Qui paie commande ?

En ouverture de leur congrès annuel 2013, les membres de l’Association suisse des musées (AMS), ceux de la section suisse du Conseil international des musées (ICOM), ainsi que des personnes intéressées par la question,  se sont réunis le 29 août au Musée d’art et d’histoire de Genève pour une réflexion sur les relations de partenariat public-privé dans le cadre des musées. Il est de fait que les musées pour l’accomplissement de leurs taches sont à la recherche de financements. Que ces financements proviennent du secteur public ou du secteur privé il est toujours bon de trouver de nouvelles sources de financements pour se prémunir de la réduction des subventions publiques ou du retrait d’un important mécène.  Ainsi, la mise en place de projets basés sur un partenariat public-privé peut se révéler profitable pour les deux parties. Pour les musées, cela permet de créer un cadre bien défini aux projets d’extensions, d’expositions, de réaménagements de salles, de mises en valeur des collections, de restaurations d’objets, de publications ou de programmes de médiation culturelle et de vérifier qu’ils sont en adéquation avec les souhaits de leur public. Pour les privés, cela permet de s’associer aux institutions muséales, afin de gagner en visibilité, une reconnaissance de la collectivité et obtenir des contreparties, comme la mise à disposition des espaces muséaux pour y organiser  des événements de relations publiques.

Rade de Genève

La rade de Genève

Dans la perspective de proposer des contreparties permettant de susciter l’ouverture de fonds privés pour entretenir le patrimoine culturel, comment juger l’attitude des archéologues genevois qui ont remis au lac des centaines de pilotis de l’âge du Bronze ? Défiant leur autorité de tutelle, le Conseil d’État du canton de Genève qui souhaitait mettre en vente une partie des 2400 pieux en chêne extraits du site lacustre du Plonjon dans la rade, nos collègues genevoix ont jugé préférable d’en rejeter la plus grande partie au lac, ne conservant que 150 pieux à des fins scientifiques et muséographiques, plutôt que  d’approvisionner le trafic de vestiges archéologiques. De fait, une fois qu’un pieu a été déterminé du point de vue de l’espèce de son bois, mesuré dans ses dimensions, dessiné,  photographié et échantillonné pour permettre une étude dendrochronologique susceptible d’en fournir une date d’abatage, une remise à l’eau est généralement le destin final qui lui est réservé, compte tenu qu’il n’est pas possible de garder des milliers de pièces gorgées d’eau sans mettre en œuvre une procédure couteuse de conservation, comme la lyophilisation ou le recours à des produits d’imprégnation comme le polyéthylène glycol, avant de leur trouver un volume de dépôt. Aussi, peut-on se demander s’il n’aurait pas été possible, dans ce cas, de mettre en place un partenariat public-privé de type “crowdfunding” pour financer l’étude de ces pieux, quitte à en offrir un certain nombre, après analyse, en guise de contrepartie symbolique. Car il n’existe, à ma connaissance, aucun trafic illicite de pieux lacustres, ce qui rend leur valeur marchande, donc l’idée de les vendre, quasi nulle. On peut cependant penser que cette affaire ne restera pas sans suite et que l’on vérifiera dans cet exemple, si oui ou non, qui paie commande !

L’archéologie en archives

Toute fouille archéologique se doit d’être conduite dans le souci de recueillir un maximum d’informations sur le site exploré. Cela commence bien souvent par la récolte d’artefacts dont la position sur le terrain doit être dans la mesure du possible précisément définie. La qualité de l’archive dépend en premier lieu de la minutie avec laquelle les divers éléments  produits par la fouille (artefacts, dessins, photos, observations, etc) auront été récoltés. Pour permettre la meilleure collaboration possible entre les équipes de recherches et également pour assurer la transmission de l’information pour des analyses ultérieures des normes d’enregistrement de cette documentation doivent être appliquées à tous les éléments  à archiver, de la planification de la fouille, jusqu’à l’exposition dans une vitrine de musée. C’est dans la perspective de proposer de telles normes documentaires que s’est mis en place le projet ARCHES. Correctement archivés des fragments de tuiles peuvent être exposés en un seul tas sans que, si besoin, les relations de chacune d’entre elles  avec le terrain ne soient perdues.

