Pas à pas dans le passé de la Suisse

Donner un aperçu des découvertes archéologiques réalisées dans les cantons suisses en se baladant sur le terrain, tel est l’ambition que s’est donnée la collection « Le passé pas à pas » (en allemand : Ausflug in die Vergangenheit) des éditions Librum Publishers. Son directeur-fondateur, Dominique Oppler, a commencé son activité éditoriale en 2012, après avoir réalisé un rêve d’enfance en faisant des études d’archéologie à l’université de Fribourg et de Bâle. La série qu’il a créé est avant tout destinée au grand public, en particulier aux familles qui aiment les randonnées et qui veulent découvrir, chemin faisant, des sites et des lieux témoins du passé, de la préhistoire au Moyen-Age, et leur insertion dans l’environnement d’aujourd’hui.  En plus de l’archéologie et de l’histoire proprement dites, le concept éditorial aborde également des aspects concernant la géologie, l’histoire du paysage, la transformation de la végétation et de la faune. Comme il s’agit avant tout d’un guide de randonnée, tous les aspects pratiques des balades sont abordés comme la longueur et la durée des parcours, les transports publics utilisables, les musées visitables, et les lieux de restauration. Le format des volumes de la collection n’étant pas fait pour être mis dans la poche d’un randonneur, l’éditeur a prévu que toutes les balades peuvent se faire également à l’aide de l’application « GPS-Tracks » téléchargeable sur un smartphone ou une tablette de type Apple ou Android, qui permet de se diriger d’un point d’intérêt à un autre grâce aux cartes topographiques fournies et affichées sur l’écran de l’appareil.
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Couvertures des deux premiers volumes de la série

Le premier volume de la série, paru en 2014, présente les sites du canton de Bâle-Campagne, et le second celui des cantons de la Suisse primitive: Uri, Schwyz, Obwald et Nidwald. Le prochain volume, consacré au canton de Zurich, sera publié au printemps 2016 et devrait servir de base à la nouvelle exposition permanente sur l’histoire du canton de Zurich prévue dans la nouvelle annexe du Musée National dont l’ouverture est annoncée en 2017. Sur cette lancée, les volumes de Berne et de Soleure sont en cours de rédaction, et, par voie d’annonces dans la revue AS, des rédacteurs sont d’ores et déjà engagés pour les cantons d’Argovie, de Zoug, de Lucerne, du Valais, de Vaud, de Genève, de Neuchâtel ainsi que pour la Suisse italienne et le site d’Augusta Raurica. Ce projet concernant toute la Suisse, reçoit le soutien financier de l’Office fédéral de la Culture (OFC), des cantons et de fondations privées. L’aspect novateur de l’approche éditoriale, alliant le livre et aux nouveaux médias, répond tout à fait à la nouvelle tendance de la promotion touristique en général. De plus, pour les enseignants des écoles primaires, un support didactique et pédagogique est en voie d’achèvement et devrait leur permettre de préparer leur cours et leurs futures courses d’écoles avec les connaissances acquises dans cette collection.

L’Homme évolue, son musée aussi

Le Musée de l’Homme, qui était fermé depuis mars 2009, a été rouvert au public le 17 octobre 2015 dans les locaux rénovés du palais de Chaillot au Trocadéro. C’est sous le slogan des panneaux d’affichage «L’Homme évolue. Son musée aussi» que j’ai été amené à le visiter lors de mon dernier séjour à Paris. Le nouveau parcours muséographique, qui se déroule sur trois niveaux, a été complétement inscrit dans un grand espace lumineux où de majestueuses vitrines en verre servent d’écrins transparents aux objets exposés. A ces trois strates de circulation correspondent trois questions fondamentales : Qui sommes-nous ? à la base, D’où venons-nous ? au milieu et Où allons-nous ? au sommet. La première question cherche à donner une définition de l’être humain. Qu’est-ce qui nous différencie mais aussi nous rapproche des 8,5 millions d’autres espèces animales qui peuplent la Terre ? La réponse à la deuxième question passe par l’histoire de la ramification des lignées humaines du genre Homo il y a 2,5 millions d’années, jusqu’à la révolution du néolithique qui apporte des changements profonds dans la manière de vivre des hommes. Enfin, la dernière question, à laquelle on ne peut pas donner de réponses, sinon formuler d’autres questions, nous renvoie à l’avenir de notre espèce dans un environnement que nous transformons et qui nous transforme. Dans un monde globalisé, quelle est le devenir de nos sociétés et la place de nos cultures ? Comment 8 milliards d’humains au présent, voire plus dans le futur, peuvent et pourront vivre ensemble sur une planète aux ressources limitées ?
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Entrée de la Galerie de l’Homme

