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Aventicum MMXV

Comme le rapporte l’Agence télégraphique suisse, « l’ancienne capitale de l’Helvétie romaine va festoyer durant quatre jours ce week-end, à l’occasion de l’anniversaire de son bimillénaire. Les autorités communales ont souhaité commémorer ce bimillénaire pour mettre en évidence le passé historique d’Avenches. Carillons de cloches, concerts, école de gladiateurs pour enfants, démonstrations, «show» sur les Jeux olympiques antiques, atelier de mosaïque, pas moins de 85 événements gratuits sont au programme. Plus de 250 personnes en costumes animeront un village médiéval placé entre le temple du cigognier et le théâtre romain. Des ateliers de frappe de monnaie, du tir à l’arc, du jonglage, des troubadours feront vivre cet espace, de samedi à lundi».  Signe de l’importance donnée à cette manifestation, Aventicum MMXV recevra vendredi le conseiller fédéral Alain Berset, ministre en charge de la culture, qui inaugurera  « la Promenade des 2000 ans » un circuit reliant les localités d’Avenches, Donatyre et Oleyres. Autre élément marquant en relation avec cet événement,  la réalisation du film «Aventicum, D-couverte» de Philippe Nicolet, que l’on a pu découvrir le lundi 18 mai dans «les docs» de la TSR et que l’on pourra voir en avant-première en 3D, le 27 mai 2015 à 20h, à la salle du théâtre du Château à Avenches. C’est ainsi sous le slogan «Avenches, fier de son passé, ville d’avenir» que l’année 2015 a été placée par la Municipalité.
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Sous l’ombre de la tour du Site et Musée romain d’Avenches (Photo : Wikimedia)

Si comme archéologue je peux me réjouir d’une telle célébration, car il n’est jamais inutile de rappeler le passé, je m’inquiète cependant de sa réelle motivation. D’une part, l’an 15 après J.-C n’est certainement pas la vraie date de la fondation de la ville. Les plus anciennes structures attestées reposent en effet sur des pieux datés par la dendrochronologie de l’an 5/6 après J.-C, et l’on peut raisonnablement penser que la première installation sur le site peut remonter aussi loin que le retour des Helvètes sur le territoire après leur migration stoppée à Bibracte par les légions de Jules César  en 58 avant notre ère. De ce fait, Avenches a déjà plus de 2000 ans. D’autre part, depuis l’ouverture de l’autoroute A1, Avenches s’est très rapidement développé et les chantiers se multiplient dans les zones à bâtir. Ainsi, en l’espace des six dernières années, la population de la localité est passée de 3000 à 4000 habitants, et on en prévoit déjà un millier de plus d’ici peu. Même si Avenches  est encore loin des 20’000 habitants que comptait la capitale des Helvètes à la fin du 1er siècle après J.-C, lorsqu’elle acquit le rang de colonie sous le nom de Colonia Pia Flavia Constans Emerita Helvetiorum Foederata, la localité connaît une croissance exponentielle qui ne peut que menacer à terme le patrimoine encore enfouis aux abords de la ville, d’autant plus si les moyens nécessaires aux fouilles et à l’extension du musée romain ne sont pas accordés aux archéologues. A noter, par exemple, que la conférence “Mourir à Aventicum” donnée par Daniel Castella, archéologue responsable de la recherche et des publications au Site et Musée romains d’Avenches, qui aura lieu samedi 23 mai, à 11h, ne figure pas dans le programme officiel d’Aventicum MMXV. Espérons donc que pour les autorités communales le riche passé romain d’Aventicum a encore un avenir à Avenches, même si pour l’occasion, elles ont préféré organiser une fête essentiellement médiévale.

Signez pour Schaffhouse !

