Les géants réels et virtuels de Mont’e Prama

Une des plus intéressantes nécropoles de la Sardaigne préhistorique est celle découverte à Mont’e Prama, dans la péninsule de Sinis au nord-ouest d’Oristano. Là, 33 tombes à fosse circulaire recouvertes d’une dalle y furent misent au jour entre 1974 et 1979. A l’intérieur, des adultes de sexe différent y étaient inhumés en position verticale sans mobilier funéraire. En surface, en relation avec ces sépultures, plus de 5000 fragments de grès provenant d’un groupement de statues ont été découverts et ont fait l’objet d’un long travail de restauration entre 2007 et 2011. L’ensemble final est constitué  d’une trentaine de statues masculines monumentales qui représente des pugilistes, archers et guerriers, que l’on surnomme les géants de Mont’e Prama, ainsi que de nombreux modèles réduits de nuraghes et des bétyles. Datées entre le VIIIe et le Xe siècle avant notre ère, la plus grande partie de ces statues fait actuellement l’objet d’une exposition “NOI SIAMO MONT’E PRAMA 1974-2014 !” au Musée archéologique national de Cagliari, alors que le reste, en particulier les dernières découvertes réalisée lors d’une reprise des fouilles en 2014, est exposé dans le petit musée de Cabras près d’Oristano, dans l’attente d’une extension du bâtiment, qui permettra de réunir en un même lieu la totalité de l’ensemble statuaire.
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Du réel au virtuel

L’intérêt de cette exposition ne vient pas seulement des statues remontées telles quelles, mais également de la possibilité de les découvrir de manière virtuelle. Pour se faire, l’entreprise CRS4 Visual Computing a réalisé une couverture photographique intégrale de 27 statues montées sur leur support métallique, soit 3817 photographies. De plus toutes ces pièces ont été analysées avec un scanner 3D ayant produit 6200 scans. La combinaison des photographies et des scans a permis de produire des modèles virtuels de chacune des statues, ce qui permet aux visiteurs de les observer sous tous les angles et de découvrir des détails qu’ils ne peuvent voir que difficilement par eux-mêmes sur les pièces exposées. Grâce à la haute résolution des images de 16 points par mm, ainsi qu’à un ombrage des reliefs à l’aide d’un éclairage de synthèse, on peut mettre en évidence et en forme toutes les pièces exposées. Le résultat est vraiment fantastique et en définitive certains visiteurs, en particulier le jeune public,  peuvent être surpris à passer plus de temps à admirer les statues sous leur aspect virtuel plutôt que réel.

Jouons à “Veni, Vidi, Ludique”

Le projet « Veni, Vidi, Ludique », soutenu par le Fonds national suisse, s’est concrétisé par trois expositions basées sur le thème des jeux et des jouets dans l’Antiquité. La première exposition qui s’est déroulée au Musée romain de Nyon, de mai à octobre 2014, avait pour thème les jeux et les jouets au cours de la vie. La seconde qui a lieu, au Musée Suisse du Jeu, présente jusqu’au 19 avril 2015, un panorama sur la réception de l’Antiquité dans la production contemporaine des jeux vidéo et de plateau. Enfin, la troisième exposition, qui vient de s’ouvrir au Musée romain de Vallon, s’intéresse à la typologie, aux règles et à la pratique des jeux de société dans l’Antiquité. Ce projet est le résultat des recherches que Véronique Dasen, commissaire de l’exposition et professeure d’archéologie classique à l’Université de Fribourg, en collaboration avec Ulrich Schädler, directeur du Musée et privat-docent dans la même Université, ont menées depuis des années sur divers aspect du sujet.
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Ensemble de dés et jetons (Photo : Musée romain de Lausanne-Vidy)

Au centre de la dernière des trois expositions, on découvre un ensemble d’objets: des pions, quatre billes, un osselet et des fragments d’un plateau de jeu en marbre, mis au jour lors des fouilles de la villa romaine de Vallon ainsi que deux dés et 40 jetons en os de la « cache du joueur » découverts à Lausanne-Vidy. Entre jeu de hasard, de stratégie et d’adresse, ou combinant l’un ou l’autre de ces aspects, les visiteurs sont invités, jusqu’au 14 février 2016, à s’initier au jeu des douze points, au jeu des cinq lignes, au jeu des petits soldats ou aux osselets, par l’intermédiaire de fac-similé des pièces antiques. Ils pourront ainsi mesurer le côté amusant de ces jeux venus du passé dont les règles ne nous sont pas toujours parvenues et que les spécialistes ont cherchés à reconstituer par l’analyse approfondie des sources littéraires, iconographique et archéologique. C’est en cela que le travail documentaire d’Ulrich Schädler se montre fondamental, puisqu’il a relevé de manière systématique les centaines de jeux qui sont gravés sur les seuils et dalles de pierre, des bâtiments, des rues ou des places de la ville d’Ephèse en Asie Mineure. Son étude révèle l’importance que les activités ludiques avaient dans la vie quotidienne dans l’Empire romain et dont les découvertes faites à Vallon et à Vidy sont l’illustration.