Tas de tuiles
Fragments de tuiles en tas dans ARCHÉO A16

Au final, ces archives doivent être conditionnées et placées  dans des lieux sûrs qui réduisent au minimum les risques de dommage, détérioration, perte ou vol, afin d’assurer leur conservation à long terme. En effet, un projet archéologique ne peut  pas être considéré comme terminé avant que tous les objets mis aux jours et tous les documents produits lors de l’étude (plans, illustrations, listes d’inventaires, rapports, monographies, etc) aient été transférés dans un dépôt d’archive reconnu et entièrement accessible pour consultation. Avec  l’utilisation croissante de l’informatique le mode de consultation le plus pratique est très certainement sous la forme de données numériques. C’est à la définition de normes pour la constitution de bases de données numériques que s’est attelé un autre organisme ARIADNE.  Il faut espérer que dans leurs définitions des normes pour les divers corpus de documents d’archive, résultants soit de la fouille, soit de l’étude, les acteurs de ces deux projets se coordonnent pour produire des données numériques homogènes afin d’assurer l’interopérabilité entres elles.

Des journées d’archéologie, en rêve

Hier l’Institut National de Recherche en Archéologie Préventive (Inrap) et le ministère français de la Culture et de la Communication ont publié le bilan des 4e Journées nationales de l’Archéologie (JNA) organisées les 7, 8 et 9 juin 2013. Selon les organisateurs, la manifestation a rencontré un succès,  car plus de 120’000 visiteurs dans plus de 559 lieux en France métropolitaine et dans les départements d’outre-mer ont participé à ce rendez-vous qui proposait plus de 1150 manifestations dans plus de 440 communes, soit une augmentation de la fréquentation de 31% par rapport à 2012. Pour ma part à l’occasion de ces journées je me suis rendu sur le site archéologique de Mandeure près de Montbéliard, pour  expérimenter  « in situ » l’application «Cicerone Mandeure» qui permet une visite en réalité augmentée sur tablette numérique ou téléphone intelligent  du théâtre gallo-romain de l’antique Epomanduodurum. Il y avait également en action la reconstitution d’un four de potier romain mis en œuvre par  Pierre Mougin, archéologue de collectivité du syndicat intercommunal de Mandeure et Mathay, la présentation par  Pierre Tison d’une maquette du pont romain de Brognard  sur l’Allan, ainsi que la démonstration d’un «odomètre», appareil mécanique antique permettant de mesurer les distances, réalisé par la Société d’histoire et d’archéologie de l’arrondissement de Lure (SHAARL) en collaboration avec l’Institut des sciences et techniques de l’Antiquité (ISTA) de l’université de Franche-Comté.
Cicerone Mandeure
L’application « Cicerone Mandeure » en action

Hier également, à l’invitation de l’association Archaeo Tourism 2012,  je me suis rendu dans le bâtiment  Anthropole de l’UNIL à  Lausanne pour assister à une Table ronde intitulée « Archéologie et événementiel ». Cette première rencontre suisse consacrée à la problématique de l’événementiel au service de l’archéologie a réuni une petite dizaine de personnes.  Devant elles, Pascal Ratier, coordinateur des Journées de l’archéologie en France, a  présenté les tenants et les aboutissants d’une telle manifestation ainsi qu’en primeur le bilan ci-dessus des JNA 2013. En fonction de leurs expériences dans le domaine de la médiation culturelle, de l’organisation de festival ou de la direction de musée, les participants ont dû évaluer  le pour et le contre de l’organisation d’un tel événement en Suisse. Du côté du pour, on peut évoquer  le besoin de reconnaissance officielle de l’archéologie et celle de la volonté des archéologues à transmettre leur savoir auprès de divers publics. Du côté du contre, l’existence établie d’autres manifestations semblables  comme les Journées européennes du patrimoine ou la Nuit des musées, et bien sûr la structure fédérale du pays qui nécessiterait au préalable une coordination entre les archéologies cantonales ou la prise en charge par une organisation faîtière comme Archéologie Suisse. En définitive, pour ceux qui voudraient organiser de telles journées en Suisse, la solution la plus simple serait sans doute de se joindre à la structure mise en place par la France, comme j’osais déjà le rêver il y a deux ans dans ce blog. Après tout, ce ne serait pas la première fois que la France initierait un événement culturel reprit ailleurs par la suite.