Le gouvernement de Schaffhouse a adopté le 24 septembre 2014 des mesures d’économie qui touchent l’ensemble de son administration. Si ce genre d’action est compréhensible en période de crise et n’est en soi guère critiquable, il apparait qu’au sein du Département des constructions, le service cantonal d’archéologie devra subir des économies massives et disproportionnées par rapport aux autres services de cette administration, puisqu’il devra endurer à lui seul 26% des réductions prévues dans ce département. En effet, le plan d’action mis en œuvre vise à réduire de plus de 50% le budget annuel de l’archéologie cantonale d’ici 2018. Plus de 70% des emplois fixes seraient supprimés et les CDD annuels ne seraient plus renouvelés. De fait, le budget annuel de l’archéologie passerait de 800’000 CHF actuellement à 300 000 CHF à l’avenir, et de 3,4 postes à temps plein à 1 seul. Avec des moyens aussi réduit en argent et en personnel, les prestations du service d’archéologie diminueront de façon drastique et il ne pourra plus assurer sur le terrain sa mission légale de protection et de conservation du riche patrimoine archéologique du canton de Schaffhouse. Le seul recours possible pour les archéologues pourrait être dans ce cas, de retarder, voire de bloquer tous les futurs projets de construction dans la mesure où la loi cantonale le permet.
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Nos racines gisent dans le sol (photo : pro-archaeologie.ch)

Pour ne pas en arriver à de telles extrémités, des personnes activement engagées dans le domaine de l’archéologie, en tant que professionnels ou amateurs, provenant de Schaffhouse et de l’ensemble de la Suisse, ont formé une association, Pro Iuliomago, dont l’objectif est de soutenir l’archéologie schaffhousoise dans la poursuite de ses missions actuelles. Dans ce but, elle vient de lancer samedi dernier une pétition qui demande au Conseil d’Etat du canton de Schaffhouse de revenir sur sa décision et de renoncer à la réduction en moyens et en personnel prévue dans les mesures d’économie, ainsi que de se prononcer en faveur des origines et de l’histoire de Schaffhouse afin de reconnaître sa responsabilité envers l’héritage culturel de ce canton. D’ici le 31 mars 2015, Pro Iuliomago souhaite réunir assez de signatures pour infléchir la décision des autorités cantonales. Si cette association n’y parvient pas,  il est à craindre également que, sans réaction de notre part, de telles mesures appliquées à Schaffhouse inspirent d’autres cantons en mal d’économies à réaliser. Afin de manifester votre soutien à nos collègues de Schaffhouse, je vous encourage donc à signer leur pétition en ligne ou sur papier, car leur engagement pour la défense de l’archéologie est aussi le nôtre.

« Mémoire 21 du Valais »: c’est parti !

Partant du constat que dans le canton du Valais comme ailleurs, la multiplication des travaux d’aménagement, en vue de construire des infrastructures et des bâtiments, a dépassé les capacités de gestion et de sauvegarde du patrimoine historique et entraîné d’importantes destructions, l’association valaisanne d’archéologie (AVA-WAG)  a jugé qu’il était temps de réagir si l’on ne veut pas voir s’effacer définitivement les derniers témoins encore préservés de l’histoire et de l’héritage culturel valaisan. Pour ce faire, l’AVA-WAG, en collaboration avec le Service des bâtiments, monuments et archéologie, le Service de la culture et le Service du développement territorial, a mis en œuvre le projet « Mémoire 21 » qui devrait aboutir en janvier 2016, à un plan d’action pour la protection et la valorisation du patrimoine historique et archéologique du Valais au 21ème siècle.
Sion
Vue sur la ville de Sion.

Mercredi, 26 novembre 2014, quelque 70 personnalités issues de tous les milieux intéressés ont été rassemblées à Sion dans l’ancien Musée de la nature pour  participer à la première étape du projet. Lors de cette séance inaugurale, les représentants ont été répartis en cinq groupes de travail occupés chacun d’un thème de réflexion afin d’aborder l’ensemble des questions qui se posent sur le sujet, depuis les questions de gouvernance jusqu’à l’enseignement de l’histoire et au rayonnement culturel du Valais en passant par les missions de sauvegarde et de transmission du patrimoine au sens large. En tant que médiateur culturel et de rédacteur de ce blog, j’ai été placé dans le groupe chargé de traiter de la promotion de ce patrimoine auprès des divers publics. Dans le cadre d’une offre culturelle et touristique toujours plus riche, ce groupe a reçu pour tâche de réfléchir aux moyens de promouvoir le patrimoine historique bâti et enfoui du Valais. Entre des sites bien visibles et reconnus par tous, comme le complexe de bâtiments et le trésor de l’abbaye de Saint-Maurice ou les ruines romaines d’Octodure insérées dans le tissu urbain de l’actuelle Martigny, se cachent d’autres vestiges plus discrets qui mériteraient eux aussi d’être connus et mis en valeur en répondant aux questions de base : pourquoi, pour qui et comment ?. Si le pourquoi et le pour qui peuvent apparaître clairs à première vue, le comment mérite un examen plus attentif. Avec le développement des nouvelles technologies dans toutes les couches de la société, nul doute que c’est à travers des applications pour appareils numériques, que peuvent se trouver les solutions d’avenir de la promotion du patrimoine dans le canton du Valais comme ailleurs.