A la découverte des cités perdues

Dans un blog consacré à l’archéologie, il est souvent fait mention de l’une ou l’autre cité perdue qui demeure dans la mémoire des hommes. Aujourd’hui la nouvelle diffusion sur la Première de la RTS de l’émission Monumental consacrée aux «cités perdues» avec pour invitée Aude de Tocqueville, auteure du livre “Atlas des cités perdues” aux éditions Arthaud m’a rappelé à cette évidence. Comme la page de l’émission l’indique, « tout comme les civilisations, les villes sont mortelles et peuvent en peu de temps, être rayées de la carte. Que ces villes soient fantômes, oubliées ou disparues, elles fascinent et intriguent toujours ». Au détour des posts de ce blog j’ai évoqué la cité d’Angkor, l’ancienne capitale de l’empire Khmer, la cité romaine de Pompéi, détruite par l’éruption du Vésuve le 24 août 79, ou encore Babylone, l’une des plus grandes et des plus importantes cités antiques située en Irak. Toutes ces villes font partie de la liste dressée dans cet Atlas.

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Pompéi au pied du Vésuve (Photo : Wikipédia)

Ce que le livre d’Aude de Tocqueville nous signale en plus c’est que « les villes sont mortelles et peuvent disparaître de la carte du monde » et cela encore aujourd’hui. « La cité d’Epecuen en Argentine a fini engloutie par les eaux, Centralia en Pennsylvanie est consumée depuis des années par un feu souterrain, Colesbukta en Norvège ou Kadykchan en Russie, toutes deux villes minières ont été abandonnées dès les derniers gisements épuisés. Kantubeck en Ouzbekistan, centre de recherche d’armes biologiques durant la Guerre froide est aujourd’hui métamorphosé en dangereux no man’s land. Prypiat en Ukraine est morte d’une explosion nucléaire (celle de Tchernobyl), tandis qu’au Japon, Hashima Island a été transformée en décor de films… Folie de la nature ou des hommes, déclin économique ou guerres, lentement ou brutalement, ces disparitions nous fascinent et nous interrogent ». L’Atlas des cités perdues relate les destins merveilleux et pourtant bien réels de 44 cités dont les vestiges antiques ou modernes hantent la planète. Mais la liste dressée est loin d’être exhaustive car il manque dans l’index de cet ouvrage d’autres cités, comme Ostie, port et comptoir de Rome, la mystérieuse cité de Pétra cachée parmi les roches aux parois abruptes en Jordanie ou la ville mythique de Troie, immortalisée dans les œuvres de Virgile et Homère, redécouverte par l’archéologue allemand Heinrich Schliemann.

Signez pour Schaffhouse !

Le gouvernement de Schaffhouse a adopté le 24 septembre 2014 des mesures d’économie qui touchent l’ensemble de son administration. Si ce genre d’action est compréhensible en période de crise et n’est en soi guère critiquable, il apparait qu’au sein du Département des constructions, le service cantonal d’archéologie devra subir des économies massives et disproportionnées par rapport aux autres services de cette administration, puisqu’il devra endurer à lui seul 26% des réductions prévues dans ce département. En effet, le plan d’action mis en œuvre vise à réduire de plus de 50% le budget annuel de l’archéologie cantonale d’ici 2018. Plus de 70% des emplois fixes seraient supprimés et les CDD annuels ne seraient plus renouvelés. De fait, le budget annuel de l’archéologie passerait de 800’000 CHF actuellement à 300 000 CHF à l’avenir, et de 3,4 postes à temps plein à 1 seul. Avec des moyens aussi réduit en argent et en personnel, les prestations du service d’archéologie diminueront de façon drastique et il ne pourra plus assurer sur le terrain sa mission légale de protection et de conservation du riche patrimoine archéologique du canton de Schaffhouse. Le seul recours possible pour les archéologues pourrait être dans ce cas, de retarder, voire de bloquer tous les futurs projets de construction dans la mesure où la loi cantonale le permet.
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Nos racines gisent dans le sol (photo : pro-archaeologie.ch)