Le parfum des fleurs des Pharaons

C’est avec un sentiment de déjà-vu que l’amateur  d’égyptologie entre dans la nouvelle exposition du Laténium « Fleurs des Pharaons ». Un alignement de sarcophages dressés se présente sur la droite contre la paroi comme  dans le tombeau de Kih-Oskh dans lequel pénètre Tintin dans «les Cigares du Pharaon». L’archéologue, quant à lui, doit se remémorer la découverte de la cachette des momies royales de Deir el-Bahari en 1881, ainsi que d’une autre cache toute proche découverte un peu plus tard en 1891, ayant conduit à la mise au jour du double sarcophage de Nesi Maout, prêtresse d’Amon –Rê au cours de la XXIe dynastie, en même temps que 152 autres sarcophages de grands prêtres. Mais ce qui retient l’attention de cette exposition, ce ne sont pas ces cercueils provenant de la collection égyptienne du Musée d’ethnographie de Neuchâtel ni même l’histoire des momies qu’ils contenaient, mais les fleurs qui étaient ensevelies en même temps que d’autres corps momifiés bien plus illustres.

FleursDePharaon
Anubis était aussi présent à la Nuit des musées

En 2010, l’archéobotaniste Christiane Jacquat remarqua une collection de fleurs séchées dans les caves de l’Institut de botanique de l’Université de Zürich. Elle découvrit que ces fleurs avaient été offertes en 1890 au Jardin botanique de Zürich par le célèbre égyptologue Gaston Maspero, et, avec le temps, la trace en avait été perdue. Or, il s’agissait des fragments des guirlandes funéraires qui se trouvaient enfouies dans la célèbre cachette de Deir el-Bahari  où les plus prestigieuses momies royales des XVIIIe et XIXe dynasties avaient trouvé refuge, parmi lesquelles  Amosis, Thoutmosis Ier, II, III, Aménophis Ier, Ramsès Ier, II, III, Nefertari et Hatshepsout. Ainsi le titre de l’exposition «Fleurs des Pharaons » n’est pas usurpé car les fleurs séchées exposées et savamment présentées ont bien passés plusieurs millénaires auprès des plus grands pharaons du Nouvel Empire. La survivance de ces fragiles vestiges botaniques n’est pas sans faire écho au même miracle qui permet l’étude des macrorestes végétaux dans les villages des Palafittes, dont Christiane Jacquat est une des plus grandes spécialistes et tout naturellement  la commissaire scientifique de cette exposition à voir jusqu’au 2 mars 2014.

ArchéoA16 en résumé

Le 4 mai 2013 va s’ouvrir simultanément dans les trois districts du canton du Jura, ARCHÉO A16, une grande exposition rétrospective des découvertes  réalisées au cours de 25 années de fouilles le long du tracé de l’autoroute A16, dite Transjurane. Comme l’annonce en détail, en guise d’accroche publicitaire le futur ticket d’entrée de cette exposition multisites, ce ne sont pas moins de 8’054 tranchées de sondage, 44 fouilles et 644’318 objets inventoriés, qui constituent l’héritage archéologique de ce vaste chantier de génie civil. Pas moins de quatre musées se sont associés avec  la Section d’archéologie et paléontologie de l’Office de la culture du Jura pour former  un Comité de pilotage chargé de la réalisation de cet ambitieux projet. Le thème retenu est des plus simples puisque les quatre musées se sont partagés les artéfacts en fonction de leur matière de base. Ainsi les métaux seront présentés au Musée Jurassien d’Art et d’Histoire de Delémont, la terre (soit la céramique et le verre) au Musée de l’Hôtel-Dieu à Porrentruy, la pierre au Musée des Sciences Naturelles dans la même localité et, enfin, les matières organiques (os et bois) au Centre Nature des Cerlatez  près de Saignelégier.

