateurs de la révision, de limiter l’usage du droit de recours des organisations habilitées par la loi actuelle à défendre les intérêts de la nature, du paysage et du patrimoine. Gageons que si le projet actuel de classement parmi le patrimoine mondial de l’Unesco des stations lacustres aboutit, rien, dans la nouvelle loi en préparation, ne fera vraiment obstacle à la destruction d’un village lacustre si un projet économique l’impose.

Tout sur Toutânkhamon et les autres

Une envie de voir ou de revoir l’une ou l’autre tombe de la Vallée des Rois ? Rien de plus facile. Il suffit d’aller sur le site du Theban Mapping Project et l’envie peut immédiatement être satisfaite. Du reste, c’est à une exploration méthodique de l’ensemble de la rive occidentale du Nil en face de la ville de Thèbes, aujourd’hui Louxor, que nous invite à faire l’équipe de Kent R. Weeks. Issu d’un projet de l’Université américaine du Caire remontant à 1978, la mise en ligne de la documentation a commencé en 2005. Chaque tombe est présentée avec son plan et une série d’images. De plus on peut entendre le Professeur Weeks en faire la description avec, si besoin, une transcription de son commentaire.

Vue de l’intérieur de la tombe de Toutânkhamon (image TMP)

Le site Internet du TMP démontre qu’il est actualisé car il fait état de la découverte en 2005, d’une nouvelle tombe dans la Vallée des Rois, sans pour autant l’avoir intégrée, pour l’instant, à la base de donnée. Cette tombe, mise au jour par une équipe de fouille de l’Université de Memphis sous la désignation KV63, est la première tombe découverte depuis celle de Toutânkhamon (KV62) en 1922, par Howard Carter. Comme dans d’autres lieux du patrimoine mondial, l’ensemble de la Vallée des Rois reçoit un tel flux de visiteurs, 7000 par jour en moyenne, qu’un plan de gestion pour la sauvegarde durable du site a été établi par l’équipe du TMP à la demande des autorités égyptiennes. Parmi les mesures prévues par ces dernières selon une annonce faite récemment par Zahi Hawass, secrétaire général du Conseil suprême des Antiquités égyptiennes, figure la construction à l’identique de la tombe de Toutânkhamon, à l’image de ce qui a été réalisé pour la grotte de Lascaux.

L’art préhistorique européen en ligne

A partir de la découverte en 1879 de l’art pariétal dans la grotte d’Altamira en Espagne, le nombre de cavités ornées recensé n’a pas cessé d’augmenter, si bien qu’il est difficile, de mémoire, d’en faire une liste exhaustive. C’est pour nous faciliter la tâche que des universités et des centres de recherche ont mis leurs ressources en commun pour concevoir une base de donnée de l’ensemble de l’art préhistorique européen du Paléolithique à l’âge du Bronze. Ce corpus, constitué de grottes, de roches, de menhirs ou de tumulus, est dorénavant accessible à partir d’un site Internet spécialement conçu pour cela dénommé EuroPreArt terme acronyme de European Prehistoric Art.

Dalles ornées de Kivik

Dalles ornées du tumulus de Kivik en Suède

La base de donnée constituée actuellement contient 806 sites d’art pariétal ou rupestre, répartis dans sept pays (Danemark, Espagne, France, Irlande, Italie, Portugal, Suède). Les notices pour chaque site sont rédigées en anglais ou dans la langue du pays d’origine du gisement avec un résumé en anglais. Si on ajoute à cela que plus de 2000 photos, dessins ou plans illustrent le propos en relation avec un nombre équivalent de titres bibliographiques, ce site Internet constitue en lui-même une référence sur le sujet.

Des sciences humaines à voir et à entendre

Il n’y a pas à dire, Internet est en train de changer rapidement notre manière d’échanger de l’information et des connaissances. Il y a peu, il fallait parfois des jours pour trouver un article ou un livre. Aujourd’hui, en quelques clics, tranquillement installé chez soi ou au bureau, à n’importe quel moment de la journée, on parvient à satisfaire sa curiosité et à cultiver son intellect. De plus, ce ne sont pas seulement des textes qui sont accessibles, mais aussi des images, des sons et des films. Ainsi, la Fondation de la Maison des Sciences de l’Homme met progessivement en ligne ses Archives Audiovisuelles de la Recherche (A.A.R), sur un site autoproclamé patrimoine vivant des sciences humaines et sociales. A l’heure actuelle, cette base de donnée numérique rassemble 235 entretiens, 70 colloques et 37 séminaires en sciences humaines, produits par 928 chercheurs de diverses nationalités, soit plus de 1500 heures de vidéos.

Un site documentaire de plus en plus riche

Pour le domaine de l’archéologie sont à voir et à entendre des personnalités comme Emmanuel Anati sur l’art préhistorique,Venceslas Kruta sur les Celtes ou Henri de Lumley a propos des grandes étapes de l’aventure humaine. On trouve également en ligne des extraits de colloques comme celui en 2002 sur l’extraction, le façonnage, le commerce et l’utilisation des meules de moulin ou bien un séminaire sur les données paléodémographiques et leur interprétation. Ainsi, plus besoin d’attendre la prochaine soirée à thème sur Arte pour en apprendre plus sur des sujets qui peuvent nous intéresser, en tant que spécialiste ou profane. Grâce à internet chacun peut se faire un programme à la carte et développer son savoir.