En plus de l’itinéraire à suivre de l’exposition permanente mise en scène dans les 2500 m2 en open-space de la Galerie de l’Homme, d’autres zones sont offertes à la curiosité du public : le Balcon des Sciences, qui présente l’actualité de la recherche, des salles pour les expositions temporaires, le centre de ressources documentaires Germaine Tillion et l’auditorium Jean Rouch. Le Musée de l’Homme constitue aussi un centre de recherche sur l’évolution humaine. Une équipe de 150 chercheurs se consacrent à l’étude biologique de l’Homme et à son évolution. L’institution est ainsi portée à rassembler de nouvelles connaissances qui doivent être accessibles au public. C’est pour cela qu’une équipe de médiation très importante a été constituée autour du Musée de l’Homme, qui a été intégré au vaste complexe du Muséum national d’Histoire naturelle (MNHN). Comme l’a révélé Stéphanie Targui, cheffe du Service Multimédia du MNHN, dans son intervention du 20 janvier 2016 dans le cadre des conférences du salon des professionnels des musées « Museum Connections », les objectifs de la stratégie numérique visent à prolonger la mission de diffusion des connaissances, à inciter à la visite du monument et de ses expositions et à développer la présence du Musée de l’Homme sur Internet en l’inscrivant dans l’univers numérique du MNHN. Pour ce faire, un site Internet évolutif et participatif « lhommeenquestion.fr » a été mis en place pour servir de réceptacle aux questions que peuvent avoir les visiteurs avant ou après leur visite, par exemple celle-ci : Combien de langues sont parlées dans le monde ? L’année 2016 devrait voir se poursuivre l’ambitieux projet éditorial de cette plateforme grâce à des partenariats et à des coproductions visant à la création d’une application mobile de visite de l’exposition permanente, de cours en ligne de style MOOC, et d’une série animée sur les thèmes évoqués par les questions du site Internet.

Lascaux 3 en Suisse

Une exposition consacrée à Lascaux se tient à Genève à Palexpo du 2 octobre 2015 au 17 janvier 2016, après être passée en France, aux Etats-Unis, au Canada et en Belgique, et avant de s’envoler pour la Corée du Sud et le Japon. Ce projet a été réalisé par le Conseil général de la Dordogne, avec la participation financière du Conseil Régional d’Aquitaine, du Ministère français de la Culture et de la Communication et de l’Union européenne. Pour rappel, la grotte de Lascaux, découverte en 1940, a été fermée au public en 1963 par André Malraux, alors ministre de la culture, à cause des détériorations provoquées par la présence humaine sur les fragiles peintures préhistoriques. La présente exposition constitue en fait un Lascaux 3, faisant suite à la reconstitution qui se trouve près de la grotte de Lascaux dans le Périgord. Les visiteurs peuvent découvrir les panneaux grandeur nature dans une grotte dont l’éclairage a été créé de manière à reproduire celui des lampes à huiles et des torches utilisés par les hommes de Cro-Magnon, il y a 20’000 ans. Ces panneaux représentent des parois ornées de la Nef et de la scène du Puits, dont deux sont inédites: – Le Panneau de l’Empreinte – La Vache Noire – Les Bisons adossés – La frise des Cerfs – La scène du Puits. Les restaurateurs ont utilisé les mêmes pigments que les artistes de Lascaux. Le support est une coque de résine sur lequel est appliquée une partie minérale. Des moulages d’objets originaux de Lascaux (pointes, sagaies, la célèbre lampe en grès rose…), ainsi que des reconstitutions anatomiques d’une famille de Cro-Magnon réalisés par l’atelier Elisabeth Daynès sont également présentés. À partir d’un modèle virtuel de la grotte, composé de milliards de points géo-référencés relevés au laser, le réalisateur Maurice Bunion a conçu un film en 3D, que les visiteurs pourront voir avec des lunettes et qui sera projeté sur un écran spécial.
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Immersion technologique dans Lascaux 3 (Photo : Denis Nidos)