La Convention de Malte face aux législations cantonales

Le 6 décembre 1995, l’Assemblée fédérale a approuvé la ratification de la Convention européenne pour la protection du patrimoine archéologique (révisée), élaborée à La Valette en 1992 et connue sous le nom de Convention de Malte. Elle est entrée en vigueur pour la Suisse en 1996. La Convention prévoit un ensemble important de mesures pour améliorer la protection du patrimoine archéologique et pour promouvoir sa mise en valeur. En tant que signataire, la Suisse est tenue d’appliquer les mesures prévues dans la Convention. Toutefois, sur le plan juridique, la Convention ne peut être appliquée directement dans la législation nationale, car selon les modalités de l’article 78 de la Constitution fédérale ce sont les cantons et non l’Etat fédéral qui sont responsables de la protection de la nature et du patrimoine. La Confédération peut veiller à l’application de la Convention de Malte lors de la réalisation de ses propres tâches, mais elle ne peut modifier les législations cantonales dans ce sens, bien qu’il soit de sa responsabilité, en tant qu’Etat signataire, de la faire appliquer dans les cantons. Seule la question de la propriété est réglée par une législation nationale supérieure, le Code Civil, qui dans son article 724 stipule que : « les curiosités naturelles et les antiquités qui n’appartiennent à personne et qui offrent un intérêt scientifique sont la propriété du canton sur le territoire duquel elles ont été trouvées. »
LaValette
La Valette, berceau de la Convention de Malte

Face à ce constat, la commission « Archéologie et aménagement du territoire » mise en place par Archéologie suisse (AS) en 2007,  s’est donnée comme tâche d’analyser dans quelle mesure les législations cantonales répondent aux recommandations inscrites  dans la Convention de Malte.  Sur la base de 11 critères basés sur les articles les plus significatifs de la Convention, toutes les législations cantonales ont été soumises au crible par les membres de la commission alors placée sous la présidence de Robert Fellner, archéologue cantonal du Jura, qui en a fait la synthèse.  Il ressort de cette analyse que l’application de la Convention varie considérablement d’une législation cantonale à l’autre, et dans certains cas, des compléments des textes existants seraient nécessaires. Ce travail d’évaluation a donné lieu à un rapport intitulé « Application de la Convention de Malte dans les législations cantonales », qui a été soumis aux archéologues cantonaux et au comité d’AS au printemps 2014. Ce rapport qui mérite d’être connu est en ligne sur le site Internet d’AS depuis le mois d’août 2014. Il sera mis à jour régulièrement en fonction des modifications de lois approuvées dans les cantons.

Alliance patrimoine monte au front

Il y a un peu plus d’un mois, le 28 mai 2014, le Conseil fédéral a ouvert la procédure de consultation sur le Message concernant l’encouragement de la culture pour les années 2016 à 2019 (Message culture). Ce document définit les objectifs, les mesures et les crédits qui seront alloués aux institutions culturelles de la Confédération pour une période de quatre ans.  Les milieux intéressés sont invités à prendre position sur le projet mis en consultation avant le 19 septembre 2014. Après évaluation des prises de position, le message sera soumis à l’approbation du Conseil fédéral à la fin de l’année. Pour mettre en œuvre la politique culturelle de la Confédération, le Conseil fédéral demande un crédit-cadre de 894,6 millions de francs, ce qui correspond à une croissance annuelle moyenne de 3,4 %. Cette demande sera traité par le Parlement en 2015, qui sera appelé à voter  les crédits nécessaires à la mise en œuvre de cette politique, en vue d’une entrée en vigueur le 1er janvier 2016.
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Extrait du site Internet d’Alliance Patrimoine