ArchéoA16

Extrait de l’affiche de l’exposition.

Aujourd’hui a eu lieu à Porrentruy, dans le cadre cossu du Musée de l’Hôtel-Dieu,  la conférence de presse en relation avec cette exposition. Comme j’ai été mandaté par le Comité de pilotage pour agir en tant que commissaire d’exposition dans les quatre lieux, il m’est possible de dire que la première sélection des objets s’est faite en parcourant les images et les planches contenues dans les 32 volumes de la série des Cahiers d’archéologie jurassienne consacrés uniquement aux découvertes liées à l’A16. A l’arrivée, une liste de plus de 1400 objets. Pour l’instant, seule une partie d’entre eux sont présents sur le site internet conçu en lien avec l’exposition et la résume. Mais petit à petit, ce petit noyau va s’enrichir de nouvelles adjonctions et ainsi, lorsque les musées de briques et de ciments auront  fermés leurs portes à leur partie d’exposition, il sera toujours possible de la parcourir virtuellement.

 

Indiastra et les associés d’Alliance Patrimoine

Aujourd’hui a eu lieu à Berne l’assemblée générale du Groupe de travail pour les recherches préhistoriques en Suisse (GPS). En marge de la partie scientifique qui expose les dernières découvertes et recherches en pré- et protohistoire du pays, deux communications de nature politique furent présentées. Ce fut d’abord Alexander von Burg,  responsable du service de l’Office fédéral des routes (OFROU) spécialisé en  archéologie /paléontologie, qui profita de la tribune pour commenter la nouvelle « Procédure applicable en cas de découvertes archéologiques ou paléontologiques lors de la construction des routes nationales». La réforme de la péréquation financière entre la Confédération et les cantons (RPT) décidée le 28 novembre 2004, et entrée en vigueur le 1 janvier 2008, a comme première conséquence que tous les frais des travaux liés à la construction des routes nationales sont payés intégralement par le maître d’œuvre, c’est-à-dire la Confédération, alors qu’auparavant une partie des frais, entre 3 et 35% devait être prise en charge par les cantons.  Dorénavant, tous les nouveaux projets d’autoroutes seront développés par l’une des cinq filiales régionales de l’OFROU et seront assortis d’un rapport relatif à l’impact sur l’environnement (REI) et d’une étude d’impact sur l’environnement (EIE) pour lesquels le service spécialisé de l’OFROU (ASTRA en allemand) sera responsable de l’application de l’article 3 de la Loi sur la Protection de la Nature et du paysage (LPN). Une bonne raison pour accepter l‘augmentation de la vignette autoroutière à 100 francs.

Indiastra
Indiastra est prêt à imposer sa procédure

Lors de l’assemblée générale, le président d’Archéologie suisse (AS), Peter- Andrew Schwarz prit la parole pour annoncer le lancement officiel le 28 mai 2013 de l’association « Alliance Patrimoine » résultat de l’action concertée de quatre sociétés (Patrimoine suisse, la Société d’histoire de l’art en Suisse (SHAS), le Centre national d’information pour la conservation des biens culturels (NIKE) et Archéologie suisse ) qui se sont associées pour former un groupe de lobbying chargé de rencontrer, de deux à quatre fois par année, les administrations et des parlementaires fédéraux. Pour cela ils partageront les coûts d’un cabinet d’avocat, Furrer.Hugi & Partner AG, qui sera chargé de défendre leurs intérêts lorsqu’ils seront concernés par de nouvelles dispositions administratives. Si on ajoute à toute ces bonnes nouvelles la publication par un groupe de travail dirigé par Gilles Bourgarel des « lignes directrices pour l’archéologie de terrain » mis en place dans le sillage du projet Horizon 2015, on peut dire que l’archéologie helvétique semble vouloir se définir dans un cadre opérationnel et politique de mieux en mieux établi. Car malgré une reconnaissance du public, les archéologues ont du mal à être pris en considération par les autorités.