Le retour de Saint Paul (suite)

Comme annoncé la semaine dernière le sarcophage de Saint Paul a été présenté aujourd’hui à la presse et dorénavant tout visiteur et pèlerin de la basilique Saint-Paul-hors-les-murs pourra le voir par une ouverture aménagée sous l’autel principal. La mise au jour du tombeau date de 2002, mais ce n’est qu’en 2005 que le sarcophage, placé sous une dalle qui porte l’inscription « Paulo apostolo mart », a été officiellement attribué à Saint Paul. Il n’est pas prévu d’ouvrir le sarcophage pour en vérifier le contenu et se livrer a de plus amples investigations.

Le sarcophage de l’évêque Nicolas Schiner

La découverte de la tombe de Saint Pierre sous la basilique Saint-Pierre du Vatican avait, quant à elle, été le sujet d’une grande polémique sur l’authenticité des vestiges attribués à l’apôtre. C’est sans doute pour ne pas revivre une telle controverse que les autorités ecclésiastiques ont préféré, cette fois-ci, de ne pas aller plus avant dans l’exploration. On se souvient aussi qu’en Suisse, la découverte, puis l’ouverture du sarcophage de l’évêque Nicolas Schiner, décédé en 1510, fut également le sujet d’une grande interrogation, puisque les restes de l’homme d’église, identifiables grâce à ses vêtements sacerdotaux, étaient accompagnés de ceux d’une jeune personne, dont le sexe n’a pu être défini avec certitude. Découvert en 1962, ce n’est qu’en 2005 que les autorités valaisannes décidèrent de lever le voile de pudeur sur cette affaire en replaçant le sarcophage de l’évêque et son trouble contenu dans l’église de Saint-Théodule à Sion.

De l’oralité à l’écriture

Il fut un temps où les récits héroïques de la Grèce ancienne étaient transmis oralement, d’aède à aède. Ils furent ensuite mis par écrit et attribués à Homère. Depuis le 21 novembre, la Bibliothèque nationale de France, a ouvert son espace d’exposition à l’oeuvre homérique, l’Illiade et l’Odyssée, vu à travers le regard de l’un de ses héros, Ulysse. Par l’entremise d’objets archéologiques et artistiques, l’exposition, intitulée tout naturellement : Homère, sur les traces d’Ulysse, fera découvrir au visiteur la part de réalité et d’imaginaire derrière le récit, en mettant en évidence l’importance pour la culture occidentale de cet héritage.


La plage du retour
d’Ulysse à Ithaque

En suivant Ulysse, de Troie à Ithaque, on découvre le monde grec de l’Âge du Bronze, avec ses mythes, ses légendes, ses lieux et ses dieux. L’archéologie a retrouvé les traces des contemporains d’Ulysse, leurs cités et leurs tombeaux et les archéologues leur ont donnés le nom de Mycéniens. Ce n’est que quatre cents ans plus tard que celui que l’on appelle Homère fixa dans l’écriture les textes fondateurs de la civilisation grecque. Bien que l’histoire doute de son existence, il subsiste une douzaine de texte sur la vie d’Homère dont le plus ancien remonte au 2ème siècle après J.-C. Pour ceux qui se rendront prochainement à Paris, ce monde fabuleux est à découvrir, ou à revoir, jusqu’au 27 mai 2007. Pour les autres, les documents contenus dans les bornes interactives de l’exposition sont dès à présent accessibles sur Internet.

Toute fouille est une destruction

Sous le titre: Fouiller pour détruire, est-ce bien utile? le mensuel français Le Monde diplomatique de ce mois nous offre une petite réflexion sur l’archéologie préventive, sous la plume de Nicole Pot, qui doit connaître le sujet puisqu’elle est, depuis 2003, la directrice générale de l’Institut national de recherches archéologiques préventives (Inrap). Elle constate qu’il est parfois difficile de faire comprendre la légitimité de son action aux aménageurs, qui, en France, doivent contribuer au financement des fouilles.

Après une fouille à Augst, l’aménageur reprend la possession du terrain (image ARS)

Rappelons que les bases de l’archéologie préventive repose sur la Convention européenne pour la protection du patrimoine archéologique, signée le 16 janvier 1992 à La Valette, capitale de l’île de Malte. En préambule, cette convention commence par rappeler “que le patrimoine archéologique est un élément essentiel pour la connaissance du passé des civilisations et elle reconnaît que le patrimoine archéologique européen, témoin de l’histoire ancienne, est gravement menacé de dégradation aussi bien par la multiplication des grands travaux d’aménagement que par les risques naturels, les fouilles clandestines, ou encore l’insuffisante information du public”. En conséquence elle affirme “qu’il importe d’instituer, là où elles n’existent pas encore, les procédures de contrôle administratif et scientifique qui s’imposent, et qu’il y a lieu d’intégrer les préoccupations de sauvegarde archéologique dans les politiques d’urbanisme, d’aménagement du territoire et de développement culturel “. La fouille sera donc d’autant moins une destruction, que l’on aura pu l’intégrer au plus tôt dans les études d’impacts des projets de construction et dans les préoccupations des aménageurs du territoire. Il faut prendre conscience que la matière première de l’archéologue, le site archéologique, n’est pas renouvelable et que tout site détruit sans être fouillé, constitue une perte définitive pour notre connaissance du passé.