Le même jour, le 28 mai 2014, Alliance Patrimoine célébrait le premier anniversaire de sa création. Cette structure rassemble quatre organisations totalisant 92‘000 membres : Archéologie Suisse (AS), le Centre national d’information sur le PATRIMOINE CULTUREL (NIKE), Patrimoine suisse (PS) et la Société d’histoire de l’art en Suisse (SHAS). Son but est de s’engager sur le plan politique en faveur de la préservation durable du patrimoine culturel suisse. Or si le crédit-cadre alloué à la Culture tend à croitre d’une manière générale, il n’en est rien en ce qui concerne les montants qui seront alloués à l’entretien et à la conservation des monuments historiques, des sites construits et des sites archéologiques pour la période en question. Pour que les travaux nécessaires puissent être réalisés, le domaine du patrimoine culturel et des monuments historiques a besoin d’une  contribution annuelle de la Confédération se montant à  30 millions de francs au minimum. Sans ce soutien  aux cantons et aux communes, des biens culturels inestimables seront définitivement perdus. Or depuis 2004, ces domaines subissent de manière constante des réductions budgétaires déjà mis en évidence lors du précédent «Message culture», alors que le patrimoine culturel est toujours plus menacé par l’extension continue des constructions. Il faut donc s’attendre à une prise de position plutôt critique et sévère de la part des archéologues et des conservateurs des monuments et des sites.

Pour un portail de l’archéologie suisse

Depuis mi-octobre 2013, a été mis en ligne le Portail Sciences de l’Antiquité (PSA) en Suisse, dont le souhait est de servir le rôle de fil d’Ariane dans le labyrinthe que représente parfois Internet pour les personnes qui cherchent de l’information dans ce domaine. Comme le rapporte la page d’accueil du site, le projet PSA fut initié en février 2013, avec le soutien financier de l’Académie suisse des sciences humaines et sociales (ASSH), par un groupe de huit associations et commissions réunies dans le Groupe de coordination PSA, à savoir : Archéologie Suisse (AS), Association des amis de l’art antique, Association suisse pour l’étude de l’Antiquité (ASEA), Commission Corpus Americanensium Antiquitatum (CAA), Commission du Dictionnaire de latin médiéval (CDLM), Inventaire des trouvailles monétaires suisses (ITMS), Société suisse de numismatique(SSN), Société suisse pour l’étude du Proche-Orient ancien (SSPOA).
PSA
Extrait du bandeau d’accueil du PSA

En parcourant ce nouveau site, qui a au moins le mérite d’être bilingue (français, allemand),  il faut admettre d’emblée que le public cible est clairement celui des chercheurs et des professionnels de l’archéologie qui se trouvent engagés dans les académies, les musées ou les institutions. En effet, à part la page « Actualité » qui établit le lien direct vers les manifestations et expositions en cours sur le sujet, guère plus d’informations utiles pour le grand public qui s’intéresserait de façon générale au domaine de l’archéologie en Suisse que les liens Internet déjà établis par d’autres sites, comme celui de l’organisation faîtière Archéologie suisse.  Seule la structuration des liens apporte à l’ensemble une meilleure visibilité. En revanche, le développement des contenus, cantonalisation de la culture oblige, dépend toujours  et encore des informations plus ou moins bien présentées dans les sites des Offices cantonaux ou des institutions en charge de l’archéologie dont le PSA donne les liens.  Il ne s’agit donc, en définitive, que d’une simple passerelle de liens Internet et non d’un véritable portail d’informations sur l’archéologie en Suisse dans le sens souhaité par le groupe de travail « Nouvelles technologies et médias » constitué dans le cadre d’Horizons 2015. Mais pour parvenir à cet objectif, il faudrait sans doute obtenir une ressource plus importante que celle d’un poste de rédaction à 15% destiné à entretenir le site. La vraie révolution serait de disposer formellement de la collaboration active de tous les professionnels du domaine pour qu’ensemble ils mettent à jour et développent ce nouveau portail d’informations centralisé afin de le rendre utile pour tous les publics.