Pour ne pas en arriver à de telles extrémités, des personnes activement engagées dans le domaine de l’archéologie, en tant que professionnels ou amateurs, provenant de Schaffhouse et de l’ensemble de la Suisse, ont formé une association, Pro Iuliomago, dont l’objectif est de soutenir l’archéologie schaffhousoise dans la poursuite de ses missions actuelles. Dans ce but, elle vient de lancer samedi dernier une pétition qui demande au Conseil d’Etat du canton de Schaffhouse de revenir sur sa décision et de renoncer à la réduction en moyens et en personnel prévue dans les mesures d’économie, ainsi que de se prononcer en faveur des origines et de l’histoire de Schaffhouse afin de reconnaître sa responsabilité envers l’héritage culturel de ce canton. D’ici le 31 mars 2015, Pro Iuliomago souhaite réunir assez de signatures pour infléchir la décision des autorités cantonales. Si cette association n’y parvient pas,  il est à craindre également que, sans réaction de notre part, de telles mesures appliquées à Schaffhouse inspirent d’autres cantons en mal d’économies à réaliser. Afin de manifester votre soutien à nos collègues de Schaffhouse, je vous encourage donc à signer leur pétition en ligne ou sur papier, car leur engagement pour la défense de l’archéologie est aussi le nôtre.

D’Agaune à Saint-Maurice

L’année 2015 s’annonce d’ores et déjà placée sous  par la commémoration du 1500e anniversaire de la fondation de l’Abbaye de Saint Maurice d’Agaune. Après une année 2014 déjà marquée par une série d’évènements comme l’exposition du trésor de l’abbaye au Musée du Louvre à Paris du 14 mars au 16 juin, la sortie au mois de septembre d’une application pour smartphone “Abbaye1500” servant d’audioguide de la Basilique et au chemin du pèlerinage, et  la messe de minuit du 24 décembre célébrée en Eurovision à la télévision par l’abbé de Saint-Maurice, Mgr. Roduit, c’est un ouvrage historique en deux volumes qui est à paraître en avril 2015. Cette publication constitue une synthèse des connaissances sur le plus ancien monastère d’Occident toujours en activité et représente le fruit de six ans de travail d’une équipe internationale de plus de trente chercheurs en histoire, en archéologie, en architecture et en histoire de l’art. Le premier volume sera consacré à l’histoire, l’archéologie et l’architecture de l’abbaye, le second à son remarquable trésor de reliques, qui sera présenté dans des locaux plus vastes et selon une nouvelle muséographie. Quant aux archives anciennes, elles ont été numérisées et sont consultables en ligne.
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Site archéologique de l’abbaye

Le dernier numéro de la revue AS-archéologie suisse (37-2014.4), consacre son dossier au monastère d’Agaune au premier millénaire. L’auteure, Alessandra Antonini, archéologue responsable des dernières fouilles, montre que les vestiges archéologiques témoignent d’une histoire plus ancienne que celle du pèlerinage, puisque dès la fin du 2e siècle apr. J.-C., une nécropole s’établit sur le futur site de l’Abbaye, à proximité d’une source consacrée aux Nymphes. Un oratoire accolé à un monument funéraire, sépulture d’un personnage important, marque l’emplacement le plus élevé et devait déjà servir de lieu de culte avant même la dépose à cet endroit, par l’évêque Théodule, aux alentours de 380, des reliques des martyrs de la légion thébaine. Selon la tradition, à la fin du troisième siècle, vers 290, une troupe fut appelée d’Egypte, pour appuyer l’empereur Maximien dans ses combats contre les barbares. Cette légion est dite thébaine, du nom de la ville de Thèbes (actuellement Louksor) en Haute-Egypte. Cette troupe campait près d’Agaune et Maximien voulut contraindre ces soldats chrétiens à agir contre leur conscience en sacrifiant aux dieux et en persécutant d’autres chrétiens. Saint Maurice et ses compagnons refusèrent d’agir contre leurs coreligionnaires et pour ce refus d’ordre, la troupe fut décimée comme le voulait la règle dans l’armée romaine. C’est le 22 septembre 515, sur le tombeau de Saint-Maurice et des martyrs que le roi burgonde Sigismond fonde le monastère d’Agaune qui aura pour effet de modifier le nom de la localité en Saint-Maurice.

« Mémoire 21 du Valais »: c’est parti !