Le recours à des substituts, des copies, des fac-similés, des reconstitutions, est parfois une nécessité. La visite d’un site comme Lascaux n’est simplement pas possible. Ce n’est pas le seul site inaccessible. Que l’on songe à ces autres monuments de l’art pariétal que sont les grottes de Chauvet ou la grotte de Cosquer. Les musées recèlent aussi de nombreux objets qui ne peuvent pas être exposés ou seulement pour des périodes limitées. D’autres ne peuvent pas être transportés, car trop fragiles. Le substitut constitue donc un moyen de présenter ou de faire connaître de telles oeuvres. Il est évident que la présence de l’original peut provoquer une émotion intense, alors qu’une copie permet simplement d’en prendre connaissance. Comme on le voit avec la recréation de l’éclairage d’origine ou un film en 3D dans cette nouvelle exposition consacrée à Lascaux, les nouvelles technologies permettent aussi de faire de la visite d’un fac-similé une expérience inoubliable. La réalité augmentée permet même d’ajouter ce que le temps a effacé. Dès lors, il ne s’agit plus de simples copies, mais de substituts prolongeant le réel. Le danger de ces technologies est sans doute de banaliser la réalité, de la rendre inintéressante face à l’immersion dans un univers virtualité. En même temps, elles permettent de mettre en valeur le patrimoine dans un grand public de plus en plus habitué aux grandes sensations du cinéma 3D.

La parenté révélée de l’homme du Bichon

La grotte du Bichon près de La Chaux-de-Fonds est célèbre pour avoir livré en 1956 le squelette presque complet d’un Homo Sapiens et d’un ours brun qui ont vécu ensemble il y a 13’700 ans. A la suite de la découverte, en 1991, par le regretté Philippe Morel, d’un fragment de silex fiché dans une des vertèbres de l’ours provenant d’une pointe de flèche pouvant appartenir à la panoplie du chasseur retrouvée dans la grotte, l’association de l’homme et de l’ours dans la même cavité a pu être interprétée comme le résultat probable d’un accident de chasse. Pour les archéologues, l’importance de la découverte est encore augmentée par l’excellent état de conservation des ossements de l’homme du Bichon : pour son époque, qui correspond à l’Azilien, ce squelette préhistorique est, en Europe, l’un des mieux préservés dans son ensemble. Cette excellente conservation due à l’enfouissement dans la grotte à l’abri des intempéries a permis l’analyse de son ADN à partir d’un échantillon prélevé dans son crâne.
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Le crâne de l’homme du Bichon

Le Laboratoire d’archéozoologie de l’Université de Neuchâtel, dirigé par Werner Müller, a été associé à une vaste étude internationale d’environ 700 squelettes humains portant sur l’évolution des populations qui ont donné naissance aux Européens actuels. Outre l’homme de la Grotte du Bichon, les scientifiques ont pu analyser deux génomes humains provenant de Géorgie et datant de 13’300 et 9’700 ans. Les résultats ont été publiés récemment dans la revue Nature Communications. Il en ressort que ce ne sont pas trois populations humaines mais quatre populations qui sont à l’origine des Européens d’aujourd’hui. L’étude indique que les chasseurs-cueilleurs du Caucase se sont séparés des chasseurs-cueilleurs de l’Ouest du continent il y a près de 45’000 ans, puis des ancêtres des agriculteurs néolithiques il y a environ 25’000 ans. Selon les archéozoologues, les deux chasseurs-cueilleurs du Caucase présentaient un teint de peau plus clair que l’homme de la grotte du Bichon. Tous trois avaient en revanche les cheveux noirs ou foncés, et les yeux bruns, comme l’ont révélé des gènes responsables de la pigmentation. Les gènes de l’homme du Bichon sont encore bien représentés dans les populations du nord de l’Europe mais plus du tout au sud. Les gènes des deux individus du Caucase sont en revanche présents dans toute l’Europe occidentale et seraient arrivés chez nous à la fin du Néolithique par le biais de la migration des Yamnas une population dont l’ère d’origine se trouve au nord de la mer Noire et qui serait à l’origine de la Civilisation de la Céramique Cordée il y a 5000 ans.