Motion Rossini, les archéologues déchantent

A Berne, mercredi  5 mars 2014, à 15h, la motion déposée le 13 décembre 2012 par le conseiller national valaisan et socialiste Stéphane Rossini pour  la «coordination de la protection des sites archéologiques» a été rejetée par le Conseil National par 100 voix contre, 74 pour, et  5 abstentions. Le texte soumis au vote des parlementaires proposait en particulier la mise en œuvre d’une réglementation des détecteurs de métaux au niveau fédéral. Arguant du fait que: «en vertu de l’article 78 alinéa 1 de la Constitution fédérale (RS 101), la protection de la nature et du patrimoine, à laquelle l’archéologie est rattachée, est du ressort des cantons », la Confédération ne peut pas entreprendre de démarche dans ce sens. Seule consolation apportée par la voix d’Alain Berset dans la discussion, c’est que «le Conseil fédéral mesure les risques pour le patrimoine archéologique que représentent les prospections qui ne sont ni autorisées, ni encadrées. De tels actes ont parfois pour conséquence la destruction irréparable de sources d’information primordiales pour notre histoire.»
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Dessin extrait du n°133 de Vigousse

Il revient donc aux cantons de prendre toutes les mesures appropriées pour réglementer de leur propre chef l’usage des détecteurs de métaux. Selon Alain Berset, « la Conférence suisse des archéologues cantonaux a édicté en septembre dernier des directives qui réglementent les activités des particuliers et l’usage de détecteurs de métaux ».  Nous sommes ravis de l’apprendre. Le seul problème c’est qu’au lieu d’avoir une loi et une réglementation valable sur l’ensemble du territoire suisse, on va se retrouver avec, au mieux, 26 dispositions cantonales plus ou moins contraignantes.  En outre, sachant que dans six cantons il n’existe pas encore de Service cantonal d’archéologie, on ne voit pas bien qui dans ces entités va pouvoir prendre l’initiative de tels actes juridiques.  Ce que le Conseil fédéral et la majorité du Parlement n’ont pas compris, c’est qu’ils acceptent de ratifier des conventions internationales, comme la Convention de Malte, et de promulguer des lois, comme la Loi fédérale sur le transfert international des biens culturels (LTBC), mais ils ne se préoccupent pas de les mettre en vigueur dans les cantons. Autrement dit, ils s’en lavent les mains une fois que cela est fait et les archéologues n’ont qu’à porter seuls leur croix devant leurs autorités cantonales. C’est ce qu’a bien dû faire Carmen Buchiller, archéologue cantonale de Fribourg, qui depuis octobre 2013 oblige tous les amateurs de détecteur de métaux à respecter une série de règles pour obtenir une autorisation de prospection sur le territoire fribourgeois. Souhaitons que son exemple soit suivi à terme par l’ensemble des archéologues cantonaux.

Pour un permis des détecteurs de métaux

Le pillage archéologique, déjà évoqué dans ce blog, continue à préoccuper les milieux archéologiques et muséaux, que la promulgation de lois, telles la Loi sur le transfert des biens culturels (LTBC), ne semblent pouvoir endiguer. Mercredi 27 novembre, le cercle neuchâtelois d’archéologie de Neuchâtel, mieux connus sous le nom « ArchéoNE », avait invité Marc-André Haldimann, archéologue et chercheur associé à l’Université de Berne,  pour présenter une conférence  intitulée : « La question du pillage archéologique : un viol collectif de la mémoire de l’humanité », dont le sujet fait écho à l’émission de radio “Monumental” du 13 octobre dernier.  Au-delà des milliards de revenus  générés par le trafic illégal des antiquités provenant de régions qui sont au cœur de l’héritage culturel de l’humanité, le conférencier à évoqué les motivations qui poussent un individu à faire des fouilles illégales sur un site archéologique, comme celui d’Apamée en Syrie, dont le conférencier, par ailleurs expert fédéral en archéologie méditerranéenne pour l’Office Fédéral de la Culture, a montré l’ampleur des destructions. Si une personne ne dispose plus d’une source de revenus, parce que son pays est en guerre, la tentation est grande de chasser les trésors qui se cachent dans le sol près de chez lui pour s’offrir les moyens de subsister ou de s’exiler à l’étranger avec sa famille.
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Image publicitaire pour un détecteur de métaux