OUI à la modification de la LAT

Pour la première fois de son histoire l’association Archéologie suisse (AS) a donné une consigne de vote à ses membres : ils sont incités à voter OUI le 3 mars 2013 à la modification de la Loi sur l’aménagement du territoire (LAT) dans l’intérêt de la protection du patrimoine, de la nature et des paysages. Cette prise de position (oubliée de publication sur le site Internet des partisans) est la conséquence concrète des nouveaux statuts de la société adoptés le 13 juin 2009 à Genève et qui entérinait de manière officielle la création en son sein de la commission « Archéologie et aménagement du territoire ». La commission, qui compte actuellement  16 membres, se compose de spécialistes et de non spécialistes de l’archéologie. Ses activités, qui concernent la Suisse tout entière, vise à sensibiliser les administrations et les politiques sur les lois, règlements et plans directeurs cantonaux qui peuvent avoir une incidence directe ou indirecte avec l’archéologie, afin de les harmoniser dans les 26 cantons et demi-cantons de la Confédération et les rendre conforme à tous les aspects développés dans la Convention de Malte. Le rapport d’évaluation des plans directeurs cantonaux qu’elle a dressé, représente de manière concrète l’un de ses objectifs.
Logo_sans 3 mars_F
Logo pour le OUI

Une autre des taches de la commission doit être  la rédaction de prises de position lors de révisions ou d’introduction de lois susceptibles de concerner le patrimoine archéologique. D’où cette prise de position du comité d’AS sur la modification de la LAT. Le principal argument c’est que comme l’archéologie est une activité à incidence spatiale, toute nouvelle construction sur un terrain non bâti représente une menace potentielle sur les vestiges enfouis, d’autant plus si elle s’établit dans une zone archéologique protégée. La révision de la LAT prévoit que les cantons et les communes perçoivent une taxe s’élevant au moins à 20% de la plus-value foncière touchée par les propriétaires d’un terrain reclassé.  Le produit de cette taxe doit être utilisé à indemniser les propriétaires de terrain déclassé, soit des terrains sortis de la zone à bâtir. Il pourra aussi servir pour financer l’aménagement de places publiques, de parcs et de routes. Dans l’état actuel des lois et règlements cantonaux, si une fouille se révèle nécessaire en zone protégée, c’est généralement les finances cantonales qui doivent en assumer les frais. Dans la perspective d’un nouveau règlement d’application de la LAT, il serait bon de prendre en compte cet aspect des choses et faire en sorte que dans la révision, selon le principe du casseur-payeur, celui qui oblige l’ouverture d’une fouille par sa construction, doivent en assumer les frais. Cela pourrait se faire de manière tout à fait mutualisée en attribuant une part de la taxe sur la plus-value foncière au profit également de l’archéologie lors du classement de nouveaux terrains en zone à bâtir.

Bilan intermédiaire d’Horizons 2015

Vendredi 18 janvier 2013, les archéologues actifs en Suisse dans tous les domaines et époques, se sont donnés rendez-vous à Bâle, dans l’un des auditoires de l’université, pour dresser le bilan intermédiaire du projet Horizons 2015. Rappelons que ce projet – que nous avons présenté ailleurs dans ce blog – a pour but d’améliorer la collaboration entre les diverses institutions et organisations de l’archéologie suisse, soit en premier lieu les services cantonaux, les universités et les musées. La première partie de la rencontre d’hier était consacrée aux diverses activités liées au projet, en particulier celles des groupes de travail formés à l’issue du concours d’idée de 2010. C’est dans cette partie que je suis intervenu en compagnie de Nathalie Duplain pour présenter le rapport établi par le groupe de travail « Nouvelles technologies et médias », créé a l’issue de sa réunion constitutive du 31 août 2011. Dans la seconde partie, furent présentés une dizaine de projets montrant qu’il est possible de mettre en place des collaborations suprarégionales et institutionnelles  allant au-delà de l’esprit de clocher, qui dans sa version suisse alémanique se dit  « Kantönligeist». Mais malgré ces présentations il semble que l’on est encore loin d’une véritable coordination de l’archéologie dans notre pays, car chacun préfère être le maître dans son canton ou son institution plutôt que de se voir imposer des règles venues d’ailleurs.
Horizons2015
Un millefeuille dans un colloque