De part et d’autre de la Grande Muraille

Au Laténium, parc et musée d’archéologie de Neuchâtel, à Hauterive, vient de s’ouvrir une nouvelle exposition temporaire consacrée à l’archéologie de la Mongolie. Intitulée « Derrière la Grande muraille » cette présentation s’articule autour de la confrontation entre 209 avant J.-C. et 220 après J.-C. de l’empire chinois dirigé par la dynastie Han, héritière de Qin Shi Huangdi, premier empereur de la Chine, et, les Xiongnu, peuple nomade des steppes de Mongolie, qui en parallèle fonde le premier empire nomade. Résultat de cinq années de préparation, le rapprochement de ces deux cultures donne à voir un grand nombre d’objets d’art issus de collections suisses et françaises. A l’art animalier propre au monde des steppes répond un art mobilier particulièrement riche et somptueux enfouis dans les tombes monumentales que Xiongnu et Han édifièrent sur leurs territoires respectifs. Focalisé sur la présentation en parallèle de ces deux cultures, le titre de l’exposition aurait tout aussi bien pu s’intituler « De part et d’autre de la Grande Muraille ».
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Maquette de la construction de la Grande Muraille

La Grande Muraille, dont la construction débute dès le 7e siècle avant J.-C. , soit bien avant le règne de Qin Shi Huangdi, et qui sera régulièrement entretenue et renforcées jusqu’au 17e siècle, devait empêcher l’infiltration des barbares venus de Mongolie dans l’empire chinois. Mais en regard de l’histoire, cette construction monumentale apparait plutôt comme un point de convergence entre ces deux cultures qu’un véritable obstacle. A preuve, les différentes Routes de la Soie, qui partant de ces deux empires traversent l’Asie Centrale, et qui permettaient aux uns et aux autres de relier les rivages de la Méditerranée distante de 8000 km. L’exposition du Laténium donne également l’occasion de présenter le résultat des trois campagnes de fouilles d’un habitat xiongnu, menées entre 2005 et 2007 à Boroo Gol en Mongolie, par une mission archéologique helvetico-mongole dirigée par Denis Ramseyer, conservateur adjoint du Laténium et commissaire de l’exposition, dont ce blog s’était fait l’écho en son temps.

Horizons 2015 : Le bilan Final

Selon ses organisateurs, le projet « Horizons 2015 » avait pour objectif d’encourager la collaboration entre les diverses institutions et organisations intervenant dans l’archéologie suisse. A la suite du colloque initial de 2010 et du bilan intermédiaire de 2013, la rencontre finale a eu lieu le 11 septembre 2015 sur le thème « résultats et perspectives ». La question des outils numériques utilisés par les milieux de l’archéologie suisse destinés à l’information du grand public était la problématique que le groupe « Nouvelle Technologie et médias », que j’ai pris en charge, a voulu aborder durant les cinq années du projet Horizons 2015. A l’heure du bilan final, nous n’avons pas pu constater beaucoup de changements dans l’architecture des sites Internet des archéologies cantonales, qui en raison de la structure fédérale du pays demeurent la principale porte d’accès de l’information archéologique numérique en Suisse. La grande majorité des sites se développe sous la forme de « brochures », dont la structure est plus ou moins riche, selon qu’elle présente des « Frequent Ask Question », des « News », une liste de sites, des cartes ou des liens vers la législation relative à la sauvegarde du patrimoine. Ces sites reprennent la structure du portail cantonal dans lequel ils sont hébergés. Seuls les archéologues du canton du Jura disposent d’un site Internet qui se développe en marge de la structure du portail cantonal. Mais plus pour très longtemps parait-il. Depuis le bilan intermédiaire de 2013, nous avons remarqué l’actualisation du site Internet d’Archéologie Suisse, et la création en automne 2013 du portail des Sciences de l’Antiquité. Mais, comme les autres, ces sites Internet apparaissent dans leur structure plutôt destinés à donner des informations et des liens à un public de connaisseurs. Il manque donc encore une mise en réseau de tous les acteurs de l’archéologie. Chacun dispose dans son petit coin de pays de toutes les connaissances sur son patrimoine, mais, dans l’ensemble des cas, a de la peine à le mettre en valeur et à le faire connaître à un large public.