Près de chez nous, à côté des pillages en cours au Proche-Orient qui dévastent des sites archéologiques inscrits au Patrimoine mondial de l’Unesco,  les motivations sont d’un autre ordre, mais peuvent, à la base, résulter d’une même nécessité : celle d’améliorer son quotidien. Par exemple, il est facile pour un chômeur  de s’offrir l’un des nombreux modèles de détecteur de métaux et d’ouvrir ainsi sa petite entreprise de prospection. Par le biais d’un site internet, comme e-bay, il pourra écouler à plus ou moins vil prix, les objets de ses collectes.  Ce type de pratique représente  un désastre culturel qui se fait sous nos yeux. Il est urgent d’agir et de trouver une solution à ce vaste problème. Mais quelle solution ? Carotte ou bâton ? La solution « bâton », consisterait  à édicter de nouvelles lois, plus strictes administrativement et dissuasives pénalement. La solution « carotte » pourrait être de donner un statut, voire de récompenser ou de verser un salaire aux prospecteurs présentant leurs découvertes aux autorités compétentes et acceptant de respecter scrupuleusement les lois en vigueurs, comme le leur enjoint un site qui leur est dédié comme celui-ci . En tout cas, il faudrait envisager de soumettre l’usage des détecteurs de métaux à un permis, comparable à celui du port d’arme.  Ainsi cela permettrait de contrôler la vente de ces appareils, reviendrait à en interdire l’usage à des fins non professionnelles et freinerait pour le moins l’expansion du phénomène de la prospection et des fouilles illégales.

Qui paie commande ?

En ouverture de leur congrès annuel 2013, les membres de l’Association suisse des musées (AMS), ceux de la section suisse du Conseil international des musées (ICOM), ainsi que des personnes intéressées par la question,  se sont réunis le 29 août au Musée d’art et d’histoire de Genève pour une réflexion sur les relations de partenariat public-privé dans le cadre des musées. Il est de fait que les musées pour l’accomplissement de leurs taches sont à la recherche de financements. Que ces financements proviennent du secteur public ou du secteur privé il est toujours bon de trouver de nouvelles sources de financements pour se prémunir de la réduction des subventions publiques ou du retrait d’un important mécène.  Ainsi, la mise en place de projets basés sur un partenariat public-privé peut se révéler profitable pour les deux parties. Pour les musées, cela permet de créer un cadre bien défini aux projets d’extensions, d’expositions, de réaménagements de salles, de mises en valeur des collections, de restaurations d’objets, de publications ou de programmes de médiation culturelle et de vérifier qu’ils sont en adéquation avec les souhaits de leur public. Pour les privés, cela permet de s’associer aux institutions muséales, afin de gagner en visibilité, une reconnaissance de la collectivité et obtenir des contreparties, comme la mise à disposition des espaces muséaux pour y organiser  des événements de relations publiques.