Dans le cadre du groupe de travail « Nouvelles technologies et médias », nous avons constitué une liste des ressources disponibles en ligne concernant l’archéologie en Suisse, que l’on trouve sur les sites internet des archéologies cantonales, des musées d’archéologie, des universités et des recherches sur Google et Wikipédia. En faisant cela on ne peut que constater que cette présence en ligne poursuit essentiellement un rôle de communication institutionnelle permettant de savoir qui est responsable de quoi, où et quand. Mais si l’on cherche à connaître la richesse des sites suisses, leur localisation et les découvertes qui en sont issues, la tâche se révèle ardue si on ne maîtrise pas la structure dispersée de ces informations, voire tout simplement impossible, dû à l’absence même d’information en ligne dans certains cantons. Il apparaît paradoxal de constater que si un amateur d’archéologie cherche des données synthétiques sur l’archéologie en Suisse, il trouvera ces renseignements plus facilement sur un site étranger que sur l’un ou l’autre des sites des organisations faîtières de l’archéologie suisse, comme celui de la Conférence Suisse des Archéologues Cantonaux ou d’Archéologie suisse. Nathalie Duplain dans son blog résume bien l’ensemble de nos observations. Ce bilan plutôt désolant doit donc encourager le groupe de travail  à poursuivre sur cette lancée pour amener à terme à la création d’un véritable portail Internet de l’archéologie en Suisse, et disposer ensemble toutes les couches d’informations pour en faire un millefeuille digeste.

A quoi sert l’archéologie ?

Cette semaine,  dans l’émission « Vacarme » de la 1ère de la Radio Télévision Suisse (RTS), le journaliste Marc Giouse  interroge nos confrères actifs sur cinq grands sites archéologiques de Suisse et de France à propos de l’utilité de l’archéologie. Pour commencer, lundi 17 décembre 2012, c’est à partir de l’expérience vécue par  les archéologues engagés sur le terrain par le vaste projet de construction  du quartier « Métamorphose »  mis en route aux Prés-de-Vidy, à Lausanne, que les premières réponses furent apportées. Des sondages entrepris en 2008 avaient découvert sur cette parcelle la présence de sépultures d’époque romaine. Les fouilles préliminaires conduites cette année sur une surface restreinte de 200 m2 ont mis au jour une centaine de tombes, qui permettent d’envisager la présence à Lousonna d’une vaste nécropole recelant de deux à six mille sépultures, qui devrait être intégralement dégagée dans les trois  années à venir. De ces découvertes initiales, l’équipe du Musée romain de Lausanne-Vidy sous la direction de Laurent Flütsch, en a déjà extrait la matière à une exposition temporaire intitulée « La mort est dans le pré », à voir d’ici au 14 avril 2013. La mise en place d’une exposition est sans aucun doute une excellente manière pour le directeur de musée de démontrer au journaliste et au public  que l’archéologie ce n’est pas l’étude des objets, mais l’étude des restes matériels dans leur contexte.

Extrait de l’affiche de l’exposition.

Mardi, c’était en relation avec  l’exploration de la Grotte Chauvet, que la question de départ était posée par le journaliste à Dominique Baffier, conservatrice de la grotte. Aujourd’hui mercredi, c’étaient les découvertes du Mormont et autour de Gilbert Kaenel, que  Marc Giouse sollicitait des réponses lors de son interrogatoire. Demain jeudi, ce seront les fouilleurs du site de Corent et Mathieu Poux qui passeront à la question à la radio. Enfin, vendredi 21 décembre 2012, c’est l’équipe de Pierre Corboud, attachée à la sauvegarde des vestiges du site palafittique du Plonjon dans la rade de Genève, qui apportera une touche finale à cette série de rencontres enregistrée au mois de septembre. Mais comme ce jour là est également annoncé comme « la fin du calendrier Maya » une émission spéciale  « la fin est un début » permettra à Laurent Flütsch d’apporter,  en direct sur les ondes, l’éclairage de l’archéologue sur l’histoire future de l’humanité. On peut espérer qu’après cela, une réponse satisfaisante à la question :« à quoi sert l’archéologie ? » émergera. En guise de conclusion, dimanche prochain, 23 décembre, en plus de la diffusion de deux des cinq reportages de la semaine, il sera intéressant de découvrir la teneur des messages laissés durant la semaine par les auditeurs sur le répondeur de l’émission. Leurs avis nous permettrons de savoir quels sentiments animent les auditeurs de la RTS envers notre discipline. Dommage cependant que pour donner leur opinion seul un numéro de téléphone soit à leur disposition. A l’heure des médias sociaux, il serait plus actuel pour les auditeurs de pouvoir réagir à l’émission sur d’autres vecteurs de communication comme Twitter, Facebook ou un forum de discussion, plutôt que  sur un simple répondeur téléphonique.