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L’heure du bilan final d’Horizons 2015

Nos observations nous ont montrés qu’il existe pourtant un grand potentiel de dispositifs différents aptes à valoriser et mettre en valeur le patrimoine archéologique. Une manière d’attirer l’attention sur l’archéologie c’est, par exemple, de communiquer des informations sur les réseaux sociaux, ou de mettre en ligne des animations ludiques comme le petit jeu « Pfahlbauer von Pfyn » mis en place par l’archéologie cantonale du canton de Thurgovie. L’apparition de nouveaux outils technologiques et numériques pour informer les visiteurs sur les lieux intéressants du patrimoine archéologique nait timidement. L’initiative prise par ArcheoTourism et ArchaeoConcept de créé le «Site du mois» est une voie intéressante pour approcher le grand public. Cette approche pourrait constituer l’amorce  de la mise en place d’une véritable information touristique sur tous les sites archéologiques visitables de Suisse, à l’exemple de ce que l’on trouve en Angleterre avec le site Internet et l’application pour smartphone et tablette numérique d’English Heritage, qui donnent un accès aux sites archéologiques visitables du pays par l’intermédiaire de la géolocalisation. L’usage de la géolocalisation et du GPS embarqué dans les téléphones portables est sans aucun doute une bonne solution pour réveiller la mémoire d’un patrimoine le plus souvent invisible in situ. Comme exemples suisses d’applications utilisant la fonction GPS de nos mobiles signalons : l’application «Palafittes Guide», qui fait l’inventaire de tous les sites Unesco, l’application «Archaeo Tour» qui permet une balade dans le temps, de l’âge du Bronze au Moyen-Age, de la colline de la cathédrale de Bâle, enfin, l’application StoriaBox qui invite à une visite en réalité augmentée de la villa gallo-romaine d’Orbe-Boscéaz et du Castrum romain d’Yverdon-les-Bains. Mais l’objectif final, selon nous, aurait été de disposer sur une même plateforme de l’ensemble des informations disponibles sur les sites archéologiques de Suisse. A l’heure du bilan final d’Horizons 2015, cela n’a pas été fait. Cela pourrait se faire en contribuant au projet de portail sur l’Archéologie, organisé par Wikipédia, dans chacune de nos langues nationales, soit en français, en allemand et en italien.

Des astres gravés dans la pierre à Clava Cairns

Depuis la nuit de temps sans aucun doute, les hommes ont été attiré par les astres illuminant le ciel, à commencer par le Soleil et la Lune. Aucune preuve d’observation méthodique ne semble réellement attestée pour les âges Paléolithiques, même si on peut légitimement supposer que les humains de cette époque n’étaient pas ignorant des changements saisonniers du firmament. En revanche, il est certain que dès le Néolithique, une véritable recherche méthodique du mouvement des astres s’est mise en place pour les besoins des cycles agricole et d’élevage, puis, plus tard, de la navigation. Cette recherche se matérialise dans l’édification d’ensembles mégalithiques comme celui de Stonehenge, visant à fixer dans la pierre la position des couchers et des levers du Soleil et de la Lune aux points extrêmes de leur apparition sur l’horizon, soit au début de l’été et au début de l’hiver, autrement dit aux solstices. A partir de là furent établis des calendriers permettant à la fois de donner à chaque jour une identité propre, la constitution d’éphémérides des planètes et des étoiles et la fondation des bases de l’histoire. Le disque de Nebra ou les «Travaux et les Jours» d’Hésiode, représentent la synthèse de ces premières connaissances astronomiques. De l’étude des monuments, des objets et des textes du passé en relation avec les astres est issue au cours du 20ème siècle une nouvelle discipline, l’archéoastronomie. L’Ecosse, dans ce domaine, constitue une région particulièrement riche, comme le démontre le site Stones of Wonder.
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Cupules et astres