Rade de Genève

La rade de Genève

Dans la perspective de proposer des contreparties permettant de susciter l’ouverture de fonds privés pour entretenir le patrimoine culturel, comment juger l’attitude des archéologues genevois qui ont remis au lac des centaines de pilotis de l’âge du Bronze ? Défiant leur autorité de tutelle, le Conseil d’État du canton de Genève qui souhaitait mettre en vente une partie des 2400 pieux en chêne extraits du site lacustre du Plonjon dans la rade, nos collègues genevoix ont jugé préférable d’en rejeter la plus grande partie au lac, ne conservant que 150 pieux à des fins scientifiques et muséographiques, plutôt que  d’approvisionner le trafic de vestiges archéologiques. De fait, une fois qu’un pieu a été déterminé du point de vue de l’espèce de son bois, mesuré dans ses dimensions, dessiné,  photographié et échantillonné pour permettre une étude dendrochronologique susceptible d’en fournir une date d’abatage, une remise à l’eau est généralement le destin final qui lui est réservé, compte tenu qu’il n’est pas possible de garder des milliers de pièces gorgées d’eau sans mettre en œuvre une procédure couteuse de conservation, comme la lyophilisation ou le recours à des produits d’imprégnation comme le polyéthylène glycol, avant de leur trouver un volume de dépôt. Aussi, peut-on se demander s’il n’aurait pas été possible, dans ce cas, de mettre en place un partenariat public-privé de type “crowdfunding” pour financer l’étude de ces pieux, quitte à en offrir un certain nombre, après analyse, en guise de contrepartie symbolique. Car il n’existe, à ma connaissance, aucun trafic illicite de pieux lacustres, ce qui rend leur valeur marchande, donc l’idée de les vendre, quasi nulle. On peut cependant penser que cette affaire ne restera pas sans suite et que l’on vérifiera dans cet exemple, si oui ou non, qui paie commande !

Indiastra et les associés d’Alliance Patrimoine

Aujourd’hui a eu lieu à Berne l’assemblée générale du Groupe de travail pour les recherches préhistoriques en Suisse (GPS). En marge de la partie scientifique qui expose les dernières découvertes et recherches en pré- et protohistoire du pays, deux communications de nature politique furent présentées. Ce fut d’abord Alexander von Burg,  responsable du service de l’Office fédéral des routes (OFROU) spécialisé en  archéologie /paléontologie, qui profita de la tribune pour commenter la nouvelle « Procédure applicable en cas de découvertes archéologiques ou paléontologiques lors de la construction des routes nationales». La réforme de la péréquation financière entre la Confédération et les cantons (RPT) décidée le 28 novembre 2004, et entrée en vigueur le 1 janvier 2008, a comme première conséquence que tous les frais des travaux liés à la construction des routes nationales sont payés intégralement par le maître d’œuvre, c’est-à-dire la Confédération, alors qu’auparavant une partie des frais, entre 3 et 35% devait être prise en charge par les cantons.  Dorénavant, tous les nouveaux projets d’autoroutes seront développés par l’une des cinq filiales régionales de l’OFROU et seront assortis d’un rapport relatif à l’impact sur l’environnement (REI) et d’une étude d’impact sur l’environnement (EIE) pour lesquels le service spécialisé de l’OFROU (ASTRA en allemand) sera responsable de l’application de l’article 3 de la Loi sur la Protection de la Nature et du paysage (LPN). Une bonne raison pour accepter l‘augmentation de la vignette autoroutière à 100 francs.

Indiastra
Indiastra est prêt à imposer sa procédure

Lors de l’assemblée générale, le président d’Archéologie suisse (AS), Peter- Andrew Schwarz prit la parole pour annoncer le lancement officiel le 28 mai 2013 de l’association « Alliance Patrimoine » résultat de l’action concertée de quatre sociétés (Patrimoine suisse, la Société d’histoire de l’art en Suisse (SHAS), le Centre national d’information pour la conservation des biens culturels (NIKE) et Archéologie suisse ) qui se sont associées pour former un groupe de lobbying chargé de rencontrer, de deux à quatre fois par année, les administrations et des parlementaires fédéraux. Pour cela ils partageront les coûts d’un cabinet d’avocat, Furrer.Hugi & Partner AG, qui sera chargé de défendre leurs intérêts lorsqu’ils seront concernés par de nouvelles dispositions administratives. Si on ajoute à toute ces bonnes nouvelles la publication par un groupe de travail dirigé par Gilles Bourgarel des « lignes directrices pour l’archéologie de terrain » mis en place dans le sillage du projet Horizon 2015, on peut dire que l’archéologie helvétique semble vouloir se définir dans un cadre opérationnel et politique de mieux en mieux établi. Car malgré une reconnaissance du public, les archéologues ont du mal à être pris en considération par les autorités.