Partant du constat que dans le canton du Valais comme ailleurs, la multiplication des travaux d’aménagement, en vue de construire des infrastructures et des bâtiments, a dépassé les capacités de gestion et de sauvegarde du patrimoine historique et entraîné d’importantes destructions, l’association valaisanne d’archéologie (AVA-WAG)  a jugé qu’il était temps de réagir si l’on ne veut pas voir s’effacer définitivement les derniers témoins encore préservés de l’histoire et de l’héritage culturel valaisan. Pour ce faire, l’AVA-WAG, en collaboration avec le Service des bâtiments, monuments et archéologie, le Service de la culture et le Service du développement territorial, a mis en œuvre le projet « Mémoire 21 » qui devrait aboutir en janvier 2016, à un plan d’action pour la protection et la valorisation du patrimoine historique et archéologique du Valais au 21ème siècle.
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Vue sur la ville de Sion.

Mercredi, 26 novembre 2014, quelque 70 personnalités issues de tous les milieux intéressés ont été rassemblées à Sion dans l’ancien Musée de la nature pour  participer à la première étape du projet. Lors de cette séance inaugurale, les représentants ont été répartis en cinq groupes de travail occupés chacun d’un thème de réflexion afin d’aborder l’ensemble des questions qui se posent sur le sujet, depuis les questions de gouvernance jusqu’à l’enseignement de l’histoire et au rayonnement culturel du Valais en passant par les missions de sauvegarde et de transmission du patrimoine au sens large. En tant que médiateur culturel et de rédacteur de ce blog, j’ai été placé dans le groupe chargé de traiter de la promotion de ce patrimoine auprès des divers publics. Dans le cadre d’une offre culturelle et touristique toujours plus riche, ce groupe a reçu pour tâche de réfléchir aux moyens de promouvoir le patrimoine historique bâti et enfoui du Valais. Entre des sites bien visibles et reconnus par tous, comme le complexe de bâtiments et le trésor de l’abbaye de Saint-Maurice ou les ruines romaines d’Octodure insérées dans le tissu urbain de l’actuelle Martigny, se cachent d’autres vestiges plus discrets qui mériteraient eux aussi d’être connus et mis en valeur en répondant aux questions de base : pourquoi, pour qui et comment ?. Si le pourquoi et le pour qui peuvent apparaître clairs à première vue, le comment mérite un examen plus attentif. Avec le développement des nouvelles technologies dans toutes les couches de la société, nul doute que c’est à travers des applications pour appareils numériques, que peuvent se trouver les solutions d’avenir de la promotion du patrimoine dans le canton du Valais comme ailleurs.

La Convention de Malte face aux législations cantonales

Le 6 décembre 1995, l’Assemblée fédérale a approuvé la ratification de la Convention européenne pour la protection du patrimoine archéologique (révisée), élaborée à La Valette en 1992 et connue sous le nom de Convention de Malte. Elle est entrée en vigueur pour la Suisse en 1996. La Convention prévoit un ensemble important de mesures pour améliorer la protection du patrimoine archéologique et pour promouvoir sa mise en valeur. En tant que signataire, la Suisse est tenue d’appliquer les mesures prévues dans la Convention. Toutefois, sur le plan juridique, la Convention ne peut être appliquée directement dans la législation nationale, car selon les modalités de l’article 78 de la Constitution fédérale ce sont les cantons et non l’Etat fédéral qui sont responsables de la protection de la nature et du patrimoine. La Confédération peut veiller à l’application de la Convention de Malte lors de la réalisation de ses propres tâches, mais elle ne peut modifier les législations cantonales dans ce sens, bien qu’il soit de sa responsabilité, en tant qu’Etat signataire, de la faire appliquer dans les cantons. Seule la question de la propriété est réglée par une législation nationale supérieure, le Code Civil, qui dans son article 724 stipule que : « les curiosités naturelles et les antiquités qui n’appartiennent à personne et qui offrent un intérêt scientifique sont la propriété du canton sur le territoire duquel elles ont été trouvées. »
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La Valette, berceau de la Convention de Malte

Face à ce constat, la commission « Archéologie et aménagement du territoire » mise en place par Archéologie suisse (AS) en 2007,  s’est donnée comme tâche d’analyser dans quelle mesure les législations cantonales répondent aux recommandations inscrites  dans la Convention de Malte.  Sur la base de 11 critères basés sur les articles les plus significatifs de la Convention, toutes les législations cantonales ont été soumises au crible par les membres de la commission alors placée sous la présidence de Robert Fellner, archéologue cantonal du Jura, qui en a fait la synthèse.  Il ressort de cette analyse que l’application de la Convention varie considérablement d’une législation cantonale à l’autre, et dans certains cas, des compléments des textes existants seraient nécessaires. Ce travail d’évaluation a donné lieu à un rapport intitulé « Application de la Convention de Malte dans les législations cantonales », qui a été soumis aux archéologues cantonaux et au comité d’AS au printemps 2014. Ce rapport qui mérite d’être connu est en ligne sur le site Internet d’AS depuis le mois d’août 2014. Il sera mis à jour régulièrement en fonction des modifications de lois approuvées dans les cantons.