En Ecosse, j’ai eu l’occasion de visiter cet été un lieu particulièrement évocateur de la transcription, dans la pierre, de faits astronomiques, près d’Inverness, non loin du champ de bataille de Culloden qui opposa en 1746 les troupes royalistes écossaises des Jacobites aux forces loyalistes britanniques. C’est sur le site de Balnuaran of Clava, que se trouvent plusieurs cairns de l’âge du Bronze, dont deux sont pourvus d’une chambre intérieure accessible par un couloir d’entrée alignés très exactement au sud-ouest dans la direction du Soleil couchant au moment du solstice d’hiver, soit autour du 21 décembre. Ils sont également entourés d’un cercle de menhirs, dont les hauteurs sont ordonnées du plus grand au plus petit. Le plus haut marque la direction du sud-ouest et le plus court est à l’opposé sur le cercle. De plus, les pierres utilisées paraissent avoir été choisies également en fonction de leur couleur, des pierres aux tonalités rougeâtres en direction du Soleil couchant et claires du côté du Levant. L’ensemble, en soit, est tout à fait remarquable. Mais ce qui m’a le plus surpris c’est la présence d’une pierre à cupules dressée près de l’entrée à l’intérieur de la chambre d’un des cairns. Même si leur disposition n’est pas strictement exacte avec la cosmographie, les cupules semblent représenter une partie de la constellation de la Grande Ourse, que tout le monde connait bien sous le nom du «Chariot » et que les anglophones appellent « The Big Deeper » soit la grande casserole, du fait de sa forme suggestive. S’il a été souvent supposé que les pierres à cupules ont pu être des cartes du ciel étoilé, il est vraiment exceptionnel de pouvoir établir une concordance entre le tracé des cupules et celui de nos constellations. Dans ce cas, il est possible d’en rêver.

Balades archéologiques en Romandie

La couverture du numéro 30 de l’Illustré, publié le 22 juillet, vu à la devanture d’un kiosque ne pouvait que m’interpeller. En gros titre sur une image de blocs erratiques de la forêt de Gals on peut lire : « La magie des balades préhistoriques romandes », en sous-titre « Grottes, sentiers, forêts, menhirs : voyage aux sources de notre civilisation » et encore en exergue dans une pastille rouge bien visible « 20 destinations étonnantes ». Je n’achète généralement pas cet hebdomadaire, mais exception à la règle, je ne pouvais pas résister à la tentation d’en savoir plus, d’autant plus que c’est l’Archeoweek sur Twitter. Je me demandais bien quels pouvaient être les vingt sites préhistoriques romands ayant pu retenir l’attention du magazine. En ouvrant la publication on découvre dans le sommaire que la préhistoire s’étend à l’époque romaine : « Des menhirs celtes aux ruines romaines, ce guide vous propose 20 balades en Romandie à travers le temps et l’espace». Cela se présente mal : des menhirs celtes ? Le coup du menhir du livreur Obélix a encore frappé de folie un éditorialiste. Mais trêve de raillerie, je me porte à la page 43 pour découvrir « Le guide balades » dont la page d’ouverture s’ouvre sur une image du menhir de Vauroux vu comme un «Mystérieux géant » auquel s’adresse une question «Quelle signification donner à ces pierres que dressaient les anciens ? ».
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Extrait de la couverture de L’Illustré