Les voies de l’archéologie croisent celles du tourisme

Le premier colloque « Archéologie et Tourisme en Suisse » s’est achevé aujourd’hui par une excursion touristique des plus traditionnelles dans les environs de Thoune. Pendant deux jours, une cinquantaine de professionnels des milieux concernés auront pu confronter leurs idées sur la place que doit occuper l’archéologie dans l’offre touristique suisse. Le premier constat qu’ils ont pu dresser c’est que bien que l’archéologie bénéficie de l’intérêt du grand public, la richesse archéologique de la Suisse souffre d’un déficit d’image auprès des offices du tourisme. Face à la pléthore d’offres d’activités soumise aux visiteurs, les quelque 800 sites archéologiques à visiter que compte notre pays ou les Via Storia, ont du mal à se faire une place. Pour les milieux du tourisme, l’archéologie doit commencer par se rendre intéressante.  Mais pour quel type de public ? Charge aux acteurs du tourisme de nous dessiner un touriste.  A défaut de répondre à toutes les questions qui auront été soumises, les discussions auront permis aux uns et aux autres de poser  les bases de la problématique et d’établir des liens pour le futur .
Legionärs Pfad
Extraits de la brochure Legionärspfad

Après la discussion il faut passer aux actes. Parmi les exemples innovants d’intégration de l’archéologie et du tourisme en Suisse, la mise en place du  « Sentier des légionnaires » (en allemand, Legionärspfad)  par le musée du canton d’Argovie (Museum Aargau) est exemplaire de ce que l’on peut faire de mieux dans le domaine de la médiation culturelle pour valoriser l’archéologie auprès des milieux du tourisme. Reprenant l’idée des parcs à thème, mais avec le sérieux scientifique et les connaissances acquises par les archéologues, cette attraction propose d’éprouver l’expérience de vie d’un légionnaire de l’armée romaine le temps d’une journée. A Windisch, groupes, classes d’école, familles et  particuliers sont invités à revêtir l’équipement des recrues et à découvrir  de façon ludique neuf ambiances illustrant la vie de garnison, dans les ruines de ce qui était il y a 2000 ans le camp légionnaire de Vindonissa, l’un des 28 camps des Légions réparties dans l’Empire romain, mais le seul situé sur le territoire suisse.  Parmi les scènes à découvrir signalons celles de la cuisine des officiers, des thermes et de l’aqueduc romain toujours en usage. Certains des lieux à découvrir ne sont accessible aux visiteurs que dans le cadre de cette expérience. Pour les recrues les plus motivées il est même possible de passer une nuit dans un Contubernia, le logement de la troupe parfaitement reconstitué selon les connaissances archéologiques. Là elles peuvent faire du feu, se préparer une bouillie et dormir sur un lit rembourré avec du foin. Des médiateurs particulièrement bien formé, qui ont parfois fait leurs classes au sein de la Legio XI Claudia Pia Fidelis, sont prêts à répondre aux questions des participants. Ouvert du 1er avril au 31 octobre, le Legionärspfad a accueilli en 2011, 33’000 visiteurs et comptabilisé 3600 nuitées.  Ce n’est donc pas un hasard si la réalisation de ce projet à gagné en 2011 le troisième prix du concours « Milestone de Tourisme Suisse » dans la catégorie « Projet remarquable ».