Aux origines des pharaons noirs

« Aux origines des pharaons noirs », c’est le titre de la nouvelle exposition présentée dès aujourd’hui au Laténium d’Hauterive, près de Neuchâtel.  Située au sud de l’Egypte, la Nubie a connu un passé qui n’est pas sans rivaliser avec sa fabuleuse voisine. Les premiers éléments de civilisation mis au jour dans cette région remontent à 10’000 ans, au moment où le Nil devient un fleuve au débit important et régulier qui transforme d’immenses étendues désertiques en une vaste plaine fertile. C’est dans ce contexte fluvial, à la hauteur de la troisième cataracte que se met en place, dès 2500 av. J.-C. un important royaume centré autour de la ville de Kerma. Il tire sa richesse de ses mines d’or  et du commerce entre l’Afrique noire et l’Empire d’Egypte. La puissance de ce royaume nubien atteignit son point culminant vers 730 av. J.-C. lorsque son souverain, Piankhy, s’empara de l’Empire égyptien et inaugura la succession des dirigeants de la XXVe dynastie, celles des Pharaons noirs.

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Grande maquette de la ville de Kerma dans l’exposition

Cette exposition constitue également une excellente occasion de présenter le remarquable travail de terrain effectué depuis près de 40 ans par la mission d’archéologie suisse au Soudan.  Conduite dès 1977 par l’archéologue Charles Bonnet, sous l’égide de l’Université de Genève, cette mission a été reprise dès 2002 par Matthieu Honegger, professeur d’archéologie préhistorique à l’Université de Neuchâtel et commissaire de l’exposition mise en place au Laténium. Le projet a permis la fouille de nombreux sites, dont la présentation des résultats constitue la base même de l’exposition disposée en deux parties : le monde des morts  dans l’espace inférieur et le monde des vivants au niveau supérieur. La découverte majeure fut effectuée en janvier 2003, à Doukki Gel, par la mise au jour d’une cachette contenant les vestiges de sept statues monumentales en granite représentant les deux derniers  pharaons de la XXVe dynastie, Taharqa et Tanoutamon, ainsi que les trois premiers rois d’un nouveau royaume nubien qui leur succédèrent. Cette fabuleuse découverte permis la concrétisation d’un autre grand projet, celui de la construction d’un musée sur le site même de Kerma, inauguré en janvier 2008. A voir jusqu’au 17 mai 2015, la visite de l’exposition peut-être activement préparée par la consultation du site Internet du Laténium ainsi que celui de la mission archéologique suisse au Soudan.

Terrasubmersa à la recherche du premier village d’Europe

Hier, ont été communiqué les résultats préliminaires de l’expédition TerraSubmersa. Cette mission archéologique de l’Université de Genève et de Planet Solar s’est achevée la semaine passée. Menée par des archéologues de l’Université de Genève  en collaboration avec le Service grec des Antiquités sous-marines, le Centre hellénique de recherche maritime, l’Ecole suisse d’archéologie en Grèce et le Laténium de Neuchâtel, cette expédition avait pour objectif d’explorer les paysages préhistoriques engloutis par les eaux dans le golfe de Nauplie, dans la presqu’île du Péloponnèse en Grèce dans la perspective d’y relever  les vestiges d’anciennes occupations humaines. C’est à l’aide du  catamaran solaire Planet Solar et du bateau de recherche grec, Alkyon,  que les scientifiques ont pris des mesures géophysiques et ont réalisé des fouilles subaquatiques dans la baie de Kiladha, à une dizaine de kilomètres au sud-est  de Nauplie pendant près de deux semaines. Un petit film réalisé par un drone de la société La Souris verte permet de visualiser le cadre paysagé de cette mission.
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PalnetSolar en vue de la grotte de Franchthi