Ce n’est en tout cas pas dans ce guide que l’on en trouvera la réponse. Pour cela, il faudrait pouvoir visiter une exposition dans l’esprit de « Pierres de mémoire, pierres de pouvoir ». De plus ce ne sont pas 20 balades préhistoriques qui sont proposées, mais juste quinze, car les autres appartiennent déjà à l’histoire, comme le tour de ville d’Avenches, la voie antique du Pierre-Pertuis, ou les mosaïques des villas d’Orbe-Boscéaz et de Vallon. De même, les sites présentés ne se limitent pas à la Suisse romande, puisque l’on y trouve trois sites en territoire alémanique, dont une grotte dans le canton de Lucerne et la cité romaine d’Augst dans le canton de Bâle-Campagne, site qui a lui seul résume que l’annonce de la une de couverture de l’Illustré est tout à fait trompeuse. Mais je ne peux tout de même pas bouder mon plaisir de découvrir, au creux de l’été, une partie du tourisme archéologique helvétique mis en vedette dans une publication à très large diffusion. J’y ai retrouvé quelques sites que j’aurais  pu moi-même recommander si on m’avait demander d’en faire une sélection, comme le village lacustre de Gletterens, le Laténium à Hauterive, les menhirs de la baie de Clendy près d’Yverdon-les-Bains, le Préhisto-Parc de Réclère ou les fouilles du Banné à Porrentruy qui était du reste le site archéologique du mois de juin. En définitive, la meilleure partie de ce guide se trouve dans l’encarté « En savoir plus » puisqu’il propose aux lecteurs de se procurer les guides édités par Archéologie suisse, qui présentent chacun au moins une centaine de sites archéologiques à visiter.

Douze mois, douze sites !

La manifestation nationale « Site du mois », vient de débuter sur le site du Banné dans le canton du Jura. Sur cette colline, située au-dessus de la ville de Porrentruy, une zone de fouilles permet à tout le monde, enfants ou adultes, d’expérimenter le travail du paléontologue en découvrant par soi-même la faune d’invertébrés qui peuplait la mer jurassique il y a 152 millions d’années. Chaque mois, jusqu’en juin 2016, un autre site du patrimoine suisse sera mis à l’honneur. Sous le slogan « découvrez les trésors de l’archéologie et de la paléontologie suisse au gré des promenades et des saisons » cette manifestation a pour but, selon ses concepteurs, « de faire connaître le patrimoine archéologique suisse et de le promouvoir en tant que produit touristique durable ». C’est dans la dynamique des réflexions initiées par l’association ArchaeoTourism 2012, qui vise à mettre en relation les acteurs du tourisme et de l’archéologie, que se place cette manifestation dont la conception apparaît comme une bonne synthèse entre le Mois de l’Archéologie du Québec et les Journées Nationales de l’Archéologie en France ou l’Objet du Mois présenté dans certains musées.
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Le Banné, site du mois de juin (photo: Site du Mois)

Le projet est organisé à une échelle locale par des partenaires locaux et les offices du Tourisme régionaux, et coordonné pour l’ensemble du pays par ArchaeoConcept, une entreprise indépendante dirigée par Cynthia Dunning, ancienne archéologue cantonale du canton de Berne. Pour promouvoir l’aspect touristique durable, les douze sites sélectionnés sont accessibles par les transports publics et situés au voisinage immédiat de lieux d’accueils pour les visiteurs, tels que restaurants et hôtels. Destinée avant tout à un public national sensible à son passé, cette manifestation vise à démontrer que même si les vestiges archéologiques en Suisse sont dans l’ensemble moins impressionnants que dans d’autres parties du monde, comme l’Italie, la Grèce ou l’Egypte, il n’en demeure pas moins intéressants dès le moment où ils jouissent d’une bonne mise en valeur. Ainsi, dans la liste des sites choisis en relation directe avec l’archéologie, on peut relever, la Villa romaine de Pully,  le Laténium à Hauterive, le parcours archéologique de Bioggio et les sites funéraires de Sion. En novembre 2015, ce sera le mois du Castrum romain d’Eburodunum, dont la visite se fera en réalité augmentée à l’aide d’une application pour tablette numérique. Développée par la société Storiabox cette application sera mise en service à la fin de ce mois et présente actuellement, en plus du Castrum, sept autres itinéraires de visites scénarisées alliant patrimoine culturel et tourisme. Voici de quoi occuper nos week-ends des prochains mois !