Cette campagne archéologique sous-marine a été placée sous la direction de Julien Beck, chargé de cours au Département des sciences de l’antiquité de l’Université de Genève. La zone qui a été choisie pour cette prospection est  située dans les abords de la grotte de Franchthi, sur la rive nord de la baie de Kiladha. Cette grotte est connue pour avoir été occupée durant près de 35 000 ans, du Paléolithique moyen au Néolithique. Au cours de ces millénaires, le niveau de la mer a considérablement varié. Il était environ 120 mètres plus bas à la fin de la dernière glaciation, il y a environ 20 000 ans. C’est pourquoi il y a de bonnes raisons de croire que des vestiges correspondant aux premières occupations humaines sédentaires se trouvent actuellement sous les eaux limpides de la baie en contrebas de l’ouverture de la grotte de Franchthi. Les mesures géophysiques réalisées entre autres à l’aide d’échosondeur à multifaisceaux, d’un sonar à balayage latéral et des données GPS ont permis de dresser une topographie détaillée des anciennes zones côtières et à mettre en évidence des surfaces qui pourraient correspondre à des paléo-plages. A l’aide de ces données, il sera possible de réaliser des fouilles subaquatiques telles que celles menées depuis plus d’une cinquantaine d’année dans le cadre des recherches palaffitiques.  «Peut-être y trouverons-nous l’un des premiers villages d’Europe», a annoncé avec optimisme Julien Beck.

L’astronomie grecque ancienne à l’honneur

Parmi les spectacles naturels qu’il nous est donné de contempler, la découverte de la voûte céleste est certainement celui qui me fascine le plus. Après avoir tourné mon regard sur la Lune et les planètes, c’est à l’apprentissage des noms d’étoiles et des formes des constellations que j’ai passé une partie de mon adolescence. Dans le passé, cette observation devait être d’autant plus merveilleuse que le ciel était dépourvu de la pollution lumineuse constante due à l’éclairage de nos villes et villages. Si aujourd’hui, chacune des 6000 étoiles visibles à l’œil nu portent un nom et sont réunies dans 88 constellations, cela résulte en grande partie de ce que les Grecs de l’Antiquité nous ont transmis de leurs propres connaissances et de celles rapportées des Mésopotamiens. Nous savons par les textes, comme ceux d’Homère ou d’Hésiode, que les Grecs voyaient dans le ciel des formes humaines ou animales pour représenter les constellations afin de mettre un certain ordre dans le semis chaotique des étoiles et aider les hommes dans le cycle des travaux des champs ou les marins dans leur navigation.
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Le Skyphos d’Halae (montage photographique)

Un archéologue américain, John Tristan Barnes, a mis en lumière dans une vitrine du musée archéologique de Lamia, dans le centre de la Grèce, un skyphos corinthien découvert dans les fouilles d’Halae en Locride, qui semble montrer l’une des plus anciennes représentations des constellations connues. Daté de 625 av. J.-C, ce récipient présente une frise d’animaux qui se succèdent sur un rang parsemé de croix qui paraissent évoquer des étoiles. Selon ce chercheur, les figures de cette coupe seraient celles du Taureau, du Petit chien, de l’Hydre, du Grand chien, du Scorpion, du Lion et du Dauphin. Un commentateur éclairé, Arnaud Zucker, cité dans le blog de Nicolas Constans, pense que le Dauphin pourrait être une Baleine, et qu’une figure isolée, interprétée par Barnes comme un motif floral, pourrait être également perçue comme celle de la constellation de l’Autel. Ainsi on aurait dans l’ordre du défilé sur le vase: Taureau, Autel, Hydre, Petit chien, Grand chien, Scorpion, Baleine et Lion. Une partie de la coupe, un tiers environ, manque, ce qui ne permet pas de vérifier l’hypothèse finale retenue par Barnes dans la conclusion de son article publié dans la revue Hesperia, qui est celle de la ronde des saisons dans le ciel nocturne. Si l’on compte bien huit figures conservées, le nombre total des figures aurait pu être de douze, ce qui peut correspondre aux douze mois de l’année ou aux douze signes du zodiaque. Du reste comme l’indique clairement Wikipedia : ” le mot « zodiaque » vient du mot grec zodiakos [kyklos], « cercle de petits animaux », de zodiaion, diminutif de zoon : « animal ». Ce nom vient du fait que toutes les constellations du zodiaque (sauf la Balance, anciennement partie du Scorpion et le Verseau) figurent des créatures vivantes “.  L’étude de cette coupe m’aura  permis en tout cas de raviver mon intérêt pour l’archéoastronomie.