Aventicum MMXV

Comme le rapporte l’Agence télégraphique suisse, « l’ancienne capitale de l’Helvétie romaine va festoyer durant quatre jours ce week-end, à l’occasion de l’anniversaire de son bimillénaire. Les autorités communales ont souhaité commémorer ce bimillénaire pour mettre en évidence le passé historique d’Avenches. Carillons de cloches, concerts, école de gladiateurs pour enfants, démonstrations, «show» sur les Jeux olympiques antiques, atelier de mosaïque, pas moins de 85 événements gratuits sont au programme. Plus de 250 personnes en costumes animeront un village médiéval placé entre le temple du cigognier et le théâtre romain. Des ateliers de frappe de monnaie, du tir à l’arc, du jonglage, des troubadours feront vivre cet espace, de samedi à lundi».  Signe de l’importance donnée à cette manifestation, Aventicum MMXV recevra vendredi le conseiller fédéral Alain Berset, ministre en charge de la culture, qui inaugurera  « la Promenade des 2000 ans » un circuit reliant les localités d’Avenches, Donatyre et Oleyres. Autre élément marquant en relation avec cet événement,  la réalisation du film «Aventicum, D-couverte» de Philippe Nicolet, que l’on a pu découvrir le lundi 18 mai dans «les docs» de la TSR et que l’on pourra voir en avant-première en 3D, le 27 mai 2015 à 20h, à la salle du théâtre du Château à Avenches. C’est ainsi sous le slogan «Avenches, fier de son passé, ville d’avenir» que l’année 2015 a été placée par la Municipalité.
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Sous l’ombre de la tour du Site et Musée romain d’Avenches (Photo : Wikimedia)

Si comme archéologue je peux me réjouir d’une telle célébration, car il n’est jamais inutile de rappeler le passé, je m’inquiète cependant de sa réelle motivation. D’une part, l’an 15 après J.-C n’est certainement pas la vraie date de la fondation de la ville. Les plus anciennes structures attestées reposent en effet sur des pieux datés par la dendrochronologie de l’an 5/6 après J.-C, et l’on peut raisonnablement penser que la première installation sur le site peut remonter aussi loin que le retour des Helvètes sur le territoire après leur migration stoppée à Bibracte par les légions de Jules César  en 58 avant notre ère. De ce fait, Avenches a déjà plus de 2000 ans. D’autre part, depuis l’ouverture de l’autoroute A1, Avenches s’est très rapidement développé et les chantiers se multiplient dans les zones à bâtir. Ainsi, en l’espace des six dernières années, la population de la localité est passée de 3000 à 4000 habitants, et on en prévoit déjà un millier de plus d’ici peu. Même si Avenches  est encore loin des 20’000 habitants que comptait la capitale des Helvètes à la fin du 1er siècle après J.-C, lorsqu’elle acquit le rang de colonie sous le nom de Colonia Pia Flavia Constans Emerita Helvetiorum Foederata, la localité connaît une croissance exponentielle qui ne peut que menacer à terme le patrimoine encore enfouis aux abords de la ville, d’autant plus si les moyens nécessaires aux fouilles et à l’extension du musée romain ne sont pas accordés aux archéologues. A noter, par exemple, que la conférence “Mourir à Aventicum” donnée par Daniel Castella, archéologue responsable de la recherche et des publications au Site et Musée romains d’Avenches, qui aura lieu samedi 23 mai, à 11h, ne figure pas dans le programme officiel d’Aventicum MMXV. Espérons donc que pour les autorités communales le riche passé romain d’Aventicum a encore un avenir à Avenches, même si pour l’occasion, elles ont préféré organiser une fête essentiellement médiévale.